Le plan posé sur le capot de la voiture, je repointe une nouvelle fois les quelques lieux que l’on avait annoté un peu plus tôt. Les magasins de chasse et de pêche ont tellement été pillés que l’on a décidé de les mettre de côté, doutant de trouver quoique ce soit d’intéressant dedans. Tout comme les armureries pures et simples. Idem pour les magasins de sport en général. Mais à force de sillonner les routes, on a vu quelques endroits, plus excentrés, moins visibles, susceptibles de convenir. Et j’ai pensé aux prêteurs sur gage. Ils ont dû être dépouillés au début, tout comme les banques, quand les gens pensaient encore que les billets, l’or ou les bijoux vaudraient encore quelque chose, mais depuis ? Ça vaut le coup d’essayer.

On est donc partis un peu vers le sud d’Olympia, après y avoir repéré quelques cibles potentiellement intéressantes, que ce soit des prêteurs sur gage ou des magasins spécialisés. . Et s’il y a également un Wal-Mart non loin, il doit ressembler à un cimetière. Avec de la chance, depuis le temps, peut-être que le gros des morts qui devaient s’y trouver a-t-il fini par se disperser. Mais il restera en dernier dans la liste établie. Même si je suis persuadée que nous y trouverions non seulement des jumelles, mais peut-être même quelques armes ayant échappées aux pillages. En même temps, il y en a partout. Une droguerie ? Une épicerie ? Dans la moitié des cas, vous trouverez un rayon armes. Les Etats-Unis sont époustouflants pour cela, et même en le sachant, je ne m’attendais pas à ce que ce soir si réel, si excessif avant d’arriver sur place. Ce qui à arrangé pas mal de personnes, moi la première, et qui peut expliquer pourquoi il y a autant de survivants… Je me demande, une nouvelle fois, comment s’en sortent les autres pays, ceux dont la législation était bien plus stricte à ce sujet. Avant de secouer la tête en retenant un soupir.

Je jette un coup d’œil à Nova et à Mark. « La première cible est ici, on peut se garer ici, la route est assez dégagée pour nous permettre de repartir rapidement en cas de problème. » Je pointe la carte et relève la tête vers eux, attendant de voir s’ils ont des questions ou autre. Je me doute que non, étant donné qu’on a tout organisé ensemble. « C’est bon pour moi. Je conduis jusque là-bas. » Il passe derrière le volant et je monte à côté une fois que Nova a validé aussi. Non sans vérifier une énième fois que je n’ai rien oublié.

On n'avait jamais assez de matériel, surtout dans un monde où plus rien n'était réellement produit - hormis chez des psyco voulant asservir le monde sinon c'était trop facile - le soucis c'était le temps. Un ami, un ennemi, ça dépendait, mais plus il s'étirait et avançait, nous éloignant d'une époque où tout nous tombait dans le bec... Ajoutons à cela, les pillages et les rapts en tout genre et tout le bordel un tant soit peu sophistiqué devenait une véritable licorne... On manquait de challenge fallait dire.

C'était pour ça qu'on se retrouvait, encore, au milieu de nulle part, se dirigeant vers une immensité qu'on espérait encore un tant soit peu rentable pour notre activité, pour la survie, ce genre de choses triviales quoi.
Je remonte dans la voiture après avoir fait le point avec Moon et Marc et nous finissons rapidement ce qu'il nous restait de route. Il y avait bien eu un rodeurs ou deux qui s'étaient pointés, mais la voiture les avait distancé sans problème. Si seulement c'était toujours aussi simple...

Le plus gros du trajet avait été fait et nous arrivons rapidement à destination : une ville modeste. On se gare dans un coin isolé, un vieux chemin menant à un baraquement délabré. Du bric à brac de jardinage et de bricolage, trop rouillé pour en tirer quoi que ce soit... Dommage.
L'entrée de la ville n'est pas loin et même si le chemin est un peu merdique, on en sort limite plus rapidement à pied qu'en voiture... Mais au moins elle était cachée et en sécurité.

Nous étions donc là, une ville fantôme avec son quartier résidentiel, son stade, - fallait pas déconner avec le sport- et son office du tourisme...enfin c'est ce que disaient les panneaux...

Apparemment, le coin avait l'air assez prisé des chasseurs pour l'avoir mis en évidence sur la pancarte d'entrée, des cornes de cerf et un fusil mal découpé dans l'acier au-dessus du nom de la ville peinte d'un lettrage impeccable mais passée.
Pour le moment l'endroit était calme... clairement la présence des morts ou des vivants n'étaient pas une évidence... soyons honnête ça l'était rarement.

« Il n'y a pas l'air d'avoir quoique ce soit dans le coin pour le moment » Les pièges, les embuscades, les pillards et autres joyeusetés, dans l'ensemble les humaines se révélaient souvent pire que les rôdeurs et pourtant c'était déjà de belles saloperies. « On essaie de voir si on trouve des indications sur ce qu'on peut trouver ici à l'office du tourisme où on y va au petit bonheur la chance? »]

Quelques morts, rien que nous ne saurions gérer visiblement. C’est toujours ce ‘visiblement’, ce ‘normalement’ qui me dérange. Je suis bien placée depuis tout ce temps pour savoir que les choses ne se déroulent que rarement comme prévu. Encore moins maintenant avec les nouveaux morts qui courent plus vite que nous et New Eden qui se répand comme la petite vérole. Pourtant, nous avons sillonnés les routes alentours, nous avons déjà vérifié la zone, les risques devraient donc être limités.

Sans oublier qu’entre Mark et Nova, je me sens plutôt confiante. Nous avançons avec prudence, aux aguets, cherchant les pièges, les morts et autres dangers… sans tomber dessus. Ce qui peut signifier soit qu’il n’y a pas trop eu de mouvements dans le coin, soit qu’il y en a trop eu et qu’il ne sert à rien de piéger ce qu’il reste.

Je me tourne vers Nova. « Pour trouver un plan de la ville ? Si on trouve pas d’autres indications en route, ce sera plus simple oui. » Si tant est qu’il y en ait et que les plans aient été plastifiés. Je désigne une des rues. « Le centre-ville est par là. Il devrait y avoir un magasin de sport et un prêteur sur gage sur le chemin. » J’écarte quelques lianes de lierre recouvrant des panneaux plus qu’à moitié effacés. « Normalement. » Et l’office devrait également être dans cette direction.

Il ne nous faut pas longtemps pour y arriver, malgré la végétation qui me donne l’impression d’être encore plus dense ici qu’a Seattle. Peut-être parce qu’il y a moins de passage. Quant au reste, c’est comme partout ailleurs. Vitrines brisées, carcasses de voitures, quelques restes de cadavres méconnaissables, et partout, la nature qui reprend ses droits.
Mark s’arrête et désigne un bâtiment, soufflant à mi-voix. « Ça pourrait pas être le magasin de sport ? » Vu les lettres de l’enseigne qui restent, derrière la moitié du mur qui s’est écroulé, c’est possible. Je hoche la tête. « On y va. »
On progresse jusqu’à l’entrée en silence, et nous nous arrêtons en levant les yeux.Je regarde l’ouverture, entre la carcasse d’une camionnette et le pan de mur recouvert de mousse, sans être certaine de pouvoir m’y faufiler. « Faut trouver une autre entrée. Je passe pas par là moi. » « Et ce serait trop dangereux s’il faut sortir rapidement. »

Je dirais bien que je l’avais dit, malheureusement, je ne l’ai pas réellement dit. Des râles se font entendre de l’intérieur. Mais sans savoir combien ils sont, il ne sert à rien de tergiverser. Autant longer le bâtiment et trouver l’entrée de service. Que nous trouvons rapidement, même si la porte demande quelques efforts pour s’ouvrir. En grinçant évidemment. Il fait sombre, mais les raclements et grognements eux sont bien distincts.

Spoiler:

Les magasins et autres conneries étaient souvent une purge à explorer, il y avait toujours une flopée de recoins, d'angles morts, de chausse-trappe en tous genre qui pouvaient rapidement rendre l'endroit aussi dangereux que si vous aviez sauté dans une meute de rôdeurs. D'autant que la pièce dans laquelle on allait s'engouffrer était trop étroite pour utiliser un pistolet sans risquer de voir les balles ricocher sur les copains.

C'était la joie, rajoutons à la fête ces putains de charognes à côté qui n'allait pas tarder à débarquer parce que forcément ils nous avaient entendu, la porte qui avait pas bougé depuis des années, ça aidait jamais. Un rôdeur c'était pas bien rapide soyons honnêtes, mais dans des zones étroites et en surnombre, ça pouvait dégénéré assez rapidement. S'ils étaient pas aussi contagieux, on aurait quand même moins de soucis à se faire...

Heureusement que Moon n'était pas partie la-dedans toute seule, parce que bon, même si elle savait s'en sortir, coincée avec ces cadavres sans possibilité de fuite, c'était jamais une bonne affaire.

Je vois Mark sortir une lampe torche, on n'en avait pas des masses, d'autant que les piles devenaient aussi rare qu'un ornithorynque volant, mais en attendant ça nous sauvait bien la mise. L'endroit ne paie pas mine, c'était défoncé, ce qui avait jadis servi d'étagère, renversé avec de la marchandise au sol.
Pour ne rien arranger, on n'a pas le temps de faire le tour du propriétaire que les rôdeurs ramènent leur fesse, plus rapidement que je ne l'aurais pensée, on tente de se dispatcher comme on peut dans le salle exigu histoire de pas trop se gêner, je sors mon couteau de chasse faute de mieux.

Ils sont en meilleur état qu'attendu, mais ça restait des rôdeurs lambda, pas de course, pas de force surhumaine, bref on devrait pouvoir gérer à trois.
Ouais, sauf que, c'est au moment où je pense ça, que je m'avance pour planter l’œil du premier que j'ai à porté de bras, que je glisse. Je me ramasse comme une bleue allant même jusqu'à en perdre mon arme et l'autre puant qui claque des dents en me fondant dessus.

J'ai juste le temps d'amortir le poids du cadavre en ramassant mes pieds sur moi, de caler mes mains sur ses épaules à la chair en décomposition, pour éviter la morsure que je vois déjà les débris de charogne coincé entre ses dents. C'est charmant, vraiment, mais j'aurais aimé m'éviter ça.

La position n'est pas confortable, mais au moins j'évite le pire, j’espérais que là immédiatement, les autres s'en sortaient mieux que moi...

Explorer des bâtiments à l’abandon fait partie des choses que j’ai toujours aimé faire ces dernières années. C’est certes inquiétant et quelque peu déprimant, mais c’est tout autant excitant et intéressant. Et si parfois, au final, la peur était supérieure au reste, j’ai davantage de ‘bons’ souvenirs que de mauvais. Mais j’étais seule, et si certains peuvent y voir un inconvénient, moi j’y vois surtout le fait de n’avoir à veiller sur personne et à ne devoir surveiller les arrières de personne. Malgré ça, je reconnais être un peu plus frileuse depuis l’apparition sporadique, mais de plus en plus régulière, des nouveaux morts. Des déviants. Eviter et semer des morts est on ne peut plus aisé, surtout quand ils ne sont guère nombreux. Les autres par contre… J’y ai déjà eu à faire, et je ne sais trop ce que je redoute le plus entre l’un d’entre eux et une meute de loups, c’est dire.

Et en groupe, on ne peut – malheureusement – guère agir seule. Pour le coup, j’ai totalement confiance en Nova et Mark. Couteau à la main, flingue à portée de main, je me faufile en silence derrière eux, essayant de localiser les grognements dans une obscurité relative. Les étagères au sol entravent un peu les déplacements, mais pour une fois, j’arrive à avancer sans faire davantage de bruit.
Évidemment, eux nous ont bel et bien entendus entrer, et ce sont eux qui nous tombent dessus. Je fais un pas de côté quand l’un d’eux tend ses bras vers moi, parvenant à le repousser et à le faire tomber sans mal sur des cartons moisis. Du coin de l’œil, j’aperçois Mark retirant son couteau de l’oreille d’un des morts. Je n’ai pas le temps de me demander où est Nova ou d’en faire plus que je grogne, pestant contre moi-même d’avoir été inattentive en sentant un autre m’attraper par derrière. Je parviens à me retourner, lui laissant ma veste au passage, et à le pousser contre le mur, avant de lui planter le couteau dans l'œil.

Sans attendre, je me retourne vers les autres. Le mort que j’ai envoyé à terre semble se débattre avec le contenu des cartons pour se relever. Et j’aperçois Mark tirer en arrière celui s’apprêtait à mordre Nova, le tuant rapidement avant de le jeter sur le côté. Main tendue, il aide la jeune femme à se relever. « Ça va ? » Il s’assure rapidement qu’elle n’a pas été mordue et va achever le dernier mort. Il n’a même pas transpiré. Cet homme est terriblement efficace.

Je récupère et réenfile ma veste, essuyant mon couteau sur les vêtements du mort. « Il n’y a pas l’air d’avoir grand-chose d’intéressant ici. On continue à l’intérieur ? » Je m’approche de la porte donnant sur le magasin, l’entrouvrant pour jeter un œil. « On pourra peut-être trouver des jumelles ici, mais si on veut des thermiques, ce serait peut-être plus dans un local fermé non ? » Je n’ai  aucune idée des prix de ces objets avant tout ça, mais à mon avis, ça devait couter un bras. « Pour les thermiques, on aura plus de chances d’en trouver dans le magasin de chasse. Ou chez le prêteur à la rigueur. » Dommage. Mais on va tenter ici malgré tout.

Spoiler:

Mark me sauve inextremiste alors que mes mains n'arrivaient pas avoir de prise sur la chair décomposée du rôdeur, glissant inexorablement laissant ses dents se rapprocher dangereusement de ma peau.
Mon cœur tambourine tandis que je me relève sans un mot préférant acquiescer de la tête plutot que de leur répondre, oui ça allait, mais bordel je détestais me faire avoir comme ça, mourir aussi bêtement, putain ça aurait été d'une honte...
J'essuie mes mains contre un vieu tissu remplis de poussières, ça ferait l'affaire et en profite aussi pour récupérer mes affaires tombées dans ma chute ridicule.

« Oui, il est peu probable que ça ait été vendu sans surveillance, ça se vendait pas quelques dollars ces trucs. »
Si on en trouvait … mais bon ce n'était pas comme si on avait l'embarras du choix sur les zones encore disponibles à fouiller.
L'avantage c'est que si morts il y avait, cela voulait sans doute dire que personne n'était passé dans le coin depuis quelque temps, suffisamment pour espérer que tout n'est pas été déjà ratissé.


On passe donc assez rapidement de la resserve à la salle principale du magasin. L'escalier au fond indiquait au moins un étage. Le truc c'est que les rôdeurs de la réserves avaient des petits copains, pour le moment ils ne nous avaient pas entendus. Ils n'étaient pas encore sur nous, ils bougeaient sans but dans les allées, les différentes étales ralentissaient leurs avancées maladroites. Leurs mouvements semblaient encore plus désarticulés que d'habitudes, à savoir si c'était à cause d'une léthargie quelconque ou d'un mauvais état il était encore un peu tôt pour leur dire. L'avantage c'est qu'il ne semblait pas être de ces déviants dont la puissance aurait drastiquement diminué nos chance de survie, déjà que je faisais de la merde aujourd'hui si on pouvait éviter d'augmenter les risques mortel avec ces merdes.
J'en comptais déjà cinq, mais des grognements provenant des endroits les plus éloignés du magasin, hors de vue, semblait indiquer des rôdeurs en plus. Je me cachais derrière une rangée d'articles pour tenter d’avoir en visu les quelques planqué, mais rien, et chuchote aux autres.

« On fait quoi ? On les bute ou on tente de les contourner ? »

Il faut dire qu'il avait pas l'air de toute première fraîcheur. On pouvait s'éviter un danger inutile, mais ça voulait aussi dire être moins efficace dans nos fouilles.

Heureusement pour nous, Mark se débrouille bien, et il est plutôt réactif. Non pas que je m’en fasse pour Nova, je l’ai déjà vu à l’œuvre avec une arme, mais ce n’était pas encore le cas pour Mark. Du coup, cette première sortie avec lui débute plutôt bien. Enfin, bien, façon de parler. Il y a plus de morts que ce que à quoi je ne attendais, mais d’un autre côté, cela peut signifier qu’ils n’ont pas trop eu de visite. Ou qu’on les a laissés là intentionnellement. Oui, je préfère la première option aussi. Et puis, ceux-là semblent… assez bien conservés, si l’on peut dire. Ils ne doivent pas être là depuis le début de l’épidémie, mais le bâtiment à dû les préserver.
C’est à la fois fascinant et horrifiant de se rendre compte tout ce que l’on est capable de dire sur eux rien qu’en les regardant après autant d’années à les côtoyer.

Silencieux et attentifs, nous dépassons l’entrepôt pour nous faufiler dans le magasin en lui-même. Et ils sont nombreux ici aussi. J’essaie de les repérer, tendant l’oreille aux bruits de raclements et de grognements, soulagée pour le moment de ne pas voir de mouvements trop vifs ou de mort semblant à l’affut. Les morts normaux ne devraient pas nous poser trop de problèmes, si tant est que nous fassions attention. Avançant un peu, je suis Nova et Mark. « On peut essayer de les avoir discrètement, un par un. » Je hoche la tête. « Ça éviterait qu’ils nous tombent tous dessus en même temps. » Et on pourrait fouiller plus sereinement. Je désigne l’escalier de l’autre côté de la salle. Si effectivement les jumelles étaient rangées en sécurité, ça devrait être là-haut non ?

Un signe de tête et je fais quelques pas supplémentaires, passant d’une gondole à l’autre sans faire de bruit, et sans me faire remarquer. Et là, juste devant moi, un mort. Qui ne m’a pas vu. Je lève la main pour lui planter le couteau dans le crane, mais ma manche s’accroche sur un bout de métal, et je me retrouve bloquée. Évidemment, le mort m’a entendu, même si visiblement, c’est le seul pour le moment. Il se retourne et tente de m’attraper. Je recule, heurtant la gondole en grimaçant. Il est tout seul, je peux gérer, pas besoin de l’aide des autres. Pas encore.