Livia, ze peux aller voir Effy et Liam auzourd'hui encore ? Nicolas tire sur la manche de mon gilet pour attirer mon attention, terminant son petit déjeuner sans vraiment que j'ai besoin d'insister. Je porte un regard vers lui pour me détourner de sa petite soeur. Romy boude un peu plus sa compote, elle qui d'ordinaire semble pourtant l'adorer. Je crois qu'elle est frustrée de quelque chose, mais ne cherche bizarrement pas à se faire comprendre. L'assiette de son frère semble plus intéressante. Tu demanderas à ton père de t'accompagner ? que je lui glisse.

Le petit garçon hoche vigoureusement la tête pour me le promettre, prêt à se relever d'office. Oui ! S'exclame-t-il. Mais termine ton petit déjeuner avant ! Nicolas s'exécute sans broncher davantage, enfournant de grandes cuillères qu'il a du mal à caler dans sa bouche. Il pourrait bien s'étouffer avec, si ça peut lui permettre d'aller plus vite rejoindre sa copine, ça ne le dérangerait pas de toute évidence. J'ai un bref sourire en le regardant faire.

Le temps passe, et quand Ludwig passe, je lui confie Romy et Nicolas pour qu'ils puissent y aller. La crèche saura les accueillir, et peut-être comprendre un peu plus ce que Nico articule quand il essaie de me raconter ses journées. Toujours une épreuve pour moi, qui me contente d'hocher la tête avec un intérêt un peu faint. J'ai honte, je ne suis toujours pas la mère de l'année, mais je fournis des efforts pour maintenir l'illusion néanmoins. Pour l'instant, ma tête est davantage occupée à autre chose, je dois bien l'admettre.

Mes yeux se relèvent du fond de ma tasse néanmoins quand un jeune homme me pose une question : Oh, j'ai un froncement de sourcils avant de le fixer sans bien comprendre ce qu'il me veut, ni sans le reconnaitre. Bien sûr, oui, tu peux t'installer, que je lui souffle en essayant de dégager les jouets oubliés par mes enfants. Enchantée Felix, je m'appelle Olivia, que je lui souffle simplement avec un sourire accueillant. Je t'ai déjà vu passer ici il me semble, mais tu es arrivé récemment, c'est bien ça ?

Je suis obligée de relever le nez vers Felix très rapidement. Ma question entraine soudainement une diarrhée verbale qui me met extrêmement mal à l'aise. Les sourcils froncés, je le fixe franchement, en essayant de ne pas afficher un peu plus ma gêne, mais je ne comprends pas pourquoi il me déroule par l'introduction les raisons de sa présence ici, et toutes les personnes qu'il a rencontrées pour ça. Quasiment tous les noms qu'il évoque me disent quelque chose évidemment... Cependant, pourquoi ? Pourquoi se livrer aussi rapidement ? Nous ne sommes pas amis.

Ah oui, que j'articule finalement. Après tu n'étais pas obligé de me raconter non plus toute l'histoire, je te demandais vraiment juste si tu étais arrivé récemment, pas forcément le menu du jour ni le listing des gens que tu as rencontré dans ton parcours, que je lui souffle, les lèvres pincées. Je trouve ça un peu impudique, et oui, gênant. J'en suis rendue à ne plus trop savoir où me mettre, détournant le regard pour tenter de ne pas m'en formaliser. Il y a quelques années, plus de trois ans. Je fais partie des meubles.

Je lui réponds ça sobrement. Les mystères de la communication, allez savoir pourquoi certains sont capables d'être efficace sans bavasser pendant des heures. Si c'est sa méthode pour se faire des relations, je ne suis pas sûre que ça soit si pertinent et efficace. Je ne peux humainement pas être la seule à trouver ça indiscret. Le pire, c'est que ça n'est même pas pour les autres, mais pour lui-même. Alors, impudique, oui, ça se vaut.

Donc, si je résume, tu vis désormais avec ta sœur, c'est bien ça ? Que je reprends, tentant de relancer la discussion. J'ose croiser les doigts pour qu'il ne me reprenne pas l'histoire de sa rencontre avec sa cadette depuis sa naissance. Voilà qui me mettrait vraiment mal à l'aise. Elle est là depuis longtemps, elle aussi ? Evelyn ? Je ne suis pas sûre de trop lui avoir parler, mais il y a tellement de monde, ici, que je lui souffle après un moment d'analyse.

Il n'y a pas de mal, que je lui souffle finalement en esquissant un petit sourire. Dans les faits, c'est vrai : il n'y a pas morts d'hommes. Au mieux, il est sans doute maladroit et je peux comprendre que ça l'aide de discuter et de déballer tout ça. Les bavards, ça existe. Je me dis surtout que ça peut être risqué si on lui confie des informations sensibles, ou des secrets rien que ça. Pourra-t-on compter sur lui s'il se trouve dans la confidence ? Quand on voit qu'il peut déballer sa vie sans sourciller une seule seconde, ça me semble audacieux, voire inconscients.

Dans tous les cas, il me répond au sujet de sa soeur, et je suis surprise d'entendre dire qu'elle est là depuis si longtemps. Moi qui essaie de connaitre tout le monde, je me sens un peu confuse mais ça n'est pas grave, ça arrive j'imagine. Je vois, ça fait un moment. Après nous sommes si nombreux ici, il y a du passage, des gens réguliers, certains qu'on n'est jamais amenés à fréquenter, c'est normal de ne pas tous se connaitre, que j'ajoute dans la foulée avec un sourire : Tu vas t'y faire aussi, même si ça prendra du temps, que je lui confirme ensuite. Pas de quoi s'inquiéter.

Il me demande ce que je fais, et je remarque qu'en fait ça n'a rien d'évident. Je suis cuisinière de métier, j'ai repris du service ici, je m'occupe de certains repas et de préparer les stocks pour qu'on puisse avoir de la marge dans nos ressources, que je lui explique simplement. On peut le voir surtout à mes mains à dire vrai : quelques entailles, des cicatrices surtout et des marques de brûlures. Rien de très grave puisque je ne me blesse plus si souvent maintenant. Et toi alors, que comptes-tu faire dans ce groupe ? que je lui demande par curiosité : C'est sûr que tu ne vas pas avoir le temps de te tourner les pouces, disons-le !