Un sourire trop nerveux étire mes lèvres. « C’est ça. » Je hoche la tête. Savoir où elle se trouve serait déjà une bonne chose, même si je ne pourrais y aller. Quant à savoir comment elle va… je n’imagine que trop bien ce qu’il peut en être, avec leur thérapie datant d’un autre âge. Mais j’ai besoin de savoir, même si cela ne soulagera ni ma conscience, ni ma douleur. « Je comprends. Et je me doute que vous n’obtiendrez probablement guère plus que moi, étant donné qu’en plus, elle est du 1er district, mais… je vous en serais reconnaissante. Vraiment. » Si elle n’obtient rien, je continuerais d’essayer autrement, en attendant le retour de Mason. Ce qui ne donnera pas forcément davantage de réponse, mais c’est un homme, sans doute le prendront-ils plus au sérieux.  

Quant à sa demande, je ne peux qu’y répondre favorablement, et pas uniquement parce qu’elle m’aide de son côté. Si je peux aider quelqu’un, n’est-il pas de mon devoir de le faire ? « Non, je serais ravie de vous aider. De l’aider si j’en ai la possibilité. » Je lui souris en retour, écoutant attentivement les informations qu’elle me fournit. « Bien sûr que j’accepte, ce ne serait guère chrétien, ni même humain, de fermer les yeux, n’est-ce pas ? »

Et c’est ainsi que je me retrouve, après quelques recherches, dans la même église que la famille Abbot. Cinq enfants au total. Emerson ne m’avait-elle pas dit moins ? Peu importe. Ils ressemblent à la famille parfaite, comme nous l’étions autrefois quand nous nous rendions à l’église. Je n’ai aucun mal à identifier Louise, entourée de sa famille. Et uniquement de sa famille à priori. Peut-être n’est-ce pas si surprenant à une messe, mais… elle semble seule, malgré ses proches autour d’elle.
Je me rapproche, jusqu’à être assez proche pour l’entendre se plaindre à sa mère qu’elle ne va pas bien. J’ai dit que je lui parlerais si je pouvais, c’est l’occasion, même si je dois me mêler d’une conversation privée et que je n’apprécie guère cela.
Mes lèvres se pincent et j’inspire profondément, avant de faire quelques pas supplémentaires et de leur adresser un sourire empreint de timidité.

« Bonjour. Je m’excuse de vous interrompre, je ne voudrais pas paraître indiscrète, mais j’ai entendu et… » Je sors une gourde de mon sac et la tends à la jeune fille. « C’est de l’eau. » J’ai une hésitation. « Accepteriez-vous de vous joindre à moi pour faire quelques pas dehors ? J’ai besoin d’un peu d’air frais, et cela pourrait vous faire du bien. » Je me tourne vers son père, attendant son approbation. « Si vous le permettez. »

Louise me suit, ainsi que l’un de ses frères. Décidemment, elle n’a aucun espace de liberté. « Excusez-moi, je ne me suis pas présentée. Je m’appelle Hailey. » Je leur souris. «  Nous ne nous serions pas déjà croisées ? A un cours de cuisine ou de couture ? Ou à de mes cours de danse ? » Je désigne un banc non loin. « Vous sentez-vous un peu mieux ? »

Merci beaucoup Hailey, souffla Emerson avec un sourire poli, en terminant la discussion avec la rouquine. Charge à elles de remplir leurs parts du contrat, et la blonde comptait trouver comment s'y prendre sans attendre. Un soupir lui échappa et elle prit le reste de la journée pour faire trainer l'oreille. La première étape fut de fait plus laborieuse : sans provoquer sa chance, les informations ne semblaient pas filtrer, concrètement. Alors, elle dut se montrer plus insistante...

Quitte à provoquer l'instant. Alors qu'elle s'échinait à changer les draps d'une chambre avec une autre infirmière, elle leva les yeux vers elle et lui demanda de se pencher pour garder un instant d'une brève intimité : Tu connais la rumeur ? Souffla-t-elle, l'air grave : Il parait qu'une épouse aurait pété les plombs et qu'elle serait enfermée quelque part, ajouta-t-elle. Tu étais au courant ? La jeune femme en face d'elle hocha la tête : L'épouse du général O'Connell ? Oui, je suis au courant, admit-elle.

Ah ! Il fallait battre le fer tant qu'il était encore chaud, pas vrai ? Alors Emerson feinta l'étonnement, et poussa l'investigation. Rien de bien concret, des rumeurs. Mei-Lin serait en destination de Colville, ou en train de subir quelques parts une thérapie renforcée. Mais aucune information sur sa localisation précise. Possiblement, on l'aurait vu dans le Bidonville, sans certitude.

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Oui, oui, ça va mieux, Louise poussa un soupir avant de se pincer l'arête du nez. A côté de lui, son frère la bouscula : Louise, elle est tout le temps malade en ce moment ! expliqua-t-il à Hailey avant de secouer la tête. C'était suffisant pour irriter la jeune fille, qui ne manqua pas de lui lancer un regard assassin : Arrête ! Pourquoi tu dis ça ? Le petit ne se laissa pas démonter. En tant que garçon ici, il avait de toute façon bien plus de droit que les autres, non ?

Parce que c'est vrai, tu arrêtes pas de le dire à maman ! Il l'imita d'une voix suraiguë, en répétant des phrases entendues. Mal au ventre, nausée, mal à la tête, vertige, fatigue. Le tour se fit rapidement alors que Louise poussa un soupir : Je suis juste fatiguée, ça n'est pas important. Merci pour votre proposition, Hailey. Je suis Louise et voici mon petit frère, Nicolas. Je ne veux pas vous faire louper la messe si vous voulez y retourner...

Je n’aime pas m’immiscer dans la vie privée des gens. En premier lieu, car c’est fort impoli. Je n’ai jamais apprécié que l’on empiète sur mon espace, que l’on force un contact ou une confidence. Je ne me confie qu’à très peu de personnes, voire à personne du tout. Ce qui n’est pas forcément la meilleure chose à faire j’en conviens, mais je n’aime pas montrer mes faiblesses, pas plus que les autres n’ont besoin d’entendre et de supporter mes problèmes en plus des leurs.
Et puis, je n’ai jamais ressenti ce besoin de tout connaître, tout savoir de la vie des autres. D’autant que j’ai déjà bien assez de problèmes et difficultés à gérer dans ma propre vie au quotidien. Mais non seulement j’ai promis à Emerson d’en apprendre davantage, mais à voir cette jeune fille ainsi, je ne peux m’inquiéter à son sujet.

Mes lèvres se pincent quand son frère prend la parole et se moque ouvertement de sa sœur. Évidemment, il a l’air trop sûr de lui et de ses droits ici pour que je ne me risque à le braquer en le reprenant. Qui plus est, les symptômes qu’il vient de décrire, qui sont visiblement récurrents, seront peut-être des indicateurs utiles à Emerson. Je ne suis aucune formation en ce sens, loin de moi l’idée de réaliser un diagnostic ou autre, mais… Je n’aime pas trop ce qu’ils indiquent. « Enchantée de vous rencontrer. Ne vous en faites pas pour moi. Je n’aime guère louper les messes, mais que cela ferait-il de moi si je tournais le dos à quelqu’un ayant besoin d’aide ? » J’esquisse un sourire. « Ne refuse pas un bienfait à celui qui y a droit, quand tu as le pouvoir de l’accorder. Ne devons-nous pas être bons les uns envers les autres, compatissants et charitables ? » Je questionne autant son frère qu’elle, ne pouvant m’en empêcher totalement, et je fronce un peu les sourcils en observant Louise. « Si ces symptômes sont réguliers, ce n’est peut-être pas de la simple fatigue, vous devriez peut-être vous en inquiéter. Etes-vous allée voir un médecin ? » Je l’observe un instant et grimace un sourire d’excuse. « Je ne veux pas me montrer davantage indiscrète. Seulement, il serait regrettable de ne pas prendre tout ceci au sérieux. Le cas échéant, si vous n’avez rien, vous serez rassurée. Cela fait longtemps que vous présentez ces symptômes ? »

Laisser trainer une oreille était peut-être moins fatiguant fondamentalement que de chercher une solution à tout ça. Simplement, le service complet semblait muet au sujet du sort de Mei-Lin Baldwin. Il y avait évidemment la rumeur lancée, qui ne portait pas exactement ses fruits malheureusement. Impossible de savoir où elle se trouvait, quel était son sort, ses conditions de vie. Et en toute honnêteté, Emerson n'était pas prête à risquer tout pour le savoir. Elle eut un pincement de lèvres avant de se dire qu'il vaudrait peut-être mieux se tourner vers des infirmiers hommes, qui avaient accès à d'autres parties du batiment.

Simplement, le problème qui se posait était qu'ils ne se mélangeaient que rarement aux autres. Au cours d'un repas, Emerson en profita pour parler à l'un d'eux. Le temps de partager avec lui ce qu'elle avait fait, de nouer des contacts. De lui demander si à l'occasion, il acceptera avec sa compagne un repas chez eux, quand Kendale reviendrait. Le courant était bien passé, si on omettait le fait que le point de vue de cet homme sur les personnes de couleurs était absolument abject. Emerson pria pour qu'elle n'ait pas véritablement besoin de l'inviter, ou alors Kendale allait savoir le recevoir...

Et là, ça serait une autre histoire.

Néanmoins, elle prêta attention, à ce qu'il disait. Qu'un chintok était arrivée en psychiatrie, complètement folle mais pour une personne de son espèce, c'est quand même pas si étonnant. Impossible de creuser plus cependant. Où ? Aucune idée. Christopher n'était pas de l'équipe concerné, pas suffisamment gradé pour. Il ne manqua pas de lui montrer son tatouage confédéré néanmoins, et de lui glisser quelques compliments sur sa couleur de cheveux et d'yeux. De mieux en mieux.

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Il parait, souffla Louise avec méfiance encore, en scrutant Hailey : Qu'est-ce que ça peut vous faire ? Retorqua-t-elle. Vous êtes quoi ? Médecin ? Son frère à côté rigola : Les femmes ne peuvent pas être médecin, Louise ! S'exclama-t-il avec certitude : Papa dit que c'est parce qu'elles ont pas un assez gros cerveau pour ça ! Elles sont trop sentimentales, comme toi ! Confirma-t-il simplement. Elle, elle balaya l'affirmation d'un haussement d'épaules. Eh beh quoi ? Infirmière ? Aide-soignante ? C'est pareil ! Ajouta-t-elle. Retourne à l'intérieur Nicolas, je te rejoins dans deux minutes, elle porta sur son frère un regard perçant. Mais ! T'as pas le droit de me donner des ordres ! La joute ne dura que quelques instants. Ceux ne sont pas vos affaires, mais merci de votre aide, lança-t-elle à Hailey, un brin sèchement.