J'aurais pu passer à côté de tes talents de chanteuse, t'imagines un peu ?

Il posa sur son visage un demi-sourire, un brin moqueur. Il n'était pas énervé de la voir. Pas heureux non plus. En fait, au fond, ça ne lui faisait pas grand chose, à par lui apporter un brin d'amusement, peut-être. Les coïncidences, le hasard des choses, tout ça, ça avait toujours eu le mérite de l'amuser. Pour autant, il n'oubliait pas comment leur rencontre s'était passé. Il ne connaissait pas cette gosse. Mais à sa place, s'il avait été humilié comme elle l'avait été, il n'aurait pas été heureux. Alors … mieux valait qu'il fasse attention.

Elle s'approcha de lui, sous son regard méfiant détaché. Il arcqua un sourcil à ses mots, croquant dans sa barre chocolatée.

C'est dans la nature de l'homme de vouloir du mal aux autres selon toi ? Répéta-t-il, laissant l'information faire son chemin dans sa tête, parce qu'elle avait l'air réellement sûr d'elle.

En vérité, ça lui fit un effet étrange d'entendre à haute voix ce qu'il pouvait penser la plupart du temps. Le genre de paroles que les autres l'empêchaient de dire, parce que trop pessimistes, trop fausses même.
La gamine n'avait pas tort, mais il ne lui répondit pas. Les gens bons seraient morts aujourd'hui. Ça expliquerait aussi la méfiance sans fin de Milow. Même ceux qui semblaient les plus pures, avec les meilleures intentions avaient leurs démons, c'était sûr et certain.

Amen, approuva-t-il finalement, après un bref silence, d'un ton égal. Même si ça t'as pas aidé, la dernière fois, de pas faire confiance. Après j'te comprends. J'aurais pas lâché le morceau non plus, à ta place.

Mais c'était ainsi. Marie avait perdu car elle avait eu trop confiance en elle-même et pas assez envers les capacités de son adversaire. C'était une erreur impardonnable.

La jeune fille réagit aux insultes de Lewis, pas vraiment originales il pouvait l'admettre. Il termina sa confiserie et abandonna le papier dans le vide.

Ouais j'suis pas très imaginatif, admit-il dans un haussement d'épaules. J'devrais travailler ça.

Il l'observa tirer sur son joint, un peu fasciné de ne pas la voir partir en bad trip comme ça lui était arrivé à lui la seule fois où il avait essayé.
Son visage s'inclina légèrement quand elle reprit la parole.

Parce que t'arrives à différencier un autre de gueux à un autre ?

Un fin sourire étira ses lèvres alors qu'elle suggérait plusieurs noms, avant de demander si sa présence ici était vraiment légitime. Il fit la moue, pas vraiment sûr que c'était bien intéressant qu'il lui dise, et surtout car il n'aimait toujours pas se dire officiellement dans un groupe, d'aussi loin qu'il pouvait être fidèle aux Expendables.

Je suis ce qu'on peut qualifier de mercenaire, admit-il. Un peu partout à la fois, tant qu'on me paie.

Il l'observa un instant avant de reprendre, mettant des mots sur ce qu'il pensait.

Tous ceux des grands groupes sont aussi méprisants que toi ? C'est fou comment tu te sens supérieure sous prétexte que tu vis entre quatre murs. C'est le confort qui rend les gens comme ça ? J't'assure qu'on est pas si mal, dehors.

Il marqua une pause.

T'as déjà vécu à l'extérieur, d'ailleurs ? Ou tu fais des privilégiés qui ont jamais mis un pied hors de leur sécurité ?

Ca aurait été une perte terrible pour l'humanité...

Zelda relève les yeux vers Milow et lui décoche un petit sourire audacieux. Elle ne sait pas vraiment pourquoi elle opte pour l'humour. D'autant plus que c'est un privilège qu'elle réserve la plupart du temps à ses proches. Mais plaisante-t-elle vraiment ? Après tout peut-être que les restes de l'humanité ne peuvent effectivement pas se passer de ses talents de chanteuse, tout relatifs qu'ils soient... C'était si horrible que ça ? demande-t-elle finalement du bout des lèvres. Au moins, lui, il a le mérite d'être plus ou moins franc. Ou du moins, pas le dernier pour lui envoyer des saloperies à la gueule si elle lui en laisse l'occasion.

Tu penses que j'me trompe ? s'étonne-t-elle lorsqu'il lui demande donc si, selon elle, le mal est dans la nature des Hommes. Elle oublie tout le temps qu'il existe toujours des optimistes. Elle l'était aussi. Et puis elle a grandi. On vit dans le même monde donc... j'imagine qu'on a vu à peu près les mêmes choses ? inisste-t-elle lorsqu'elle prend le silence du garçon pour une forme de désapprobation. La cruauté et le sadisme habitent la plupart des survivants. Parfois pas plaisir, d'autre fois par devoir. Voire, encore, simplement par nécessité. Mais ça ne change rien au constat final. Ce monde est pourri. Et ceux qui l'arpentent le sont davantage encore...

Et puis forcément, l'australienne tique un peu et qu'il évoque leur première - et dernière - rencontre. T'as eu d'la chance, c'est tout ! J'étais affamée, à cours de munitions, fatiguée... Y'a des circonstances atténuantes ! grogne-t-elle, toujours aussi vexée de s'être fait avoir par le gueux quelques mois plus tôt. En fait elle en vient presque à se demander s'il l'a placée en sécurité simplement pour pouvoir lui rappeler son échec à chaque fois qu'il la croise. Ouais... commente-t-elle malgré, simplement, lorsqu'il avoue qu'il devrait travailler son imagination. Ce serait bien ! Et puis elle ne se fait pas de soucis : il trouvera bien un sobriquet pour lui faire chier !

Non, pas vraiment... concède-t-elle lorsqu'il lui demande si elle sait faire la différence entre les gueux. Elle ricane légèrement et balance la fin de son joint par-dessus le rebord du toit. Mais j'essaie ! Parce que si un jour June ordonne de défoncer un groupe de ces sous-races en particulier, elle sera bien obligée de tirer avec un minimum de discernement. Toi ? Un... mercenaire ? Elle ne peut pas s'empêcher de faire glisser à nouveau son regard sur le jeune homme. Vraiment ? Elle use de son ton qui trahit son plus beau scepticisme. Qui voudrait l'engager ? Il n'a pas le physique de l'emploi. À part, peut-être, pour voler des choses en se faufilant par une fenêtre. Cela dit il lui aussi prouvé qu'il avait des ressources insoupçonnées alors... pourquoi pas ?

Quelque part, en tout cas, Zelda doit être parvenue à le vexer. Parce qu'elle est bien vite gratifiée de l'habituelle tirade sur les grands groupes méprisants. Et d'un sous-entendu grossier, indiquant qu'elle est trop habituée au luxe et qu'elle est inadaptée à l'extérieur. Si on se sent supérieurs, c'est p't-être tout simplement parce qu'on l'est ? C'est con, mais c'est comme ça ! rétorque-t-elle simplement. Qu'est-ce qu'il veut qu'elle lui dise ? On ne peut pas travestir la réalité. Son groupe est plus puissant que le sien, c'est évident. Et à ce titre, elle a toutes les raisons d'être méprisante. Et l'extérieur, j'connais ! Qu'il ne fasse pas l'erreur de la prendre pour une Maddie ou une Valentine ! Elle a roulé sa bosse. Sûrement autant que lui !

Mais cette discussion ne mène à rien d'autre qu'à une confrontation. Zelda le sent bien. Elle sait aussi qu'elle aura de la peine à se contenir si les choses dégénèrent. Et ce faisant, elle désobéirait aux ordres. Or il se trouve qu'elle n'est pas exactement en état de grâce ces temps et qu'il est dans son intérêt de se faire plutôt petite. Bon ! Et si tu m'parlais un peu d'ton fameux boulot d'mercenaire, hein ? change-t-elle donc de sujet. La réponse ne l'intéresse pas vraiment mais il paraît que les gens se sentent valorisés lorsque l'on s'intéresse à eux... Au moins il n'ira pas se plaindre de son comportement, comme ça, ce gueux ! C'est une bonne situation ? Tu demandes combien par contrat ? Peut-être qu'elle pourrait faire quelques extras, elle aussi ? Surtout si ça peut lui permettre de mettre la main sur du tabac ou de l'herbe !