Je pousse la porte du bar en soupirant. J'en peux plus. J'ai bossé jusqu'à assez tard, je ne sens plus mes doigts a force de tracer des traits et faire des calculs de probabilités et, cerise sur le gâteau, ma tête est a deux doigts de dire fuck au monde. Là, j'ai besoin d'un verre.

Je pénètre l'endroit et mon regard cherche automatiquement mon frère. Non pas qu'il soit un pilier de bar hein, juste que nos dernières rencontres, prévue ou non, étaient ici. Bon, pas de grand frère, quelque part tant mieux, je n'étais pas trop d'humeur a le supporter. Je ne sais pas si notre relation s'est resserrée depuis que je suis arrivée au Fort mais nos rencontres tournent une fois sur deux au règlement de compte. J'arrivais la plupart du temps a éviter l'escalade mais là...Je sentais que si je me prenais la tête avec, je franchirais des limites. Aaah...Je m’ébouriffe la tignasse d'un geste las et agacé en même temps avant de me hisser sur un tabouret au bar. J'ai un potentiel social qui frôle les zéros là... Enfin je crois.

Je suis en train de me masser l'arête du nez quand un petit bout de femme se pointe devant moi. Je hausse un sourcil. Je sais que je l'ai déjà vu quelque part, j'arrive juste pas a la replacer. Petite, châtain avec un je ne sais quoi de mature et vicieux dans les yeux. Je soupire. « Salut, tu aurais encore du whisky ? Si mon frère n'a pas descendu ton stock hein. »  Après ce n'étais sans doute pas le seul a boire du whisky mais je savais quelle descente il avait...Ah ! Ca y est ! « Zelda c'est ça ? » Il me semblait avoir déjà entendu son prénom, mais avec tous ces nouveaux visages, j'avais vraiment du mal parfois, même si ma mémoire était plutôt bonne en général. Mon regard sombre refait le tour de la salle. « Ca a l'air tranquille ce soir non ? » Y avait bien cinq six personnes mais j'avais déjà vu le bar plein a craqué. Pas de Zack non plus soit dit en passant. Je repose mon regard sur la gamine qui me fait face, quoique gamine...Est ce qu'il existait encore des enfants de nos jours ? Ils avaient tous vu bien plus que moi dans ma petite enfance, ils étaient souvent forcé de grandir assez vite...Ado ? Ouais plus ça. Ah merde, j'ai vraiment pas les neurones en face des bonnes connexions. Je lâche un sourire un peu las. « C'est pas trop dur de bosser ici ? » On était tous plutôt tranquille mais parfois, l'alcool aidant, je savais que ça bastonnait et mon côté grand frère prenait le dessus alors que j'étais plus ou moins sûr qu'elle pouvait m'aligner d'une droite. Oui, oui, je prends des cours mais je ne suis pas une machine a coup de poings.

Tu veux parier ?!

Contrairement à ce que semble penser Luke, oui, elle compte bel et bien lui envoyer la bouteille en pleine tronche s'il ne retire pas de la table ses godasses boueuses. C'est qui qui nettoie, après, hein !? Trois ! Les comptes à rebours, c'est hyper pratique. Ca laisse le temps à votre cible de cogiter, et de redevenir à de meilleures intentions. Deux ! gronde-t-elle. Non, vraiment, il va se la prendre dans la gueule, cette bouteille. Un ! Elle arme un peu plus son bras, prête à décocher le projectile. Et c'est précisément à cet instant que le rappeur décide d'obtempérer. Avec ce sourire qui stipule clairement qu'il n'est pas vraiment apeuré mais plutôt amusé par la situation. Et deux paumes levées en signe d'apaisement.

Quant à l'australienne, elle est satisfaite. Tout au plus pointe-t-elle son index et son majeur en direction de ses yeux avant de les retourner dans sa direction. Une manière comme une autre de lui faire comprendre qu'elle l'aura à l'oeil. Les mecs, putain... Y'en a pas un pour rattraper l'autre !

Toujours est-il qu'elle peut reprendre sa partie de Tetris. Ce jeu est franchement naze. L'adolescente ne comprend pas ce que les adultes lui trouvent. Il faut juste compléter des lignes pour les faire disparaître. Plus basique, tu meurs. N'empêche que peu à peu, elle se fait absorber par ces foutus pièces qui tombent et est presque surprise lorsque la porte du garage s'ouvre. Elle lève le regard vers l'homme qui apparaît et l'observe s'approcher du comptoir avec curiosité.

Ian, Zelda, elle ne le connait pas trop. Elle sait que c'est le frère de Locke, ça oui. Mais elle ne sait pas encore si c'est l'intello ou le cas désespéré du duo. Yo ! répond-t-elle lorsqu'il la salue. Elle n'a aucune raison de l'envoyer chier, de toute façon. L'homme veut un whisky et les épaules de l'australienne s'affaissent tandis qu'elle lâche un petit soupir. Pourquoi ça m'étonne pas ? Lui aussi, il doit avoir des gênes écossais. Alors non, sa commande ne l'étonne pas vraiment. Surtout qu'elle connaît bien l'amour de son frère pour l'alcool.

C'est ça ! confirme-t-elle tandis qu'elle se lève pour aller récupérer un verre propre, et qu'il l'appelle avec le bon prénom. Mais Votre Majesté, ça m'va aussi très bien ! Elle esquisse un petit sourire puis se met sur la pointe des pieds pour récupérer une bouteille au-dessus du comptoir. Elle l'ouvre, la renifle puis hoche la tête quand l'odeur du whisky vient agresser ses narines. C'est Ian, toi, non ? Elle pose la question pour souligner un désintérêt qui n'existe pas vraiment. Mais la réponse, ouais, elle la connait déjà.

La voici qui verse un fond d'alcool au fond du verre. Pas trop, parce que les stocks sont limités. L'australienne ricane ensuite lorsque le client lui fait remarquer que ça a l'air plutôt calme, ce soir. Son regard clair dévie presque aussitôt sur Luke. C'est jamais calme quand un gros bourrin du style est dans la place ! affirme-t-il, amusée, en désignant le rappeur d'un geste du menton. Ce dernier ne prend pas la peine de se retourner mais au moins a-t-il la décence de lui adresser un doigt d'honneur à l'aveuglette. Mais au moins Locke n'est pas en train d'hurler à la mort parce qu'on lui refuse un verre de whisky. Donc bon, ouais, on s'en sort pas trop mal... L'alcool est limité et réparti. Le problème, c'est que Locke boit autant que l'ensemble du camp. Voir même davantage, tiens, si ça se trouve. J'espère que c'est pas d'famille ? se sent-elle obligée de demander, sourcils froncés. Histoire de prévoir un peu le coup, et de ne pas être décontenancée s'il se décide à imiter son frangin.

L'australienne hausse à nouveau les épaules lorsque Reid lui demande si ce n'est pas trop dur de bosser au Summer's ? Franchement ? Ca va ! finit-elle par répondre, après une courte hésitation. Quand les gens sont bourrés, c'est hyper relou ! Mais ici, au moins, on risque pas d'se faire bouffer par des cadavres... Il y a évidemment de quoi relativiser. Bon, après, il y a Casey. Et niveau morsures, elle s'en sort pas trop mal non plus ! plaisante-t-elle tout en remettant la bouteille en place. Hors de portée de l'écossais. Elle fait finalement glisser le verre devant lui et l'observe d'un air satisfait. Ouais, elle sait bien qu'il n'y a pas grand chose à boire dans ce qu'elle lui a servi. Désolée, c'est la crise économique ! Mais s'il est courageux il pourra toujours goûter au tord-boyaux de la tenancière.

Quoi qu'il en soit, l'adolescente ne quitte toujours pas Ian du regard. Elle le scrute sans aucune gêne. Avec un air concentré, qui laisserait presque penser qu'elle tente de jouer au chauve des X-men. Sauf qu'elle, bien sûr, elle n'est pas très douée pour lire les pensées des gens. Bon, puisque t'es là... reprend-t-elle en se penchant vers lui, écartant les bras pour prendre appui sur le comptoir. T'aurais pas des trucs gênants à m'raconter sur ton frangin ? Ce qu'il y a de bien avec les familles, c'est que ses membres se côtoient depuis suffisamment longtemps pour connaître les petits secrets des autres.

Elle a de la répartie. J'aime bien. En même temps, il en faut ici non ? Ouais sans doute, fallait quand même savoir s'imposer. « Mmmh...Coupons la couronne en deux. » Je lève un index amusé. «  Princesse t'ira mieux. »  Je pouvais faire des concessions, mais je savais aussi que si je disais amen a tout, j'étais pas sortit de l'auberge. Je la vois fouiller les étagères derrière elle et je me plie gentiment au jeu qu'elle a commencé. « Ouais mais tu peux m'appeler Dieu. » ou Maître du monde... Ouais tu parle, on dira ça le jour où j'aurais réussit a remettre ma vie sur les rails déjà. Mais elle arrive a me faire sourire, ce qui est plutôt un exploit vu mon humeur actuelle.

Finalement, je me détends un peu dans un soupir absent. Peut être l'absence de mon frère ou la manière tranquille qu'avait cette gamine de s'adresser a moi, je sais pas trop, mais je sentais ma migraine refluer un peu, sans disparaître complètement mais... machinalement, je regarde en direction du dénommé Luke et admire son magnifique fuck. Y a pas a dire, on savait communiquer dans ce bar.... Néanmoins, ça me fait sourire. Ce majeur dressé n'est pas insultant, pas comme ça du moins, ça dénote juste d'une légère complicité. Quelque part, c'est rassurant...De constater que l'homme n'est pas totalement devenu une bête. La mention de mon frère fait courir un frisson le long de mon dos. Cet abruti allait finir avec une cirrhose si il freinait pas. « Son petit côté loup solitaire, ténébreux, souffrant en silence dans l'obscurité ? » Un cliché. Je savais très bien que Locke était beaucoup plus compliqué que ça, mais je me souvenais aussi de ce que disait les gamines lui courant après quand j'étais petit. Ouais. Le mâle alpha torturé. Merci la connasse de Twilight. C'était juste un connard avant qu'il ne rencontre Jenna.  Bref ! « Non moi j'ai un côté Golden attachant plutôt que vieille carne au foie jaune.» Quoi ? Oh allez, la comparaison était pas la vérité, mais d'un autre côté, un golden a toujours des canines. En vrai, j'étais d'un tempérament tranquille, mais fallait juste pas trop pousser l'aïeul dans les catacombes.  

Finalement, elle me plaît bien cette gamine... Enfin...A son âge, elle devrait sans doute plus se préoccuper de son maquillage ou son vernis non ? Ouais...ça c'était dans un monde avant des rôdeurs qui bouffent tout ce qui passe. Elle me faisait un peu penser a ma sœur, y avait la même « rage » dans ses yeux. Je ne savais pas exactement ce que c'était. La survie ? La colère ? La volonté pure ? Aucune idée mais cette étincelle...Sa réponse me fait un peu rire. « Ouais sans doute. » Un mec bourré ou un rôdeur ? Bonne question... Et puis je vois un mini verre atterrir devant moi. Enfin pas un mini verre, mais une mini dose... Sérieux ? Je lève un regard de chien battu sur la gamine, mes yeux ? Du chocolat fondu, si si. « Ma famille participe au dynamisme de l'activité, rien que la consommation de mon frère relancerait une distillerie sur le point de foutre la clé sous la porte... » commençais je avant de fourrer mon menton dans ma paume. «  Tout est négociable non ? » Une étincelle joueuse et amusé traversa mon regard alors que je haussais les sourcils, taquin.

Et en matière de négociation...Un demi sourire se peint sur mes lèvres et je joue un peu avec mon verre. « Pourquoi ? Tu compte le faire chanter ? Ca fonctionnera pas, cet abruti est du genre a tout assumer.... » Puis je plisse les yeux d'amusement. Ouais, j'ai plus mal a la tête... « Tu préfère quoi ? La drag queen ou le décorateur d'intérieur ? » ouais. J'avais 6 ans d'écart avec mon frère mais...Y a des souvenirs qu'on oublie pas. « Et, attention, je veux un pourcentage... » Parce qu'on a rien sans rien, songeais je en tapotant mon verre de l'ongle. Donnant donnant ta majesté.

Princesse ?! C'est mort !

Et puis pourquoi elle accepterait de couper cette fameuse couronne en deux, Zelda, hein ? D'autant plus que de tous les titres de noblesse dont il pouvait l'affubler, il a choisi celui qui lui semble le moins attractif. Surtout parce qu'elle en a bouffé, déjà, du Princesse Zelda... Ca fait beaucoup trop pétasse ! La fille qui sert à rien, qui porte des robes à froufrous et du maquillage plein la gueule. Non merci, ça ne vend du rêve à personne sauf aux gamines, ça ! Dieu ?! s'amuse-t-elle lorsqu'il se choisit lui aussi un titre. L'australienne cligne des yeux. Coupons la Bible en deux ! Jésus t'iras bien mieux ! Quoi ? C'est lui qui a commencé...

Bon, en tout cas, vu que Zelda a maintenant un Reid sous la main, elle ne tarde pas à évoquer le frère absent lorsqu'elle parle de l'ambiance du Summer's. Son frangin le compare à un loup solitaire ténébreux qui souffre en silence dans l'obscurité. Mmh... Ouais, j'avoue, y'a clairement de ça ! On va pas se mentir : Locke, il est affreusement beau ! Le loup est un animal qui lui correspond plutôt bien, en prime. C'est quoi, un Golden ? questionne-t-elle à la suite de la remarque suivante de son interlocuteur. Non, elle n'a pas réellement eu le temps de s'intéresser aux races de chiens. Et... une carne ? Elle aimerait bien comprendre où il veut en venir, là, ce Ian. Mais encore faudrait-elle qu'elle ait une culture générale suffisante pour le faire...

En tout cas ce type est plutôt marrant pour le moment. Sans doute un peu plus calme que Locke. Ou peut-être qu'il est juste fatigué ? Cela dit, ce n'est pas ça qui empêche un petit désaccord d'apparaître lorsqu'elle fait glisser un maigre verre d'alcool devant lui. Sa remarque sur la distillerie lui arrache malgré tout un sourire. à moins que ce ne soit, peut-être, le regard de chat potté qu'il lui lance... C'est bien ça, l'problème ! La seule distillerie qu'on a, c'est Casey ! Et à c'rythme vous allez l'envoyer en dépression... Elle fait ce qu'elle peut, la pauvre. Mais malheureusement, en ce moment, c'est plutôt la dèche. Ce qui explique donc, oui, pourquoi son verre n'est pas aussi rempli qu'il l'espérait. Ah là, tu commences à m'intéresser ! indique-t-elle néanmoins lorsqu'il lui fait remarquer que tout est négociable. Effectivement, c'est le cas.

Dès lors l'australienne se montre déjà plus réceptive. Bon, d'accord, elle ne devrait pas monnayer ce qui est sensé être gratuit. Mais qui la blâmera parce qu'elle a le sens des affaires, hein ? En tout cas l'autre ne semble pas réellement opposé à l'idée de lui balancer des informations gênantes sur son frère. Même si, comme il le fait remarquer, ce dernier est plutôt du genre à assumer. Le faire chanter, moi ? s'offusque-t-elle lorsqu'il lui demande ce qu'elle compte faire de tout ça. Non, j'vais seulement l'faire chier ! Quoique elle pourrait toujours essayer de l'escroquer en échange de son silence, ouais. C'est à voir. Quoi qu'il en soit un choix se pose déjà à elle. Alors ? Drag Queen ou décorateur d'intérieur ? Les deux ! Pourquoi choisir, hein ? Et surtout n'omet aucun détail ! Parce que c'est dans les détails que se cachent le diable, il paraît. Même si Zelda n'a jamais compris ce que ça signifiait vraiment...

Toujours est-il qu'elle agrippe à nouveau la bouteille et l'agite devant le nez du Reid. Histoire de le motiver à se montrer loquace...

Et changer l'eau en vin !

Ca, quand même, ce serait le must. La nourriture est importante, c'est sûr. Certains diraient même vitale. Mais l'alcool peut vous faire oublier les affres d'un ventre vide, non ? Si elle avait été Jésus, Zelda aurait probablement déjà changé quelques fleuves en grand cru. Ce type manquait vraiment d'ambition...

Oh, d'accord... note-t-elle simplement lorsque Ian lui explique ce qu'est un Golden. Donc c'est une sorte de gardien sympa, quoi ! C'est sa manière à elle de résumer la chose. Et de montrer, aussi, qu'elle n'accorde pas beaucoup de crédit à cette race. Le groupe n'a de toute façon pas besoin de bestioles gentils. Ce qu'il leur faut, c'est des chiens agressifs pour mordre quelques culs bénis. Trop louche ! commente-t-elle ensuite au sujet de la carne. Sans avoir bien compris s'il s'agit d'un animal ou d'une sorte de viande dont personne ne veut. Mais puisqu'elle n'a pas particulièrement envie de passer pour la débile de service, elle hoche la tête d'un air qui se veut convainquant. Bon après, tant que ça se flingue... Elle s'inquiétera le jour ou les balles ne seront plus efficaces contre le gibier !

Et voici que le client n'est pas satisfait de son verre. Ou plutôt, de son contenu. T'es bien l'frangin de Lock', toi ! s'amuse-t-elle. L'alcool doit être une sorte de tradition familiale. Mais c'est la pénurie et si Casey fait ce qu'elle peut, elle ne peut pas non plus inventer des miracles. J'imagine qu'tu peux toujours lui proposer, ouais... répond-t-elle quand il propose son aide. Elle hausse les épaules, marquant ainsi son indifférence. Après tout elle n'est là que pour servir, pas pour s'occuper de la chaîne d'approvisionnement. Mais faut qu'tu saches que ces temps, avec ses histoires avec Stan' et tout ça, elle est pas forcément d'bonne compagnie ! Maintenant c'est à lui de voir l'importance qu'il accorde à sa propre peau, et le courage dont il est prêt à faire preuve pour aider l'aînée Summer. Après j'crois pas qu'elle morde encore les gens... Il y a tout de même du positif, oui, c'est vrai.

Vient enfin l'instant où Ian semble vouloir négocier, et où Zelda se montre très vite intéressée par les révélations qu'il pourrait lui faire au sujet de son frère. La connaissance est le pouvoir, dit-on. Pourtant l'adolescente ne s'attendait pas à une histoire aussi fracassante que celle que lui expose son interlocuteur. Wow... souffle-t-elle, surprise malgré le sourire qui peine désormais à quitter ses lèvres. C'est hyper gênant ! Et c'est exactement le genre d'informations dont elle raffole, à vrai dire. Elle va certainement pouvoir l'exploiter ! Mais comment il a fait pour n'pas s'rendre compte que c'était un mec ? Même déguisé, il devait avoir une voix super louche. Et des poils ! Si bien qu'elle en vient à se demander si Lock' n'était pas une sorte de victime consentante. Ou juste un ado un peu curieux. Après Zelda ne connaît pas trop ces choses là. Peut-être que quelque chose lui échappe...

Et elle est tirée de sa réflexion par Ian alors qu'il réclame qu'elle remplisse son verre. L'australienne hésite mais finit par s'exécuter. Allez, toute trahison mérite salaire ! lâche-t-elle en doublant sa dose. Non sans un regard à gauche et à droite pour s'assurer que personne ne les surveille d'un peu trop près. Du coup, là, j'me pose quand même une question... Tu t'sens pas trop mal d'avoir chié sur ta promesse pour quelques gouttes d'alcool ? Il vient de lui prouver que sa valeur n'a pas une bien grande valeur. Et même si elle s'abstient de le lui faire remarquer, elle ne l'oubliera pas. Et puis t'es conscient que j'vais être obligé d'lui parler d'ça, hein ? J'peux pas passer à côté d'cette occasion d'me foutre d'sa gueule, quand même ! Et elle suppose que Lock' fera bien vite le lien avec son frère. C'est même obligé ! Après puisque t'en as déjà trop dit... Tu peux p't-être m'expliquer pourquoi il a vomi ? Il est homophobe, ton frangin ? Si c'est le cas alors il vaudrait peut-être mieux qu'elle évite de lui dire pour Kass' et elle. Des fois qu'il lui retire son amitié...

«  Et changer l'eau en vin. » répétais je avec un geste d'évidence. Cette gamine était vive d'esprit et débrouillarde, comme beaucoup vous allez me dire, mais chez elle, ça avait un petit quelque chose de sournois. D'ici quelque années, je l'imaginais bien en maîtresse contrebandière ou un genre de pirate qui tient sa barque d'une main de fer. Ouais, ça lui irait bien.

Sa réaction face a mon mignon Golden me fait rire. « Tu sais, un chien reste un chien. Ca a des crocs quoiqu'on en dise. » Ce qui voulait dire ben, chihuahua ou mastiff, il y avait de quoi arracher un morceau de chair. La taille du chien justifiant juste la taille du dit morceau. Je vois bien qu'elle n'a pas tout a fait compris ce qu'était une carne, disons dans l'imaginaire. Techniquement, une carne était un cheval qui valait pas un âne, péjorativement, c'était quelque chose qui résistait a tout et mordait très fort au besoin...Elle...Elle était une carne. Cela dit, je laisse passer, faisant semblant de me faire prendre a son air convaincu. « Difficile a flinguer. » J'ai un demi sourire amusé. Une putain de carne qui me sert qu'un quart de verre... Bon je lui en veux pas, j'imagine qu'il y a pénurie mais je ne peux m'empêcher d'afficher un petit air déçu. Ma grimace passe presque inaperçue quand elle me balance que je suis bien le frangin de Locke. Ouais. Dans les faits c'est le cas... Pas de bol. « Mon côté écossais surtout. » soulignais je en me demandant si j'arriverais a faire en sorte que la première chose que les gens voit quand ils me croisent ne soit pas mon frère. Ce serait pas mal. Y a pas une personne qui ne fini pas par me parler de lui. C'est chiant. Pour changer, je propose mon aide a la distillerie et hausse un sourcil à la réponse de la gosse. « Ah ? Je sais pas, j'écoute pas trop les ragots du coin. » Je sais pas qui couche avec qui ou qui sort avec qui et vu que je drague pas a tout va ben je m'y intéresse pas. Je note tout de même le conseil dans un coin de ma tête avant de passer en mode négociateur. Parce que oui ! Mon verre fait triste mine et j'ai du matos pour le faire... En plus d'écorner un peu la réputation de mon frère.

J'y vais donc de ma petite histoire, ne pouvant m'empêcher d'en rire encore. A l'époque je ne me rendais pas trop compte de la situation ni d'a quel point elle pouvait être gênante. Maintenant ? Oh bordel, imaginer le beau ténébreux la main dans le slip d'un mec...Ahum....J'avale une gorgée de mon doux breuvage, le temps de faire passer l'hilarité qu'elle partage aussitôt. Quelque chose me dit que Locke n'a pas fini d'en entendre parler...Oui c'est une vengeance mesquine je sais. « Tu sais, avec la pénombre, l'alcool et puis on va pas se mentir, y a des mecs qui passent très bien pour des femmes. Il faisait partie de ceux là. » expliquais je en haussant une épaule, les yeux brillants de satisfaction alors qu'elle me remplit un peu plus mon verre. Mon sourire se fait un peu ironique quand elle me parle de culpabilité. « Paaas du tout et puis tu dois être la première a qui j'en parle. C'est une vieille histoire. »  Une étincelle taquine se rallume dans mes yeux a la suite « Oh j'en ai très conscience. Ca ne le tuera pas ! » Non et j'étais même sûr que ça le gênerait pas tant que ça en fait.

Je fais tourner mon verre entre mes mains. « Mmmh, je ne pense pas, même si il foutrait sans doute un pain a un mec si celui ci lui colle une main au cul, ça même toi tu le ferais, mais a l'époque, Locke était du genre poussin qui se prend pour un gros coq. Se faire avoir comme ça a sans doute plus blessé sa fierté qu'autre chose, quand a vomir, un mélange d'alcool et de honte j'crois. » Je penche un peu la tête sur le côté, mi amusé, mi intrigué, en la regardant. « Tu as peur qu'il casse la gueule a tous les gays du coin ? » J'avoue que je ne connaissais pas tant la position de mon frère la dessus et je lui avais jamais posé la question. J'avais eu des potes gay et des potes homophobes, je jugeais pas vraiment leur avis sur le sujet, aucun des deux ne me gênait. Cela dit, je ne cautionnerais sans doute pas la violence contre une communauté qui vivait comme elle l'entendait et de la manière dont elle le voulait. Et puis, dorénavant, il y avait autre chose pour stigmatiser la haine et le dégout général. Exit les juifs et les gays, bienvenue aux Rôdeurs.