« C’est moi qui vais m’assommer si j’ouvre un de ces livres, ouais. » grimaça la brune en avisant les titres peu engageants qui ornaient les dos de cette collection impressionnante de bouquins alignés dans une symétrie quasi parfaite. Quelque chose lui disait que les anciens propriétaires n’étaient pas particulièrement amusants. Elle fronça les sourcils à la remarque de Demetra « Je vais peut-être en prendre un alors. » sourit-elle, sans y penser sérieusement. Hélas, elle craignait qu’il n'existe pas de remèdes à ses insomnies récurrentes. Ses cauchemars prenaient racines à travers des démons omniprésents, charognards insatiables qui se nourrissaient de ses peurs, de ses souffrances, provoquant un cycle infini de chaos, un éternel recommencement. Le plus barbant des traités ne saurait venir à bout de cette spirale infernale dans laquelle la grecque s’était retrouvée piégée.

La brune rit doucement devant l’enthousiasme habituel de la forgeronne, rangeant précautionneusement sa trouvaille dans son sac après l’avoir enveloppé dans un torchon pour la protéger des heurts. « Tu sais, le Bourgogne, c’est surfait. Les vins des Inglorious Fuckers sont nettement supérieurs. » sourit-elle avec malice, sans y croire un instant. Quoique… Après six ans d’apocalypse, ses exigences étaient révisées à la baisse et le simple fait de savoir que c’était le fruit de leur labeur, de leurs efforts conjugués rendait leur vin meilleur que le plus grand des crus à ses yeux. « Il faudra absolument que tu y goûtes. Je suis même surprise que Keira ne soit pas venue te voir pour te le faire goûter. » fit-elle en songeant que les deux s’entendraient à merveille. « Tu as rencontré Keira déjà ? »

Elle continuait la fouille minutieuse de l’ancienne résidence alors que la brunette s’exclamait déjà. Elena releva un regard curieux sur le sac de la tatouée. « Tu t’y connais en escalade ? » Pour sa part, elle en avait déjà fait, en bonne amatrice de sensations et de sports qu’elle avait été, sans être confirmée dans le domaine. Elle s’était contentée d’une pratique occasionnelle. « Tiens… ça fera plaisir à Alex. » commenta la brune en dénichant des livres d’apprentissage pour enfants. « On néglige un peu trop l’éducation des petits… » réalisa Elena, avec regret, tout en continuant d’ouvrir les différents tiroirs. « On se concentre sur la survie, on leur apprend à se battre, à se cacher et… C’est vrai qu’on ne pense plus au reste. » Pour sa part en tout cas. Au domaine, Saul donnait quelques précieux conseils aux filles mais la grecque n’était pas persuadée que ce soit suffisant. L’éducation, les connaissances étaient des remparts contre l’obscurantisme qui gagnait du terrain par le biais de New Eden.

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« Ne croise jamais mon père en disant cela. La France lui manque tellement et il ne jure que par les vins Français. Après, je suis plus ouverte que lui et toujours partante pour une dégustation, sache-le. »

Je lui fais un clin d’œil entendu. De mon père j’ai appris à savourer les bonnes choses et à les apprécier comme elle le mérite : je fais très bien la différence entre un bon vin et une piquette qui n’est la que pour faire la fête ou finir en hypocras.

« Vous êtes sur quel type de sol ? Vous avez réussi à en retrouver des cuves de fermentation en bon état ? C’est quand même magique si vous réussissez vraiment à refaire du vin de qualité alors que je pensais que c’était perdu a tout jamais. »

Je m’arrête de fouiner pour croiser son regard brillant, devinant parfaitement la fierté qu’elle ressent vis-à-vis du vin des siens. Intriguée, j’espère bien pouvoir y gouter. Je secoue la tête négativement quand elle me parle d’une femme qui aurait pu me le faire gouter.

« Je n’ai pas eu se plaisir, après ça ne fait pas longtemps que je suis sur la base et quand il y avait la cage, je n’y étais qu’avec mon frère. J’imagine qu’elle aurait eu peur qu’on fasse plus que gouter. »

Je rigole à cette idée, pourtant on s’est mis de belles murges qui ont rendu fou papa a la bonne époque. La Cage me manque presque autant que mon frère a qui je l’ai un peu associée. Trop sage pour y aller seule, pas assez pour ne pas y retourner, on a vécu de belles choses là-bas. Je donnerais tellement pour retourner dans ce passé qui a des allures de période faste après notre périple et avant toutes ces épreuves qui nous ont séparé. Je me secoue pour ne pas me perdre dans ces pensées nostalgiques qui me tirent un peu trop le rouge aux yeux. Avec cet enthousiasme que je sais forcer un peu avant de le retrouver, je demande :

« Vous allez faire comment pour le troquer maintenant qu’il n’y a plus de NML ? »

Ma curiosité est sincère, il faut dire que j’ai cette force de m’intéresser a tout, c’est aussi comme ca que mes parents m’ont laissé me façonner et apprendre. Ma trouvaille finit par me rendre complétement le sourire aux lèvres. Du matériel d’escalade, si ce n’est pas un signe des esprits !!! Avec un regard de gamine devant un pot de bonbons j’hoche la tête a la question d’Elena :

« Au Montana si je n’étais pas a cheval c’est que j’étais en train de gravir des hauteurs. Il n’y a rien qui me calme plus que ca, même le sexe. Tu grimpes toi aussi ? Je parle des falaises. »

Je pouffe un peu a cette précision. Et avise de sa propre trouvaille que je trouve plus discutable, pas vraiment dans son contenue mais plus dans sa destination. En vrai, ca sent quand même un peu le harem leur truc : Connor qui flirte avec moi, mais qui est avec une autre, son ex avec qui s’est compliquée, qui, elle même pense a ramener des cadeaux a son autre ex avec qui il vit. Je préfère ne pas poser de questions, c’est surement trop compliqué pour moi et je n’aime pas le compliqué.

« Après, tu sais, pendant longtemps les enfants ont appris sans livre et sans cahier. Papa était professeur à l’université avant de tout quitter pour Maman, il a toujours pensé que les livres n’étaient qu’un témoignage de l’histoire a prendre avec précaution, rien de plus. Pourvu que les enfants aient des gens investis dans leurs éducations et un esprit bien fait, le reste se fait naturellement. En tout cas, ça reste une bonne trouvaille, je vais t’aider à les porter si tu veux. »

Je vais pour repartir le poids avant de m’apercevoir d’une chose sous un meuble et, avec un « hoho » de père noël je tire un sac militaire avec jubilation. Bon, dedans, ce n’est pas Versailles, des slips de kangourou jauni a certain endroit, des marcels du même acabit mais aussi une veste militaire trop grande que je kiffe avec des lunettes bon marchés a la top gun que je me passe en imitant une racaille en chasse.

« Ouesh poupée, azy, je te sors sur mon scooter ce soir et je te paye le ciné a 1 dollars. Si avec ca je leve pas, je capte plus rien. »

Pendant que je fais l’idiote ma mains se perd dans une poche et avec un petit cri de surprise je sors une paire de jumelle.

« Oh Putain !! Des jumelles de chasse !!!! Trop bien !!! Dire qu’on était la pour du métal a la base. C’est Noel ! »

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« Oh, tu es française ? » s’enthousiasma la brune, à des lieux de l’avoir remarqué à vrai dire. Elle scruta la jeune femme comme si un détail pouvait la trahir à présent. « C’est charmant la France, mais je ne sais pas… J’ai toujours trouvé les gens un peu pompeux. » fit-elle en arborant une moue songeuse, plongée dans ses souvenirs, d’une époque révolue. « Le rendez-vous est pris : ce soir, dès que nous serons rentrées, on se prend un verre plus que mérité. » décréta la grecque, le visage complice. Keira serait sûrement heureuse de rencontrer la forgeronne et de passer du temps en aussi bonne compagnie. « Tu pourras laver l’honneur de tes ancêtres. » glissa-t-elle sur le ton de la plaisanterie.

Elena sentit son sourire s’élargir instinctivement alors que la pétillante brune démontrait un vif intérêt pour leur plantation. C’était toujours plaisant d’échanger à propos de leur activité ; la méditerranéenne, comme le reste de son groupe, éprouvait une véritable fierté à l’égard de leur production artisanale. La satisfaction éprouvée dans la création était incomparable à son sens, mais plus que ça encore, la notion de partage et de transmission inhérente à leur domaine était une vraie source de motivation. « C’est un sol argileux, c’est l’idéal pour conserver l’acidité. Les vignes existaient déjà et ont nécessité un bon défrichage, des heures de taille, mais on a fini par en tirer quelque chose. Les cuves ont aussi subi un gros décrassage. On a quelqu’un dont c’était le métier avant alors ça nous facilite grandement les choses. Elle a de l’expérience et des idées. » Camila était un puit de compétences mais aussi de créativité. C’était tellement agréable de travailler avec elle.

La jeune femme n’osa pas l’interroger au sujet de son frère ; si elle se retrouvait ici, seule, ce n’était probablement pas pour rien. « On espère développer notre réseau sur Olympia, profiter de Kitsap un peu aussi… Et puis, nous avons doucement remis les pieds à l’ancien No Man’s Land après l’hiver. Ce n’est plus ce que c’était, bien sûr, mais il y a encore des échanges commerciaux sous l’œil de New Eden. » Mais leur présence n’était clairement pas propice aux affaires, Elena n’irait pas le nier. S’ils n’avaient pas une double mission à Providence, Richard et Edwin n’y mettraient probablement pas les pieds.

« Je suis loin d’être une experte… en falaises. » sourit-elle avec un regard brillant. « Mais j’ai déjà pratiqué à l’époque. Ça remonte à loin… » se souvint-elle. Au moins… huit ans, facilement réalisa-t-elle en faisant les comptes. Elle remercia à mi-voix Demetra qui s’empressait de répartir le poids dans leurs sacs, tout en faisant remarquer que l’éducation tenait davantage des précepteurs, de leur patience et du temps qu’ils étaient prêts à y investir que des supports matériels. Elle avait sans doute raison. Nul doute qu’Alex ferait une institutrice consciencieuse et zélée. La grecque releva un sourcil, suivant du regard son acolyte du jour qui avait la main chanceuse aujourd’hui. Son imitation grotesque lui arracha un rire franchement amusé alors que l’Exilé extirpait avec fierté une paire de jumelles de la poche de sa veste fraîchement trouvée. « Oh bien joué ! » commenta-t-elle avec un sifflement admirateur.

De son côté, c’était moins fructueux, à l’évidence. Elle grimaça en accrochant les billes sombres de la tatouée. « Tu me fais rire, tu me déconcentres, et je suis parfaitement inefficace du coup ! » glissa-t-elle sur le ton de l’humour, consciente qu’au-delà de la distraction, c’était surtout un manque de vigilance et de chance.

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