Cooper acquiessa, il répondrait à toutes les questions médicales que Nolan lui poserait, sans aucun problème. Heureusement, Cooper n’était pas du genre à être fragile ou allergique à tout ce qui passait devant lui. Il répondit aussi : « Ouais je suis définitivement mal endentant tout ça à cause d’une bande de salauds. J’pense qu’ils voulaient aussi montrer leur puissance face aux gens du bidonville. » Histoire de montrer ce qu’ils pourraient faire si jamais il y aurait encore une émeute. Mais Cooper n’était même pas sur que ça suffirait à calmer les prochaines manifestations.

D’ailleurs, il lâcha aussi à Nolan : « Les Remnants ne valent pas beaucoup mieux que les New Eden. » Cooper ignorait tout du passé des Remnants, son opinion ne reposait que sur la seule rencontre qu’il avait eu avec eux bientôt l’année passée. Il y avait aussi la propagande de New Eden qui devait entrer en ligne de compte, mais quoi qu’il en soit, l’ancien éducateur avait une opinion bien tranchée sur le sujet : « A la base, je travaillais dans la caserne de pompiers de Walla Walla, et j’ai participé à une sortie à Seattle. » Ses souvenirs étaient un peu confus, sans compter que Cooper avait des flashs parasites des combats de Glennwood. Mais il pouvait au moins lancer très clairement à Nolan : « Les Remnants nous ont attaqués, ils ont tirés dans le tas, sans se préoccuper de qui était quoi, en l’occurrence, nous étions plusieurs civils, qui ne voulaient pas se battre. » Mais qui étaient obligés par les trones et pas les militaires qui les encadrés.

Cooper se souvenait de la colère qui l’avait saisi à ce moment-là : « C’est en parti à cause d’eux que j’ai décidé de rejoindre l’armée de Walla Walla. Pour savoir me défendre si jamais ils nous attaquaient encore… et avoir les compétences pour fuir. » Finalement, il n’avait pas pu se venger des Remnants mais il avait pu fuir, ce n’était déjà pas si mal. « Mais bref, tu as quoi comme livre ? »

Un hochement de tête en réponse alors que je commence à noter tout ce qu’il me raconte. Franchement, à l’entendre, il a quand même sacrément pris cher. Enfin, visiblement, c’est un soldat, ça explique pas mal de trucs. « On pourra toujours voir si on te trouve une prothèse auditive. J’y connais que dalle, mais c’est pas le genre de détails qui m’arrêtent. » Sinon, jamais j’serais allé chercher des bouquins sur l’odontologie ces derniers mois. Et j’aurais pas passé des heures à m’exercer avec Quinn pour savoir comment arracher des dents.

… mais je vais ptet pas entrer dans ce genre de détails avec Cooper, j’ai pas trop envie de le faire flipper. Je pense qu’il a déjà pigé que j’avais surtout de l’expérience pratique depuis ces six dernières années et que j’ai plus souvent fait du bricolage avec ce que j’avais sous la main. Si ça se trouve, je saurais même pas quoi faire avec du vrai matos.

Par contre, y a encore un truc qui me fait tilt, c’est quand notre nouveau parle de bidonville. Comme si j’étais supposé savoir de quoi il cause. Et, à la remarque de Cooper sur les Remnants ou les New Eden, je me contente d’un bref haussement d’épaules. « Je préfère pas trop avoir d’avis tranché sur la question. C’est facile de pointer du doigt et de dire que c’est tous des connards. Sauf qu’on a pas forcément toutes les infos. Perso, je sais que ça m’a vendu du rêve quand un type de New Eden m’a proposé de retaper correctement ma jambe et d’exercer dans des conditions idéales. Alors ouais, c’était tentant. »  Je suis bien conscient maintenant, de tout le merdier que ça peut être. Mais si j’avais été moins bien entouré, ou si Min-Oh avait été un peu plus insistant, je peux pas garantir que j’aurais pas sauté le pas. Alors, ptet que ça marche pareil avec les Remnants. « T’apprendras rapidement qu’on a eu pas mal de démêlées avec les Remnants nous aussi. Mais qu’on est en mode… cohabitation pacifique parce qu’on a un ennemi commun. » Alors, va vite falloir qu’il fasse avec, même si je peux comprendre sa colère.

J’ai quand même un froncement de sourcils, avant de finir par souffler, histoire de bien mettre les choses au clair. « T’es de New Eden. » Pas vraiment une question au final, juste un besoin de confirmation. « On a pas mal de profs pour nous entrainer si tu veux continuer de gagner en compétence pour te défendre. » Une pensée pour Nihima et ses instruments de torture. « On a aussi une marina qui se développe et on apprend tous plus ou moins à naviguer. Ou à pas être des boulets en tout cas. Bon et on doit passer par la case cheval aussi. » Histoire qu’il soit au courant qu’il va avoir de quoi s’occuper, clairement. A sa question, je reprends, avec un sourire. « J’ai des classiques, du genre Dickens ou Tolkien. » Ouais, pas le même genre de classique. « J’ai des trucs plus récents aussi. Genre A la croisée des mondes. Faut me dire le style que tu préfères, parce que je peux aussi te trouver des bouquins de botanique ou d’anatomie. » Large sourire un peu fier de la bibliothèque que Ludwig a réussi à mettre en place.

Cooper fit une grimace, réalisant bien trop tard le faux pas qu’il venait de commettre. Dévoiler son appartenance à New Eden. Il se mordit les lèvres, mais fut assez heureux de constater que Nolan n’avait pas l’air particulièrement choqué ou même… gêné. C’était ua moins une bonne chose, ce qui permit à Cooper de le corriger avec fermeté : « Je ne suis pas de New Eden. » Il n’était plus de New Eden, hors de question d’être encore catalogué comme quelqu’un d’entre eux :

« Je l’étais, nuance, et pas de mon plein grés. j’ai fais en sorte d’en partir pour pouvoir les combattre et libérer ma famille. » Mais il ajouta aussi à voix un peu plus basse, bien que ce soit plus ou moins rissible, personne n’était là pour les écouter : « Je voulais essayer de garder ça secret autant que possible, j’ai… une certain apréhension vis-à-vis des réactions que ça va pouvoir causer au sein du campement. Quand je vois comment j’ai été reçu par le conseil, j’imagine ce qui m’attend si jamais quelqu’un est moins… raisonnable. » Si quelqu’un fait preuve d’un préjugé honteux vis-à-vis de son origine et qu’il décide de le catégoriser pour le reste de sa vie.

Quoi qu’il en soit, l’ancien fermier feuilleta les quatrièmes de couvertures et décida qu’il allait lire « à la croisée des mondes. » Il avait vu le film quand il était sorti en 2007 et en avait gardé un bon souvenir, peut-être que le livre serait à la hauteur de celui-ci : « Merci pour ces livres Nolan, c’est sympa de ta part. Je vais essayer de lire celui-là je pense. » Mais les fictions n’étaient pas parfaite, Cooper aimerait beaucoup avoir des livres un peu plus terre à terre, utilitaire : « J’aimerai beaucoup avoir un livre sur la nature, les animaux. N’importe quoi en somme, juste j’aime quand ça parle d’animaux. » Les livres sur l’anatomie ou la botanique ne l’interessait pas plus que ça, mais il aurait adoré pouvoir lire un livre sur les ours par exemple, ou sur les lions.

Impossible de pas voir la grimace que fait Cooper quand je lui dis qu’il est de New Eden. Peut-être que ma façon de faire est un peu maladroite, mais j’ai pas pu m’en empêcher. Et j’avoue que ça me surprend un peu que le Conseil ait pas pris le temps de le dire. Ca risque de pas plaire à tout le monde ce genre de petit secret. Et je réprime un soupir, me pinçant l’arête du nez à sa rectification.

Je l’écoute donner quelques explications et j’ai un bref froncement de sourcils, pensif. « Ils t’ont forcé à intégrer leur groupe ? » Ce n’est pas la méthode de faire qu’on m’avait racontée mais peut-être que j’ai été mal informé. Et je repense aux New Eden qui ont déjà pu croiser ma route, alors que je continue d’assimiler ce qu’il me raconte. « Le fait que tôt ou tard, ça se saura. A moins que tu ne décides de sciemment mentir sur tes origines, ce qui à mon sens serait la pire des options. » J’ai un temps avant de souffler, d’un ton que j’essaie de garder aussi apaisant que possible. Vrai que je n’aime pas trop l’idée qu’on m’ait caché l’information, même si elle n’est pas essentielle, mais c’est plus un détail, je ne serais clairement pas le plus virulent. « Et tu auras forcément des détracteurs. Assez virulents oui. Mais s’ils ne l’apprennent pas de toi, ce sera encore pire. Sans compter que tout finit par se savoir d’une façon ou d’une autre, on a d’autres anciens de New Eden. Et ça continuera d’arriver. Alors imagine ce que ça donnera si tu le caches à tout le monde, que tu te fais ta place et que, dans six mois, quelqu’un te pointe du doigt. »

J’ai un bref silence avant de reprendre. « Enfin, tu fais comme tu veux. Je serais pas celui qui vend la mèche. Comme je te l’ai dit, tout ce qui se passe ici relève du secret médical. Y compris cette info. » Je lui rends un sourire et je lui laisse quelques minutes pour réfléchir à tout ça alors qu’il feuillette les bouquins que j’ai ramenés. « J’irais demander à Ludwig. Je suis à peu près sûr qu’il aura un truc qui te plaira. Tu préfères le style encyclopédie sur les animaux ou des trucs plus romancés ? » Histoire qu’on sache dans quoi taper. Et je commence à remballer mon matos, non sans lui jeter un nouveau regard. « Tu sais, tu peux arriver à te faire une place ici. Et à te sentir chez toi. Même si ça peut prendre du temps. » Il m’a fallu des mois et le courage de sortir de ma coquille. Mais ça en valait quand même la peine, malgré tout ce qui a pu se passer cette dernière année.

Cooper se devait de préciser une chose, New Eden ne les avaient pas réellement forcés à les rejoindre, il ne fallait pas non plus abuser et raconter qu’ils avaient été contraint une arme sur la tempe, non, en revanche : « Tu connais peut-être l’expression main de fer dans un gant de velou ? Bah c’est New, mais le gant en question cloue des gens sur une croix s’ils posent trop de question. » Les New Edens avaient fait une offre qu’ils ne pouvaient pas refuser pour citer un certain Vito Corleon.

Pour le reste Cooper devait reconnaitre que le mensonge, pêché mortel au demeurant, n’était pas la meilleure des options qui s’offrait à lui, mais il ne voulait pas se risquer à faire encore une erreur : « Je dois encore réfléchir à ce que je dois faire, je ne peux pas me précipiter et prendre une mauvaise décision de plus. » Nolan lui parla d’un certain Ludwig, encore un nom et une personne qu’il devait apprendre à connaitre… ça n’en ferait qu’une de plus après tout : « Je vais aller le voir alors, enfin quand je pourrai sortir d’ici. » Si cet homme était le maitre des livres, alors ça ferait une bonne raison d’être amical avec lui.

Cooper continua un peu la discussion puis quand Nolan prit congé, Cooper lui lâcha un chaleureux :

« Repasse quand tu veux Nolan, c’est un plaisir d’avoir de la visite. »Et il le pensait sincèrement, pour une fois qu’un médecin n’était pas coréen et absolument insupportable, Cooper appréciait grandement. Et puis il devait se créer un cercle de connaissance, de gens à qui faire et confiance et qui lui feraient confiance, sinon jamais il ne pourrait avancer.