Devant la coiffeuse de sa chambre, Daisy regardait son reflet dans le miroir. Un long soupir, avant que le masque ne reprenne sa place, le maquillage qui cache l’inquiétude, le maquillage qui cache les soucis, et facilite les faux-semblants. Toutes ses opportunités de sortie étaient désormais ponctuées de prétextes crédibles concernant sa grossesse ainsi que sa vie sociale. Ortega lui avait conseillé de continuer à mener une vie normale, seulement désormais elle avait aussi une vie cachée, une vie pour en sauver une autre. Daisy n’aurait jamais imaginer en arriver là, et pourtant.

Suite à sa conversation avec Neela et Ela, elle avait reçu un courrier de la part du docteur Yeo-Jeong, elle ne connaissait les sous titres qui n’avaient pas besoin d’être écrit à l’encre invisible. Son ancien patron savait et désormais voulait lui parler. La jeune femme avait apprit par ailleurs que son ancien employeur ne portait pas son époux dans son coeur, qu’il avait aussi essuyer les frais du tempérament violent de son époux. À la différence que la violence avait été légitimée par leur système, ce qui rendait la chose bien cruelle. Au fur et à mesure des jours, des alliés qu’elle pouvait trouver, elle se rendait compte que son nom de famille n’était pas synonyme d’ambition, mais bien de cruauté et d’hypocrisie. Le constat n’avait pas été si dur et cela à avaler, après tout, elle était aux premières loges du responsable des rumeurs.

Comment ? Comment tout ceci avait été couvert ? Comment prouver ? Toutes ces questions tournaient dans sa tête, alors qu’elle arrivait enfin devant la clinique. Elle était arrivée à la fin de son second trimestre et voyait son ventre s’arrondir de plus en plus, grandir de plus en plus, à un rythme plus lent que les angoisses et les peurs de son quotidien. Le cabinet du docteur lui apportait toujours un apaisement et la renvoyait à une période bien plus frivole, naïve et immature qui lui manquait déjà. Elle n’était pas mariée depuis un an, un peu plus de six mois, et elle voyait les limites de son ambition.

La nouvelle secrétaire lui fit signe que le docteur l’attendait. Daisy n’avait pas de mal à obtenir de quelconque rendez-vous auprès de qui que ce soit. Un privilège qui avait désormais un goût amer, - Merci, beaucoup. fit-elle, avec un sourire chaleureux, avant de, directement, se diriger vers cette porte qu’elle avait bien connu. Elle toque, entre, et ferme la porte derrière elle.

- Bonjour, Docteur. fit-elle, avec son habituel sourire, elle était réellement contente de voir Minh-Oh.

Daisy se demandait si en réalité elle n’acculait pas le monde avec ses problèmes ? Elle blâmait son impuissance et sa marche de manoeuvre réduite. Seulement, au demeurant, elle embarquait parmi ses plus proches amis dans une histoire qui risquait sans doute de se terminer dans les larmes. Il fallait déterminer si ses larmes seraient de joie ou de tristesse. Était-ce de l’égoïsme ? Aurait-elle du s’atteler à cette tâche seule ? Tant de questions auxquelles, Daisy n’avait de réponses. Et même si c’était de l’égoïsme, elle n’avait pas vraiment le choix. Elle pouvait blâmer autant qu’elle le voulait, mais seule face au monstre, elle ne pouvait rien.

Elle sourit doucement, sert la mâchoire quelques instants, avant de prendre une longue inspiration qui lui permit de déglutir. Daisy ne pouvait que s’excuser du poids qu’elle mettait sur les épaules de chacun. Elle imaginait certaines voix, des échos, lui rappelant qu’on l’avait bien prévenue, qu’elle ne pouvait plus que se coucher dans le lit qu’elle avait fait. On lui avait caché des choses, son époux lui avait caché les pires vices que la terre puisse porter, elle enrageait de cette traîtrise. - Je suis désolée de devoir vous mêler à tout cela. déclare t-elle en premier lieu. Si de simples accusations, et les blessures à peine guéries des enfants suffisaient… Daisy devait l’avouer, elle comptait largement sur le fait que Neela et Minh-Oh ne pouvait pas voir son mari en peinture. L’ennemi de mon ennemi est mon ami, n’était-ce pas cela l’adage ? Daisy espérait aussi pouvoir retourner la propension de son mari pour le chantage en trouvant ce qu’il utilisait pour mener son monde à la baguette.

- Très honnêtement, je n’imagine pas le divorce comme une possibilité. commence t-elle. Si le plan face à Newman fonctionnait, et que tout se passait comme elle le souhaiterait, Newman serait au mieux disgracié, au pire exécuté. Elle deviendrait de fait veuve, et mère célibataire. Daisy n’avait jamais envisagé pareille destinée, mais c’était celle qu’elle accepterait. -  Tant que je ne suis pas séparée de mon fils, peu importe. reprit-elle.

- Les abus sont assez violents et assez réguliers pour qu’il y est eu des séjours à la clinique ou, et, des dossiers médicaux, des radios, qui ont été dissimulées. Ce qui ne semble pas difficile pour le responsable du corps médical, je peux l’imaginer. continue t-elle, pensive. Newman ne pouvait avoir agit seul. Ça ne lui semblait que bien peu probable. - Je soupçonne un complice, quelqu’un qui l’aiderait. Peut-être quelqu’un qu’il ferait chanter… explique t-elle ensuite.

Le pragmatisme froid de son ancien patron l’avait toujours décontenancée. À l’heure actuelle, il était certainement nécessaire, mais au fur et à mesure que les phrases qu’il déclarait arrivait aux oreilles de la jeune femme, elle prit la pleine conscience de l’ampleur du problème.

- Je sais qu’il fait chanter des gens, déclare t-elle, il devait avoir de quoi tenir en laisse quiconque oserait ne serait-ce que le regarder de travers. L’homme était un tyran, sans scrupules, plus les jours et les semaines passaient plus la jeune femme s’en rendait compte. Elle baisse les yeux quelques instants avant un long soupir. Elle ne pouvait abandonner maintenant, quelles étaient ses options en vérité ? Fuir ? L’idée lui avait traversé l’esprit, elle ne pouvait mentir, mais fuir pour aller ou ? Et faire quoi ? Elle redresse la tête, avec un mince sourire sur le visage, avant que celui ne disparaisse tout simplement.

- Docteur, je n’ai pas beaucoup de choix. Il doit tomber, je ne peux me résoudre à devenir complice d’un homme qui bat ses enfants jusqu’au sang. déclare t-elle.

Il lui demande si elle se sentait capable de se débarrasser définitivement du monstre, elle n’avait pas d’autre choix. Elle n’avait aucun autre options, son monde ne le lui permettait pas. Daisy touche son ventre, c’était son fils, qui n’avait pas demandé à être mise au monde, qui finirait pas payé pour son impuissance et sa naïveté si elle venait à échouer. Daisy ne pouvait le concevoir, une colère monstrueuse et sourde la prenait à gorge quand elle y pensait. Peut-être était-ce là l’instinct maternel dont elles parlaient toutes. - Pour les langues se délient, je dois me procurer ce qui lui permet de maintenir son chantage et sa façade. reprend t-elle, en se redressant. - C’est le seul chemin qui s’offre à moi, Docteur. lui répond t-elle, déterminée. - L’échec n’est même pas une option.

Il lui avait fait l’exposer de ce qui pouvait arriver, ce qui arrivera, Minh-Oh semblait bien mieux connaître son époux qu’elle. Ou peut-être avaient-ils tous les deux une place au premier rang de la perversion et du sadisme d’Ethan Newman, seulement Daisy elle, était arrivée en cours de représentation. - Je ferais ce qu’il faudra.

Au fur et à mesure des paroles du docteur, Daisy comprit toute la haine qui animait son ancien patron. Il semblait y avoir pensé depuis plusieurs semaines, si ce n’est plusieurs mois. Après tout, il connaissait certainement Ethan Newman bien mieux qu’elle, malgré le fait qu’elle fut l’une de ses Épouses. Plus les mois passaient, plus elle se sentait stupide d’être tombée dans le panneau des grandes phrases de son mari. Il aurait pu avoir tous les vices qu’elle aurait été foncièrement capable de fermer les yeux, mais il avait fallu qu’il batte ses enfants.

Une mort louable ? répète-t-elle, presque incrédule. Elle n’imaginait pas pareil scénario. Imaginer qu’Ethan Newman puisse garder son honneur malgré tout ce qu’il avait commit comme horreur lui semblait bien trop noble. Elle a l’impression que la bile lui monte dans la gorge, elle feint un haut le coeur, comme elle avait l’habitude de le faire. La grossesse aidant à gâcher ce dégoût qui ne faisait que grandir à l’encontre de son mari. Mais elle demeurait une bonne épouse : souriante, polie, éduquée et les jambes ouvertes.

Daisy n’avait jamais envisagé l’empoisonnement ni le meurtre. Elle n’avait envisagé que le montage d’un dossier accablant à l’encontre de son mari gardé par le couple Ortega. Mais elle avait l’impression de ne pouvoir faire confiance en absolument personne. C’était bien simple, au fur et à mesure qu’elle découvrait l’envers du décor concernant son époux, tout le monde semblait profondément le haïr. Une haine qui trouvait désormais un bon prétexte pour se déverser, tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins, peu importe les risques.  N’avez-vous aucune autre alternative à l’assassinat ? demande t-elle. N’y a t-il pas de risques de contamination croisée ? Personne dans notre foyer n’a le luxe de garder ses distances avec mon Époux. lui explique t-elle ensuite.

Daisy aurait presque voulue être outrée, choquée par l’idée qu’on en veuille à son mari et qu’elle puisse y prendre partie, seulement la tentative d’empoisonnement lors de leur mariage prouvait qu’il avait une large cible sur le dos d’Ethan Newman. Elle soupire longuement, baisse les yeux quelques instants, avant de se reprendre. Je ne souhaite la mort de personne d’autre, Docteur, je veux simplement que mon enfant puisse grandir sans une épée de Damoclès au dessus de la tête. reprend t-elle ensuite, déterminée. J’ai pu m’entretenir avec des alliés de poids, ils m’ont conseillé de chercher des preuves et de les rassembler, plutôt que d’essayer une tentative d’assassinat. avoue t-elle ensuite. Qu’en pensez vous ?