Elle avait beau être rentrée, c'était comme si quelque chose continuait encore et toujours de la ramener sur ce putain de bateau. Quand elle ne se trouvait pas sur le terrain du lycée à se vider de son sang, ou à grelotter de fièvre dans ce vieux garage à l'abandon ou Jeshoa l'avait découvert. Mais cette fois ci, en rouvrant les yeux, elle savait qu'elle n'était pas perdue dans un rêve fiévreux. Reconnaissant rapidement le lit de la chambre qu'elle partageait avec Anton, prête à se lever d'un bond avant qu'une douleur aigue ne la force à se rallonger, étouffant un juron. La lettre gravée au fer lui donnait toujours cette sensation que sa poitrine allait s"ouvrir en deux, avisant le pansement épais par dessus son t-shirt trop grand. Et surtout, avisant l'autre présence dans la pièce. Une des seules qu'elle n'avait pas réussi à affronter du regard depuis son retour, alors que ses yeux bruns croisent ceux d'Anton. Hey. C'est presque par automatisme qu'elle réussi à lui offrir un sourire, malgré cette sensation de vide intense qui pèse dans son ventre. J'ai dormi longtemps ? Et surtout, depuis combien de temps était-il la ? Elle avait eu des bribes de souvenirs. Avait-il pu entendre quelque chose de suspect ? Non, impossible. Elle se l'était promis de toute manière. Il ne s'était rien passé.

Anton regarda Lex d’un air inquiet, il n’était pas un grand expert en psychologie mais il avait bien vu les séquelles physique de sa compagne. En dépit de ses propos qui se voulait rassurant, il y avait quelque chose qui avait changé dans le comportement de Lex. Son sommeil était agité, elle semblait très méfiante par moment : « Pas tant que ça. » Le sommeil de Lex était très léger, agité, inquiétant : « Lex… »

Il s’approcha d’elle et s’assit sur le lit, juste en face d’elle. Dans ses yeux on pouvait très clairement lire qu’il était inquiet pour elle : « T’es sûre que tu vas bien ? » Ce n’était pas la première fois qu’il lui posait la question et pour le moment, elle s’obstinée à lui répondre que tout allait bien.

Pas tant que ça. Sans grande surprise, en fait. Mais elle n'en dit rien, se contentant d'hocher la tête à cette idée, à moitié surprise. Son regard venant se poser sur la porte face à la chambre, avant de relever la tête vers Anton quand il l'appelle, l'interrogeant en silence du regard. L'observant sans mot dire s'installer face à elle sur le lit, alors que sa question suscite en elle bon nombre d'émotions contraire. Une partie scellé qui meurt d'envie d'être dans ses bras, revenir l'embrasser après des jours de disparitions, quand l'autre la maintient immobile avec une force qu'elle n'aurait jamais soupçonné. L'affection qu'elle pouvait avoir pour le brun laissant place à une toute autre émotion qui lui scie le ventre, lui coupe une seconde la respiration alors qu'elle s'interdit de repenser aux flash qui viennent parfois obséder ses pensées. Ca va. La réponse est toujours la même, finalement. Deux mots, martelés avec fermeté et sans le regard dans les yeux, pour ne pas montrer les plaies béantes qui manquent de la vider de son sang. Ca expliquerait sans doute ce vide intérieur, que rien ne semble vouloir combler, non ?

J'ai juste quelques douleurs, rien de transcendant. Elle sait qu'elle est trop détachée, trop nonchalante pour que ce soit sincère. Mais elle n'a que cette carte en main pour l'instant. Et un tatouage imprévu. Au moins, ça lui arrache un rictus qui pourrait presque passer pour un sourire en l'état des choses. T'es là depuis longtemps ? Histoire de savoir s'il pouvait avoir quelques doutes.

Pour l’ancien policier, le sourire qu’elle lui affiachait « Assez pour voir que tu ne vas pas bien. » Il soupira encore, décroisant les bras et s’avançant jusqu’au lit, pour savoir a côté d’elle et non plus en face d’elle. Il lui offrait sa proximité, peut-être que ça l’aiderait à se confier ?

A son oreille, il murmura, cherchant à lui prendre une main : « Lex, j’ai travaillé dans l’antigang pendant des années. » ça faisait un peu argument d’autorité, mais les réactions de Lex, ça rappelait certains de ses collègues qui revenaient d’une mission très pénible : « Je sais encore voir quelqu’un qui souffre de ce qu’il a subit ou fait subir. » A l’époque il s’en foutait, mais dans le cas présent, ça concernait quelqu’un qu’il appréciait énormément, alors il se devait de faire quelques chose.

« Si je vais parler à Yulia, elle aussi me dira que rien ne s’est passé ? »

Je vais bien. maintient fermement la brune, s'enfonçant un peu plus dans son mensonge à chaque seconde. Relevant les yeux quand Anton vient finalement s'installer à ses côtés, laissant le brun lui prendre la main avant qu'il ne vienne murmurer à son oreille, lui arrachant un souvenir bien moins sympathique. Fermant les yeux par réflexe pour chasser l'image de la cellule, alors qu'il évoque son passé dans l'anti gang, se refusant à croiser son regard quand elle sent ou il veut en venir. Et si elle ne doute pas qu'il puisse s'agir d'une bonne intention, elle ne peut s'empêcher de se crisper à cette idée, alors que son regard revient à lui. Ses machoires se contractant alors qu'elle jugule cette envie d'exploser, quand il évoque la carte de Yulia. Et moi je ne suis pas un de tes suspects. Si son ton reste calme, l'angoisse dans son ventre elle, monte d'un cran à l'idée qu'il puisse aller parler à la russe. Car si elle avait réussi à lui faire garder le silence, elle doutait fort qu'elle le tiendrait encore si Anton allait la voir de visu.

Ma parole te suffit pas, c'est ça ? Retirant sa main quand une partie de son être pourtant aurait rêvé de la garder dans la sienne, venant nerveusement passer une main dans ses cheveux pour éviter qu'il ne puisse lire le cauchemar dans son regard. Y'a rien à dire Anton. C'est ... Elle y pense, pourtant. A mettre des mots sur ses maux. Mais sa gorge se noue bien avant que l'idée ne franchisse ses lèvres. Ca passera. Ca finit toujours par passer, tu le sais non ?

Anton leva les yeux au ciel, mouvement défensif classique, il avait mis le doigt sur quelque chose, si elle se braquait de la sorte : « Lex… » L’accusation de ne pas avoir foi en sa parole était le dernier signe qu’il y avait définitivement quelque chose qui n’allait pas. Avec n’importe qui d’autre, il se serait même laissé aller à s’énerver, mais avec elle, il voulait faire preuve de patience : « J’ai une confiance absolue en toi. Ce n’est pas la question. » Bien au contraire, c’est par ce que sa parole comptait qu’il voulait savoir pourquoi elle allait si mal. Il voulait l’aider :

« Dis moi ce qui passera Lex. Je suis là pour t’écouter. » Il secoua la tête, bon sang, elle était encore plus têtu que lui, c’était dire !

Alors pourquoi tu te contentes pas de ça ? S'il avait tant confiance en elle, pourquoi menacer d'aller voir Yulia et faire du chantage avec elle ? C'est presque avec désespoir qu'elle l'observe quand il assure que le problème n'est pas là, que c'est autre chose. Parce qu'elle sait pertinemment quel est ce problème sur lequel il ne pose pas de mots. De cette absence complète de contact qu'elle a eu avec lui depuis son retour, alors que ça lui brise le coeur de l'entendre assurer qu'il est là pour l'aider. Sauf, qu'il ne pourrait pas. Jamais elle ne pourrait assumer qu'il puisse la regarder comme si elle était une victime brisée, par ce qu'ils lui avaient fait subir dans cette maudite cellule. Fermant les yeux quand ses lèvres se pincent, sentant son coeur s'emballer à la simple idée de repenser à ce qui est arrivé.

Tu peux pas... qu'elle finit néanmoins par murmurer à contre coeur, se détestant de ne pas être capable de poser des mots sur ce qui à pu arriver. Et si c'était même pire, hein ? Tu peux pas. Au moins, son front vient se poser contre le sien un court instant, le contact venant une seconde apaiser son coeur malmené par des émotions contraires. Il s'est rien passé. Contentes toi de me croire. S'il te plaît...