Je vois bien que ce que je dis n'est pas vraiment ce à quoi il s'attendait. En tant qu'esclave, je devais le suivre. Je n'avais pas le choix. Et au fond, je préférais être avec Isha qu'avec James. Parce que malgré ce statut, Isha n'a jamais montré de violence envers moi. Et je lui en suis reconnaissant pour ça. J'ai toujours été traité correctement même si ça ne m'empêchait pas d'avoir toujours un oeil dans mon dos.

- Tu n'as pas compris. Ce n'est pas ma place de te suivre lorsque tu vas retrouver ta famille. Il n'est pas question de résistant, de New Eden. Il est question de toi et de ta famille.

Bien sûr que je veux continuer à écrire s'il le juge nécessaire. Mais le suivre pour aller retrouver sa famille, ce n'est pas une chose que je veux faire. Au delà de ça, j'aimerai du calme. J'aimerai arrêter de courir pendant un temps. Rester à un endroit et essayer de me sentir mieux. Je le regarde tirer une chaise pour s'asseoir et je ne sais pas vraiment quoi lui dire.
J'avoue que je suis surpris de le voir prendre du temps pour parler. Je sais qu'il n'est pas le plus à l'aise là dedans et, je dois avouer que ça me touche un peu.

- Pourquoi vous avez choisi de me garder moi ? Qu'est ce qui a tiqué dans votre tête pour vous dire ce sera lui plutôt qu'un autre ?

Je ne dis pas. Je suis heureux pour Min-Oh et Mason même si je ne connais pas leurs états à l'époque. Mais nous étions suffisamment nombreux. Qu'est ce qui fait que j'ai été gardé plus qu'un autre ? Parce que j'étais le plus paniqué ? Parce que j'avais la tête du type qui n'a rien à faire ici ? Je ne sais même pas pourquoi ça m'importe autant. Mais s'il veut parler... alors j'ai des choses à dire.

- Isha, je suis pas comme toi. Je ne suis pas comme James, Lee, même le reste du groupe. Je me bas pour me défendre. Je ne suis pas un mercenaire. Je veux continuer à écrire ce qu'il se passe. Mais je ne pense pas avoir les épaules pour plus que ça.

Je ne sais même pas comment il va réagir. C'est difficile de toujours garder la tête haute mais je crois que je fatigue.

J’ai l’impression de tomber un peu des nues devant sa réponse. Evidemment, pour moi, embrasser la cause nécessite un certain enthousiasme et je ne suis pas trop sûr de comprendre pourquoi cette soudaine tiédeur. Je souffle en cherchant mes mots pour répondre a sa phrase qui sonne zarbe.

« Bah… en fait… même si ca me ferait plaisir de te présenter a ma famille, c’est plus pour la base de résistants que j’aimerais que tu viennes. Parce que, a mon sens, ca devrait être plus qu’un chapitre entier pour ces mémoires que tu écrits. Tu imagines si on avait pas parlé de l’Etoile de Noir dans Star Wars? »

Je tente de lui sourire a cette métaphore que je trouve drôle, même si la situation me dépasse quand même. Je sais que c'est pas moi la plume du groupe et que j'ai surement pas sa sensibilité pour savoir ce qu'il faut mettre, ou pas; mais ca me parait quand même être le gros trucs cette base. En fait je commence a vraiment me demander si le problème est pas ailleurs. Sa question me prend un peu au dépourvu, mais je ne réfléchis pas beaucoup avant de lui répondre, mon regard plongé dans le sien, porté par la spontanéité de ce moment :

« Parce que j’ai vu ce qui se cachait derrière le NE entravé pas seulement par nous. J’étais pas tout a fait sur, mais la suite m’a donné raison Evan. Non, tu n’es pas comme moi, et c’est tant mieux, ni comme Lee ou Jaime, mais justement, c’est aussi ce qui te rend plus fort que nous et précieux pour l’équipe. »

Je suis sérieux en disant cela. Je ne lui ai pas menti quand nous avons été a Cliffdell. Même si le choix de mon objecteur de conscience peut prouver le contraire, j’estime avoir un bon instinct pour jauger les gens. Ce moment assez étrange ou on peut se parler, sans craindre d’attaque, de vague, ou que je suis a m’arracher les cheveux pour la suite des combats me pousse a continuer a exprimer ce que moi je pense de lui en toute sincérité.

« Cette guerre, je sais que nous ne la gagnerons pas sans ton aide, parce que, justement, tu es celui qui voit ce qu’on est plus capable de voir et qui est là pour assurer quand on se merde. T’es pas aussi abimé que nous et je sais que si à un moment on a des décision a prendre, tu sauras notre garde-fou pour qu’on devienne jamais comme ceux qu’on traque. Tout ca, c’est pas une question d’épaule, c’est une question de tempérament et aussi, d’autre chose qu’on a, ou pas… et toi, tu l’as. T’as pas hésité a sauter a la flotte pour nous sauver, t’as jamais essayé de nous la faire a l’envers même quand on a t’a fait chier et tu m’as sauvé la vie d’une mort de merde… et je sais que j’ai une capacité a être un calvaire au quotidien que t’as su endurer. »

Je lui souris avec complicité à cette image qui est malheureusement un peu vrai. Je suis pas le bon clebs pour garder un intérieur propre, mais je monte super bien la garde pour protéger les miens. On ne peut pas tout avoir. Je pose fraternellement une main sur son épaule tout en continuant a m’exprimer :

« Je sais que tu as peur, que les choses peuvent sembler hors de portée parfois, mais je ne t’aurais libéré de ta condition d’esclave et proposé d’être un des notre pour de bon si je ne pensais pas que tu étais plus que prêt. »

Je laisse un silence avant de continuer :

« Maintenant que tu es un des notres et plus Dobby, ce n’est pas a moi de décider ce que tu veux ou doit faire. Et aussi, faudrait qu'on te trouve un petit nom, sinon, on va croire que tu kiffais Dobby et ca va te coller a la peau»

Je me marre a cette idée car j'ai bien senti que c’était pas un fan des elfes de maison.

Je pense qu'on ne se comprends pas. Je pensais que le but de partir était de rejoindre sa famille et pas de continuer sur ce côté de résistance. Je ne dis pas qu'il faut abandonner car New Eden n'abandonne jamais. Mais se focaliser sur les personnes que l'on retrouve est parfois préférable. Surtout une famille. Mais je n'ai pas la même vision que lui, c'est une certitude.

- Il y a beaucoup de personne ici, aussi.

Que je souligne. Impactés aussi par New Eden, j'en suis persuadé. Et si vraiment je continue sur cette lancé, avoir leurs informations me parait important aussi. Et me permettrait aussi potentiellement de ne pas trop bouger pendant un temps. Je ne sais même pas combien de temps nous devons rester ici. Ni si je veux continuer à suivre. Au delà de cette discussion, il y a des choses que j'aimerai savoir. Notamment ce qui les a poussé à me prendre, moi.
Je reste silencieux lorsqu'il me donne son point de vu. J'ai l'impression qu'il voit une humanité plus poussé que le reste du groupe. Mais je ne pense pas qu'ils en soient totalement dénués.

- Isha, j'ai sauté parce que ce sont des êtres humains. Et ce n'est pas de bonté de coeur que je l'ai fais. Je n'aime pas Lee et James. Ils me font peur et si j'avais réfléchi ne serait-ce qu'une demi seconde, je les aurais laissé.

Et je dis ça en toute honnêteté. Au fond, peut-être que je ne les aurais pas laissé mais j'aime à penser que j'aurai suffisamment hésité pour qu'ils aient le tend de disparaître trente mètres plus bas. Et j'aimerai qu'il le rentre dans son esprit.

- Et je t'ai sauvé toi parce que c'était la chose à faire. Je n'ai pas peur de toi. Malgré tout ce que tu as pu faire devant moi. Je te vois comme plus humains que d'autres. Et l'humanité que je possède, tu l'as. Quand à vous la mettre à l'envers, où je serais allé, exactement ? J'aurai crevé solo quelques parts ou j'aurai pris une balle dans le dos, je ne sais quoi d'autres.

Il faut juste qu'il arrête d'écouter James. Mais ça, ce n'est pas ma place. Je ne sais pas la relation réelle avec James. Si je sais qu'ils sont proches, très proches, je ne sais pas s'ils sont simplement amis ou s'il y a un lien de parenté quelque part. Je n'ai pas posé la question et ça ne me regarde pas. Plus d'une fois j'ai voulu m'enfuir, prendre mes jambes à mon coup.
Certes, ça n'a pas toujours été facile. Isha a été chiant par moment. Mais qu'est ce que je pouvais faire de plus ? Parce qu'il fallait que je ravale et que je ferme ma bouche si je voulais ouvrir les yeux le lendemain.

- Peur ? Je suis terrorisé, Isha. Je suis pour la résistance, je suis pour écrire ce que New Eden fait subir. Mais je pense que j'aimerai un peu de calme... Où j'ai pas à courir pour ma vie, où je peux dormir sur mes deux oreilles pendant un temps.

Je crois que j'ai envie d'un peu de calme. C'est surtout ça. Et de pouvoir réfléchir à ce que je veux faire maintenant que je peux faire ce qu'il me plait. Et même si l'esclavage n'a pas duré très longtemps, c'est difficile de me dire que j'ai le choix et le droit de faire ce qu'il me plait.

- Si je choisi de ne pas te suivre. De continuer à écrire ce que fais New Eden, est-ce que c'est si dérangeant si je ne bouge pas autant ?

«Ouai, mais on reviendra après ici, ça c’est certain, alors que Kitsap, je sais pas si on pourra y retourner. Visiblement, c’est plus chaud d’aller là-bas que d’entrer dans une boite de nuit pour snobinards. »

Je lui fais un petit sourire un peu amusé a cette image. J’ai quand mémé l’impression que c’est le gros truc a ne pas louper et, de ce que j’ai compris de la réaction d’Elena, les Stars n’ont pas les bonnes basquettes pour aller tâter le dance floor de cet endroit. Pour une fois que moi que c’est pas moi qu’on laisse sur le pas de la porte, j’ai le trois de jubiler.

Mais bon, pour le moment, c’est pas tant les places pour ce qui a l’air d’être « the place to be » qui semble faire rayonner le Evan. Si j’espérais que notre conversation l’aide a se sentir mieux, je vois bien qu’il a encore pas mal e questions et de doutes. Je reste silencieux a écouter ce qu’il tente de me dire, me disant qu’il n’a pas une vision juste de lui-même, loin de là. Pas seulement pour le fait qu’il me pense humain. Depuis ma naissance c’est pas le terme qu’on utilise pour moi, ca reste dans le domaine animalier généralement, de cafard a monstre en passant par clebs. Peur de Jaimes et Lee ? Bordel, il nous couve p’être vraiment un truc le Evan.

« Déjà, Evan, crois moi, quand il y a une merde et pas le temps de réfléchir, y’a ceux qui buguent, ceux qui fuient, ceux qui mordent et ceux qui sauvent. Toi, t’as sauté parce que c’est dans ta nature. T’es fait comme ça et c’est toi le plus humain de nous tous. Y’a pas a te demander si t’aurais fait ou pas autrement, parce que je sais que tu nous aurais sauvé dans tous les scenarios. »

C’est une certitude. Je le vois en lui. Il n’est pas aussi abimé que nous et est capable de raisonnements qui ne sont plus a notre porté après tant de mois a tuer des gens de la pire manière qui soit, que cela soit pour des infos, notre image, ou autres chose. A force de jouer nos rôles, on ne peut pas revenir en arrière juste en virant nos masques.

« C’est aussi pour ca que je te dis que l’on a besoin de toi. On doit tenir un role, on doit inspirer la terreur, on doit faire des trucs horribles mais c’est facile de se perdre dedans. Tu peux nous eviter de nous noyer. Tu sauras nous dire si on merde. Je ne suis pas sur de pourquoi tu es resté avec nous, si c'est seulement la peur, alors qu’on t’a bien bizuté, je le reconnais, mais quelles qu’en soient les raisons, t’es là, t’as gagné ta place, ton masque et ta liberté. C’est pas a moi de te dire quoi en faire. »

C’est un peu ca qui me fait peur, car je sens que sous son texte, Evan est plus en train de me dire qu’il préfère cette facilité complaisante dans laquelle trop de personnes se vautre, celle que je vais me refuser, quitte a devoir abandonner ma famille, pour continuer la lutte. Avec le plus de douceur qu’un mec comme moi en est capable, j’essaye de le rassurer.

« Avoir peur fait partiede la survie. On va rester ici quelques jours, au moins le temps de payer notre  dette. Tu pourras un peu souffler si c’est le front qui te panique et ca te donnera le temps de réfléchir a ce que tu veux vraiment pour la suite. Perso, je trouve que ca serait bien que tu vienne a Kitsap comme je pense que pour vraiment écrire sur ce qui se passe, ta place serait avec nous, mais, t’es libre mon petit elfe. »

Je lui lance un regard complice a ce rappel de ce qu’a été ses dernières semaines. Si je ne me sens pas humain, je me pense juste et je ne crois pas lui en avoir fait tant que ca baver. Ok, un peu, mais ca aurait pu etre pire. Quant a Jaime et Lee, évidemment, je ne vois pas l’ampleur du problème dont je fais, aussi, partie.

« Par contre, une petite chose, on ne pourra pas rester ici longtemps, et si tu décides de rester, je ne pourrais pas te protéger de ceux qui harcèlent ce groupe. Ils ont une bande d’une 100 aine de tarés qui les font chier… je serais vraiment plus rassuré de te savoir avec moi qu’ici. »

Je dois avouer que ce que me dit Isha me rassure et me donne une autre vision. Et s’il a raison, j’aurai probablement tenté de sortir leurs derrières de la merde, je ne sais plus vraiment si c’est parce qu’il le fallait ou s’il s’agissait d’une loyauté quelconque. Du fait qu’il fallait que je le fasse dans tous les cas. En revanche, si Isha est capable de m’écouter, je doute très clairement que le reste du groupe soit du même avis. James, Lee et les autres.

- Isha, je suis resté parce que je n’avais pas le choix. J’ai vu les fois où tu as laissé trainer une arme, où tu m’as tourné le dos pour voir ce que je ferais. Je ne suis pas stupide. Sauf que tu t’es vu ? J’aurai tenté quoi que ce soit, que j’aurai perdu un membre avant même d’avoir levé la main droite.

Je reconnais que j’ai moins subis que ce que je pensais. Et je ne sais pas si c’est un désir de moins m’emmerder ou si c’est pour récompenser une bonne conduite de ma part. Au fond, je préfère ne pas imaginer ce qui aurait pu se passer si j’avais décidé de me rebeller complétement contre ce type de système. Savoir qu’Isha me laisse quand même le choix, ça me fait du bien. Il a beau répéter que je suis libre, c’est encore un peu difficile de l’intégrer dans mon esprit.

- Je vais y réfléchir alors. Mais je maintiens quand même que, même s’il y a des résistants à Kitsapp, le mieux est de te concentrer sur ta famille. Tu les a cru mort durant un bon moment et je me doute que ça n’a pas été facile. Alors, prend aussi du temps pour retirer la casquette de rebelle pour reprendre celle que tu avais avant tout ce bordel.

La casquette que j’aimerai retrouver si ma propre famille foulait encore la terre ici. Ce qui n’est pas le cas du tout, il n’y a plus de doute finalement à l’instant T. L’information du groupe ayant décidé d’emmerder un peu plus celui-ci ne me surprend même pas.

- On a des milliers de tarés de New Eden au cul, tu crois qu’une centaine changerait la donne ?

Qu’on se le dise. Je ne pense pas que la bande de taré n’arrive à la cheville de New Eden. Quoi que. J’ai passé pas mal de temps là-bas, je suis peut-être un peu train de me voiler la face. Ca ne me surprendrait pas. Mais j’aimerai voir comment ça se passe ici. Je ne sais pas si, dans le cas où je décide de ne pas suivre, s’ils accepteraient ou non.

Je le regarde avec un petit air de gamin amusé quand il me dit qu’il est resté parce qu’il n’avait pas le choix et je ne sais pas s’il faut en rire ou en pleurer. Il n’a pas compris, en même temps, si ce qu’il nous dit de NE est vrai, il est conditionné a voir des barreaux sans même essayer de les effleurer. C’est tellement effrayant en fait de me dire que toute une population est surement comme lui, a voir les brèches, les armes et a ne pas agir car ils sont surs de ne pas avoir le choix. J’aimerais le libérer de ça mais c’est a lui de trouver la force et la volonté de sortir de cette cage qui n’a plus de porte depuis longtemps. Avec patience j’essaye de lui expliquer :

« Evan… je voulais juste te comprendre, voir à quel point tu étais conditionné. J’ai été esclave, moi aussi, il y a longtemps. Moi aussi j’ai fini par voir des chaines ou il n’y en avait pas, au point que je ne sais pas si j’aurais réussi à quitter l’arène sans l’urgence de sauver les miens.  Le choix, même quand on te fait croire que tu n’en as plus, il y en a toujours, ne laisse personne te dire le contraire. Fais-leur croire que ca marche si besoin, mais n’oublie jamais qui tu es et ce que tu veux vraiment. »

Je reste persuadé que si Evan avait voulu fuir, s’était pensé en urgence de la faire, il aurait tenté, voir même aurait réussi. Est-ce que je l’aurais tué ? Je ne sais pas. Peut être au début, difficile a dire. Il avait rapidement quitté le rang de ces sans visages, sans âmes ni relief a mes yeux. Je ne massacre pas ceux qui gagnent mon intérêt et encore moins ceux qui gagnent ma loyauté. Surement que j’aurais fini par le relâcher ou le confier a des gens comme les culs terreux si j’avais vu qu’il testait les barreaux de sa cage comme un forcené. Non, il avait choisi de rester avec nous, de ne pas prendre le risque de se retrouver seul ou de retourner a NE.

Je me ferme un peu quand il met le doigt ou ca fait mal pour moi. Oui, je vais devoir faire un choix entre la cause et ma famille. Ranger mon épée ou continuer le combat. Malheureusement, contrairement a lui, même si je ne le réalise pas consciemment, je ne me connais que trop bien. Les discours passionnés faits a ceux qui ne voulaient pas se battre n’étaient pas des mots creux pour moi. Je suis de ceux qui vont au bout, de ceux qui n’abandonnent pas, de ceux se relèvent et retournnt1e se battre, quel que soit les souffrances ou le prix a payer pour ca. Mon bouclier, c’est a Jaime que je l’ai donné, moi, je ne porte qu’une épée, c’est bien plus qu’une image. Tristement et avec pudeur, je lui confesse une réalité sombre.

« Je voudrais, mais ce n’est pas possible, tu le sais aussi bien que moi. Je vais aller demander pardon a ma femme… en espérant qu’elle accepte au moins d’essayer de me comprendre. »

Je ne veux pas condamner Emie, comme dans ces chansons françaises, a une vie d’attente sans certitude de me revoir. Les paroles d’une de celle qu’aimait changer Avalhon me revienne et sonne affreusement juste au regard de ce que je vais faire subir a mon épouse :

Elle me dit que c'est folie d'aller faire la guerre aux Francs
Mais je dis que c'est folie d'être enchaîné plus longtemps
Elle aura bien de la peine pour élever les enfants
Elle aura bien de la peine car je m'en vais pour longtemps
Je viendrai à la nuit noire tant que la guerre durera
Comme les femmes en noir triste et seule elle m'attendra
Et sans doute pense-t-elle que je suis en déraison
De la voir mon coeur se serre là-bas devant la maison
Et si je meurs à la guerre pourra-t-elle me pardonner
D'avoir préféré ma terre à l'amour qu'elle me donnait.

« D’ailleurs, pour protéger ma famille, je voudrais qu’en dehors de notre cercle, elle reste morte aux yeux des autres. On ne va pas se leurrer, si NE sait que Deadpool a une femme et des enfants en vie, ca les mettrait en danger. Un fantôme qui n’a rien a perdre est une chose, un père qui aime les siens, en est une autre. Et puis, je ne suis pas sûr de pouvoir survivre a leur mort une 2e fois.. »

Autant ne pas prendre de risque. Je pense qu’Evan peut comprendre. J’aime les miens a en crever et je trépigne de les serer dans mes bras, de réaliser que la mort ne me les a pas arraché, pour de bon. Mais, jamais je n’accepterais que le chemin ou je me suis engagé sans pouvoir faire demi-tour, apporte plus de dangers sur le seuil de leur refuge. Tant pis si cela m’oblige a souffrir la séparation et a mentir : seuls eux comptent. Je soupire pour essayer de me reprendre sur ses sombres pensées qui me torturent déjà l’âme plus que je ne veux l’admettre.

« J’ai bon espoir de voir comment s’organise Kitsap, ca sera peut-être la vague décisive en plus des Oblivions et des consciences qui s’éveillent a NE pour aller vers une fin de conflit. Même si officiellement, on est pas des SC, mais juste ce qui reste de la milice, avoir des contacts pour trouver d’éventuels soutiens peut faire changer les choses... »

Non, ma casquette de SC, je la porte comme ma combinaison de Deapool : presque tout le temps au point que je me sens nu sans. C’est devenu moi, ce « moi » du moins. J’ai plus grandi en quelques mois sans ma laisse, et en acceptant ce que je suis, qu’en 20 ans a essayer de faire semblant. Mais, ca je ne le réalise pas encore. Le petit con que j’étais est bien loin, presque mort avec le drame de penser les siens perdus a jamais. Il a laissé la place a autre chose, de plus dure peut être, mais aussi de plus mature et de plus en accord avec lui-même. Peut importe ce que je suis dans le regard des autres, peut importe si je suis un déviant ou pas, ce qui compte, c’est que j’ai un but et que je ne cherche plus a être ce que je ne serais jamais.

Avec une certitude absolue, a la question d’Evan, qui me ramène a cet endroit, a ce moment, et surtout, a lui, je réponds sans hésitation.

« Oui. On le fait déjà Evan. Sans nous, NE aurait continué sa progression. La guérilla les oblige a perdre des moyens, des ressources a être sur le qui vive sans pouvoir regarder ailleurs alors qu’ils ont déjà du mal avec les Oblivions et leur confit interne. Ils sont des milliers, mais grâce a toi, j’ai revu ma copie. Combien dans le lot sont tarés, fanatiques et capables de se battre ? Combien sont juste là parce qu’ils pensent qu’ils n’ont pas le choix et ont besoin qu’on leur montre qu’ils peuvent encore gagner leur liberté pour sauver leur famille ? Parce que c’est ca aussi ce qu’on fait au final. »

Je me redresse avec cet air de chef de guerre, cet étrange mélange de conviction tranquilles et de force qui fait que d’autres acceptent de me suivre sur le chemin des combats. Je suis peut-être une raclure de caniveau, un nuisible sans charisme ou je ne sais plus les termes qu’on a pas arrêter de me balancer a la tronche, mais au final, seul les actes compte et nous donne du relief. Les épreuves m’avaient rendu plus fort, m’avaient sculpté autrement. Avec un sourire en coin j’ajoute :

« Si on était des insectes insignifiants qui ne pourraient pas changer la donne, tu penses qu’ils perdraient autant de moyens à nous traquer ? Qu’ils feraient des procès aussi provocants ? Ou mettraient autant en scène les cadavres de nos frères d’armes ? La vérité est qu’ils ont peur de nous et savent que les occupations par la force confrontée a la guérilla, ne tiennent jamais. »

Je le regarde a nouveau, conscient que, quoi que je dise, c’est a lui de décider ou est sa place et ce qu’il veut vraiment.

« Tu n’es pas obligé de décider maintenant pour Kitsap ou pour te trouver ton masque. Mais c’est bien a toi et a toi seul de faire ton choix que je respecterais. Je ne veux pas de personnes avec nous qui ne sont la que parce qu'elles se sentent obligées, mais bien parce qu'elles savent pourquoi on fait ca. Je ne peux pas c’est te promettre une longue vie ou une mort douce, mais que cela soit ici ou avec moi, le danger est partout et la faucheuse nous retrouvera toujours. La seule chose qu’on maitrise ou c’est ou on veut aller. »

- Et qu'est ce tu as compris derrière ?

J'aime bien cette discussion. Celle où je suis, j'ai l'impression, à un niveau égal. Bien sûr, ça faisait un moment qu'Isha me parlait de cette manière. Que Dobby avait fini par ne plus être présent. Mais ça me fait toujours aussi bizarre. Je suppose que je dois reprendre l'habitude. Je vois bien que ce que je dis par rapport à sa famille le renferme un peu. Isha n'est pas trop difficile à déchiffrer par moment. Par moment, seulement.

- Isha. C'est ta femme, je pense que si quelqu'un est à même de te comprendre, c'est bien elle. Je sais que ce n'est pas possible pour toi de rester auprès d'elle et de cesser le combat. Je le comprends. Mais prend le temps, ne serait-ce que quelques jours.

Je me doute qu'il prendra quelques jours. Mais j'ai l'impression qu'il doit l'entendre aussi. C'est bizarre cette relation, j'en ai conscience. Mais j'ai vu la douleur quand il entrait dans la chambre de sa fille, fille qu'il croyait morte depuis un bon moment. Je pense que rien que la serrer dans ses bras sera une bonne chose pour lui.

- Rien de ce qui se passe avec les Scarecrow ne sortira de ma bouche. Encore moins si ça met en danger ta famille. Tu peux me faire confiance.

Mais oui, Kitsap semble être un bon endroit pour obtenir des alliés potentiels. Je ne peux pas dire le contraire. Alors, je me contente de hocher la tête à ses dires, sans forcément revenir sur le sujet. On verra quand j'aurai posé les choses à plat dans mon esprit. Isha me met en garde contre les ennemis du groupe présent ici. Mais j'ai bien plus peur de New Eden que des autres. Je ne sais pas quoi dire quand Isha me dit que ma présence à changer sa façon de voir les choses. Je ne pensais pas que tout le monde voyait New Eden comme uniquement des gens cinglés et prêt à se battre.

- Isha, dans le lot de ceux qui savent se battre, beaucoup sont là parce qu'ils veulent protéger leurs familles. Ou parce que vivre seul paraît être une épreuve trop complexe. Mason fait parti de ses personnes. Il reste à New Eden parce qu'il a une famille, des amis, des gens à protéger. A part les plus hautes têtes de l'adonaï, je ne pense pas que tous soient convaincu à 100% en New Eden. Il y a des enfants.

Et j'aimerai que beaucoup l'entendent. Et le pire, c'est que c'est bien Mason qui m'a fait prendre conscience de ça lorsque j'ai commencé à vouloir aider avec els rebelles. Personne n'est tout blanc ou tout noir. Et je ne peux que lui être reconnaissant d'avoir ainsi amener ma vision à le comprendre.

- Je ne vous connaissais pas avant d'arriver à Providence. Je ne connais pas leurs visions des choses. Mais tu as raison.

Les yeux sur Isha maintenant debout, je hoche à nouveau la tête. Je pense que je vais rester auprès d'eux, à écrire, à être présent quand il faut. Je suppose. C'est à voir à nouveau. Il me faut quelques temps et Isha m'a justement laissé quelques jours pour ça.

- Merci de me laisser un peu de temps, Isha. Ca compte pour moi.