Le discours d’Ela est tellement… posé. Réfléchi. Jena ignore si c’est par politesse, ou si l’intimité chez les Hawksley est… morne. Juste respectueuse et voilà. De quoi faire un enfant et chacun sa vie. C’est un peu le lot de toutes les femmes de New Eden. Mais parfois, l’étincelle nait dans le couple et les choses ne sont pas si conventionnelles… Jena a la chance d’avoir rencontré River et que cela se passe bien entre eux, malgré un début un peu chaotique, le temps de se connaître et de s’adapter l’un à l’autre. « Compliquée oui. » C’est un peu simpliste, mais ça résume pourtant la situation.

Et si elle avait trouvé ce lieu avant, peut-être qu’elle n’aurait pas perdu son fils… Il ne lui aurait pas été arraché par vengeance et il ne serait pas mort tout seul, terrorisé, sans sa mère et sans son père. Rien que d’y penser, son estomac se révulse d’ailleurs. Non, ne pas penser à ça, ne pas imaginer ses derniers instants… Elle sait juste qu’après, Locke n’a plus jamais été le même. Elle l’a perdu ce jour là, comme elle a perdu son fils. Ela répète les prénoms… un peu absente. Enfin, c’est une drôle d’impression qui se saisit de Jena, mais elle l’oublie quand la brune reprend en disant prier pour son fils. Elle a un sourire de circonstance, mais infiniment douloureux. « Merci. » Jamais personne n’aurait du prier pour son petit… Jamais il n’aurait du quitter cette terre avant ses parents.

Cette conversation avec Ela ravive beaucoup de souvenirs douloureux. Evoquer Locklan rappelle à Jena combien elle en a été amoureuse et combien il lui manque. « Vraiment ? C’est… inattendu. » Et elle ignore si c’est de bon augure ou au contraire vraiment étrange. Les souvenirs, le passé… Sans les oublier, il ne faut pas s’acharner à y songer et à comparer avec le présent. Cela ne doit en aucun cas parasiter la vie actuelle. « Locklan Reid. » Elle ne peut étouffer une part de tendresse en prononçant ce nom. Tendresse et regrets mêlés.

ELa se confie davantage sur son histoire, sur sa vie avant d’arriver ici, recueillie en sale état pour être sauvée par les émissaires. « Oh… Je suis désolée… » Une main compatissante vient se poser sur celle d’Ela à l’évocation de ses pertes. C’est terrible, vraiment. Bien loin de se douter de l’horrible vérité, Jena compatit à la douleur de son amie, ignorante du traitement qu’elle a pu subir ici et de ce qu’elle a réellement vécu auparavant. Ignorante également que dans la mémoire d’Ela se terre un secret qui peut bouleverser sa vie alors que cette discussion n’est que le prémice de grands changements à venir pour elle.

Locklan Reid. Le prénom évoque inévitablement un souvenir ; une chevelure ébène, un sourire ravageur et… Un regard où se dissimulait bien plus qu’on ne le soupçonnait. Le prénom la plonge dans une de ces absences qui la rend silencieuse, un peu stoïque. Il serait pourtant aisé d’attribuer cela à l’annonce de la perte des siens. Elle réalisait juste que… elle avait oublié. Ce n’était pas la seule chose que son esprit fragmenté avait cloisonné. Elle se sentait triste, soudainement. Honteuse aussi, alors qu’elle relève les yeux vers Jena à qui elle ne peut parler. Alors, elle se sert des condoléances pour cacher ses peines. « Ce… Ce n’est rien. » Le soutien de son amie lui fait du bien mais, après ça, l'israélienne devient plus fuyante. Non, ce n’est pas le souvenir d’un certain moment qui change son humeur - ils s’étaient embrassés alors qu’ils pensaient tous les deux, avoir tout perdu. Non, ce n’était pas ça. C’était plutôt le fait de ne pouvoir lui dire qu’il était encore là, quelque part. Ou plutôt qu’il l’avait été, avant qu’elle n’arrive ici. Etait-il toujours en vie ? Les cherchait-il encore aujourd’hui ? Avait-il rejoint les Remnants, même si elle avait manqué leur dernière réunion ? Des questions laissées à jamais sans réponse. Pouvait-elle vraiment livrer ça à Jena, alors qu’elle semblait avoir fait son deuil ?

Ce jour-là, Ela prétexta quelques douleurs liées à sa grossesse pour mettre fin à ce thé. Suite à cela, l’israélienne s’attarda de moins en moins après le club de lecture, jusqu’à ne plus venir à cause de sa grossesse trop avancée.

Début décembre 2022

« Bonjour, Jena… Tu aurais une minute ? Est-ce que… est-ce que tu es seule ? » L’épouse Hawksley, enceinte jusqu’aux yeux, s’était présentée à la porte des Atkins dans l’après-midi. Son amie - et gouvernante - Sylvia l’avait accompagnée mais, pour leur laisser un peu d’intimité, elle restait dans l’allée de la maison. Quand Jena hocha la tête et l’invita à entrer s'asseoir, Ela secoua la tête négativement. « Je n’en ai pas pour longtemps, on peut s'asseoir sous le porche ? » Demanda-t-elle, en désignant le banc dehors. Elle était nerveuse, fatiguée bien sûr - et surtout à quelques jours du terme.

« Je suis désolée de débarquer ainsi, à l’improviste. » Alors que les deux femmes s’asseyaient ensemble sur le banc désigné. Elle ne savait pas vraiment comment annoncer ce qu’elle avait à dire, elle avait longuement retourner la situation dans tous les sens et sans doute que les récents événements - et les hormones - avaient eu raison de ses résolutions. « Mais je crois que tu as le droit de savoir. » Souffle-t-elle, un peu. Elle pose ses mains sur son ventre rond, comme pour se donner un peu de courage avant de la regarder. « J’ai connu Locklan Reid… Avant… Avant d’arriver ici. » Se lance-t-elle, finalement, avant de laisser le silence s’installer pour permettre à la jeune femme d’encaisser la nouvelle.

Une visite inattendue…

Maelys est à l’école, et de toute façon, la jeune fille ne sonne pas pour rentrer chez eux. Même chose pour April, bien entendu. Wilan s’est endormi après une colère. Cela ne lui arrive pas souvent, et heureusement, Jena n’a jamais aimé entendre ses enfants pleurer sans pouvoir les soulager mais il faut parfois accepter d’être démunie. La porte s’ouvre sur Ela, sur le point d’accoucher, sans aucune exagération. Le terme ne devrait plus être très loin en vérité. Cela fait un moment que Jena ne l’a pas vue, se déplacer devenant de plus en plus difficile au fur et à mesure du temps et de l’avancée de sa grossesse. Un sourire se dessine sur le visage de la jeune femme, même si une lueur d’inquiétude brille dans ses yeux sombres en voyant son amie sur le pas de sa porte, sans crier gare. Et surtout… Pourquoi lui demande-t-elle si elle est seule ? « Ela, bonjour… Oui, bien sûr. » Elle fronce les sourcils. « Wilan dort enfin, mais les filles sont à l’école oui. » Pour répondre à sa question, elle est seule. Le fait que la femme qui accompagne Ela reste loin l’intrigue et… l’alarme. Elle doit avoir quelque chose d’urgent à lui dire. Et de confidentiel.

« Tu m’inquiètes… » Jena n’a pas refermé la porte pour pouvoir entendre son fils si il se réveille. Elle s’assoit près d’elle sur le banc. Son ventre se noue quand elle commence en disant qu’elle avait le droit de savoir. Cela n’annonce rien de bon et son instinct s’éveille. Elle n’a peut-être pas envie d’entendre la suite maintenant… Malgré elle, elle a un mouvement de recul, défensif. Mais cela ne suffit pas à la protéger de l’ouragan qui se déchaine violemment en elle alors qu’Ela lâche une nouvelle qui a l’effet d’une bombe. D’abord, elle demeure sans réaction, comme si elle n’avait pas entendu, pas compris. Et puis, ses grands yeux noisettes s’écarquillent quand elle comprend. Elle porte une main devant sa bouche, une expression horrifiée venant se peindre sur son visage d’ordinaire si jovial et lumineux. « Qu… Quoi ? Non, impossible, on ne t’a jamais vu, je m’en souviendrais… » Jamais Jena n’a croisé Ela du temps où elle était dans son groupe de motards, violeurs et assassins.

Evidemment, c’est sa première réaction défensive. Mais qui cède vite quand une voix lui souffle qu’Ela pu le rencontrer… plus tard. Quand Jena et Maelys se sont enfuies, suite à la nouvelle de sa mort… « Tu dois te tromper Ela, il est mort lors d’une de ses foutues missions. Ils… Ils nous l’ont dit. Je… Non… Non… » Son visage est devenu livide. Sa tête lui tourne. Sa main agrippe l’accoudoir du banc, s’y accrochant comme pour ne pas tomber. Elle a l’impression qu’elle est engloutie dans un gigantesque trou noir. Elle la regarde, implorante : « Ca ne peut pas être possible… » Sa voix est si faible, sur le point de se briser. Pitié… Faites que ce soit un malentendu…

Elle sait que c’est difficile à encaisser. À Walla Walla, on renonce vite à tout espoir, à toute pensée du passé. Elle ignore évidemment que ses croyances datent d’avant encore, mais elle estime que son amie est en droit de savoir. Qu’il y a peut-être encore un espoir après tout. Mais le voudra-t-elle seulement ? L’acceptera-t-elle ? L’espoir reste dangereux pour la communauté de New Eden. Car un seul espoir toléré est celui qu’offre leur Adonaï et sa sacro-sainte immunité divine. Peut-être que la nouvelle qu’elle apporte n’est pas heureuse. Peut-être bien que son amitié avec Jena s’arrêterait là. Mais elle ne peut plus le garder pour elle.

« Jena je… Je ne crois pas me tromper. Locklan était à Seattle avant que je n’arrive, ça remonte à plus d’un an et demi… Je sais que beaucoup de choses ont changé depuis… » Que ce soit sa situation à elle, ou celle de Seattle même. Elle n’aurait aucune information récente à lui donner. « Il avait réuni quelques informations sur votre disparition, il vous cherchait… Vraiment. » Lui raconte-t-elle, d’une voix douce et triste en laissant le temps à la trentenaire d’encaisser le choc de la nouvelle. « A cette époque je… » Elle se retient alors qu’elle allait parler des Remnants, s’en empêchant juste à temps. « J’étais dans un groupe et on cherchait quelques informations sur les New Eden… Il nous a pas mal aidé à l’époque. Mais il restait un solitaire, c'était la recherche de sa famille qui primait avant le reste, les miens auraient bien aimé l’enrôler mais… Finalement, vu comment les choses se sont terminées, ce n’est pas plus mal… » Dit-elle, en ignorant totalement qu’il avait quand même fini par les rejoindre, même si elle ne s’était pas représentée à leur rendez-vous.

« Je sais que ce que je t’apporte comme nouvelle est injuste… C’était il y a un an et demi et je n’ai aucune certitude sur ce qu’il est devenu depuis mais… » Commence-t-elle, désolée en baissant le regard. Elle se souvient bien de l’écossais. Même si c’était plutôt les souvenirs de Jena qui l’avaient rappelé à elle. Elle ignore toujours si elle fait bien d’en parler, elle sent juste que dans son cœur, c’est ce qu’il faut. Que le cœur et l’énergie qu’il avait mis pour les retrouver ne devait pas passer sous silence. « Vu l’amour qu’il vous portait… Je crois… Je crois que c’était important que je te dise que j’ai croisé sa route, et qu’il vous cherchait. » Elle relève la tête vers elle, pour l’observer respectueuse et silencieuse.

Non non non...

Son esprit se rebelle et refuse de penser qu'elle ai pu se fourvoyer à ce point, qu'elle soit partie avec sa fille sous le bras en abandonnant Locklan, encore vivant. Ils lui ont dit qu'il était mort. Pourquoi mentir si il pouvait revenir ? Après, ils se fichaient bien de la vérité, si ils pouvaient profiter de l'absence du mécanicien pour profiter de sa femme, voire de sa fille. Non, elle ne regrettait pas d'avoir fui, cela avait sauvé sa dignité et la vertu de sa fille... Elle n'aurait pas pu se permettre d'attendre qu'il revienne de toute façon. Mais... Son cœur éclate. Elle pose la main sur sa poitrine alors qu'elle a la sensation d'étouffer. De suffoquer. Locklan... vivant ? Mais qu'a-t-elle fait ? Ses sentiments pour lui n'ont jamais réellement disparu, mais elle pense aussitôt à River... Son nouvel époux, qu'elle aime réellement, d'un amour profond et sincère, ayant confiance en lui et se sentant honorée qu'il ai confiance en elle... Cela ne se peut pas... La vie ne peut pas être aussi cruelle avec elle.

Pour Ela, cela ne fait aucun doute. Il était à Seattle il y a un an et demi, bel et bien vivant. De toute façon, il est difficile de se retrancher derrière une erreur. Il les cherchait... Elle enfouit son visage entre ses mains, horrifiée. Choquée. Abattue. Son univers s'écroule. Elle écoute à peine son amie qui lui confie qu'elle l'a fréquenté à cette époque, alors qu'il avait approché son groupe d'avant pour essayer de les retrouver. Le pire, c’est que Jena n'en est même pas étonnée, cet acharnement lui ressemble bien. "Comment les choses se sont terminées ?" Malgré le choc, son cerveau fonctionne encore... Comment Ela est-elle réellement arrivée ici finalement ? Elle commence à se dire que son amie ne lui a vraiment pas tout dit.

"Pourquoi ?" Elle demande faiblement, avant de relever la tête, les yeux humides, les joues sillonnées de larmes. "Pourquoi maintenant ?" Elle se lève brutalement, la colère l'enflammant face à cette injustice, comme l'a fait remarquer la jeune femme. "Pourquoi tu me dis ça maintenant ? Pourquoi ne pas l'avoir dit quand nous avons parlé ? Tu... Tu ne peux pas débarquer comme ça et me dire ça comme ça..." Elle gémit, avant de se rasseoir et d'éclater en sanglots. "Tu ne peux pas venir balayer la vie que j'essaie de construire ici alors qu'il nous a abandonné..." Démunie, elle pose sa tête contre l'épaule d'Ela, bouleversée, à la recherche d'une étreinte, d'un réconfort, que personne d'autre ne saura lui offrir. Car elle n'a qu'une certitude à cet instant : ce secret le demeurera et elles en seront les deux seules détentrices. Elle ne peut confier cela à son mari. Et encore moins à Maelys qui commence seulement à s'adapter. Lui avouer la mènerait à faire des conneries pour s'échapper, elle en est certaine. Elle... Elle ne peut pas. Locklan est un adulte, il saura se débrouiller, si tant est qu'il soit encore vivant. Mais Maelys ? Non... "Je t'en prie... N'en parle à personne... Ne l'évoque plus jamais..."

Silencieuse, l’israélienne attend patiemment la réaction de Jena, se tordant un peu les mains au passage. Elle est touchée par la détresse de son amie et, en même temps, à conscience qu’un geste de réconfort serait sans doute mal pris de sa part. Mais Jena avait l’air de l’entendre, de la croire. Il y a un an et demi, Locklan était en vie. Garder cette information lui avait d’abord semblé obligatoire, aujourd’hui… Les choses étaient différentes. Comment les choses se sont-elles terminées ? Elle se mord un peu les lèvres. « Je devais le revoir quelques semaines après notre entrevue. Ses dernières informations fournies lui auraient permis de rejoindre mon groupe et d’avoir… un peu plus de moyens pour vous retrouver. Mais je suis arrivée ici avant… Alors je ne sais pas comment les choses se sont terminées à Seattle. » Lui raconte-t-elle, sans trop en dire. Comment pourrait-elle ? Le mari actuel de Jena est un fervent défenseur du fonctionnement de New Eden. D’ailleurs, lui devait savoir à quoi ressemble Seattle aujourd’hui.

Mais pourquoi lui parle-t-elle, dans ce cas ? Pourquoi maintenant ? L’israélienne ouvre la bouche pour lui répondre, mais la colère de son amie éclate soudain, pour s’éteindre finalement en lourds sanglots. Alors l’architecte se mue en silence respectueux, jusqu’à ce qu’elle sente qu’elle puisse à nouveau parler. « Je… Je ne pouvais pas t’en parler à l’époque. » Qu’elle lui confie, réellement désolée. « Je t’ai dit que mon groupe était tombé et que j’avais été sauvée par New Eden, tu t’en souviens ? » Ose-t-elle, néanmoins lui dire, sachant qu’elle prenait un risque dans un sens. « Disons que je n’étais pas si volontaire à mon arrivée, je ne voyais pas la chance que j’avais… » Qu’elle ajoute, doucement. « Quand tu m’as parlé de Locklan, j’ai eu peur qu’en te parlant on ne vienne me reprocher de parler de ma vie d’avant mais… Je sais qu’il m’a fallu du temps mais j’ai fini par estimer que ce n’était pas un mal de te dire que j’avais croisé sa route… Même si… » Difficile de nier que la nouvelle bouleversait la trentenaire.

« Je n’en parlerai pas… à personne… Cela n’appartient qu’à toi. » Dit-elle, en s’effaçant du mieux qu’elle pouvait. C’était une promesse qu’il ne lui était pas difficile de tenir. Puis elle se risque à venir poser sa main sur la sienne, pour la réconforter. « Jena… Je suis désolée. » C’était étrange de s’excuser après lui avoir annoncé que son ex-mari, qu’elle pensait décéder, était peut-être encore en vie. Elle ne devrait probablement pas s’attarder plus longtemps, mais l’israélienne préfère attendre que Jena calme sa peine avant de la laisser, livrée seule à cette nouvelle bouleversante. Il y aurait bien des choses qu’elle aurait aimé lui confier mais, ce n’était pas le moment. Et Ela n’avait non plus aucune certitude que cela ne lui retombe pas dessus un jour.

Aurait-elle préféré demeurer dans l'ignorance ? Oui. Savoir que Locklan avait survécu à l'attaque et l'imagine revenir au camp et s'apercevoir que sa femme et sa fille n'y étaient plus... C'était trop. Pourtant, Jena connaît son entêtement. Son acharnement même. Qu'il se soit lancé à leur trousse ne l'étonne pas. Elle se raccroche à la conviction qu'elle n'avait pas eu d'autre choix sur le moment, que rester signait le début des violences sexuelles sur Maelys et elle. Elle avait vu leurs regards concupiscents. Le moyen aussi de souiller ce qui avait appartenu à Locklan. Ces... hommes, si on peut les appeler ainsi, étaient pire que des animaux, sans foi, ni loi, ayant besoin d'user de violence et d'intimidation pour se sentir exister. Alors forcément... les femmes en avaient fait les frais. Et pas que, alors qu'elle songe à la pression que Zack avait subi.

Elle en apprend davantage sur la façon dont ils ont pu se rencontrer Ela et lui. Sur le fait qu'ils devaient même se revoir, Locklan projetant de rejoindre son groupe pour gagner un moyen d'approcher New Eden. Cela lui ressemblait bien... mais dans l'océan de choc dans lequel Jena se débat, il est une question : pourquoi maintenant ? Pourquoi venir lui apprendre cela alors qu'elle est mariée, heureuse dans son couple ? Elle oscille entre la colère et le désespoir, se laissant finalement aller à ce dernier. Elle n'a pas le droit d'en vouloir à son amie... Elle n'est qu'une messagère. Jena hoche la tête à la question de la future maman... Oui, elle se souvient bien qu'Ela disait avoir été sauvée par New Eden. Mais la réalité est un peu moins  idyllique on dirait. Emmenée de force serait plus juste... mais là n'est pas la question. Quoique... Jena comprend qu'Ela a sans doute été contrainte de s'habituer à cette vie et louer l'Adonaï, brisant ainsi ses convictions d'avant. C'est bien le genre de New Eden. Et qu'il ne lui était pas permis de parler de tout ce qui l'y renvoyait ou y faisait allusion.

En désespoir de cause, Jena ne peut que supplier son amie de ne rien dire à personne, ce qu'elle lui promet. Les sanglots finissent par se tarir cependant, tandis qu'Ela n'ose pas vraiment bouger, réconfortant Jena comme elle le peut. Elle ne peut pas lui confier combien elle a pu être amoureuse de lui. Même si elle l'a déjà évoqué au cours de leurs discussions. Locklan représente une période très heureuse de sa vie, bien que mouvementée. Mais il entraîne aussi dans son sillage la douleur de souvenirs traumatisants. L'insécurité. Le doute. Des sentiments qu'elle n'éprouve pas avec River. Locke était l'amour de sa jeunesse. River est celui de sa maturité. Deux périodes de sa vie... Deux besoins bien différents... « Ça va aller, Ella, ne t'inquiète pas. » Elle essuie maladroitement les larmes sur ses joues maculées et tente un pâle sourire qui ne fait guère illusion.