J’ai un pâle sourire amusé quand Milou me dit que j’ai le droit de penser a moi. Des fois, je me rends compte a quel point je suis débordée, mais ne rien faire est pire, a ce moment-là, c’est ma tête qui s’emballe et je reste toujours sur la même question : qu’est ce qui ne va pas chez moi ? J’ai tout pour être heureuse sur le papier, pour autant, je suis désespérément triste et focalisée sur les mots violents de Mateo au point d’avoir tout le temps envie de pleurer.

« Je vais en parler aux jumeaux et a Ducky… je trouvent qu’ils abusent un peu à ne pas être capable de manger seuls ou changer leurs couches sans aide, sans compter sur le exigence de câlins ou d’attentions. »

Il y a un peu d’humour et beaucoup de tendresse dans ma voix. J’aime profondément les petits. Ana et Elliot, dit les jumeaux, sont mes enfants a part entière à mes yeux, quant a David, dit Ducky, je passe des heures a contempler ce Daemon miniature avec tout l’émerveillement d’une mère. Je pense qu’on aurait dit a la Alex de Las Vegas qu’elle adorait autant avoir des enfants, elle aurait pensé a une mauvaise blague, mais le fait est qu’aujourd’hui je ne me vois plus vivre sans eux. Je ne sais pas si Milou adhère ou pas au fait qu’il n’y a que la fatigue est la seule explication, mais il a la clémence de ne pas vouloir creuser plus.

Je m’illumine un peu quand il se contente de me dire qu’on y va. J’ai a peine touché mon assiette, peut-être qu’après un peu d’exercice cela ira mieux, que j’arrêterais de penser a ce qui me ronge, que l’appétit reviendra. J’hoche la tête en lui demandant de m’attendre dehors le temps d’enfiler des vêtements de sport. Mes seins ont réussi l’impossible en devenant encore être plus gros depuis l’accouchement. Si cela ravi mon époux, pour moi qui voudrais disparaitre sous le tissu sans qu’on ne devine mes formes, c’est un calvaire. Le fou a vraiment brisé quelque chose en moi au point que je n’assume plus mon corps : il est devenu une source de crainte, comme si, le simple fait d’être une femme me mettait en danger. C’est avec un épais jogging bien trop chaud pour la saison, et un T shirt de Daemon très large pour moi que je rejoins Milou. Je soupire a sa question qui me parait aussi insurmontable qu’un précipice. Me décider fait partie de ces choses qui sont devenues compliquées :

« Je ne sais pas, me battre c’est bien, ca … ca pourrait être pratique aussi… j’ai, enfin, j’ai souvent l’impression d’être un poids pour vous tous quand on sort parce que je en sais pas me défendre. »

J’ai un triste sourire a cet aveu. Certes a distance, j’étais redoutable avec mes couteaux, même si, actuellement, je suis incapable de m’en rendre compte, mais dès que la menace arrivait au contact, malgré les entrainements de Connor, je restais en dessous de tous. Pour le moment, je ne devais ma vie qu’au fait d’avoir eu des amis qui s’étaient mis en danger pour moi ou de savoir bien faire l’anguille pour fuir. Une maigre consolation. J’écoute sa demande en fronçant les sourcils avant de réfléchir un peu plus :

« Tu as utilisé quoi comme couteau ? Les miens sont calibrées pour le lancer. Tu sais quand mon père a voulu m’apprendre, avant de le faire avec des couteaux, c’était des balles de sables. Déjà il faut savoir maitriser le geste, apprendre a viser quel que soit les éléments et les mouvements avant de maitriser le couteau en lui-même. Tu te débrouille comment en lancé ? Si on se tente un Dodge ball a deux ca donnerait quoi ? »

Il l'observa, le visage neutre, tandis qu'elle semblait plaisanter au sujet des mioches pas capables de s'occuper d'eux-mêmes, mais ne capta pas l'humour, et dût même faire une effort pour ne pas croire qu'elle se payait pûrement sa tête. De toute façon, lui, il ne comprenait pas vraiment l'attrait que les gens pouvaient avoir pour les bébés. C'était pas qu'il n'aimait pas ça, non. Juste … il s'en passait bien. Et il n'avait clairement pas envie de s'empêcher de vivre pour eux. En sommes, il n'enviait pas du tout Alex.

Ils finirent par se retrouver dehors, Milow requinqué avec ce gros petit déjeuner, et Alex vêtue pour s'entraîner. Elle exprima ses doutes concernant ses capacités de combat avant d'enchaîner sur les mots du plus jeune concernant le lancer de couteau.

Ah bah il était pas calibré pour le lancer, en tout cas, souffla-t-il simplement dans un haussement d'épaules, rejoignant avec elle une zone plus vierge pour être tranquille.

Quant à ses compétences en lancer …

Pas trop mal, j'crois. Enfin … pas pire qu'un autre j'dirais.

Une partie de DodgeBall ? Un fin sourire éclaira son visage. Ça faisait une éternité qu'il n'avait pas joué à ça et … l'idée l'enchantait particulièrement. Il lui lança le ballon et recula, traça ensuite une ligne au sol de la pointe de son pied avant de se mettre dans son camp.

Fais-toi plaisir, lui souffla-t-il pour l'encourager, et pour qu'elle se lâche un peu.

D'ordinaire, il lui semblait que ça se jouait à plusieurs, mais … pourquoi pas. De toute évidence, il était super doué pour esquiver, c'était un peu sa spécialité, non ? Esquiver, faire des pirouettes … la seule chose qui pouvait l'agacer serait de devoir aller chercher la b-

Pas le temps de plus réfléchir ou se vanter mentalement que la balle frappa de plein fouet, là, pile poil là où ça faisait très, très mal quand on avait un service trois pièces. Le seul réflexe qu'eut Milow fut d'ensuite attraper son paquet à deux mains, et les larmes lui montèrent brusquement aux yeux alors qu'il tombait à genoux. Et ben … la partie fut rapide.

Bordel …

Comme si tout son corps s'était électrifié. À cet instant, il détestait Alex plus que tout et il regrettait d'avoir tenté d'être sympathique et compréhensif avec elle. Elle méritait de souffrir, au moins autant que lui à cet instant. Et d'être humiliée de la même manière.

Je … j'croyais que c'était un … un match amical …

Serrant les dents, il ferma les yeux et tomba sur le côté.