Okay, okay, ça va pas être super bizarre comme sortie hein. J’veux dire, d’avoir mon père et … Lukas avec moi pour aller récupérer des planches, des clous et… j’sais plus quoi… bref. J’suis un peu en train de me perdre un peu là ? Bref ! Je disais quoi ? Ouais, c’est bizarre en fait. Mais du coup, j’me vois mal expliquer pourquoi. A l’un comme à l’autre. Bon, surtout à Richard en vrai, mais on va pas s’attarder à c’genre de détails.

Déjà, j’suis pas sûre qu’il ait vu d’un super bon œil la présence de Lukas à la maison quand il est arrivé. Faut dire que ouais, on passe beaucoup de temps tous les deux quand on est là, c’est sûr. Mais je l’ai quand même vu froncer les sourcils là, avant de faire comme si de rien était. Ils s’étaient déjà rencontrés il y a quelques mois, mais j’suis pas sûre qu’ils aient vraiment eu l’occasion de discuter. Est-ce que j’ai envie que Richard aime Lukas ? Ouais, un peu quand même. Qu’il l’apprécie un minimum quoi. Même si j’considère que je lui dois rien et qu’il a pas à décider de qui j’fréquente ou pas, j’ai pas non plus envie de l’envoyer totalement bouler quoi. J’ai encore du mal à savoir comment me comporter avec lui. J’vois bien qu’il essaie et tout. Comme à chaque fois. Mais… c’est pas aussi simple. Ca l’est jamais de toute façon. Et qu’en vrai, c’est surtout l’avis de Johanna qui m’importera dans cette histoire. Mais je crois qu’elle aime déjà Lukas de toute façon, alors, ça devrait le faire non ?

Bon…

Je prends une grande inspiration, avant de finir de m’attacher les cheveux et de sautiller hors de ma chambre. « Tout le monde est prêêêt ? » Bon, ils sont que deux, mais la question est légitime non ? J’vois d’abord Richard et j’agite la liste sous son nez. « J’ai tout noté ce dont on a besoin ! Tiens, ça te parait bien ? » J’lui tends le papier avant de reprendre, plus sérieuse. « J’ai eu droit à des graines quand je suis allée bosser la dernière fois à The Haven, faudra aussi qu’on remette le potager en place rapidement donc ! » Mon visage s’illumine quand je croise le regarde de Lukas qui vient de rentrer. Et j’lui rends un sourire timide, avant de vérifier que j’ai bien mes couteaux et ma batte de baseball. « Bon… tout le monde a ce qu’il faut ? Vous êtes prêts à partir à l’aventure ? On va commencer par la maison au bout de la rue. Et on reviendra au fur et à mesure. » J’prends un petit air décidé, convaincue que c’est la bonne option. Qu’ils essaient de me dire le contraire tiens.

Des fois, je me demande à quel point Mary-Abigail force l’entrain ou est juste naturelle alors que j’entends sa voix résonner avec enthousiasme. C’est un truc que j’aime bien chez elle. Entre autres choses. Rien que d’y penser… Je me dis qu’il va y avoir des moments de gêne aujourd’hui, surtout avec son darron dans l’équation. Je ne le connais pas plus que ça. Elle m’a parlé de lui et on s’est déjà rencontré, mais c’est resté vachement succinct. Je me demande ce qu’il pense de sa fille qui a vécu avec un garçon pendant des semaines. De ses filles, Johanna, nous ayant rejoint ensuite… J’espère que j’aurais jamais le droit à un interrogatoire à ce sujet. En plus, il y a encore trois jours, j’aurais pu répondre super honnêtement qu’on est juste potes. Mais maintenant… Je sens un sourire étirer mes lèvres. Je regrette presque qu’on ai été rejoint si vite par d’autres personnes. Et d’un autre côté, ça me rappelle quand même à la réalité et au fait que justement, on n’est pas tout seuls et que si on doit se fréquenter, va ptet falloir en parler aux autres. Ou qu’ils s’en rendent compte tous seuls. Je vois d’ici la tête de Jodie tiens… Egon s’en fout, je pense. Je fais bien ce que je veux. Et Johanna… Elle m’aime bien il me semble… Mais il est clair que j’ai pas envie d’annoncer quoique ce soit à son père. Mais y a-t-il quoique ce soit à annoncer ? On n’a pas vraiment parlé de ce qu’il se passe entre nous… On est juste bien ensemble et voilà. Et on en a profité.


Je finis de me préparé, vérifie mon matériel et je les rejoints alors que la jeune fille a déjà pris les choses en mains, donnant presque des directives à son père. Cela m’amuse, alors que mon regard pétille en croisant le sien. « Quelle organisation. » Une vraie pro. Je jette quand même un regard par-dessus l’épaule de Richard, par acquis de conscience. Même si Mary semble évaporée comme ça, je sais qu’elle a la tête sur les épaules quand il s’agit de survivre. Ou de trouver de quoi le faire en tous cas. « Bien chef. » Je réponds avec un ton un peu narquois, avant de croiser les bras en attendant qu’on se mette en route. J’ai mon arc dans le dos, ainsi que mes flèches et mon couteau au cas où, même si je préfère ne pas m’approcher du danger. « Tu parles d’une aventure au bout de la rue… »

Je hoche la tête à la remarque de Richard, fronçant le nez, songeuse. « L’avantage des lumières décoratives c’est que les petites led consomment que dalle et c’est avec des piles. Donc même si on a pas d’électricité cet hiver, on sera pas totalement dans le noir entre ça et la cheminée. » Enfin, dans tous les cas, faudra nous adapter avec la lumière naturelle, j’sais bien. Et j’ai du mal à imaginer comment on pourrait avoir le courant ici de toute façon. « Mais y a quand même besoin de ces milliards de clous ? » J’exagère à peine.

J’ai quand même le rose qui me monte aux joues quand tous les deux ont l’air impressionnés de mon organisation. « C’est juste une liste. » J’essaie de pas avoir l’air trop fière de moi avant de lancer un regard en coin à Lukas. C’est bête, mais j’aurais bien aimé lui faire un câlin. Sauf qu’on a pas parlé de ça. De nous. On a pas trop parlé tout court en vrai. Hum. Enfin bref. « Ce serait cool qu’on trouve des bocaux aussi. J’demanderais à The Haven comment on les fait. » Pour avoir des ressources cet hiver. Faut qu’on commence à stocker. Ils m’ont parlé de viande séchée aussi et si on arrive à avoir des poules, on pourrait avoir des œufs. Je me perds un peu dans mes pensées, alors que ouais, j’essaie d’anticiper toutes les merdes qui finiront par nous tomber dessus. Sauf que je sais bien que j’pourrais pas tout gérer et qu’il y aura des trucs qu’on aura pas anticipés. Genre cette fichue tempête.

Et j’aurais beau faire des listes, des tableaux, des plans, y aura toujours ces trucs à la con. Je me mordille la lèvre avant de secouer la tête pour me remettre les idées en place. J’prends la tête de notre trio, regardant autour de moi avec curiosité, mon sac à dos bien accroché sur mes épaules. Et je lève un sourcil à la remarque de Richard, quand il parle des lacets de Lukas. « Vraiment ? » Je roule des yeux, sans même réaliser que j’ai exactement la même mimique que lui et je secoue la tête avant de reprendre. « Oh, Lukas m’a trouvé un SKATE ! C’est pas trop cool ? Depuis le temps que j’en voulais un nouveau. » Je rends un large sourire au brun avant de glousser quand Richard reprend. « T’as préparé ton texte depuis quand ? Avant qu’on soit partis de la maison ? » Quoi ? Je peux bien me moquer un peu non ?

Finalement, le bout de la rue arrive assez vite. Et j’ai un temps d’arrêt, alors que j’entends du bruit plus loin. Me faut quelques secondes avant de piger ce que c’est et je lève un index en direction des deux autres, comme pour le dire de se taire alors que c’est moi qui étais en train de parler. Détail quoi. J’sors mon couteau et, d’un geste assuré, je le lance en direction du fourré. Avant de sautiller pour aller le récupérer et agiter un lapin que je viens de tuer sur le coup. Couteau détaché et nettoyé, j’accroche les pattes avant du lapin à mon sac à dos, avant de revenir, comme si de rien était. « Quoi ? Y a un souci ? J’suis bien restée dans ton champ de vision non ? » Soufflé à Richard, avec un sourire. « On continue ? » La dernière maison est en vue, en espérant que tout se passe bien !

Spoiler:

Je hoche la tête alors que je suis Mary-Abigail, sentant la présence de son père dans mon dos. C’est vraiment bizarre comme situation. J’aurais bien aimé qu’on soit seuls tous les deux, pour… juste profiter l’un de l’autre et de cette relation qui débute tout juste et que je ne sais pas encore bien définir. Je ne sais pas si c’est pareil pour elle, mais cela ne me paraît pas judicieux de tenter de m’en assurer avec son père qui traîne auprès de nous. Pour autant, l’atmosphère est plutôt tranquille, même si je marque un temps d’arrêt alors que Richard m’interpelle et pointe sa matraque sur moi… Puis la descend vers mes pieds. « Hein ? » Je réagis avec un temps de retard alors que je baisse les yeux vers mes chaussures… Et que je note que mes lacets sont effectivement défaits. En même temps, les pompes sont tellement défoncées… Je soupire lourdement, avant de me baisser pour les refaire, écoutant le daron nous donner quelques directives. Non mais, si on faisait des gamineries, on ne serait plus trop en vie non ? Je veux dire on est adultes maintenant. Enfin, je le suis moi. Je me redresse, me retenant de sourire alors que Mary semble si contente de son skate. Elle ne l’a pas pris pour cette sortie, il n’y en a pas braiment besoin. J’ai très envie d’apprendre à en faire avec elle, même si le premier essai a été catastrophique. « On va faire gaffe. » Je réponds simplement. Si Mary peut se permettre de charrier son père, ce n’est clairement pas mon cas.

Le temps de marche n’est pas très long et on se tait quand on arrive à destination, histoire de repérer un quelconque danger. Je trouve ça cocasse que ce soit la rousse qui nous fasse signe de nous taire alors qu’elle n’arrête pas de babiller. Mais elle sait se montrer discrète quand il le faut, je n’ai plus aucun doute à ce sujet après nos sorties. Cependant, ce n’est pas un rôdeur qu’elle déniche, mais un lapin, tandis que son couteau file droit vers le fourré, qu’elle le récupère, avec l’animal mort dans le même temps. Et son petit air… Je siffle un peu, moqueur : « T’es fière de toi hein ? » Cela se sent dans sa voix, et même dans sa façon de se tenir. Elle est douée avec son couteau et elle aime bien nous le rappeler. Je ne sais pas si c’est pour m’épater ou pour épater son père par contre. « Faut pas trop la complimenter, elle est infernale après. » Je souffle à son père, l’air de rien.

Je pouffe de rire quand Richard parle de clous. Je sais pas s’il dit ça pour déconner ou pas, mais il est tellement sérieux que ça me fait marrer. Et j’me rends compte à quel point ça me fait du bien cette petite sortie. A quel point j’ai besoin de l’avoir dans ma vie, même si je sais pas trop quelle place lui donner. Il est important, mais j’ai réussi à survivre sans lui. Alors, forcément, c’est pas super clair dans ma tête, surtout après tout ce qui a pu s’passer cet hiver. Je sais que j’ai de la chance qu’il soit toujours en vie et j’ai pas envie de gâcher ça. Et puis, ptet que je suis aussi contente qu’il connaisse Lukas. Surtout vu comment ça évolue entre lui et moi. ‘fin je crois que ça évolue. Mais je sais pas du tout où ça va par contre.

Hum. Bref.

J’ai un large sourire à l’attention de Richard et à sa répartie. « J’parie que t’as d’autres discours du genre en stock ! Envoie pour voir ! » Genre un truc au hasard, je suis sure que je vais rigoler. En attendant, je me concentre sur le lapin et ptet que j’ai envie de lui montrer – juste un peu – de quoi je suis capable. Alors, forcément, quand je reviens, j’ai du mal à pas relever le museau de fierté. Et à la question de Lukas, j’fais genre je hausse une épaule comme si de rien était, mais mon regard brillant parle pour moi. J’prends quand même l’air vaguement offusquée quand il continue. « Hééé ! T’auras pas de lapin pour la peine ! » Non mais oh. Je relève le nez et je m’éloigne, avant de me faire un peu plus sérieuse quand on se retrouve près de la première maison.

J’regarde autour de moi quand on est dedans. « Ca pue. » Ouais, ouais, j’suis trop douée pour décrire les trucs, je sais. « J’me suis toujours demandé si des gens étaient restés dans le coin quand tout a commencé. » Soufflé, d’un ton songeur, alors que je me rapproche d’une commode défoncée mais sur laquelle il y a toujours des cadres photos. Ils ont pris cher aussi, mais on distingue encore quelques trucs dessus. On dirait même qu’il y a une famille dessus. Et je l’effleure du bout des doigts, fronçant les sourcils sans même m’en rendre compte. Avant de relever la tête. « Oh, j’suis un vrai singe moi. Mais c’est pas le cas de tout le monde ici. » Un clin d’œil en direction de Lukas. « Milow m’a appris à grimper partout pour m’échapper. Des gens et des mordeurs. » Du coup, grimper par l’escalier, même s’il est pourri, me pose pas vraiment de problèmes. Sauf que je suis à peu près sûre que les deux là, ils vont pas vouloir. « J’pourrais passer par la rambarde. Et comme ça, j’vois s’il y a un truc intéressant là-haut. Si ça vaut la peine d’y aller, tout ça. »

Et, histoire de les convaincre, je commence à grimper comme le petit singe que je suis donc. J’ai vraiment aucun mal à me hisser à l’étage. Comme ça, hop, même pas le temps de râler. Sauf que j’ai un temps d’arrêt quand je vois une silhouette décharnée à quelques mètres de moi à peine. « Oups. »

Spoiler: