La petite n'avait pas bougé d'un centimètre. Les pieds vissés sur le sol et la tête au dessus de la rambarde de sécurité. Captivé, attiré par la beauté du vide et du paysage qui se dévoilait pour la première fois à ses pieds. La nature avait ce pouvoir bien trop souvent oublié de nous rendre muet face à sa grandeur. Elle mit du temps à récupérer la tasse que je lui tendais, entre méfiance et hésitation. Même son regard vadrouillait entre le paysage et la tasse, à croire que si jamais ses yeux lâchaient le décor plus de quelques secondes et que ses mains venaient saisir la tasse, la nature allait disparaître. La tasse aurait pu disparaître cela dit, si elle avait trop attendu je l'aurais posé à l'intérieur et basta. A croire que le contenu était du poison ou un monstre horrible qui aurait pu lui sauter au visage, elle finit enfin par regarder ce qui se trouvait au fond du récipient. La gourmandise la fit enfin craquer après d'énormes secondes de méfiance et je pus voir qu'elle y trouva son compte en se régalant avec la sucrosité des petites baies.

Après avoir bus quelques gorgées qui me réchauffèrent la gorge. Je lui proposais de passer de l'autre côté. La beauté de la mer et des forêts étaient continues et n'allaient pas changer d'ici quelques temps... Alors que de l'autre côté, on allait pouvoir s'amuser de regarder le village se réveiller tranquillement – si personne ne se met à gueuler de si tôt. C'est pas si commun de si bon matin et en général, à moins de crier vraiment fort ou que le vent porte vraiment bien, on est immunisés à leurs conneries ici. C'est bien. Ici encore, il lui fallut quelques minutes pour tout prendre en compte, pour regarder, pour admirer, pour se rappeler. Je voyais bien la fascination qu'elle avait pour cette vue. Une fascination telle que son corps enlaça un barreau et s'installa d'une manière peu conventionnelle dans le garde fou. Il ne manquerait plus que le truc cède et qu'elle se pète la gueule. J'aurais l'air con avec une gamine crevée devant le palier de porte. Remarque, ça ferait fuir les badauds. Un peu comme l'épouvantail fait fuir les corbeaux tu vois ? Enfin bref. Je m'étais appuyer une paire de fois sur cette rambarde et elle n'avait montré aucun signe de faiblesse, alors c'est pas ses vingt kilos qui allaient changer quelque chose. Posant les deux coudes au dessus de la barre à côté d'elle, je reportais mes yeux sur elle quand un son sortit de sa gorge. Plus qu'un son, quelque chose comme un mot, des mots, une phrase. Hachée certes, mais une phrase. Tout était présent, sujet, verbe et même un adjectif. M'enfin c'est pas pour autant que j'allais y répondre par des mots à mon tour. Un sourire enjoué, un hochement le tête et le tour était joué. Le tout terminé par une gorgée bruyante de café pour éviter de se brûler, plus une habitude qu'un fait, le café n'était pas assez chaud pour me brûler.

Suivant son regard insistant, je tombais sur la lampe du phare qu'elle avait regardé à plusieurs reprises déjà. Je voyais bien qu'elle était intriguait par cette grosse masse de miroir, mais hélas pour elle, il n'était pas question de l'allumer. De ce que j'avais vu depuis que j'étais dans le phare, rien n'indiquait qu'elle ne fonctionnait pas. Mais rien n'indiquait qu'elle fonctionnait non plus. Il fallait le jus pour alimenter l'ampoule, je n'avais pas essayé, mais le câblage et l'installation semblait en bon état. Le problème était plus d'ordre visuel. Allumer le phare, ne serait-ce que quelques secondes, pouvait nous faire repérer à des kilomètres à la ronde si quelqu'un regardait dans cette direction à ce moment... Et au vu des circonstances actuelles, il me paraissait mal venu de le faire. Mais un jour peut être. En attendant, son regard se déporta sur les jumelles suspendues au crochet. Me poussant de la rambarde, je les décrochais et lui tendais pendant qu'elle formulait à nouveau une phrase, une question cette fois. « Tu peux m'appeler Isa. »

Pointant du doigt vers le village, il y avait quelques personnes qui s'aventuraient dehors au moment où on parlait. « Regarde, c'est qui ? ». Ca allait nous occupait, deviner. Une pièce sur Faith qui va ouvrir l'infirmerie. Ce serait cocasse que ce soit Tori qui cherche la petite...

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Spoiler:

C'était bien elle alors, Anya. La petite moussaillonne qui avait failli se noyer deux cent quarante mille fois avant d'arriver saine et sauve sur les berges du vignoble, sacrée affaire ça aussi... Mais bon, le groupe des Stars avaient su se montrer utile et d'une certaine confiance grâce à ça. Lui révélant mon patronyme, du moins le début, elle fit la même chose sans doute par réflexe miroir. J'avoue être un peu curieux du passé de cette petite, d'où venait-elle ? Comment avait-elle survécu jusqu'à présent ? Quelle idée saugrenue lui était passée par la tête pour se dire de prendre une barque avec un temps de mort ? Je n'aurais certainement aucune réponse de si tôt mais tant pis... Je n'allais pas lui parler de son passé ou quoi, il ferait peut être ressurgir de vieux démons qu'elle gardait précieusement enfermés quelque part dans sa petite caboche. D'un hochement de tête, je lui fis comprendre que j'avais bien entendu et imprimé son nom. Elle n'était plus la petite Sméagol, mais la petite Anya.

Regardant les nuages qui déplacer lentement vers l'est, j'attendais que ses yeux captent le visage de la personne qui se déplaçait de si bon matin sur la route principale du village. Il fallut moins longtemps pour qu'elle trouve que ce que j'avais prévu et son exclamation de joie me fit presque sursauté légèrement. Elle avait reconnu Faith et c'était merveilleux pour elle apparemment. « Elle doit allait ouvrir l'infirmerie ». C'était une évidence mais je l'envoyais à haute voix, histoire de. Souriante de malice, elle se tourna vers moi et je saisis les binocles qu'elle me tendait, me défiant presque de trouver une autre personne et plus rapidement qu'elle. Seulement... Elle avait été rapide la petite ! Alors plaçant les jumelles devant mes yeux, je faisais pivoter la molette pour ajuster la vision et balayais le village pour trouver quelqu'un... Pas grand monde dans les rues à cette heure là. Si, ici ! Nobu, je crois, se tenait droit comme un cierge devant la porte de la maison, respirant à plein poumons l'air du matin, revigorant et iodé. « Je crois que Nobu vient de se réveiller » que j'annonçais en rigolant un peu.

Revenant sur Faith au niveau de l'infirmerie, je la vis rentrer dedans. La petite m'interpella à nouveau avec une question un peu étrange... Une vraie question d'enfant à laquelle tu ne sais pas vraiment quoi répondre. Je reposais les jumelles à son emplacement derrière le verre protecteur du phare et me frottais la barbe en la regardant... « J'en ai pris l'habitude. C'est agréable »... Retirant mon bonnet pour me gratter la tête en revenant vers elle, je le remis pour reprendre la parole. « J'ai entendu quelqu'un dire un jour que la solitude était dangereuse parce qu'elle rendait accro au calme et à la paix... C'est vrai. » J'avais peut être beaucoup parlé là, je sais pas si elle allait tout comprendre la petite. En répondant à sa question, un peu plus que prévu, j'avais tourné la manivelle d'un vieux phonographe manuel que j'avais retrouvé dans les bibelots du phare... Il n'y avait qu'un ou deux 78 tours avec mais les chansons étaient calme et agréable. Une fois ma phrase fini, je posais l'aiguille dans les rainures du vieux disque et l'air crépita avant d'envoyer une musique... Cette bonne vieille Billie Hollyday, c'était plaisant.

Mais en repensant à Faith, je revenais vers la petite avec un sourcil de levé. « Mais... Tu n'as pas école à l'infirmerie aujourd'hui ? » Oui, c'était sans doute plus clair que « Cours de médecine appliquée »...

C'était franchement mignon cette façon qu'elle avait de tout découvrir. D'une certaine manière, elle venait de naître. Absolument tout pour était nouveau pour elle ici, perchée à plusieurs dizaines de mètres du sol. Je la sentais disparaître de devant moi puis réapparaître, physiquement elle ne bougeait pas, mais son esprit vadrouillait sur ce qu'elle découvrait. Sautant de toit en toit, d'arbre en arbre et même de pointe encore enneigée en vallée verdoyante. Une petite puce libre comme l'air. La musique fit l'effet d'un réveil et je la vis presque sursauté dans sa direction... Puis à nouveau, elle fut envoûtée par le son qui émanait de l'intérieur du phare. Quand bien même on connaissait Billie Holiday, on se laissait transporter par l'émotion qu'elle transmettait, alors pour quelqu'un comme elle qui découvrait... Hypnotisée par le phonographe, je sentais que ça lui plaisait. Et par ça, j'entendais tout, l'endroit, la musique, la température... Même la compagnie, sans me vanter. Elle savait apprécier le silence et elle faisait une bonne compagnon pour ne rien faire, simplement observer.

Mais malheureusement, les aiguilles de l'horloge ne s'arrêtaient pas, elles. L'heure tournait, lentement certes, mais tout de même et des obligations nous forçaient à faire autre chose, autre part. La réponse à ma question me confirma qu'elle était attendue ailleurs, quant à moi je devais faire une ronde d’inspection du camp et vérifier l'état de mes pièges aux alentours. Je lui laissais jusqu'à la fin de la chanson, puis nous arrêterons. Les quelques minutes de son passèrent rapidement, la chanson arriva à son terme et je m’apprêtais à lui dire de rejoindre l'infirmerie mais son regard, devenu perturbé, se posa sur moi et sa voix prit la place de la chanson. Elle avait décidé de se confier alors je la laissais faire, jusqu'à ce qu'elle arrête, pour ne pas l'interrompre moi même. Soufflant un peu avant de lui répondre, je m’efforçais de lui sourire pour la rassurer.

Les gens font peur, c'est un fait.

Elle avait raison, une personne seule ne faisait pas peur, mais une masse de gens était effrayante. Les masses sont débiles et souvent irrationnelles. Alors de sa hauteur et de son vécu, c'était compréhensible.

Je n'ai pas vraiment de bon conseil à te donner... Hmm... Respire profondément, fronce les sourcils et garde un objectif en tête que les gens ne pourront pas t'enlever. Faisant un tour d'horizon des yeux, je souriais en inspirant l'air frais. Ou isoles toi et survis toute seule, sans personne, ça fonctionne aussi.

Je la tapotais sur la tête et m'éloignais d'elle vers les escaliers. La regardant avant de les descendre, je lui fis un clin d’œil et clôturais notre moment de détente à nous.

Tu peux rester ici autant que tu veux, je dirais rien à Faith. Si tu vois quelque chose de dangereux, tire sur la ficelle rouge accroché sous la rambarde.

C'était un système rustique qu'on avait mis en place pour signaler. Des grands draps peints roulés au bord du phare. En cas de danger armé, les draps étaient noirs, en cas de mouvements inconnus, les draps étaient rouges. Les draps accrochés entre eux étaient assez grand pour être visible depuis le village, à condition que quelqu'un ne les regarde.