Hier avait été un gros ratage comme on n'en fait rarement. Moi qui adore faire la fête, à chaque fois ça se passe mal. Soit on se retrouve chez des cannibales, soit on se fait attaquer, soit je finis à gerber toute la soirée sans avoir bu un seul verre. Genre, l'univers me dit que j'ai assez fait la teuf avant l'invasion, maintenant faut que je paye l'addition. Mais je t'emmerde, l'univers ! Je vais réussir à me bourrer la gueule en faisant une fête du feu de Dieu un de ces quatre et tu pourras rien y faire !
Mais bon en attendant, pour cette fois c'est raté quoi. Même pas ce petit con de Milow est venu vérifier que j'étais pas passé par-dessus bord dans la nuit. Par contre après coup quand il était pété, y'avait du monde pour essayer de me sauter dessus, hein. Et moi, trop bon trop con, je l'ai même pas laissé faire. Bordel, je suis maso, je vois que ça comme explication.

Enfin, ce matin ça s'est un peu amélioré. Mary Abygail est venue discuter avec tartines à l'appui, et si j'avoue que sur le coup j'étais pas non plus super-super jouasse qu'elle vienne me réveiller, la discussion a contre toute attente été plutôt sympa. Et finalement, me voilà en début d'après-midi à errer entre les tentes et les petits campements très temporaires à la recherche d'une personne bien précise. Je suis certain de l'avoir vu -juste avant d'aller vomir mes entrailles- sur la péniche, entre les autres invités.
Un visage familier, mais lointain, comme un drôle de souvenir qui se pointe là sans prévenir, et encore moins nous demander notre avis.

Je demande à quelques personnes ici et là, pour finalement me faire indiquer une direction. Plus j'approche, et plus je sens un sourire en coin se dessiner. Est-ce qu'il se rappelle de moi, au moins ? On ne s'est côtoyé que quelques mois, mais qu'est-ce qu'on a fait comme conneries. Techniquement j'ai pas beaucoup changé, physiquement. Un peu plus de muscles, surement, mais pour le reste... Toujours la même dégaine, des futals troués aux jupes courtes, des vestes en cuir aux débardeurs à bretelle. Et toujours mon maquillage "de rock star" comme on m'a dit. C'est pas parce qu'on peut mourir à tout moment qu'on doit pas prendre soin de son apparence, merde.
Bref, je finis par apercevoir sa silhouette, de dos, et approchant, je l'interpelle en levant la voix.

- Tiago ! Je dodeline du chef. Tu t'souviens de moi ou Alzheimer a déjà frappé ? Grand rictus moqueur qu'il me connait bien, pour peu qu'il s'en souvienne, évidemment. C'est.. étonnant, d'te voir.

Je n’ai pas beaucoup bu hier soir, mais j’arrive quand même à avoir mal au crâne. On s’est couchés tard et je me suis réveillé beaucoup trop tôt pour mon bien. Mais cette soirée était quand même vraiment cool. Et ça m’a fait plaisir de croiser des visages connus ou de voir Kaycee s’amuser et retrouver des amies à elle. J’ai passé un peu de temps avec Mary-Abigail, un entraînement assez sportif, qui va me laisser de belles courbatures et des hématomes. Mais ce n’est rien. La gamine apprend bien. Je suis plutôt fier d’elle… Ouais vraiment, c’était une bonne idée de venir ici. Même si on n’est pas là pour rester et qu’on va lever le camp pour rejoindre les autres bientôt. Je soupire, sentant la fatigue me rattraper. Je serais pas contre une petite sieste quand même mais je crois que je vais devoir attendre, alors que j’entends soudainement une voix masculine m’appeler. Surpris, je tourne la tête et fronce les sourcils alors que je n’en crois pas trop mes yeux. « Derek ? » Ma voix est un peu hésitante, alors que j’approche du jeune homme. « Oh putain, j’y crois pas. » Franchement, je n’aurais pas parié sur sa survie. Comme quoi… Tout arrive.

« Ca répond à ta question ? » Je lui décoche un grand sourire, avant de poser ma main sur son épaule et de la presser tranquillement. « Haha, je pensais vraiment pas croiser de nouveau ton chemin un jour ! T’as pas beaucoup changé. » Etonnamment d’ailleurs. Parce que vu son style… Disons que ce n’est pas courant dans ce contexte. « Etonnant ? Vraiment ? » Nouveau petit sourire en coin. « Tu dois bien te douter que des gars dans mon genre arrivent toujours à s’en sortir dans ces conditions. » Contrairement à des gens comme Derek, même si il a peut-être pu compter sur l’aide d’autres personnes pour survivre. « Alors qu’est-ce que tu fais ici ? Qu’est-ce qu’il s’est passé pour toi ces dernières années ? » La dernière fois qu’on s’est vus, on faisait des conneries d’adolescents à Seattle. Cela me paraît dater d’il y a une éternité alors que finalement… ça fait quoi ? 10 ans ? Pas tant, mais on a grandi, mûri, vécu des trucs terribles qui nous ont amené à changer radicalement. Même si je reste une petite racaille au fond de moi, je suis aussi beaucoup moins naïf qu’à l’époque.

Alzheimer n'a pas encore frappé, dès qu'il se retourne il semble me reconnaître. Je m'incline dans une révérence très exagérée, dans un large sourire. Lui-même, en chair et en os ! Je me marre un peu en parcourant les derniers mètres qui nous séparent. Comment ça t'y crois pas ? Seattle a toujours été mon terrain d'jeu, c'est pas une petite fin du monde qui va changer ça ! Bon, peut-être un peu quand même, surtout depuis que ces connards de New Eden ont la main mise sur la ville. Mais on va pas commencer à parler des sujet qui fâchent.

Je pose brièvement une main sur la sienne quand il m'attrape l'épaule en guise de salut. Mine de rien ça fait du bien de revoir une personne connue. Ouais, ça répond bien à ma question ! J'crois que t'es le premier visage d'avant l'invasion sur lequel je retombe.. ça m'fait un drôle d'effet, dis donc. Et pas qu'un peu. Ça ravive des souvenirs d'avant, ça m'était pas arrivé depuis.. ben depuis super longtemps quoi. Depuis j'ai construit d'autres souvenirs, certains plus joyeux que d'autres, clairement.

- Parait que j'suis un ado attardé, ça doit être pour ça que j'garde le teint frais et ma ligne de jeune fille. Je souris en coin en faisant mine de jouer les pouffes ce disant, avant de reprendre mon sérieux, les mains sur les hanches. Toi par contre t'as pris un sacré coup d'vieux, sans vouloir être désagréable. Bon ok, c'est surtout pour me foutre de lui, mais normalement il a l'habitude, à moins d'avoir perdu son second degré en cours d'apocalypse. Mais ouais.. t'as pas tort, t'as toujours été démerd', c'est vrai.

Je me colle contre un arbre en croisant les bras. Ben écoute, c'que je fais là. Comme tout l'monde je viens fêter la nouvelle péniche, même si manque de chance j'ai un mal de mer de chien... Je dodeline doucement avant de reprendre. Pour le reste, j'ai passé plusieurs années en solo à faire c'que je sais le mieux faire : voler, mentir, tromper. Sauf qu'au lieu de viser les porte-feuilles, j'me suis rabattue sur les boites de conserve. J'ai passé un moment à aller de groupe en groupe pour faire ce genre de trucs. Pis y'a quoi.. Deux ans ? j'ai rejoint les Expendables. Depuis j'ai pas eu le choix de m'assagir et d'me calmer. Je suis presque devenu un mec bien. Je souffle un rire. "Presque", hein. J'ai des instincts de merdeux qui ressortent régulièrement, quand même. C'est rien de dire que je me suis calmé.. plus de vol, plus d'arnaque. Je bosse honnêtement pour le groupe, et je compte pas me barrer avec leurs réserves pour une fois. Peut-être aussi que la présence de certains y sont grandement pour quelque chose..

- Et toi alors ? T'es devenu quoi, avant et après l'invasion ? j't'ai jamais revu, même avant que ça dégénère. Tu vis en solitaire ou tu t'es trouvé des gens avec qui vivre ?

Derek n’a pas trop changé au final. Enfin physiquement, un peu, mais au niveau des attitudes, on ne peut pas s’y tromper. Sa révérence me plonge des années en arrière, dans une autre époque. Je ne dirais pas plus insouciante, parce que ce n’était clairement pas la joie, mais… Moins difficile quand même. « Surtout en os. » Je réplique en me moquant légèrement de sa silhouette dégingandée. « Oui enfin, entre échapper à des petites frappes ou des morts vivants, y’a quand même une très légère différence, hein ? » Mais je suis content de voir qu’il a pu survivre dans ce monde de merde. Et qu’il se porte pas trop mal. « C’est vrai. Je n’ai pas croisé grand monde d’avant. » Je les ai surtout perdu, pour la grande majorité. Je suppose que c’est la même chose pour Derek. Aucun de nous n’a pu en arriver là sans laisser quelques plumes derrière lui.

Je ris de bon cœur quand même quand il me vante le secret de sa jeunesse insolente. Bon, on n’est pas si vieux l’un et l’autre quand même, quand bien même ça fait 10 ans qu’on se connaît. On a gagné en maturité, un peu. Mais il ne s’est pas beaucoup étoffé. « Ah, et bien, de un, je ne suis pas un ado attardé et de deux, je suis encore plus beau gosse qu’avant. » Je ne me vexe absolument pas de son commentaire, parce que je sais que ce n’est pas la vérité. Et même si ça l’était, je m’en fous un peu de mon apparence. Il n’y a guère que mes cheveux qui sont sacrés. Et les cheveux longs et bouclés qu’il a connu quand j’étais adolescent sont plus courts maintenant. Comme le fait que j’aborde une barbe quand je n’en avais pas. Hormis ça… Pas grand-chose. Même niveau fringue, j’étais déjà habillé n’importe comment avant, ça n’a pas changé, mais là, j’ai une super excuse.

« Ah c’est con ça. » Le mal de mer sur une péniche, c’est pas de bol quand même. « Oh alors tu as réussi à te rattacher à un groupe… » J’ai un mince sourire : « Ouais, les petits merdeux, ça plait pas trop en général. » Ca énerve et cela n’incite pas trop à la confiance. J’ai du mettre un peu d’eau dans mon vin aussi en rejoignant les STARS. Je peux arnaquer les autres, mais pas eux. Et encore, en faisant gaffe aux conséquences. « Moi, j’ai été en redressement après m’être fait chopper. Fallait bien que ça arrive. Après avoir purgé ma peine, je me suis un peu calmé, j’ai rencontré une fille et on allait se marier quand tout a dérapé. » Je hausse une épaule, je tais quelques détails à ce sujet. « On a intégré un camp temporairement, mais c’était invivable. On a mauvaise réputation… On s’est barré avant que ça parte en couilles là bas. On a erré. Il ne reste plus que mon frère Rafaël. Et moi. » C’est peu sur une grande famille. « Je vis avec un groupe aussi. Ils m’ont aidé à retrouver mon frangin quand on a été séparé. Je leur en devais une. Et finalement, ils sont cools et utiles. Donc je suis resté. » C’est très résumé, mais l’essentiel est là. « Qui sait ? L’apocalypse nous a peut-être évité de très mal tourné, tu crois pas ? »

« Surtout en os. » Se moque Tiago, rapport à mon allure. Je fais mine de grimacer, vexé. Pardon hein, j'ai pas mangé mac Do' depuis un moment faut dire. Putain MacDo. Je salive rien qu'à cette idée. Franchement, les "p'tites frappes" grimpaient aux murs derrière moi et me suivaient sur les toits. Les morts, suffit d'être à deux mètres au-dessus d'eux et ils sont paumés, les pauv' moches.. Je croise les bras en admettant tout de  même. Mais ok, entre se faire tabasser et se faire bouffer vivants... On est pas dans la même catégorie. Et contrairement à lui je n'ai plus croisé qui que ce soit d'avant. Ni un SDF, ni un raveur, ni même une pute. Personne de chez personne. A croire que les rôdeurs s'étaient jetés sur les pas recommandables en premier. Et que j'étais passé entre les gouttes.. Et les coups de dents.

Je ris à sa réponse. Non, lui n'est pas comme moi. Il a mûrit. Il a évolué, physiquement et moralement.  Moi aussi, en soi. Enfin.. pas physiquement, mais psychologiquement, je n'ai pas vraiment eu le choix. Quand on se retrouve seul avec des hordes de morts, y'a un moment où faut se mettre en tête que la vie ne sera plus boites de nuits gays et squattes à droite ou à gauche. Je t'accorde que t'es beau gosse... Ça te va bien la barbe. Va juste falloir faire quelque chose pour ton style, mec.. ça va pas du tout. Clin d'œil complice ce disant. Beaucoup privilégiaient le confort. Et d'un sens moi aussi.. Mon confort à ma façon. Rangers aux pieds pour être prêt à courir, manteau en cuir quand il y avait des risques, couteaux planqués. Le reste, ça pouvait bien être de l'apparat, pourquoi pas ?

- Et ouais.. contre toute attente un groupe à bien voulu de ma sale petite gueule. T'y crois ? Bon ça a pas été donné au début, je m'sentais comme un alien... Mais j'ai pas à me plaindre aujourd'hui. Ils m'font confiance, j'leur fais confiance.  
« Ouais, les petits merdeux, ça plait pas trop en général. »
- On s'est compris..

Mes yeux s'écarquillent légèrement quand il poursuit. En redressement ?! Ben merde, c'est pour ça que j'te voyais plus ? j'ai toujours cru que tu t'étais barré ou.. j'en sais rien. Il continue et je dodeline de la tête lentement. Jusqu'à récemment, son histoire m'aurait pas touché. Maintenant que j'ai Milow et les Expendables.. Rah, je deviens sentimental. J'suis désolé pour tout ça. J'ai pas eu à vivre ce genre de choses.. Mais j'imagine la douleur que ça a dû être.
Finalement, lui aussi s'est rangé, après tout ça. T'avais perdu ton frangin ? Il vit avec toi ? Je souris légèrement, avant de commenter. C'est marrant, moi c'était l'inverse.. ils cherchaient du monde pour une opération de sauvetage. En échange, ils avaient de la bouffe et un coin ou dormir. .. Et je suis resté donc. Je dodeline un peu de la tête. Bon et pour être honnête, y'a aussi un mec pour qui je suis resté, mais c'est une autre histoire.  Je le désigne d'un mouvement du menton. C'est qui ton groupe ? Si ça tombe, on a des accords avec vous.

« Qui sait ? L’apocalypse nous a peut-être évité de très mal tourné, tu crois pas ? »
- Honnêtement... Moi c'est les Expendables qui me l'ont évité.. Avant ça crois-moi, j'avais déjà très mal tourné.

« Mac Do ? Olala, quel manque de goût ! » Pour ma part, que ce genre d’enseigne ai disparu ne me dérange pas plus que ça. En revanche, c’est la cuisine de ma mère qui me manque. Enfin de toutes les femmes de ma famille. De vrais cordons bleus. Et je ne remangerai jamais plus ces plats typiques de chez moi qu’elles seules savaient faire. J’aurais peut-être du apprendre, mais ça ne m’intéressait pas plus que ça et bon, ce n’est pas vraiment à l’homme d’apprendre à cuisiner donc à partir de là… Je dois quand même le corriger : « Les morts d’avant ouais… Maintenant, y’en a qui sont un peu plus coriaces que ça. » A mon plus grand regret/ Parce que savoir qu’ils peuvent grimper maintenant ou ouvrir des portes, c’est terrifiant. Cela les rend plus dangereux et nos refuges de moins en moins sûrs. Même si ces rôdeurs là restent plus rares, fort heureusement. Mais Derek s’en est sorti un peu comme moi, plus par ruse et fuite qu’autre chose, je ne devrais donc pas être surpris qu’il ai survécu, à mon image.  

Si je le chambre sur son apparence et lui la mienne, il convient que je n’ai pas changé en mal au final. Ben plusieurs années dans la gueule, plus quelques privations et aléas de la vie, ça marque un peu quand même. Mais, au moins, j’ai accès aux clopes, au savon et au shampooing avec les STARS, donc j’ai de quoi soigner un minimum mon apparence pour le moment. « Quoi, t’aimes pas le style SDF ? » Ouais, parce que les fringues crades et raccommodées, c’est quand même pas le comble du style, mais j’ai bien une petite idée du type de vêtements qu’il a en tête pour moi et c’est juste hors de question. Derek a un côté excentrique que je n’assumerais pas du tout. Même si j’aime les fringues colorées et dépareillées et que ça amuse beaucoup les autres.

Il a donc rejoint un groupe. En même temps, difficile de continuer seul, j’ai pu le constater. J’ai atteint mes limites à ce niveau et cette trêve avec les STARS, le confort que ça peut amener, c’est bienvenu. ? Je ne parlerais pas de sécurité, parce que ma vie est loin d’être safe avec eux. Je l’ai risquée une paire de fois en leur compagnie. Pour autant, on a un profil qui a tendance à faire qu’on se méfie de nous. Des petits voleurs sans morale. Il a réussi à gagner la confiance de son groupe. Moi du mien. Je crois. « Mais bon, je crois que j’ai réussi à gagner leur confiance quand même. » Je ressens même de la loyauté pour eux. Comme je l’avais pour ma communauté.

« Et ouais. J’aurais préféré, c’étaient pas trop les vacances. » Cela me fait bizarre de lui raconter mon parcours depuis. Tout avait été chaotique… J’avais perdu beaucoup trop de proches en peu de temps. Autant de pertes qui m’avaient conforté dans le fait qu’il ne faut pas trop s’attacher aux autres, ni compter sur eux et privilégier ma personne. Sauf que depuis quelques temps, mes résolutions faiblissaient et que je m’étais mis en danger pour les autres. Un comble. « Ouais, un règlement de compte… Mais non il vit avec un autre groupe. » Il me narre comment il a intégré les siens de son côté… Et je ne suis pas surpris d’apprendre qu’il a trouvé quelqu’un également. C’est aussi une excellente raison de rester. Même si je tique un peu. Un mec. Evidemment. Ce n’est pas une surprise, mais je ne suis toujours pas très à l’aise avec l’homosexualité. Je me rappelle bien de l’expérience de Raf dans ce domaine et comment ça m’a fait péter un plomb. Mais bon, chez les autres, ça passe. « Les STARS. » Je n’ai aucune raison de cacher cette information à Derek. « C’est con qu’il faille une épidémie mortelle pour révéler notre potentiel quand même… » Puis, je reprends, amusé : « Et du coup, t’es en couple avec ce mec ? »

- Manque de goût ? Manque de goût ! Figure-toi que j'ai jamais pu me payer mieux, surtout ! Sa remarque me fait marrer. Le macdo c'était indéniablement dégueulasse, mais c'était toujours mieux que les merdes que je pouvais m'acheter en supérette avec quelques centimes glanés ici et là. Alors économiser assez pour me payer un hamburger ou un happy meal, c'était le feu pour moi. Parfois on se satisfait de peu.

Tiago me reprend et je ne peux qu'acquiescer à ses mots. Exact.. La nouvelle génération est terrifiante. J'espère sincèrement qu'elle ne va pas se développer d'avantage, sinon je ne donne pas cher de la race humaine. Ou de ce qu'il en reste. Le sujet me tire une moue, je sais parfaitement les compétences hors du commun  de ces créatures. On en avait fait les frais et perdu le bras droit de notre faction, Bruce. Connor avait été obligé de le tuer de lui-même. Sale histoire, sale traumatisme pour nous tous.
Mais jusque là je m'en suis toujours sorti. Pas juste en pensant à ma peau mais en me préoccupant aussi du reste du groupe, étonnamment.

Quand on dévie sur le physique de chacun d'entre nous, je suis bien obligé d'avouer qu'il a bonne mine. A peu de choses prêts je pourrais le draguer, s'il était pas aussi fermé sur le sujet. Oh si, si... le genre SDF ça me rappelle des souvenirs, tu vois. Mais je suis sur que tu peux faire mieux, ça vaut la qualité "MacDo", franchement. Bon il a pas l'air chaud pour que je le relooke, sans surprise, mais je l'épargne et n'insiste pas, me contentant d'un sourire moqueur qui s'efface comme il est venu, sans méchanceté.

Le confort avant le style, je ne peux que comprendre même si je ne valide pas. Et c'est sur ce sujet, le confort, que viennent nos groupes respectifs sur le tapis. Bien sur faire partie d'une faction n'assure pas une sécurité réelle, surtout pas quand on fait partie de mercenaires avec une petite réputation. Mais aujourd'hui ça reste mieux que de rester seul face à un monde devenu entièrement hostile pour tout ce qui a du sang frais dans les veines.

- Si t'avais pas leur confiance tu le saurais.. Les survivants ne prennent pas le pari de trimballer des éléments à risque, en général. J'ai eu bien de la chance de pas me faire jeter dans mes premiers temps, puisqu'on en parle, tiens.

Repartant sur l'avant invasion, il laisse filer quelques mots sur sa situation en maison de redressement. Pire que la rue, sans déconner..? Quel enfer.Il poursuit sur son frangin, m'indiquant qu'ils vivent séparés. Ça me semble presque irréel... Aimer à ce point un proche mais ne pas tout faire pour le garder près de soi ? Je lui offre une moue perplexe. Et.. pourquoi vous vous êtes pas réunis ?
A mon tour de me montrer bavard. Pas un exercice très difficile pour moi, au contraire, et sa conclusion me fait dodeliner de la tête. Nos potentiel et un peu d'humanité me concernant. Je pensais pas pouvoir me mettre en danger pour quelqu'un d'autre que moi, jusque là. Je me creuse les neurones quelques secondes. J'ai entendu parler des STARS mais je crois pas qu'on soit proches, désormais.

« Et du coup, t’es en couple avec ce mec ? »
J'éclate de rire malgré moi à la question, qui revient bien souvent en ce moment. Disons.. ouais, plus ou moins. C'est compliqué entre nous. Il assume moyen d'être gay, donc ça peut être tout ou rien selon son humeur du jour, quoi. J'ai jamais été dans des histoires simples, c'est pas maintenant que ça va commencer après tout. Et toi.. t'en es où ? Une personne dans ta vie ?