Il partait dans quelques heures, le temps pour chacun de rassembler ses affaires, même si Eden n’avait en réalité qu’un simple sac. La mère de famille n’avait jamais été du genre à s’encombrer de l’inutile, le strict nécessaire était devenu une philosophie. Les quelques heures qu’elle avait pu passer dans la communauté l’avait peut-être un peu réconciliée avec les grands regroupements de personnes, même si elle gardait son jugement final le jour où elle verrait autre chose que les écuries, leur agricultures et la ribambelle d’enfants rieurs, c’était toujours un peu trop beau pour être vrai.

Eden avait finit par trouver un cadeau pour chacun de ses enfants, rien de bien extravagant, mais assez pour se faire pardonner son égoïste sortie. Poppy et Adriel n’étant pas particulièrement capricieux, une petite voiture de course en métal et une peluche de pingouin lui semblait tout à propos. Il ne lui restait plus qu’à attendre le grand départ. Elle finissait de fermer son sac, quand on toqua à la porte de la caravane de Lisandro.

Bonjour, désolée si vous cherchez Lisandro je crois qu’il est à l’infirmerie.

Elle frappe à la porte rapidement avant d'avoir un temps seul. Et à la place de trouver Lisandro dans le cadre de la porte, ce fut une jeune femme qui se dévoila en annonçant que le chilien n'était pas là. L'avait-elle manqué sur la route ? Probablement, Andrea était un peu trop dans ses pensées dernièrement pour ne pas toujours reconnaitre les autres. Elle ne savait même plus ce qu'elle voulait lui annoncer finalement. Ah, merci pour l'information, fit-elle alors.

Le temps de la scruter plus avant, de tenter de discerner une impression de déjà vu ou non. Et surtout d'en déduire qui elle était. Andrea eut un moment de flottement se faisant, bras croisés sur sa poitrine : Vous êtes...? Question laissée en l'air, elle pinça les lèvres : Une des représentantes de Sanctuary, c'est bien ça ? Demanda-t-elle alors pour ne pas avoir l'air trop intrusive. Après tout, c'était la vie privée de Lisandro, non ?

Une femme typée apparaît devant ses yeux, Eden finit par lâcher la poignée de la porte de la caravane, avant de se caler dans le coin de la porte.

Eden, lui répond la mère de famille à la question de l’inconnue qui venait d’arriver. Il semblait évident que cette femme connaissait Lisandro. De manière générale, Eden doutait que la communauté fut assez grande pour que les membres de celle-ci puissent se considérer comme des inconnus. Au vu des descriptions que lui avait fait le chilien : peau mate, grande, fine et détentrice d’une prothèse au bras, ce devait être Andrea. L’ancienne compagne, mère d’Annabella, qu’avait Eden sous les yeux.

Oui, nous sommes arrivés hier, nous repartons dans la journée, répond t-elle, laconique. Vous devez être Andrea ?

Eden. Soit. Andrea la scruta un temps avant de lui offrir un sourire plus aimable. Point dont elle n'a plus vraiment l'habitude, d'autant plus avec des inconnus. Aucune notion de possession néanmoins, s'il s'agit en effet de la nouvelle campagne de Lisandro ou autre chose, ça n'est pas vraiment ses affaires. Votre séjour aura été court pour cette fois, relève-t-elle néanmoins en fronçant les sourcils, sans cacher sa surprise. Seulement une visite de courtoisie peut-être ?

Quoi qu'il en soit, Eden n'était pas idiote, et elle comprit immédiatement qui elle était. C'est bien ça, fait-elle alors d'un ton égal quand un silence retomba entre elles deux : Lisandro préfèrerait sans doute vous présenter de vive voix, souffla-t-elle. Le chilien était ce qu'il était, parfois maladroit. Mais s'il tenait un minimum à Eden, sans doute aimerait-il faire les choses correctement pour elle : Mais si jamais, vous êtes la bienvenue ici quand vous le désirez, ajouta-t-elle simplement.

Mes enfants m’attendent, continue t-elle, ne sachant pas bien si elle devait justifier ce court séjour ou non, ou si c’était seulement nécessaire. Andrea reprend la parole, exprimant le fait que Lisandro souhaitait peut-être que les deux femmes se rencontrent de manière plus solennel. Si Eden ni voyait pas vraiment d’inconvénient, elle ne voyait plus vraiment la nécessité, elles venaient déjà de se rencontrer. Rajouter un cérémoniel la mettrait bien plus mal à l’aise qu’elle ne l’avouerait.

Je ne sais pas quand je pourrais revenir, mais je pourrais dire à Lisandro que je t’ai croisée, il lui avait déjà demandé s’il avait croisé la mère de sa fille. Ce qui faisait douter la coréenne sur les intentions du chilien pour faire des présentations de manière plus « classique ». Pour ces codes là, Eden n’avait clairement pas les armes.

Je ne sais pas s’il avait l’intention de nous… « présenter officiellement » ..  

Ses enfants ? Soit, elle lui offrit un sourire et un hochement de tête en réponse, elle comprenait parfaitement où allait les priorités d'Eden et pourquoi. Sans insister, elle eut un moment de flottement : Je vois, à propos de Lisandro, ce fut ensuite un sourire qui perça sur ses lèvres, amusée avant tout. Un peu au dépend de Lisandro, certes, mais l'absent n'était pas là pour s'en défendre. Peut-être pas encore, mais il y serait venu, ajouta-t-elle.

Le connaissant, en tout cas. Ils n'étaient plus ensembles, et leur séparation avait été pour le moins houleuse. Mais désormais que les choses étaient apaisées entre eux, Andrea pouvait estimer sa chance de l'avoir dans son entourage. Lisandro était son ami, sans doute le meilleur. Ce grand nigaud a le cœur trop tendre pour te garder que pour lui jalousement, il aura bientôt envie que nous te connaissions tous, tu peux me croire, souffla-t-elle. Tu as pu voir Annabella, déjà ? Questionna l'afro-américaine.

Toutes les mères semblaient s’accorder sur une chose : les enfants et le fait qu’ils demeureraient une priorité absolue. La mère de famille avait apprit à ne plus avoir peur des choses qu’elle serait capable de faire pour se faire barrage et tempête face à l’ennemi qui en voudrait à sa famille. Andrea ne pouvait que comprendre. Eden lui rend son sourire, comme un accord sur ce point.

Eden ne pouvait prétendre connaître Lisandro aussi bien qu’elle l’aurait voulu et certainement pas aussi bien qu’Andrea. Il n’était pas question de s’en faire une maladie, mais elle ne pouvait pas non plus ignorer cette frustration. Devait-elle concéder ce fait ? Elle le pouvait, mais elle n’irait pas jusqu’à l’admettre à haute voix. Ça lui va assez bien, nigaud au grand coeur, concède t-elle.

Oui, répond t-elle à l’interrogation d’Andrea, Je n’aurais pas la prétention de savoir à qui elle ressemble le plus. continue Eden, pensive. Elle n’avait vu l’enfant qu’à l’occasion d’une soirée et n’avait fait que le constat de la dévotion d’un père pour sa fille.

Annabelle est ta seule enfant ?