J’grimace alors qu’on arrive en vue de la ville. Ouais ptet que ça s’passera sans souci, y a pas de raison après tout. J’lève la tête vers le ciel, soulagée qu’il fasse beau, en m’disant qu’on a encore large le temps d’faire un tour avant de d’voir rentrer. Faut dire qu’le trajet a été plutôt calme, même si j’aurais été vachement plus rapide avec mes rollers. Mais bon, j’vais pas laisser Lukas tout seul derrière, ça aurait pas grand intérêt, sans parler du fait que ça m’plairait pas plus qu’à lui. Et venir toute seule aurait été un peu chiant, et dangereux, on sait jamais sur quoi on va tomber sur ces routes… si on peut encore appeler ça comme ça vu qu’y a plus trop d’différence entre la forêt et le reste. Surtout qu’la tempête a encore plus foutu la merde, on r’trouve encore des morts empêtrés, ou pas, alors qu’il devrait pas forcément y en avoir autant dans l’coin. Ou ptet que si ? J’en sais foutre rien.

Ça fait longtemps qu’on s’est pas baladés juste à deux, qu’on est pas partis en exploration rien qu’entre frangins. Ça m’fait super plaisir. J’ai trop plein de questions à lui poser, mais si j’le fais, il le fera aussi… Et j’suis pas sûre d’avoir envie de lui dire que j’suis allée dans la cage, pour un combat… Que j’ai perdu. La honte quoi. Contre le môme. La double honte. Et d’un autre côté, je m’en cogne qu’il le sache, c’est un peu bizarre. Au

Je m’arrête, me figeant même, quand une famille de sangliers traverse un peu plus loin sur la route. Ou des cochons ? C’est quoi la différence ? Toute façon, tous les animaux sont red’venus un peu sauvages non ? Ça s’bouffe quoi. « Tu crois qu’on pourrait en choper ? » Je lance un regard au frangin. « Pas forcément aujourd’hui, mais… C’est des cochons. Ça se chasse, ça se tue, ça se bouffe… ça s’élève tu crois ? Comme les poules de Mary ? » On devrait bien pouvoir faire ça non ? au pire, on trouve des bouquins et il apprendra. Toute façon, ils sont déjà partis. Et puis, on va pas tenter alors qu’il y en a qui ont des dents plus grandes que moi. Des défenses ? Ptet ouais. « On pourrait chercher, construire un abri et tout. Ça nous f’rait du bacon ! » Ce serait trop cool !

On a r’pris notre avancée et on arrive aux premières maisons. J’lui jette un coup d’œil, esquissant un sourire en coin. « Alors comment ça va en ce moment ? » Un grand sourire alors que j’désigne une route. « On va par là ? »

Ca fait bizarre de sortir avec Jodie. Juste tous les deux, entre frère et sœur. Sans Egon, sans Johanna, sans Mary… C’est pas arrivé depuis un bail. Mais déjà, après ma blessure lors de la tempête, j’ai  du prendre du repos et j’ai évité de trop aller me promener. Et puis… ensuite, j’ai plutôt favorisé les moments avec Mary, clairement. On ne s’en est pas vanté d’ailleurs et on se comporte normalement quand les autres sont là, parce qu’on ne sait pas trop encore ce qu’on est l’un pour l’autre. On sort ensemble ? On est un couple ? Ca fait bizarre de dire ça. Et un peu vieillot en fait. Du coup, on ne se désigne pas, on se laisse juste aller et guider par l’instinct, on va dire. Même si ça reste maladroit.

Mais je suis content de me retrouver avec Jodie. Elle a beau être chiante la plupart du temps, je l’adore et on fait une belle équipe tous les deux. On se complète bien en fait. Du coup, je suis assez serein de vadrouiller avec elle. Je m’arrête brusquement quand je vois des animaux devant nous alors que Jodie me demande si on pourrait en choper. Je jette un regard un peu perplexe, essayant d’imaginer comment on pourrait en capturer. Le but, c’est pas de les tuer, mais de les récupérer, donc, faudrait un piège. Je ne sais pas si ils ont été domestiques un jour ou sont totalement sauvages. Dans le second cas, ça va être difficile de les choper. « Je suis pas sûr que ça se tue en un seul coup… Genre avec une flèche. Mais on aurait grave de la bouffe avec ça. Mais ce serait plus judicieux d’en capturer et de tenter un élevage… Sauf qu’il faudra les nourrir. Tu sais ce que ça mange un cochon ? » Sans parler de leur faire une sorte d’enclos… Après, on peut sans doute récupérer des astuces auprès de The Haven. Et Mary a aussi ses entrées à Sanctuary Point, qui adorent élever des bestioles. Elle peut choper de bonnes connaissances.

Je soupire alors que les bêtes se barrent, nous entendant sans doute discuter. « On va devoir se montrer patients et silencieux si on revient les chasser. » Parce que là, on est clairement nuls. « DU bacon… » Ah j’ai le ventre qui gargouille rien que d’y penser, c’est malin. « Ca nous occupera en tous cas. Je pense qu’on peut apprendre des trucs auprès de The Haven et de Sanctuary Point. » Ouais, j’y réfléchis sérieusement. Et ça m’occupe l’esprit alors qu’on arrive à destination. « Euh, bien. Je suis bien remis. » Ca été chaud avec ma blessure au mollet et l’hémorragie qui en a découlé. Je sais que j’ai fait une sacrée frayeur à Jodie. Aux autres aussi bien sûr. « C’est quoi ce sourire ? » Je la fixe, suspicieux. Je la connais bien et je sens que c’est pas totalement innocent. « Si tu veux. »

Les choses étaient vach’ment plus simples avant, quand on était que nous. Quand j’devais pas râler pour obtenir son attention ou l’saouler pour pouvoir passer du temps avec lui. J’le fais pas tout le temps, mais bon, c’est chiant quoi. C’pas si compliqué que ça de trouver du temps pour moi. J’veux dire, on a plus de cours, pas de boulot, et tout ce qu’on fait pour survivre ou pour rendre la maison plus cool, on peut le faire ensemble. Au moins d’temps en temps. J’devrais pas avoir à faire la manche pour faire une sortie avec lui. Ouais, bon, j’exagère ptet un peu, mais l’idée est là.

D’un autre côté, c’est parce qu’on était que nous que j’l’ai perdu… Maintenant, on a des endroits où se retrouver si jamais on était de nouveau séparés. Ce que je préfère éviter quand même. A chaque fois, ça finit mal. Surtout pour lui. J’aimerais autant qu’il se r’trouve pas seul à nouveau, ou qu’il se blesse parce qu’il fait pas gaffe. Je jette un nouveau coup d’œil à sa jambe, soulagée de voir qu’il boite plus, alors qu’on a déjà pas mal marché. C’est cool.

Presque aussi cool que d’imaginer pouvoir manger à nouveau du bacon. J’ai aucune idée de comment ça s’attrape, ou se tue, ou se cuisine, mais j’suis sûre qu’on pourrait trop y arriver. Quant à savoir comment les tuer. « Les petits si sans doute… Mais on aurait papa et maman sur le dos, j’préfère éviter. » Non parce que bon, je me souviens d’accidents de voitures avec ces machins, et c’est la voiture qui morflait plus que l’animal, donc… non merci. Je hausse les épaules. « Des légumes ? Des céréales ? » J’désigne le chemin par où ils sont partis. « Si ça se trouve, ça bouffe de l’herbe et des arbustes. » Je me tourne à nouveau vers lui. « Ce serait cool un élevage ! Avec des bébés et tout, c’est trop mignon les p’tits cochons ! » Qu’il faudra tuer à un moment ou à un autre… Mais ça peut se tenter moi j’dis ! « Du bacon… et du jambon roti. » P’tain faut que j’arrête d’en parler, ça me donne faim. « Non mais on doit pouvoir faire des pièges, un genre de cage, un peu comme les poissons… Oh ! Ou un trou ! Avec un appât et on les coince dans un filet ! Ça pourrait marcher non ? » Le truc qu’on trouve encore facilement mine de rien. Je lui souris. « Mais ouais, on pourrait demander des conseils là-bas, pour l’enclos et tout aussi. » Faut bien que ça serve de connaître des groupes du genre.

J’ai une moue, le détaillant un peu plus quand il affirme être remis. Pas que j’remette sa parole en cause, mais… bah si. Il pourrait carrément me mentir pour pas que j’m’inquiète trop. Mais comme dit, il a pas l’air de boiter. « Tant mieux si c’est déjà r’mis. » On verra au retour si c’est tou-jours le cas. J’prends la route que j’viens de lui désigner et j’me tourne vers lui, image de l’innocence. « J’me demandais juste si y avait des trucs nouveaux dans ta vie… dont tu voudrais parler t’vois. Parce qu’après tout, on s’dit tout non ? » C’est cool, qu’il se soit fait des potes et tout… Au moins Mary quoi. Elle est sympa… trop survoltée et souriante pour moi, mais ouais, sympa. Là-dessus aussi, j’suis super partagée. Parce que j’ai pas trop envie qu’il y ait d’autres gens qui comp-tent pour lui, même si ça craint et qu’c’est débile. Mais que c’est cool pour lui. il a l’air plus attachée là qu’avec l’autre cruche… Et puis, y a trop de le faire chier dessus, et ça, c’est trop fun.

Je grimace en imaginant des sangliers ou des cochons sauvages nous foncer dessus de colère alors qu’on a osé s’en prendre à leurs petits. Je pense pas avoir très envie de subir ça en fait… Capturer les adultes ou même des petits et faire un élevage, c’est plus pérenne, mais on n’y connait rien là dedans. A The Haven si. A Sanctuary Point aussi. Y’a ptet moyen d’aller apprendre auprès d’eux en fait. « Ah ouais pas con. » Des légumes et des céréales. « Je me demande si ça bouffe pas un peu de tout en fait. » Je hausse un sourcil quand elle s’emballe pour un élevage, surtout avec les bébés. Comment dire… Des bébés qu’il faudra égorger pour manger à un moment donné. Alors les trucs mignons… C’est inutile. Mon ventre se met à gronder à l’évocation de la nourriture. De la viande. « Arrête, je salive d’avance. Même si je ne suis pas sûr de me rappeler du goût… Les hamburgers me manquent. » Gamins, ils avaient pas une hygiène de vie irréprochable, loin de là. Beaucoup de mal bouffe, de commandes de trucs pas chers alors que leur mère ne gérait rien. « Les pizzas aussi. »

Du coup, des animaux, ça se capture pas comme ça. Il faut des cages adaptées. Des collets. Et on n’est pas encore bien doués là dedans. « Tu crois qu’ils se feront piéger par un appât ? Que ça peut être aussi facile ? Enfin, dans tous les cas, il va nous falloir du matériel… Soit le chopper quelque part, soit le bricoler… » J’ai un soupir fataliste. « On n’est pas prêts de l’avoir notre élevage. » Je reste convaincu qu’on peut négocier des connaissances. En faisant les mignons et contre un coup de main.

Mais Jodie commence à s’inquiéter pour moi. J’ai été secoué à cause de la tempête et bien blessé, mais je me suis bien remis. Temps et patience. Et j’ai pas forcé, comme demandé. C’était chiant mais je sais être raisonnable. « Je pense pas te courir un marathon, mais c’était déjà pas le cas avant de toute façon. » Mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas que ça. J’aime pas son sourire plein de sous entendus. Et j’ai raison, alors que, l’air de pas y toucher, elle enchaine sur des trucs nouveaux dans ma vie. Je crois que je sens mes joues chauffer, signe que je rougis un peu, tandis que je détourne le regard. Des nouveautés dans ma vie hein… Une nouveauté et pas des moindres. Jodie a remarqué ? Ou elle bluffe ? « Ah bon ? On se dit tout ? » Je demande, un peu narquois. Je ne sais pas si j’ai envie de parler de ça avec elle. Si c’est pour me péter les couilles après… « Toi, tu sais quelque chose et tu veux me le faire dire. Ou tu sais rien et tu y vas au bluff. Ca te ressemble bien. » Je soupire, continuant de marcher… De grandes enjambées qui forcent Jodie à trottiner. C’est mesquin, je sais. « J’ai pas très très envie de te parler de certains trucs, parce que je te connais et tu vas te faire un malin plaisir de me faire chier avec ça. »

J’lui jette un coup d’œil alors que j’entends les bestioles s‘éloigner au loin. « J’ai des éclairs de génies parfois. » Je souris en hochant la tête. J’reconnais moi-même pas être le cerveau de l’équipe, mais quand même. « Ouais, j’pense c’est des euh… profiteurs ? Ils bouffent ce qu’ils trouvent ? Mais après, ça reste des animaux de ferme, donc on doit pouvoir les nourrir de trucs simples. » Enfin, c’pas comme si on allait les courser tous les deux pour en chopper quelques-uns là maintenant de suite non plus. Mais… ça s’envisage non ? J’ricane en l’entendant, mais bordel, qu’est-ce que j’donnerais pour un truc super gras. « Putain, j’ai envie d’une pizza. Avec du chorizo et du fromage, une tonne de fromage. Tu crois qu’on peut trouver d’quoi en faire ? J’suis sûre on pourrait… Un four à bois ! J’vais d’mander à Egon nous faire un four à bois. Et on se démerdera. » Pour son anniversaire ? Ouais, ça laisse du temps… « On fera ça. » Avec juste du jambon et du fromage. Ouais, c’est faisable.

Je hausse les épaules quand il reprend sur la capture potentielle des futurs bacon et chorizo. « ça reste des animaux. C’est intelligent tu crois ? » J’grimace. « Tu m’mets une boite de nuggets au-dessus d’un trou, j’te jure que j’saute sans réfléchir. Avec un truc qu’ils aiment, ça devrait marcher. » Est-ce que j’ai vraiment envie de savoir si des animaux auraient plus d’instincts de survie ou de jugeote que moi ? Pas vraiment non. « Non, mais on peut commencer à s’renseigner. Trouver des bouquins qu’tu liras, trouver le matos, trouver des gens qui savent… C’est un bon plan ! »

Enfin, comme dit, c’pas trop à l’ordre du jour dans l’immédiat. Et puis, y a plein d’autres trucs dont il faut qu’on parle. Lui et sa jambe déjà pour commencer. J’veux bien croire quand il dit qu’ça va pour l’instant, j’vais surveiller, voir s’il commence à boitiller ou à ralentir à un moment. J’pourrais toujours l’engueuler à c’moment-là. Mais ça aussi ça devient secondaire. Quand j’le vois rougir et détourner les yeux, je sais que j’ai tapé juste. Non pas que j’avais beaucoup de doutes les concernant, mais au moins, maintenant, c’est confirmé. J’fronce quand même les sourcils en le fixant. « Tu m’caches beaucoup d’trucs ? » Des trucs dont il parle avec elle ? Je hausse les épaules, faussement nonchalante. « J’ai pas b’soin de bluffer avec toi ! J’te connais par cœur ! » J’m’arrête une seconde quand il accélère… Enfin non, il fait juste de grands pas, se comportant comme un sale gosse, mais j’le rattrape en accélérant. Quel petit con. « Que t’en parle ou pas, ça change rien, j’suis déjà au courant… J’sais pas comment ça se fait qu’j’sois la seule d’ailleurs. » Egon est aveugle dès que des sentiments entre en ligne de compte, tel un  iceberg perdu dans l’océan, et la blondasse… J’aime autant qu’elle s’en rende pas compte. « C’est un peu blessant, mais vu qu’visiblement on s’parle pas des trucs qui comptent… j’vais devoir m’y habituer. » J’ai une moue désolée. J’exagère un peu, et il doit le savoir, mais le fait est que je l’suis quand même un peu, vexée, ou blessée, j’sais pas trop.

Ah le truc d’animaux abandonnés. J’lui montre le bâtiment. A quel point ça peut être glauque dedans ? On s’en fout. « On trouvera ptet des trucs. » Pour les poussins, les futurs cochons, nous qui sait… « J’vais aller plus souvent à TR et au Store, comme ça j’arrêterais de te faire chier trop souvent. » Et j’passe devant lui pour entrer dans le bâtiment.

« Gaffe de pas choper mal à la tête, c’est peut-être trop d’un coup… » J’ai un sourire narquois alors que je vanne ma sœur. « Oui sans doute, pis ils arrivent bien à se démerder dans la nature… » Donc pas besoin de notre intervention pour survivre, en théorie, faut juste leur amener ce dont ils ont besoin, si on en chope et qu’on les prive de liberté. Je ris quand même à l’évocation d’une bonne pizza bien grasse et juteuse et mon estomac se met à gronder. « Tain, me fais pas saliver comme ça… » Mais ouais, un four à bois, ce serait carrément trop cool. Enfin, dans le temps, ils arrivaient bien à faire cuire les aliments sans l’électricité ou la technologie, y’a pas de raisons qu’on n’y arrive pas aussi. Même si ils ne faisaient pas de pizzas avant. Mais je ne sais même pas comment on fait. « Tu sais en faire toi ? » Parce que bon, la pâte toute prête du supermarché, on oublie, faut faire la pâte. Et la cuisine, c’est pas mon fort. Quant à récolter des ingrédients… Faut choper les bestioles… Et je ris de nouveau. « Ben je crois qu’ils sont plus intelligents que toi alors. » Mais oui, on peut se renseigner. J’acquiesce, ne protestant même pas quand elle me désigne d’office comme celui qui va se taper les recherches. Cela ne me gêne pas vraiment en fait, j’adore apprendre des trucs.

Ma grande sœur se fait du soucis pour ma santé. C’est mignon, mais je vais bien, ma jambe a bien guéri, même si elle tiraille encore. C’est plus de l’inconfort que de la vraie douleur. Et après avoir expérimenté les brûlures au 3e degrés, autant dire que ça, c’est de la rigolade. Sauf que Jodie elle a une autre idée en tête… Et c’est Mary. Mary et moi. Merde. Captés. Je soupire quand elle me demande si je lui cache beaucoup de trucs. En fait, non pas vraiment. Pas comme ci j’avais vraiment des secrets en fait. Ni une intimité. « Non. » Agacé, je reprends la marche, ne répondant pas quand elle me lâche me connaître par cœur, tout simplement. « Oui bah, c’est très bien que tu sois la seule. » Je ronchonne. Ca sert à rien de nier de toute façon, elle nous a complètement grillé. Mais Jodie est sans doute plus observatrice que les autres me concernant. Et en effet, elle me connaît par cœur.

Je m’arrête quand même quand elle continue pour la regarder. « Non mais… t’es sérieuse ? Espèce de Drama Queen va… Tu me fera spas culpabiliser comme ça tu sais ? Tu voulais que je te dise quoi au juste ? Oh ma grande sœur chérie que j’adore, tu sais quoi ? Mary me plaît vraiment et on sort ensemble. » Je souffle, moi-même choqué par cette idée. C’est pas que je ne voulais pas lui dire, c’est juste que… c’est tout frais et je ne sais même pas ce qu’est notre relation, alors comment la balancer à Jodie ? « C’est pas clair dans ma tête… » Ca, c’est vrai au moins. Et je reprends ma marche. Pas comme ci Jodie allait me dispenser des conseils étant donné son expérience sexuelle et amoureuse. Inexistante. J’avise le bâtiment qu’elle me désigne… Et pousse un gros soupir quand elle reprend et s’engage à l’intérieur. « Mais quelle casse couilles. » Sauf que je me tais brutalement et tends l’oreille. Des fois qu’on ne soit pas seuls.

« Haha !… J’espère pour toi que tu comptais pas faire carrière dans l’comique. » P’tit con. J’souris quand même, parce que plus j’y pense – depuis cinq bonnes minutes donc – plus cette idée d’avoir des cochons, donc du jambon et du bacon, me paraît bonne. Jamais j’reconnaitrais qu j’souris aussi aussi parce que c’est l’seul à pouvoir s’foutre de moi sans que j’lui en tienne rigueur. Enfin pas trop quoi. Mais ça m’fait du bien de passer du temps avec lui, ça il doit l’savoir, et c’pareil pour lui, même s’il le dira pas. « Quoi ? Une pizza ? » J’réfléchis un peu. « Non. Mamie f’sait toutes ses pâtes elle-même, mais pfff… De la farine, de la levure, de l’eau… de l’huile ou du beurre ? J’sais plus si y avait des œufs... J’sais pas, mais on doit encore pouvoir trouver comment en faire. Ça fait un super objectif moi j’dis, trouver des recettes de bouffe. Et les ingrédients » Pour de la bouffe, c’est hyper motivant. « Et en vrai, un four à bois, c’est simple à faire. » J’crois en tout cas. J’lui donne un coup de coude quand il en rajoute faut pas déconner, même si j’ai un peu cherché et que j’ris avec lui. « Tu f’rais pareil. » Pour des nuggets, des pizzas ou des fondants au chocolat… Putain j’ai faim.

Et si, évidemment, j’m’inquiète pour sa jambe, il s’empresse d’me rassurer à ce sujet. J’pense pas qu’il me mentirait là-dessus, c’est trop important, mais d’un autre côté, ptet qu’avec tout ce qu’on a traversé, il veut pas m’inquiéter, ou ptet qu’il minimise la douleur. Mais ça a l’air d’aller, même si ouais, j’vais garder un œil dessus. En attendant, j’me contente d’enfoncer des portes ouvertes concernant sa relation avec Mary, parce que c’est trop tentant. Et parce que je suis un peu curieuse.  Il marque un point en évitant de me raconter des cracks, c’qui l’empêche pas de ronchonner. Et après, il s’fout de ma gueule en disant qu’j’suis susceptible sérieux ! Mais j’peux pas l’contredire concernant le fait qu’il vaut mieux que la blondasse le sache pas, elle est déjà assez reloue comme ça.

Je hausse un sourcil  quand il s’enflamme. Bien sur que si j’peux le faire culpabiliser, il m’prend pour qui ? J’laisse filer un grognement quand il recommence à marcher. « Ma drama queen ? T’abuses ! C’est vraiment blessant ! » Mais j’retrouve rapidement le sourire en plaquant mes mains sur ma poitrine. « Mais si tu savais comme ça fait du bien à mon p’tit coeur de t’entendre dire que tu m’adores si spontanément !… Hé attends-moi ! » J’le rejoins et attrape son bras. « Du coooouuup… Elle te plait vraiment. Je vois. » J’lève les yeux vers lui. « C’est ta p’tite copine donc… Et t’es amoureux ? » Et non, c’est pas juste pour me foutre de lui. C’est… mignon. « Elle est moins cruche que l’autre. Et plus jolie. » J’fronce les sourcils. « Quoi ? C’est pas ce que tu veux ? Plus avoir ta grande sœur dans les pattes ? » Il a intérêt de dire non.

Si lui se tait, j’continue d’avancer, non sans tendre l’oreille quand même aussi. Mais j’entends rien. « Hého ! Y a quelqu’un ? » J’attends une seconde et hausse les épaules. « Y a personne. Allez viens. »J’ai baissé la voix malgré tout, parce qu’on sait jamais. J’avance sans l’attendre, sortant quand même mon couteau. Quelques fenêtres cassées, murs tagués, lieux abandonnés depuis belle lurette. « Ça a l’air de dater. » J’passe ma main sur les tags et autres qui commencent à disparaître sous la végétation. « Ptet qu’on aura un peu de chance. On peut regarder si on trouve des trucs pour les piafs ou notre futur bacon ! »Reste plus qu’à fouiller, en espérant trouver des trucs et qu’ce soit vide de menaces.