J’ai un froncement de sourcils alors que j’la fixe quelques secondes. Et j’souffle, à mi-voix. « Bienvenue au club Luna. » Parce qu’en quelques mots, elle a sacrément bien résumé ma putain de vie. J’ai un temps, alors qu’elle continue de m’raconter ce qu’elle a vécu, avant de secouer la tête au reste de ses paroles. « C’était leur choix. Pas le tien. Tu peux pas tout porter sur tes épaules. T’aurais été plus forte, les choses se seraient ptet passé autrement. Ou pas. T’en as foutrement aucune idée justement. » J’ai un soupir avant de continuer, d’un ton inhabituellement doux. « Des erreurs, t’en feras encore. Ptet même que des fois, t’auras du sang sur les mains à cause de ça. Mais t’as deux options. Soit tu te laisses bouffer par la culpabilité au risque de faire encore pire. Soit t’avances. Et t’essaies d’arranger les choses. De faire mieux la fois d’après. » Même si ça marche pas toujours.

J’ai un bref soupir avant de lui rendre un sourire en coin. « Peut-être bien ? C’est tout ? J’ai raison ouais. » Et je pointe mon index dans sa direction quand elle redit que j’suis vieux. « Toi, tu vas en chier. » Non mais oh. Gamine dissidente quoi. Mais j’me fais de nouveau sérieux quand on parle de la colère. J’sais qu’elle couve toujours en moi, prête à éclater au pire des moments. Et la canaliser m’prend une énergie de dingue. « L’principal, c’est d’en être consciente. Que ta colère te lâchera jamais. » Ouais, ouais, j’me fais l’impression d’être un vieux relou, mais bon, quitte à filer des leçons autant aller jusqu’au bout non ?

Finalement, j’la regarde faire de la corde à sauter avant de l’embarquer dans d’autres échauffements. J’ai un sourire amusé à la voir réagir comme ça quand j’lui file les gants. « J’vais vraiment finir par croire que t’attends que ça. De me cogner. » Finalement, j’me positionne devant elle, lui faisant relever le menton avant de lui montrer les postures. « Tu serres les poings. Comme ça. » Et je lui montre comment placer son pouce pour éviter de s’le péter en cours de route. « Oublie pas un truc. Cogner, ça fait mal. Ca te défonce les phalanges, t’as l’impression de te péter les doigts. Mais en général, t’es portée par l’adrénaline. » Ou la rage. Les deux sont pas incompatibles. « Essaie de me cogner pour voir. » Et je me pose devant elle, attendant de voir comment elle se démerde.

Spoiler:

Je m'arrête moi aussi lorsque Joaquin me souhaite la bienvenue au club des vies à échecs. Ce n'est pas vraiment rassurant. Je l'écoute et baisse le regard tandis que mon pied vient taper dans un caillou. C'était leur choix.  Leur choix de nous abandonner Ace et moi. Souvent, c'est la colère qui me noue les tripes, mais parfois, c'est la culpabilité. J'aurais aimé faire autrement, que ça soit plus simple pour mon frangin que de se coltiner une vie de merdes comme ça. En tout cas, ça ne fait aucun doute que cette petite conversation et les paroles de Joaquin me trotteront un moment dans la tête. Avancer, essayer de faire mieux. « C'est pour ça que je suis là » J'affirme d'une voix que je veux ferme : « Pour pouvoir être plus forte et faire mieux à l'avenir ! » C'est peut-être utopique, mais il a raison : si j'essaye, la culpabilité sera peut-être moins forte.

Je lui lance un regard amusé quand il prétend qu'il a raison pour mon paternel. Où qu'il soit, j'aurais bien aimé qu'il entende ces paroles. J'en vaux la peine pour certain, même si lui était persuadé du contraire. « Quoi ? T'oserais pas frapper une gamine » J'ouvre de grands yeux, faisant mine d'être outrée. Je suis là pour apprendre à me défendre mais aussi pour encaisser mieux les coups, la douleur.

« Nooon, pas du tout » Je souffle un grand sourire aux lèvres. En réalité, je n'attends pas que ça, de le cogner, mais seulement d'apprendre à me battre. J'écoute ses conseils et jette un regard à mes propres phalanges. Oui, ça doit être douloureux de donner un coup, je n'avais pas pensé à ce genre de détails, même si ça parait assez logique en fait. « T'as un truc pour mieux encaisser la douleur ? » Je lui demande subitement. « Quand on donne des coups ou quand on en reçoit. » L'adrénaline ne fait pas tout, non ? Quand ces mecs m'ont choppé dans la cabane avec Ace, ils m'ont tapé si fort que j'en ai tourné de l'oeil. Niveau résistance, je fais pas long feu.

J'ai un regard confus quand il me propose de le cogner. Et oui, ça avait l'air fun mais en fait, sur le vif, je ne sais pas trop quoi faire. « Vraiment ? » Et quand il me confirme d'un regard, je tente de me rappeler tout ce qu'il m'a dit et je rassemble toutes mes forces pour le frapper. Bon, il esquive facilement. Je relève les yeux vers lui. « Comme ça ? » Je serre le poing comme il me l'a montré. « Il y a des zones plus sensibles ou plus accessibles ?  » Tant qu'à faire, pour une naine comme moi...

Spoiler: