Athénaïs sentait que le vent tournait pour The Haven. Le fort était dans une effervescence perpétuelle, des décisions importantes avaient été prises. La grecque ne pourrait passer l’hiver à Nisqually comme elle l’avait dans un premier temps envisagé. Elle avait du mal à imaginer qu’elle puisse se greffer au convoi qui s’installerait quelque part en terres, sans doute, très inconnue. La grecque ne voulait finir à Gig Harbor, les avant-postes ne rimaient pas beaucoup avec stabilité et longévité.

Pour l’heure, et pour les dernières semaines en compagnie des habitants de la communauté, Athénaïs faisait son travail. Il y avait quelque chose de reposant à faire l’ouvrière agricole, la grecque avait parfois l’impression de travailler pour une ruche. Ce n’était pas de tout repos, mais celui apportait nourriture et vivres, elle connaissait trop bien la famine pour se permettre de refuser le moindre travail.

Affairée, Athénaïs ne voit pas l’homme arriver. A genoux à retirer les légumes racines du jour, elle souleva la tête, le foulard sur le sommet de son crâne glissa légèrement, et ses yeux clairs vinrent se poser sur l’homme qui arriva, carotte en main, lui demandant si … elle aimait les récoltes. Elle le regarde, longuement, ne comprenait pas vraiment cette question. Contrainte … non.. C’est mon … travail ? fit-elle, sans vraiment savoir quoi lui répondre.

Athénaïs ne lavait jamais croisé. Il disait s’appeler Felix, elle hoche la tête. Athénaïs, je suis arrivée il y a quelques jours pour les travaux agricoles. Travail contre rétribution pour ceux qui restent nomades.. explique t-elle, en redressant son dos.

Infini ? Si seulement..

C’est assez apaisant, fit-elle. Athénaïs n’aurait jamais imaginer sa vie comme ouvrière agricole. Mais elle avait tout de même se rendre à l’évidence que ses connaissances en matière d’Art, son histoire et la conservation des oeuvres n’étaient pas des compétences très recherchées. Pour sa défense, elle n’aurait jamais imaginer connaître la relève des morts et la rébellion de la Mort face aux vivants. Le monde était devenu gris, rougeâtre et cramoisi, alors il fallait trouver un peu de verdures là où elle était accessible, même s’il s’agissait de travail.

Athénaïs le regarde, peut-être s’était-elle mal exprimée. Les contraintes faisaient partie de la vie chacun, surtout ces derniers temps. Elle ne pouvait s’imaginer se plaindre de quoique ce soit quand lever le camp était à l’ocre du jour, des années de construction, de reconstructions à devoir abandonner car l’Autre, le Différent venait pour tout détruire, coup de vent qui se transforme en tempête. Ça un peu changé … En tout cas, je n’avais pas imaginer être ouvrière agricole pour pouvoir avoir des réserves de vivres et un peu de carburant, dit-elle. Les rétributions de l’ancien Monde n’avait aucun sens. Elle se souvenait des premiers jours, où les billets verts voulaient par centaines face aux pillards incapables de résister à l’appât du gain. Le vert n’avait aujourd’hui de valeur que s’il était fait de chlorophylle.

Je trouverai où poser mes affaires pour l’hiver, même si ça demandera sûrement un peu d’errance, lui répond t-elle au sujet du déménagement. Athénaïs, pour l’instant, n’avait fait que s’en tenir à sa chance et son intuition. Les deux seules choses qui faisaient qu’elle était encore en vie.

Un an seulement, où étais-tu avant ? Sur la route ?

Elle continue à remplir son panier, il y avait quelque chose de rassurant dans le fait de voir que la nature n’avait simplement décidé de changer l’ordre des choses et de les abandonner à leur sort.

J’étais déjà là pour l’hiver précédent, j’étais à Seattle … pour les six mois de temps plus clément.

Étaient-ils réellement chanceux d’être en vie ? Ce n’était pas tant qu’elle voulait en finir. Il y avait des jours où la vie lui semblait beaucoup trop difficile et intransigeante pour ne pas être au moins tentée de réfléchir à la paisibilité de la mort. La nature était précieuse disait-il, Athénaïs l’avait toujours trouvé magnifique mais aussi profondément coupe gorge. Implacable, surtout depuis sept ans. La préciosité de la nature elle n’y avait jamais vraiment pensé, certainement pas depuis sept ans. Tous ici se battaient contre elle, et les sbires qu’elle avait relevé de l’outre monde.

Elle ne comprenait pas vraiment comme ils en étaient arrivé à parler de pokémon. Elle se souvenait assez bien du jeu, même si elle ne serait pas capable de nommer la moindre créature qui figurait sur les cartes à jouer. Elle se souvenait de ses frères qui y jouaient à en fatiguer. Athénaïs avait toujours préféré la compagnie de la peinture dans le jardin de leur maison de Tacoma. Il y a encore des choses qui se vendent à prix d’or, ce ne sont peut-être plus les peintures et les gravures, mais ce genre de choses ne disparaîtra certainement jamais. fit-elle sans bien comprendre.

Un endroit sur, serait déjà bien, fit-elle pensive. Un « bel » endroit ? Athénaïs se disait que Fort Nisqually avait pu s’enorgueillir de ce statut. Mais plus maintenant, pas avec l’urgence de la menace de New Eden au dessus des têtes.

Seulement depuis un peu plus de deux ans, répond t-elle. Quand il lui parle de la Cage, elle ne peut empêcher une expression plus que taciturne. Athénaïs avait toujours arboré ce lieu, au même titre que le No Man’s Land, elle en avait toujours haït sa profonde nécessité pour survivre. Oui, ça a bien changé depuis. Pas en bien, malheureusement.  

Athénaïs ne savait pas quoi répondre à Felix à propos de la guerre et de ce qui pouvait en ressortir. Tout ce qu’elle savait c’est que New Eden avait réussit à déraciner The Haven. S’il fallait gagner cette fameuse guerre, la lutte serait longue.

C’est grec, ça signifie : immortelle. Ironique non ?