Depuis le retour de la précédente mission, Kassandra n'était pas contente. Pas du tout même. Elle avait le bourdon et se disait, répétait même, qu'elle aurait du faire mieux. Qu'elle manquait d'entraînement, de sang-froid. D'un nombre incalculable de chose. Elle savait qu'elle allait devoir redoubler l'entraînement par rapport aux maniements des armes. Peut-être même y passer bien plus de temps là-bas que dans ses cours, lecture ou aviation. Elle voulait être bonne dans tous les domaines.

Et pour l'être, il fallait redoubler d'effort et ne pas se reposer sur ses acquis. Et Kassandra pensait sérieusement qu'elle avait prit bien trop de confiance en elle. Au point de n'être finalement qu'un boulet de plus pour les aviateurs qui avaient prouvés leurs valeurs plus de fois que n'importe qui.

Elle ne voulait pas embêter Zelda dans l'immédiat. Mais elle avait besoin de se changer un peu les idées. Elle aurait pu embêter Clay, Jesse ou d'autres de ses proches. Mais pour autant, elle avait préféré aller voir Will. Comme le reste des aviateurs, Kassandra l'appréciait. Mais d'une façon différente de May ou bien d'Adrienne. Elle estimait avoir une bonne relation avec Will et probablement que de manquer de mourir à ses côtés lui a fait obtenir une place certaine dans le coeur de la jeune femme.

Au fond, elle ne savait pas vraiment si William allait vouloir la supporter dans une humeur massacrante. Mais elle se disait qu'il avait eu forcément des difficultés avant d'arriver à son niveau. Alors, il pourrait probablement lui donner des conseils qui serait appréciable et mis en oeuvre sans poser de questions.
Même si la veille au soir, chacun des pilotes avaient tentés de lui remonter le moral, Zelda y comprit, Kassandra se persuadait que le but était qu'elle ne se laisse pas morfondre. Manque de bol, ça n'a rien changé au résultat.
Kass se sent toujours aussi mal que la veille.

Elle savait que Will était à l'aérodrome et, finalement, l'environnement lui plaisait suffisamment pour pouvoir s'y attarder. Elle n'aimait pas déranger William chez lui. Parce qu'il pouvait être occupé à des choses qui ne la concernait pas du tout. Et empiéter en plus sur son espace vitale n'était pas dans son envie.
Rejoignant le hangar, elle ne fut pas surprise de trouver Will aux abords de l'hélicoptère. Est-ce qu'il allait le nettoyer ? Aucune idée. Mais elle n'hésita pas une seconde à le rejoindre.

- Hey. Bien reposé ?

Demande t-elle sans détour. Elle ne voulait pas venir se plaindre ouvertement. Elle appréciait Will. Elle ne voulait pas non plus qu'il pense qu'elle ne vient le voir que pour se plaindre. Les mains glissés dans les poches de sa veste, la blonde jeta un oeil à l'appareil.

- Tu allais laver Hélène ? Ou faire des vérifications ?

Même si le succès était, pour le moment, mitigé, ils avaient tous été appliqués et consciencieux, en mettant fin à leur mission quand ça s’était avéré nécessaire. Le second barrage finirait pas céder, sous la pression, et c’était ce qu’ils devaient garder en tête, malgré la victoire en demi-teinte. Tout le monde était sain et sauf, malgré les dégâts matériels. C’était bien plus que lors de l’attaque de New Eden, des mois plus tôt. Leurs ennemis avaient eu l’avantage de la surprise et d’un meilleur armement. Cette fois-ci, ils avaient eu la force du nombre pour eux, de la préparation, et de l’inattendu pour leurs ennemis. Ils avaient étudié pendant longtemps la configuration qui se présentait et malgré la supériorité matérielle de New Eden, les connaissances d’Adrienne et leur expertise à elle, May et lui, qu’elle avait formés, avait supplanté ça.

Si le Québécois n’était pas aussi enthousiaste qu’il aurait pu l’être, il n’avait pas cette sensation amère qu’il avait ressentie lorsqu’il s’était crashé avec Kassandra à bord avec lui. Mais il comprenait aisément que ça ne soit pas le cas de la jeune femme qui, si elle était effectivement adulte, n’avait pas la maturité pour prendre ça avec autant de recul qu’il ne le faudrait. Il lui faudrait davantage d’expérience et de temps pour y parvenir – et des faits, aussi, concrets, pour lui faire prendre conscience de ce qu’ils étaient parvenus à faire.

Elle avait l’air d’avoir évité pour un temps l’aérodrome, bien que quelques jours à peine se soient écoulés, mais il n’en était pas vraiment surpris. Elle avait besoin de digérer – s’il ne s’en était pas rendu compte, la soirée de la veille lui aurait ouvert les yeux, alors qu’elle broyait un peu du noir, malgré le ton festif et les réjouissances qui étaient de mise.

S’il ne l’avait pas vue, ce matin là, il aurait probablement été à sa rencontre – parce que, quoi qu’elle en pense, elle était douée et ils avaient besoin d’elle. William refusait de la laisser se morfondre et remettre en cause ses compétences. En attendant, il était occupé à observer les dommages sur le Blackhawk, qui n’avait pas été épargné. Souriant à l’apprentie pilote, il hocha la tête. Il n’était pas, plus, du genre à laisser son sommeil être troublé. « Je suis venu voir les dégâts. Il va être immobilisé pas mal de temps… » Ça le contrariait plus qu’il n’était pas à l’admettre, mais ce n’était pas le sujet. « Comment te sens-tu ? » Il ne fallait pas être devin pour savoir qu’elle n’était pas enchantée, mais ça n’était pas vraiment l’objet de sa question. Plutôt de l’inciter à se confier.

Kassandra avait un peu évité de venir à l'aérodrome. Et pourtant, elle adorait cet endroit. Elle avait l'impression de se sentir presque à la maison. Un peu plus que chez Clayton si ce n'est au même niveau. Si elle avait la possibilité de passer sa vie dans un des engins, il est fort probable qu'elle ne le fasse sans hésiter. Pourquoi ne pas un jour investir une carcasse non réparable ? Enfin, chaque chose en son temps.

Le Blackhawk avait été endommagé et allait nécessiter quelques réparations. Et à en juger par le visage de William, il allait falloir un peu de temps avant de le remettre sur pied. Hochant alors la tête, elle espérait que les dommages n'étaient pas irréversibles. Elle n'était pas prête à dire adieu aux avions et hélicoptères présents dans l'aérodrome.

- Combien de temps ça va prendre de le réparer ?

Demande t-elle simplement, tentant d'éviter finalement la question qu'elle devinait dans le regard de son ami. Comment elle se sentait. Maintenant il n'est pas bête William. Elle se doute qu'elle n'a pas bien caché ses états d'âmes lors de la fête de la veille. Elle avait quand même passé une bonne soirée malgré le fait qu'elle n'est broyé du noir. Une légère moue s'installe sur son visage alors qu'elle n'est pas persuadé de vouloir en parler. Elle adorait William et il était de très bon conseil de manière générale. Elle ne voulait pas non plus le déranger en plus de ça.

- Je me sens bien.

Qu'elle ajoute, probablement un peu trop précipitamment. Elle n'était pas crédible, c'était une certitude. Elle tourne la tête vers William avant de pousser un soupire, ses épaules s'affaissant dans un même temps. Elle haussa finalement celle-ci pour essayer d'instaurer une certaine désinvolture.

- Contrarié, agacé..

Qu'elle marmonne finalement, les yeux rivés sur Helene. Elle s'en voulait à elle-même au fond. De ne pas avoir suffisamment été réactive, de ne pas avoir visé juste. Elle avait juste une impression d'inutilité qu'elle avait un peu de mal à chasser en réalité. Les mains dans ses poches, elle tourna la tête vers William.

- Je travaille beaucoup pour y arriver et j'ai l'impression que tout ce que je fais est inutile parce que j'y arrive pas. C'est quand même dans ce genre de mission que tout ce que je fais ici s'avère utile. Au final, je gâche des munitions et rends une mission plus longue.

Elle aurait aimé aidé plus ce qu'elle n'avait fait. Loupé la cible, c'était une erreur de débutant pour elle. Elle haussa une énième fois les épaules avant de soupirer.

- C'est bien beau d'être dans l'hélicoptère si la seule chose que je fais, c'est loupé mon coup.

Combien de temps ? Will ne savait pas vraiment. Plus d’un mois, probablement plus de deux, assurément. « Je ne saurai pas te le dire exactement, mais ça ne sera pas aussi simple qu’on le souhaitera. Probablement au moins deux mois. » Peut-être un peu moins, s’ils étaient suffisamment chanceux pour mettre la main sur des pièces en état et après à remplacer celles présentes. Ça le contrariait mais… ils n’auraient pas le choix que d’attendre. Et, au moins, ils étaient tous sains et saufs. C’était probablement l’essentiel. Même s’il ne l’admettrait pas, il avait craint que ça ne soit pas le cas. Et il devait se convaincre que ce n’était que des problèmes matériels, lui aussi. De toute façon, il avait toujours les avions, pour voler.

Hochant la tête, alors que Kassandra niait tout trouble, il continua l’air de rien de faire le tour de l’appareil : si elle n’avait pas repris la parole quand il réapparaîtrait face à elle, il parlerait de ses difficultés, quand il avait appris à voler. Même si elles étaient peu nombreuses et incomparables. Heureusement pour lui, il n’eut pas réellement le besoin de le faire, alors qu’elle revenait sur son affirmation. « Et c’est bien normal. » Lui aussi l’aurait été et, de toute façon, taire son ressenti ne l’amènerait à rien. « Mais il ne faut pas laisser ces sentiments, ces ressentiments, te bouffer. »

S’il comptait s’expliquer, sachant que ses propos ne seraient pas forcément limpides pour la jeune fille, il voulait avant tout lui laisser la chance de dire ce qui la traversait réellement. Et, même s’il était évident qu’elle se sentait frustrée, elle ne gardait pas tout ça pour elle. C’était sûrement une bonne chose. « Mais tu es en train d’apprendre : tu ne peux pas être infaillible. Personne ne peut pas l’être. » Pas même lui, quand bien même il essayait de l’être.

« Regarde-moi : je me suis fait blesser par balle, avant de pouvoir rejoindre l’aérodrome. Une blessure très sérieuse, qui m’a immobilisé et aurait pu me paralyser à vie. » Les douleurs se faisaient encore sentir, par moment. « Parce que je n’étais pas assez attentif, peut-être, je ne saurai pas le dire. Mais je n’ai pas su anticiper. » Peu importait, et il était persuadé que ça n’était pas de son fait, mais ça ne lui aurait pas servi de se confier à ce sujet. « Je suis debout, apte à faire ma passion à nouveau, et toujours là, aujourd’hui. Malgré mes échecs. Encore plus déterminé à en découdre et à ne pas faillir. »

Il lui adressa un sourire qu’il voulait encourageant. « Ce n’est pas une tâche facile. Et Ash et toi, et c’est l’essentiel, vous pouvez compter l’une sur l’autre pour couvrir mutuellement vos arrières. Mais tu n’as pas nos années d’expérience, d’habitude, de connaissances. Donne toi du temps. » Et, surtout, elle pouvait agir sur ça. « Tu as la technique, tu n’en doutes pas ? Maintenant, il te faut la pratique. Pourquoi tu ne demandes pas leur aide à Eddie et Levi ? Et à nous, évidemment. Pour utiliser de fausses munitions, pour affiner tes tirs, dans différentes situations ? Il te faudra des cibles mouvantes, bien sûr, mais aussi des éléments perturbateurs incontrôlés. Sans forcément tirer depuis les avions et les hélicos, mais seulement reproduire les conditions dans lesquelles nous pourrions nous trouver ? »

Combien de temps l'hélicoptère allait dont rester sur terre ? Deux moins au moins semblait penser William. Et à cette révélation, Kassandra ne peut que faire une légère moue. Parce qu'elle espère réellement que ce temps de réparation soit moins long. Mais elle sait que William est le plus à même de savoir de quoi il parle. Tant que l'hélicoptère soit remit sur pied, qu'il soit non dangereux à l'utilisation, Kass se disait que l'essentiel était là.

Kassandra avait démarrer sur un mensonge. Dire qu'elle allait bien était plus simple que de s'étaler sur ce qui la gênait dans l'immédiat. Mais elle connaissait William. Elle savait très bien qu'il ne se contenterait pas d'un mensonge. Il avait apprit à la connaître aussi, à savoir comment elle réagit d'une certaine manière. Mais au lieu de tenter de lui remonter le moral en premier, William accepte ses émotions et lui indique même qu'elles sont normales. Ce qui rends la chose un peu plus saine pour la blonde.

- Mais c'est pas assez rapide. Je passe beaucoup de temps à apprendre. Ce n'est pas comme si je faisais ça une fois tous les trente du mois. C'est injuste.

Kassandra se plaint. D'impatience principalement qui conduisait à une frustration. Ca n'allait pas assez vite à son goût. Et même si elle ne peut pas être parfaite, elle aspire à l'être. A être infaillible. Parce qu'elle avait l'impression que les autres pilotes l'étaient. Du moins, à ses yeux probablement encore un peu naifs, c'était le cas. Les mains glissés dans les poches, Kassandra écouta avec attention ce que pouvait lui dire William. Cette histoire du passé qui aurait pu être bien plus négative en terme de résultat. Et à côté, Kassandra se trouvait presque bête de se sentir aussi mal pour quelque chose d'aussi peu important par rapport à l'histoire que pouvait partager le pilote.

- Je suis désolé pour ce qui t'est arrivée, William. Mais je suis contente que tu sois là.  

A lui transmettre son savoir, à tenter de lui remonter le moral. Et présent tout court même dans sa vie. Sans qu'il ne soit affecté par quoi que ce soit en terme de mobilité suite à cette balle. Elle avait envie d'être aussi positive que lui. Et peut-être qu'elle finirait par y arriver. A ce sourire encourageant, Kassandra ne peut que sourire à son tour, baissant les yeux malgré tout. Elle avait presque honte, à présent.

- Sauf que couvrir nos arrières est plus simple si je ne foire pas mes tirs... Je sais, j'ai besoin de temps mais.. c'est trop long, William. Ca ne va pas assez vite.

Pas assez vite, pas assez profond dans ses propres études peut-être. Elle ne savait pas vraiment comment retourner la situation pour que tout aille bien. Et qu'elle se sent surtout mieux qu'à présent. Mais William à raison. Elle devait améliorer la pratique. Tenter d'en faire plus. Mais elle avait parfois l'impression d'embêter Eddie et Levi plus qu'autre chose. Mais si elle pouvait s'y mettre au plus vite.

- Tout le monde à beaucoup à faire. J'ai peur de déranger plus qu'autre chose. Mais oui, j'aimerai bien faire ça. Mais je dois limiter la théorie alors.. J'aurai pas assez de temps en une journée pour tout mettre sinon...

Sauf si elle dort un peu moins... Et elle y songe d'ailleurs beaucoup.

Il ne put s’empêcher de sourire, sans jugement, de façon amusée mais pas moqueuse. « Tu es jeune, Kassandra. Depuis combien de temps apprends-tu ? Dans quelles conditions ? » Pas les mêmes qu’eux, dans un monde qui ne se délitait pas, qui ne souffrait pas de menaces différentes, imminentes, toutes plus ou moins dangereuses. Elle était constamment sous pression et, le Québécois en était persuadé, cela ne l’aidait pas à relativiser ou à accepter qu’elle ne puisse pas être excellente en permanence. « Je vole depuis près de 25 ans. Ça doit être à peu près la même chose pour Adrienne. » A quelques années près. « Et j’ai encore beaucoup à apprendre – tout comme elle. Parce qu’on a beau maîtriser nos appareils, maîtriser la théorie, on a des expériences différentes qui nous offrent des perspectives, des points de vue différents. » Et qui en faisaient des pilotes complémentaires, une équipe, au final, complétée par tous les autres. « Ash est plus jeune, mais elle a piloté dans des conditions auxquelles ni Adrienne ni moi n’avons été confrontés, elle aussi. » Tous les trois avaient des expériences bien différentes, au final.

« Tu es bien moins expérimentée, mais on a des années de pratique derrière nous. » Il lui sourit à nouveau d’un air encourageant. « Mais tu as quelque chose qu’on aura jamais : la volonté d’apprendre dans un monde où rien ne va. Ton apprentissage est plus dur que le nôtre, du fait de l’urgence de la situation. Plus important, parce que ton rôle peut être vital. Mais à vouloir aller trop vite, tu vas te brûler les ailes. » Comme Adrienne l’avait fait, au final, lorsqu’elle s’était blessée il y a des années. La Française avait pris une sacré revanche, ici, en faisant tout ce qu’elle avait toujours rêvé de faire. Comme lui, alors qu’il avait voulu aller plus vite que son corps pour rejoindre l’aérodrome.

« Tu n’as pas à l’être. Je vais mieux, et je fais ce qui m’a toujours fait vibrer, alors que pourrais-je demander de plus ? » Il la regarda un bref instant. « Si ce n’est que l’apprentie prometteuse que j’ai devant les yeux ne fasse un peu plus confiance ? Tu es notre futur, tu le sais ? Adrienne, moi, May, Ash… On s’efforce de t’apprendre tout ce que l’on sait. De faire de toi la meilleure d’entre nous. » C’était, étonnement, tout à fait vrai. Il n’en était pas réellement conscient, jusqu’à présent. « Mais tu as énormément de pression, et pas uniquement due à la situation. Les choses sont déjà dures, personne ne sera indulgent avec toi étant donnée l’urgence constante, si tu ne le fais pas. » Elle était jeune, elle voulait forcément tout réussir tout de suite, mais elle devait prendre son temps, dans la mesure du possible. Chose difficile à accepter, même pour eux.

Il hocha la tête, alors qu’elle exprimait sa frustration, sa volonté d’aller plus vite. « Tu veux faire vite et mieux, Kass. Mais tu sais ce qu’on dit ? Probablement pas. Le mieux est l’ennemi du bien. C’est un français qui a dit ça. A trop te précipiter, tu prendras des mauvaises habitudes, qui auront l’effet inverse. Tu ne sauras pas t’en défaire, et elles pourront te nuire, parce que tu n’auras pas pris le temps d’assimiler les choses. Et, à vouloir tout maîtriser instantanément, tu vas trop en faire, tu vas te surcharger, et finir par ne rien apprendre. » C’était très certainement trop abstrait pour elle, mais le but était qu’elle y réfléchisse, pas qu’elle l’assimile de suite.

« Mais on est une équipe. Une équipe qui doit défendre Brainbridge. Qui doit pouvoir compter les uns sur les autres. Ce temps que tu leur prendrais, que tu nous prendrais, penses-tu qu’il serait vraiment perdu ? Tu es des nôtres. Une de nos alliées, à qui on doit pouvoir confier notre vie sans le moindre doute. Mettre tout ça en place, te l’apprendre, c’est miser sur notre survie autant que sur la tienne. C’est renforcer notre cohésion avec toi, notre confiance mutuelle, nos habitudes communes pour que l’on sache agir d’un seul regard. Ce temps que l’on te donnerait ne serait pas perdu. C’est à ça que tu dois penser, avant de croire que tu ne déranges. »

Il s’arrêta, la regardant à nouveau. « On forme une équipe, tu n’es pas un mouton noir, tu es notre sœur d’armes à qui on confierait notre vie. Tout le monde le sait, tout le monde le voit, ici. Et ton inexpérience est compensée par ta jeunesse et par ta vision des choses que l’on a pas. Par ta volonté de t’améliorer et de ne pas te reposer sur tes lauriers. Tu nous apportes autant que l’on t’apporte, que tu le crois ou non. » Mais si tout le monde le voyait clairement, il fallait qu’elle l’accepte elle-même. Qu’elle le croit.

Kassandra poussa un soupire. Elle en avait marre. Marre d’entendre qu’elle était trop jeune pour ci ou pour ça. Certes, ils avaient raison. Certes, elle se devait de se laisser le temps d’apprendre, d’assimiler, de se perfectionner. Kassandra glissa une main dans ses cheveux, grommelant dans sa barbe.

- Je suis peut-être pas faite pour ça, finalement.

Si ça se trouve, elle se trompait de voie. Devrait abandonner pour faire quelques choses à sa porter. Plutôt que de s’acharner sans y arriver. Condition complexe ou non. Et si William a raison, que Kassandra n’a pas les mêmes années de pratiques, pas la même expérience en vol, il n’empêche qu’elle n’est pas contente. Et ça malgré les mots encourageants de son ami.

- Parce que si je n’ai pas envie d’apprendre, je suis censé faire quoi ici ? Je peux pas vivre ma petite vie en me disant que tout ira bien. Je veux pas être à poids pour qui que ce soit. Si je peux pas apprendre et venir en aide, à quoi je servirais ?

Si Kassandra adorait apprendre, adorait emmagasiné des informations utiles ou non, il n’empêchait qu’elle agissait de la sorte pour une seule raison. Être utile à la communauté. Ne pas se faire nourrir et ne rien faire en retour. Mais elle comprenait les propos de William, ils étaient justes. Il balaye ses excuses sans broncher et Kass ne lui adresse qu’un sourire, en particulier lorsqu’il lui demande d’avoir un peu plus confiance. Elle avait fait pourtant du chemin sur ce point.

- Mais si vous vous trompez ? Toi, Adrienne, Ash et les autres ? Ca se trouve, vous faites des efforts pour un cas qui n’ira pas plus loin.

Quant à la pression sur ses épaules, elle ne savait pas vraiment si elle était consciente de celle-ci. Elle voulait tout faire, toujours plus et le plus parfaitement possible. Mais il est vrai qu’elle se sentait constamment stressé, sur le fil du rasoir. Et peut-être que le plaisir qu’elle éprouvait au départ s’amenuisait au fur et à mesure que son stress l’avalait.

- Je sais, je sais… prendre le temps d’apprendre pour développer de bonnes habitudes..

Il avait raison et elle ne lui en voulait pas de lui dire les choses. Elle irait voir Levi, pour pouvoir s’entraîner et les mots de William lui sont rassurants. S’il est logique d’entraîner aux mieux les membres de Fort Ward, y compris elle, elle se disait souvent que certains avaient plus besoin d’entraînement qu’elle. Pas parce qu’elle est plus avancé que les autres, non. Mais surtout parce que le niveau des soldats devaient être toujours plus élevé. Elle laissait la priorité, disons.

Et les mots qui suivent la touche plus qu’elle n’aurait aimé le montrer. Parce que ses yeux se bordent de larmes qu’elle essaye d’étouffer au mieux. Elle est touché par la confiance que les pilotes lui accordent, que beaucoup semble lui accorder. Et par peur de les décevoir, elle tente d’être le plus irréprochable possible. Elle semble se mettre une pression supplémentaire sur ses épaules qu’elle sent tangué de plus en plus au fil des semaines.

- Pardon..

Qu’elle murmure finalement en frottant ses yeux pour y faire disparaître toute trace de larme potentielle. Les yeux baissés sur le sol, elle hausse les épaules.

- Je ne veux pas vous décevoir.