J'ai un regard pour ma sœur, clairement dubitatif. Tant que tu ne me battras pas à Mario Kart de toute façon, il n'y aura pas un monde où je te croirais prête à sortir dehors sans moi... Autant être claire sur la situation. Néanmoins une autre chose est abordée et je ne manque pas de lui lancer un regard assassin : Pardon mais de quoi je me mêle ? Qu'est-ce que tu sais de nos conversations avec Stanley ? et surtout de nos disputes pour qu'il me parle au moins un peu...

Je me sens me tendre. D'autant plus à sa remarque. J'ai perdu mon fils, bien sur que je ne vais pas bien. Elle a besoin d'un dessin ? D'un mémo pour le lui rappeler ? Et j'aurais eu besoin de mon mari, de mon meilleur ami. Sauf qu'il est absent depuis un an. Donc qu'est-ce que tu sais de la situation ? Est-ce que tu as seulement une idée de ce que je traverse ? certainement pas. Je sais ou tu veux en venir. Que je me console dans les bras de Stan, pour aller mieux. Mais ça n'arrivera pas. Parce qu'il me fait plus de mal que de bien.

Ma sœur n'a pas l'air convaincue par ce que je lui dis. Malgré tout mon travail et les efforts que je fournis pour m'occuper au mieux de notre communauté, de gérer les relations avec The Haven, elle n'a pas l'air de réaliser l'ampleur de mes responsabilités et surtout de mes capacités. De toute façon, elle n'a jamais réellement approuvé mon poste auprès de June. Pour elle, je reste sa petite sœur,  fragile, qu'elle se doit de protéger à tout prix. C'est franchement agaçant.

Quoi qu'il en soit, je n'ai pas vraiment le temps de lui répondre car elle ne tarde pas à réagir à ma question concernant Stan. Elle riposte d'ailleurs rapidement, ne me laissant pas le temps de parler. « Casey... » Que je souffle d'une voix calme alors qu'elle commence à s'emporter. « Je ne cherche pas à faire ça. » Ma voix se fait plus sévère, sans pour autant me mettre en colère. Élever la voix avec Casey n'est pas la solution, et je sais d'avance que ça finira mal si je le fais. Je prends une profonde inspiration avant de reprendre « Tout ce que je veux, c'est vous aider à aller mieux, tous les deux... » J'ai failli la perdre et je ne veux pas revivre ça encore une fois. Je marque une légère pause avant de poursuivre « Ce que vous avez traversé, aucun parent ne mérite de vivre ça. C'est injuste, terrible... Et je suis désolée de ne pas avoir été là pour toi quand il le fallait. » Ma gorge se serre alors que je repense à mon neveu. « Sans parler de vous remettre ensemble... Vous devez quand même vous soutenir, essayer de vous entendre... Rien que pour Esther... »

Plus ça va, et plus le discours de ma soeur l'enfonce. Je la scrute, plus froide et plus affligée à mesure que je l'écoute. Je crois rêver, sérieusement. Les mâchoires serrées, tout finit par m'agacer prodigieusement. Si tu veux m'aider à aller mieux, arrête de me parler de lui, que je lui reclaque sèchement à sa justification. Je suis à deux doigts de la jeter dehors : sérieusement. Et le pire ? C'est la suite : J'étais ta sœur avant d'être la femme de Stanley ! Je suis Casey avant d'être sa meuf !

Oui, je craque, je me fendille, je ne devrais pourtant pas perdre mes moyens pour si peu mais, je crois que j'en ai assez qu'on me rabâche les oreilles avec ça, constamment : Vous pouvez l'entendre, tous ?! Que j'insiste d'un ton emporté : Tu as qu'à aller lui parler de ça, voir ce qu'il en fait du soutien dont j'aurais eu besoin de sa part ! Que j'enchaine. J'ai besoin de me retrouver, et tu ne m'aideras pas en me remettant systématiquement le nez dans l'échec de mon mariage !

Ma sœur ne semble pas entendre ce que j'essaye de lui faire comprendre. Elle s'emporte, elle se braque et le ton monte. Je la regarde d'un air désolé, voulant à tout prix éviter une nouvelle dispute. « Casey... Je... » Mais elle ne me laisse pas le temps de reprendre, me coupant la parole. Sûrement qu'elle ne s'en rend pas compte mais ses mots me blessent ; elle était ma sœur ? Je fronce légèrement les sourcils à ces mots alors qu'elle poursuit, me répétant qu'elle en a assez qu'on lui rabâche tous la même chose.

Mais cette fois s'en est trop pour moi. Je secoue la tête, à mon tour agacée par les propos de mon aînée. « Parce qu'on s'inquiète tous pour toi Casey ! Alors oui, excuse-moi d'essayer de trouver un moyen de t'aider. Mais au fond de toi, je suis certaine que tu l'aimes encore ! » Que je clame maladroitement d'une voix plus forte que je ne l'aurais voulu. J'affiche finalement une moue confuse, tentant de me rattraper comme je peux... « Dis-moi ce que je peux faire alors ? J'aimerais t'aider, vraiment... » Ma voix s'essouffle, ne cachant pas à quel point je me sens impuissante face à la situation.  Elle ne veut pas que je lui parle de Stan... Mais je la connais par coeur et je sais qu'elle l'aime toujours. J'ai envie de croire que tout n'est pas perdu dans leur relation, que les choses finiront par s'arranger.

Eh bien inquiétez-vous mieux que ça ?! Je fixe ma soeur avec les yeux ronds, ulcérée de ce qu'elle me dit. Mais bordel, comment ose-t-elle ? Ma voix monte, oui, et moi aussi, je perds le peu de patience qu'il me reste avec l'impression de n'être que de la douleur, et seulement de la douleur. Elle est celle sur qui je devrais compter pour ne pas souffrir, et voilà qu'elle me remet la tête dans ce qui me torture jour après jour : Qu'est-ce que ça peut te foutre que je l'aime encore, hein ?! Qu'est-ce que ça peut faire ?!

Ca ne change rien, parce que mes sentiments ne l'ont pas aidé, ne l'ont pas sauvé. Ils l'ont fait fuir loin de nous, et affronter tout ça toute seule pendant une putain d'années : C'est ça qui me pourrie la vie et m'empêche de me reconstruire ! Tu n'as aucune idée de ce que ça fait d'être auprès d'une personne qui te repousse, refuse de te toucher, et qui se garde bien de t'expliquer pourquoi tu la dégoutes autant ! Voilà tout : Il n'y a rien à sauver, Maddie ! Rien !

Je me sens complètement impuissante face à ma sœur. Et mes paroles maladroites n'arrangent pas les choses. Casey explose et je me tends brusquement, me mettant à mon tour sur la défensive. « Parce que je suis ta sœur et que ça me fait mal de te voir comme ça ! Que tout ça te ronge au point de te faire du mal. J'ai peur Casey, oui j'ai peur que ça arrive encore une fois ! » Cette fois, il y a un peu plus de colère dans ma voix. Ma gorge se serre, incapable d'en dire plus.

Les mots qui suivent sont tout aussi douloureux et je comprends bien vite que j'ignore beaucoup de choses concernant leur relation. Brusquement, je me sens honteuse, incapable de dire quoi que ce soit de plus. Seule une mine désolée finit par apparaître sur mon visage, la bouche ouverte pour lui souffler des paroles qui restent finalement en suspens...

Il y a un lourd silence qui retombe entre nous deux, et le fait que Maddie reste totalement muette face à ma propre détresse me fait soupirer de nerfs. Tout ça pour ça, encore ? Je n'en reviens pas. Elle est finalement bien la digne héritière de June, à se répandre dans de la fausse bienveillance, mais inapte à une quelconque forme d'empathie, c'est donc ça ? Tu sais quoi ? Je secoue la tête, lui désigne la porte : Tu devrais rentrer chez toi, que je lui souffle.

A quoi bon, hein ? A quoi bon rester avec des gens qui sont les premiers à te juger quand ça va mal pour toi. Je ressasse les propos de William là-dessus : je ne ferais pas semblant, et je ne tolèrerais plus ça autour de moi. Je n'ai plus envie de te voir, je hausse les épaules d'un air fermé, je ravale mes émotions et surtout mon énervement sur la question : Tu apprendras à te mêler de tes affaires, tu fais plus de mal que de bien, de toute évidence.