Moment de flottement, Orion a pris le large lui aussi, en la laissant sans un mot. D'ici quelques jours, Abigail devrait revenir vers Gig Harbor, et c'est pour elle qu'elle reste obstinément ici. Mais tout ça, ça lui pèse sur l'estomac et elle ne voit pas à qui parler. Sans signe de vie d'Isha non plus de surcroit. Alors que le soleil commence à peine à se lever, elle n'a pas pu gagner une once de sommeil après son arrivée à la prison. En retrait, elle se laisse parasiter par des voix et n'éprouve que les douleurs des coups et des menottes qui lui ont entamé la peau.

Elle relève le nez quand un autre groupe arrive, plus nombreux encore. Les derniers survivants, et parmi eux, Richard semble être là. Bien entier. Elle fronce les sourcils et se rapproche, en se plantant à quelques pas de lui, maladroitement : Papa ? L'appelle-t-elle d'une petite voix d'enfant, qu'elle ne reconnait même pas. C'est si étrange. Je... Je peux ? Demande-t-elle en écartant légèrement les bras.

Il y a un moment de flottement entre eux avant que son père ne s'approche et ne la saisisse dans ses bras. L'espace d'une seconde, Johanna a du mal à réaliser cette réalité, mais referme son étreinte en s'accrochant à son dos. Blottie contre elle, elle ravale son chagrin et se nourrie de ce contact dont elle a cruellement besoin. L'impression de se sentir enveloppée, entière, aimée, protégée. C'est tout ce qu'elle attend de son père, et c'est même plus encore que ce qu'elle espère de lui.

Elle n'ose pas le relâcher, et la simple idée qu'il puisse s'éloigner lui fait mal au cœur. Johanna a l'impression qu'au moins, ainsi, il ne la jugera pas. Il l'aimera quand même, malgré ses erreurs et ses faiblesses. Il croira un peu en elle, quand elle a arrêté de le faire. Avec la fuite de sa cible, la possibilité de guérir de tous ses troubles s'est évaporée également. Et si son père n'est pas capable de l'aimer malgré ça, alors personne ne le sera : Tu... Tu n'as rien ? Murmure-t-elle contre lui, sans le relâcher. Tu n'as pas été blessé ? Insiste-t-elle timidement.

Que lui ont-ils fait ? Johanna a comme des flashs. Ses poings se serrent, elle relâche son père, sans le poids des menottes qu'Anton lui a passé de force. Ses phalanges abimées par les coups. Et le sang ? Ce n'est pas le sien, elle n'ose pas le dire : Rien, ça n'est pas- à moi. Elle secoue la tête fermement avant de soupirer, consciente que ça ne sera pas suffisant pour le convaincre. Ce n'est rien, précise-t-elle.

Pourtant, il l'entraine, s'empare d'une trousse de soin. Elle n'y coupera pas. Alors pour l'instant, autant détourner l'attention. Reprendre son rôle de petite fille parfaite, dans l'ombre de son père. Tu étais sur un des voiliers, c'est ça ? Vous avez réussi à recevoir les messages ? Demande-t-elle alors qu'ils s'éloignent et se posent à l'abri des oreilles indiscrètes : Vous n'avez pas eu le temps de faire le tour de la côte par hasard ? Insiste-t-elle, fébrile. Et usée.

Oh. Ses mâchoires se serrent, elle baisse le regard, détourne les yeux. Plus aucune chance. N-Non... Clochette s'est enfui, répond-t-elle alors d'une voix éteinte par la honte, teintée aussi par la tristesse. Elle s'en veut, se flagelle intérieurement de l'avoir laissé s'échapper quand elle l'a eu si proche. Une opportunité parfaite pour enfin l'empêcher de nuire. Elle a l'impression que le monde s'effondre sous ses pieds. La marque des menottes se rappelle à elle, et aux questions de son père, la blonde se sent encore plus mal.

J'ai voulu le... Le traquer mais... Elle ne sait pas comment le dire. Elle ne sait pas comment expliquer à son père qu'elle n'a pas réussi son seul objectif et qu'en plus de ça, elle s'en est prise à des alliés qui ont voulu la sauver sans doute. Même si elle a été incapable de l'entendre comme ça. Anton m'en a empêché, il- Elle tâtonne à l'endroit où les balles ont frappé : On en est venus aux mains, et comme il n'a pas eu le dessus, il m'a tiré dans le gilet, explique-t-elle maladroitement.