Cooper boitait mais il était vivant, la grâce de Dieu l’avait épargné de complication supplémentaire, il survivrait et se remettrait sans trop de problème de cette blessure. Maintenant venait le temps du repos, de la réflexion, il devrait décider de ce qu’il ferait dans les semaines et mois à venir. L’ancien fermier ne demandait qu’une chose, lutter contre New Eden. Il devait continuer à mener des actions contre eux jusqu’à ce qu’il puisse espérer récupérer sa famille.

La démarche chaloupée, l’esprit occupé, c’est son corps qui l’emmena spontanément vers un lieu où régnaient une chaleur agréable et un fumet qui réchaufferait l’esprit et l’âme de tout homme : « ça sent bon. » Une tête brune se retourna vers lui. Si Olivia avait été à New Eden, cet instant aurait pu être utilisé dans le journal de propagande pour illustrer la femme parfaite. Cooper sourit largement à la jeune femme et s’avança :

« Je suis content de te trouver ici Olivia. Au moins quelqu’un qui sait cuisiner, de toutes les morts que nous réserve le seigneur, mourir de faim ou empoisonné nous sera épargné. » Il tenta de piquer un morceau dans la marmite qui subissait les traitements d’Olivia, mais il reçut un coups sec sur la main et un regard courroucé. Il s’y attendait mais ça valait le coup de tenter un petit chapardage des familles. Aux innocents les mains pleines après tout ? Et l’estomac aussi, or celui de Cooper était effroyablement vide depuis ce matin.

Il s’installa non loin, assez pour ne pas la géner mais suffisament prêt pour discuter avec Olivia et espérer partager un peu avec elle. Il faut dire que la compagnie de cette femme lui avait été d’une grande aide à son arrivé… : « Tu as participé à la bataille ? » Il ne l’avait pas vu et pourtant, vu les compétences de guerrière redoutable dont elle disposait, elle aurait très certainement été utile. Peut-être qu’elle était sur un autre front à ce moment-là ? Et si elle ne s’était pas battue… et bien ce serait certainement pour préparer un délicieux repas aux soldats revenant.

Elle se redresse et sort un instant de ses réflexions. L'hiver qui se présente promet d'être particulièrement difficile. Car Olivia a beau compter et recompter comme elle le peut, elle n'est pas sûre qu'ils atteindront le mois de mars sans un rationnement strict, ou pour trouver une source d'approvisionnement fiable. Le problème étant que si le temps ne le permet pas, ils seront bloqués avec ce qu'ils auront mis de côté, sans possibilité de se procurer des ressources précieuses. Et c'est à ça qu'elle pense depuis de nombreuses heures.

Se tournant vers Cooper, elle lui offre un sourire, avant de le surprendre en train d'essayer de piquer dans sa préparation : Eh ! coup de spatule, le jeune homme doit retirer les doigts alors qu'elle le menace de ce qu'elle tient de sa main : Ne t'avise pas de venir chaparder dans ma cuisine, ou tu vas passer un sale quart d'heure, le menace-t-elle fermement, tout à fait sérieuse. Un soupir lui échappe très vite, elle semble trop tendue. Tu préfèreras retrouver les New Eden plutôt que m'affronter, je te le dis tout net, poursuit-elle.

Un soupir lui échappe, elle essaie de retrouver son calme tandis qu'il s'éloigne pour ne pas souffrir du supplice de Tantale sans doute. Les lèvres pincées, la brune se reconcentre et l'écoute : Hmm, elle hausse les épaules. Non, je termine tout juste ma convalescence, pas d'elle sur le champ de bataille cette fois. Le mois dernier, nous avons eu un problème et j'ai été sérieusement blessé, je passe l'hiver ici seulement parce que le voyage avec le convoi aurait été bien trop compliqué à supporter dans mon état, précise-t-elle.

Rien de très engageant donc, mais qu'importe. Elle pince les lèvres et vient porter un regard vers lui. Si elle ne gère pas les ressources médicales, elle a conscience que la bataille a donné un sérieux coup dans les stocks aussi. Ta blessure se remet ? Demande-t-elle avec un souci sincère pour lui. Cooper fait montre déjà d'une certaine collection de cicatrice. Dis voir, Cooper, glisse-t-elle soudainement en portant un regard sérieux vers lui, pinçant un temps les lèvres : Tu as une quelconque habilité en chasse ou en... Plantation, par hasard ?

Cooper se massait la main d’un air faussement outré. Il se demandait quel genre de blessure la petite brune pouvait avoir subit pour ne pas être en mesure de suivre le convoi. Mais l’éducation assez chrétienne de Cooper lui interdisait de poser ce genre de question indiscrète. Il se contentant de sourire en disant à la Olivia : « Je suis content de te savoir ici, même si je n’ai pas le droit de piquer de la nourriture. » Il ne perdrait pas espoir de pouvoir obtenir un peu de ce qu’elle était en train de préparer. Après tous, les blessés doivent reprendre des forces non ?

« Dieu a été bon avec moi, c’est une blessure net, elle a été prise en charge à temps. Je m’en remettrai plutôt bien. » Il faudrait surveiller ça encore quelques temps pour éviter que la blessure ne s’infecte et qu’il ne perde sa jambe… Surtout que visiblement, Olivia semblait encline à lui demander de l’aide. Sa question fit doucement sourire le grand idiot qu’il pouvait être. Il se demandait si elle n’avait pas fait exprès de la poser de cette façon ?

Dans tous les cas, sa réponse fut à l’aune de la question. Cooper se permettant même une plaisanterie qui lui brûlait les lèvres depuis qu’il avait appris le nom de famille d’Olivia : « Vous savez… Madame Cooper. Vous parlez à un Ross, j’ai grandis dans un ranch. Je pense pouvoir vous aider avec les choses qui poussent et peut-être vous aider un peu à la chasse. » Il n’était pas aussi efficace qu’un vrai fermier ou que quelqu’un ayant grandis en communion avec l’esprit de la forêt mais il savait se servir d’un fusil et il connaissait bien le cycle des plantes.

Tout ça pour dire, pour résumer : « Tu as besoin de moi pour quoi que ce soit ? N’Hésite pas à demander, les Ross rendent toujours service quand ils le peuvent. » Même s’il sentait qu’il allait bientôt regretter d’avoir montré tant de bonnes volontés, Olivia risquait de le prendre au pied de la lettre.

Si tu sens le début d'une infection, tu n'hésites surtout pas, ok ? Quinn m'a laissé quantité de baume et d'onguents, je ne sais pas si ça nous tiendra l'hiver mais je n'ai pas dans l'idée de vous priver de soin, souffle-t-elle à Cooper avant de lui offrir un sourire qu'elle veut confiant mais qui ne l'est pas. A dire vrai, il y a déjà les marques de son appréhension, et de ce qu'elle sait qui va finir par lui coûter cher. Elle appréhende tellement la saison à venir que ça se voit sur son visage. Cependant, la déclaration du jeune homme est au moins pour lui donner de l'espoir : Oh, donc tu vas m'être particulièrement utile cet hiver, souffle-t-elle avec un sourire.

Bon, ça ne fera pas des miracles, mais de quoi mettre du beurre dans les épinards ne fait jamais de mal. Elle ne sait pas à quel point elle parviendra à le solliciter, à dire vrai. Très bien, je t'explique ma problématique, ajoute-t-elle alors en prenant un air extrêmement sérieux : Nous sommes une demi-douzaine à peu près de représentant de The Haven ici, rajoute à ça autant de voyageurs solitaires qui comptent s'établir dans le coin pour l'hiver, ou au moins être payé pour des travaux faits dans ce courant de l'année, explique-t-elle comme elle ferait un exposé complet de la situation. Notre potager n'est pas rentable et nous n'avons aucun élevage dans le coin, donc aucun apport de nourriture fiable.

De toute façon, un peu tard pour planter quoi que ce soit. Là, ce que ça implique, c'est que nous allons vivre sur nos réserves, et à part si nous nous mettons d'ores et déjà à rationner jusqu'à ce qu'on puisse nous porter une main secourable, nous sommes dans une sacrée merde, elle esquisse une grimace : Excuse-moi du terme, c'est pourtant la réalité des faits. On pourra compter sur quelques alliances mais... Nous n'avons rien pour les dédommager, à part leur expertise, à la limite. Mais est-ce que ça paiera le loyer ? Franchement, elle en doute. Alors qu'as-tu à me proposer ?

Olivia semblait avoir la mine sombre en lui décrivant l’hiver à venir… d’un autre côté, c’était la réalité, il devait le comprendre. Un hiver rude, une disette en perspective. Cooper se gratta le menton, réfléchissant autant à sa question qu’à un moyen de piquer dans la marmite, même si cet acte serait hautement discutable à la lumière des révélations qu’il venait d’avoir : « C’est un portrait assez sombre que tu nous décris là. » Si bien que ses propositions pouvaient sembler presque… idiote, mais qu’importe. Elle lui demandait ce qu’il en pensait et l’éleveur en lui avait une idée : « Des sangliers. » Non ce n’était pas un gaulois qui voulait faire un banquet, mais une idée qui semblait loin d’être irréalisable :

« Il faut faire un élevage de cochons ou de sangliers. » A défaut de pouvoir chasser et ils ne pouvaient pas se permettre de choisir un animal « délicat » comme une vache ou un cheval. Il leur fallait un animal robuste et facile à élever, ça et des poules, les poules aussi ça serait très simple. On pouvait la manger au bout d’un mois et il y avait des œufs. Le plus dur serait d’en capturer évidement. Mais pour revenir aux cochons : « ça fournit une grande quantité de viandes, ils mangent presque tout ou n’importe quoi et fournissent de l’engrais. » Après, il fallait mettre la main sur ces animaux en question. C’est pour ça que Cooper pensait plus à des sangliers qu’à des cochons, certainement bien plus courant dans les forêts par les temps qui courraient actuellement.

Mais il n’était pas non plus sans confiance : « Le plus dur sera de les capturer. Mais… tu parles à un ancien rancher. » Il avait ses propres méthodes pour gérer un cochon de 200 kilos et si tout échouait, il suffirait d’abattre la mère et de simplement garder les petits : « D’ailleurs, on a encore des bateaux et du matériel de pêches ? » Lui-même n’avait aucune compétence dans le domaine mais la mer pourrait les aider assez grassement cet hiver.

Je dirais plutôt un portrait réaliste de la situation, aussi déprimant que ça puisse être, soupire-t-elle avec un air clairement désolé, parce qu'elle ne peut pas améliorer la situation officiellement et ça la frustre autant que lui. Je préfèrerais qu'il en soit autrement, tu peux me croire, ajoute-t-elle de plus belle alors que Cooper tâche de trouver des solutions, et fait preuve d'une concentration qu'elle ne lui connait absolument pas : Des sangliers ? Ok Obélix ? Souffle-t-elle après un temps de flottement, à sa remarque soudaine.

Elle pince les lèvres et l'écoute, il ne dit rien d'idiot, c'est un avantage. Prenant appui sur la table, elle étudie sa proposition avec sérieux avant de hocher fermement la tête : Effectivement, le gibier du genre peut aider. On peut compenser avec des chasses régulières, une seule bête peut nourrir les habitants de la prison durant une semaine entière si on parvient à s'organiser et si on ne perd rien, ça, c'est son rôle. A elle de voir comment elle peut exploiter la totalité de l'animal pour contenter tout le monde.

Encore faut-il que la chasse ne soit pas mauvaise, et c'est une autre histoire. Encore faut-il qu'ils sachent chasser ! Si Olivia est apte à reconnaitre différent type de champignons, des baies, elle n'a aucune aptitude particulière pour traquer des animaux. Si on parvient à lancer un potager correct, on complètera avec des pommes de terre, des navets, et des racines j'imagine, ajoute-t-elle. Bon, ça sera redondant sur tout l'hiver, mais c'est toujours un moindre mal, elle pense. Il faudra juste aimer le navet et les patates.

Je dois réfléchir de toute façon à des plats qui tiendront au ventre et permettront d'être actifs durant la journée, pas vraiment le choix, surtout si tout le monde doit passer l'hiver et sans encombre en plus de ça. Un sacré challenge ! Y parviendra-t-elle ? On a toujours ça mais j'admets ne pas vraiment savoir m'en servir, soupire-t-elle avec un sourire contrit. A-t-elle seulement écouté quelque chose, à bord avec Tomas ? Honnêtement ? Rien du tout ! Tu saurais, toi ?

Olivia et Cooper semblaient tomber d’accord sur ce qu’il faudrait pour nourrir la prison, en tout cas, Cooper ne voyait pas grand-chose à redire sur les conclusions de la cuisinière : « Je crois que les Irlandais, avant la grande famine avaient un régime à base de poisson, patate et lait. » Il se souvenait avoir lu ça dans un livre quand il était plus jeune : « Pour les plus pauvres du moins et ça marchait pas trop mal. Un régime sans carence alimentaire. » Mais si les patates venaient à manquer, les irlandais commençaient à mourir de faim en masse et à immigrer tout aussi massivement vers les Etat-Unis. Mais c’était une autre histoire.

Tout comme ces fameux bateaux dont parlait Olivia. Cooper les regardait d’un air… contrit, au mieux. Il voyait juste là des cercueils flottants, prompt à apporter la mort à ceux qui auraient l’audace de fendre les flots sur eux : « Je suis un homme de la terre, pas de la mer, c’est à peine si je dois être capable de lever la voile d’un de ces bateaux. » Le Norvégien du conseil avait bien tenté de l’initié à la voile, mais Cooper avait refusé tout net en prétextant qu’il aurait largement préféré s’occuper des chevaux.

Mais maintenant que le dit Norvégien n’était plus là pour s’occuper de la marina, ils étaient plus ou moins livrés à eux même. Ils allaient devoir tout réapprendre sous peine de mourir de faim malheureusement. Même si Cooper laisserait bien ça à quelqu’un d’autre.

Cependant, il voyait là une façon de se rapprocher un peu d’Olivia, la solidarité et l’unité allaient être d’autant plus importante qu’ils allaient tous passer un des hivers les plus pénibles de l’histoire : « Mais la seule façon de le savoir resterai encore d’essayer non ? » Moins par nécessité que par jeux ; il devait le reconnaitre. Mais l’idée lui semblait excellente.

Le ciel était clément, l’eau semblait relativement lisse, un peu de vent venait à peine rider la surface. Ça devrait permettre de les faire avancer. Enfin, si Olivia se sentait d’humeur aventureuse.