Difficile de cacher son appréhension, la pression qu'elle se met. Gérer un groupe d'une quinzaine de personne sur quasiment quatre mois, la cuisinière a sincèrement l'impression que c'est impossible pour elle, ou pas loin de l'être. Elle n'a pas les épaules pour ça, et si elle désire ardemment que ça se passe correctement, elle a aussi conscience que ça n'est pas aussi simple que ça. Elle n'envie pas cette place, et aimerait la refiler à qui de droit : Preston notamment, qui saurait sans doute très bien se débrouiller de son côté pour gérer les troupes.

Si elle peut d'ailleurs passer sous sa direction pleine et entière, elle n'hésitera pas une seule seconde. Question de principe, si on peut le dire comme ça, pour s'éviter de... Elle ne sait pas. Devoir endosser seule les responsabilités ? Oui, sans doute. Parce que c'est justement le plus laborieux à son sens, dans une situation comme celle-ci, en tout cas. Si quelque chose se plante, elle n'a franchement pas envie qu'on regarde dans sa direction à la recherche d'une explication. Depuis qu'elle sait qu'il faut survivre ici, Olivia se met une pression monumentale.

Et la conversation avec Cooper parvient à peine à la soulager au moins un peu. Elle pince les lèvres avant de soupirer : Je viens de Chicago, et on n'est pas vraiment reconnu pour nos qualités en brasse, elle a un temps d'arrêt, il faut dire qu'elle ne connait pas grand-chose de sa ville natale, à dire vrai : En tout cas, moi, je ne le suis pas du tout... un peu tout l'inverse. Elle ne craint pas les profondeurs mais se sent plus à l'aise sur la terre bien ferme. Comme Cooper, finalement. Tu veux tenter l'aventure maintenant ? Elle se relève, entamant de ranger ses préparations pour les mettre à l'abri au plus vite : Je devrais pouvoir te suivre si tu te sens prêt, oui, ajoute-t-elle alors, confiante, ou presque, et motivée pour trouver de vraies solutions.

Olivia semblait motivée à le suivre dans ce qui semblait être une vraie bêtise d’adolescent : « Et pourquoi attendre ? » Après tout, ce n’est pas comme s’ils étaient attendu quelque part ? Et puis il fallait s’entrainer à un moment ou un autre. La cuisinière sortit son plat du feu et le couvrit avant de finalement suivre le fermier jusqu’à la côte les embarcations, qui attendaient sagement sur le sol.

Cooper resta interdit devant les bateaux, se demandant lequel prendre ou lequel essayer… Ses yeux se portèrent sur un qui avait une seule voile et qui semblait plus simple que les autres : « Heu alors, je pense qu’on devrait commencer par le petit qui est là. » Il s’avança jusqu’à lui et s’assit sur un des bords, examinant ce qu’il avait sous les yeux. Le gouvernail, un trou au milieu du bateau, là où on mettait un gros bout de bois, le mat et le truc perpendiculaire au mat.

Olivia assise à côte de lui, il commença à faire part de ses impressions et sur comme ça devait fonctionner : « J’imagine que la voile fonctionne comme une éolienne, donc elle doit suivre en fonction de où le vent, donc il faut faire attention au truc horizontale qui risque de tourner en même temps que le bateau. » Il regarda la cuisinière : « On doit se mettre du même côté tous les deux tu crois ? » Il disait un peu ça au hasard, essayant de se souvenir de ce qu’il pouvait avoir vu dans le passé à la télé ou dans les livres.

Peut-être que la brune se souviendrait un peu plus qu’elle ? Après tout, elle semblait avoir été proche de Tomas et de ses bateaux, il lui lança un regard à Olivia :

« Tu en penses quoi ? On essaie de le mettre à l’eau ? » Il allait devoir se mouiller les pieds très certainement mais on ne faisait pas de navigation sans un peau d’eau après tout. Par contre il craignait le moment où il devrait prendre appuis sur le rebord pour remonter à bord. Il craignait de renverser le bateau.

Elle hoche la tête et le suit jusqu'à ce qu'il reste de la Marina. Pas le grand luxe considérant ce qu'il se passe ici, et le fait que les navires ont été rapatriée rapidement et laissés à leurs bons soins pour l'hiver. Mais en matière de bon soin, Olivia est très clairement la dernière du classement. Elle pince les lèvres en admirant le résultat, l'impression d'être face à une ambition trop grande pour elle et de s'y prendre déjà de la mauvaise manière. Cooper parvient à choisir le navire qui lui semble le plus cohérent quand elle porte le regard sur lui.

Et l'analyse commence maladroitement. La cuisinière essaie de ne pas s'en formaliser, mais surtout de se souvenir des indications de Tomas dans le domaine. Honnêtement ? Elle n'est pas sûre de grand-chose, elle aurait aimé que son beau-frère prenne en compte ça et lui écrive plutôt un récapitulatif complet sur la navigation pour qu'elle puisse s'en sortir concrètement face à tout ça. J'ai quelques bases pour ça, je devrais parvenir à nous faire sortir de la baie mais... Du reste, ça risque d'être un peu compliqué, admet-elle en portant les yeux sur Cooper un temps.

C'est stupide, elle le sait, mais en grimpant à bord du navire, elle se sent vraiment minuscule. L'essentiel est de ne pas couler au large, nous sommes d'accord ? Elle force un petit sourire : Allez, ça va le faire, elle essaie vraiment d'être optimiste, l'idée lui vient de solliciter Sebastian pour lui donner quelques cours, qui lui permettront de passer l'hiver en paix : On devrait prendre de quoi pêcher aussi ! Attend... Le temps d'aller et revenir avec l'équipement dédié, elle les tend à Cooper : Tiens, attrape ça, lui demande-t-elle comme une faveur.

Avant de rejoindre le navire et d'essayer de s'y installer. Pas de moteur, et de toute façon, leur essence est complètement à sec. Ils ont tout juste une pagaie pour pouvoir s'éloigner du quai et rejoindre ensuite le large, si possible. Pourvu qu'ils n'y passent pas la semaine : Tu plaisantes mais avec ton poids, on dirait que le bateau balance de ton côté... souffle-t-elle alors, un peu anxieuse : Je ne suis pas sûre de pouvoir rivaliser pour équilibrer, en fait, c'est littéralement impossible. Cependant dans les virages, nous risquons d'être pas trop mal, ajoute-t-elle. Notamment à pleine vitesse.

Olivia semblait un peu plus sûre que Cooper de ce qu’ils faisaient, mais ça ne semblait pas ultra fameux non plus. C’est seulement quand ils eurent de l’eau tout autour d’eux que Cooper réalisa qu’il y avait un problème : « Couler ? » Alors le fermier savait plus ou moins nager mais il n’avait pas envie de le faire. Il se pencha un peu pour examiner l’eau, relativement claire… Il fut agréablement surpris de voir le fond et il se redressa pour lancer à la cuisinière : « Bon. Je sais pas pour toi, mais moi j’ai encore pieds à cette distance du rivage. »

Ils devaient bien avoir 35 cm de différence, ça avait son importance et d’ailleurs Cooper pouvait faire énormément avec 35cm. Les deux s’escrimèrent pendant plusieurs minutes à tenter de créer un cap, d’accrocher le vent : « C’est plus facile dans les films, on les voit hisser le grand’voile et le reste c’est par magie. » Il se souvenait de Water World ou de Pirates des Caraibes, mais il n’était ni Kevin Cosner ni Johny Depp… Déjà, il était plus vertueux.

Cependant, l’arrogance de penser ça dû déplaire au seigneur car un coup de vent brutal fit changer la direction du bateau et la masse de Cooper ne suffit pas à l’empêcher de tanguer : « Jesus ! » Mais Jesus marchait sur l’eau, LUI. Cooper ne put se retenir suffisamment et bascula en arrière quand le bateau tangua en changeant de direction. L’eau glacée lui donna comme un coup de fouet. Sa tête émergea alors que ses pieds trouvèrent le sable de la baie. Il avait de l’eau jusqu’au cou a peu prêt. Il passa une main dans ses cheveux et dit avec un manque certain de dignité : « Même si j’ai pieds. Elle est glacée cette eau ! »

Puis il tâcha de s’appuyer sur le bateau pour remonter, mais il devait être beaucoup trop lourd pour le petit dériveur car celui-ci pencha dangereusement et commença à embarquer de l’eau avant de chavirer franchement et d’entrainer Olivia dans l’eau à son tour : « Heu. Désolé ? »

C'est normal, double perche, tu mesures deux mètres ! Elle pince les lèvres, affichant une moue boudeuse puis moqueuse. Elle est la première à rire de sa propre taille, contrariée par la nature de toute évidence. Mais elle n'a pas à rougir de ce qu'elle est, même si le monde n'est pas exactement pensé pour les personnes qui font sa taille, notamment. Quand elle pense que certains enfants de dix ans sont plus grands qu'elle... Je plains ta pauvre maman qui a du te sortir, surtout si elle était de mon gabarit ! Ajoute-t-elle avec amusement.

Mais alors qu'ils arrivent à s'éloigner, l'accident arrive rapidement. C'est Cooper qui termine à l'eau sans attendre, et elle qui vient se mettre sur le bord du navire pour essayer de le repêcher : Est-ce que ça va ? Pas de casse, donc ? Mise à part que la baignade est froide, de ce qu'elle en comprend. Ou le fait que l'embarcation tangue quand l'homme essaie de remonter dedans : Eh ! Elle n'a pas le temps de s'agripper qu'elle bascule la tête la première à la flotte, et qu'en effet : elle goûte elle aussi à la différence de température. Ressortant rapidement, elle grogne en s'agrippant au bord du navire.

Tomas se moquerait si fort d'elle s'il la voyait : Oh bon sang... Ses mâchoires claquent presque immédiatement entre elles : Tu ferais bien de remonter en premier, tu feras un meilleur contre-poids pour moi que l'inverse de toute évidence, analyse-t-elle en essayant de l'aider à le faire. Il a moins de peine parce qu'il touche le sol, elle est obligée de se maintenir à la surface : Et au cas où tu poserais la question, non, je n'ai pas pieds ! A l'évidence ! Une fois qu'il est à bord, elle tend la main pour qu'il la saisisse et l'aide à grimper à l'intérieur. Mais là encore, la différence de température est horrible. Elle grelotte : Je vais voir s'il y a quelque chose à mettre, on ne peut pas rester avec des vêtements trempés ou on risque de geler sur place, l'une des caisses présentes est ouverte... Dedans ? Diverses choses, mais pas d'habits !