- C'est bien vous qui avez commandé une pizza ?

Zelda entre la chambre de Ka' sans grande délicatesse mais avec un certain sens du théâtre. Elle prend la pose un instant comme si elle venait de débarquer sur un tapis rouge puis se précipite vers le bureau pour enlacer l'adolescente qui y étudie. Quelques bisous se perdent sur sa joue, ses lèvres ou même son cou. L'australienne la serre fort - sans doute un petit peu trop - à la manière d'un doudou dont elle aurait été trop longtemps séparée tandis que de leur côté Bulle et Dyna fêtent leurs retrouvailles en se sniffant mutuellement les fesses. Un tableau des plus idyllique...

Dire que Zelda est saisie par l'émotion est un doux euphémisme. La mort de Caleb pèse toujours aussi lourdement sur sa conscience et la seule personne qui soit vraiment susceptible de lui changer les idées se tient enfin devant elle. Les yeux brillants, un peu tremblante, l'adolescente capture les mains de sa camarade entre les siennes et lui décoche l'un de ces sourires qui veut tant dire : J'ai pas vraiment d'pizza, en fait ! Elle l'avoue en lâchant un petit rire bête mais qui a l'avantage d'être parfaitement sincère. L'amour a l'avantage d'être magique mais l'inconvénient de rendre un peu niaise...

Mallheureusement cet instant, l'australienne ne peut pas en profiter aussi pleinement qu'elle le souhaiterait. Une tempête se profile à l'horizon et la capitaine avisée qu'elle pense être imagine encore qu'elle peut l'éviter. Tu vas bien ? s'inquiète l'adolescente. Elle est gênée, c'est évident. Parce qu'elle sait que Ka' a déjà deviné que quelque chose ne tourne pas tout à fait rond. Tout ce qu'elle peut faire, désormais, c'est retarder un peu l'inévitable. Ou arracher le sparadrap d'un coup sec. On n'a pas beaucoup d'temps. J'repars demain matin pour... un certain temps. Zelda grimace et détourne le regard. Ce n'est pas forcément de gaieté de coeur quand bien même c'est pour satisfaire June. C'est surtout qu'elle n'a pas vraiment le choix si elle veut éviter les foudres de Stan en attendant que les choses se tassent. T'sais... New Eden, tout ça ! Après tout c'est la guerre et cette dernière ne laisse que peu de place aux sentiments personnels. C'est en tout cas de cette manière qu'elle tente de se convaincre. Mais eh, ça nous laisse quelques heures quand même, non ? C'est mieux que rien même si ça reste largement insuffisant. Et elle le sait bien, ça, l'australienne.

Elle s'avance néanmoins à nouveau pour lui voler un autre baiser, faisant de son mieux pour ignorer le fait que ces retrouvailles ne sont que les prémices d'un autre départ...

Elle était fatiguée, Kassandra. La tête dans les bouquins dont les lignes commençaient à ne plus avoir de sens. La blonde repoussait son sommeil pour s'assurer que tout rentrait correctement dans son esprit. Aviation, combat, utilisation des armes de gros calibres. Kassandra n'avait que ça en tête. La pression qu'elle se mettait sur les épaules commençaient à faire vriller un peu son esprit habituellement moins angoissé.
Elle avait, bien évidemment, bien entrer dans son esprit les mots que William avait pu lui dire, ceux d'Adrienne et même de May. Ils avaient tous tentés de lui remonter le moral. Et, en partir, son humeur avait été un peu plus positive.
Mais maintenant, elle voulait prouver qu'ils ne se trompaient pas sur le ressenti qu'ils pouvaient avoir.

Les mains de chaque côté de ses joues, Kassandra commençait à somnoler depuis quelques minutes. Mais la porte s'ouvre en grand, la voix de Zelda la fait sursauter alors que ses mains se plaquent sur le bureau en bois. Et si d'ordinaire, la présence de sa petite amie est un véritable bonheur, un répit qu'elle apprécie dans ses études. Elle se doute que Zelda n'est pas là juste pour la voir. Un pressentiment. Elle se détend tout de même un peu, l'espace d'un instant lorsqu'elle l'enlace. Elle penserait presque que Zelda veut la rassurer un instant. Est-ce qu'elle aurait remarqué les humeurs aléatoires de sa petite amie ? Alors qu'elle se retourne enfin vers elle, qu'elle remarque finalement les yeux brillants de Zelda et cette manière d'attraper ses mains, elle saisie enfin que le soldat va s'en aller. Encore.
Et Kassandra se rend d'ailleurs comptes qu'elle n'a pas ouvert la bouche depuis plusieurs minutes déjà.

- J'vais bien..

Comme si ce teint blafard et ses cernes ne trahirait pas son état d'esprit à l'instant T. Mais ce que Kass attend, elle l'obtient assez rapidement parce que Zelda lui avoue déjà qu'elle repart le lendemain matin. Kassandra lâche les mains de sa petite amie pour se détourner d'elle.

- Oui, quand c'est pas New Eden, c'est The Haven pour éviter que ta mère soit volé par Isalin. Ou alors, tu dois suivre Yuan parce qu'il peut pas se débrouiller tout seul. Ou la mission pour June ! Ou alors juste comme ça !

Qu'elle grogne dans sa barbe inexistante. Kassandra est fatiguée. Elle veut dormir, elle veut étudier, elle veut s'en aller, elle veut rester. Elle ignore ce dont elle a besoin dans l'immédiat. Et malheureusement pour Zelda, elle risque d'en faire les frais pendant quelques minutes. Le temps que la pression soit moins présente.

- Parce que t'arrives pas à rester plus d'une semaine ici sans t'emmerder ! Je me demande si c'est pas moi qui t'emmerde des fois ! Les gueux te voient presque plus que moi faut dire !  C'est qui cette fois qui t'oblige à le suivre ? Yuan ? Stanley ?

Kassandra marche dans la pièce. Elle ne sait même pas pourquoi elle est aussi en colère. Elle comprends pourtant que Zelda n'a pas toujours le choix. Peut-être qu'elle pense la même chose d'elle lorsqu'elle part en mission avec les autres aviateurs. Au fond, elle est peut-être u peu jalouse aussi de voir que Zelda est un très bon soldat quand elle ne parvient pas à faire ce qu'elle veut de son côté.

- Tu vois des fois, j'aimerai que tu débarques ! Pas pour me dire que tu te casses dans trois heures, juste comme ça ! Ou alors qu'on se casse à deux ! Sans Yuan, Maddie ou je sais pas qui ! Juste comme ça ! Mais non ! Tu t'en va en mission et moi je reste comme une pauvre conne à me battre sur des putains de truc que j'arrive pas à enregistrer, bordel de merde !

Hurle t-elle en donnant un coup de pied dans la chaise de bureau, ignorant la douleur violente qu'elle peut ressentir à  cet instant précis au niveau de ses orteils. Bulle et Dyna ont fini par prendre la fuite un peu plus loin au vu des grands gestes de la demoiselle en colère.

- Ca rentre pas et ça m'emmerde ! A quoi je sers au juste !

- Juste pour être sûre... C'est une dispute ?

Perplexe, Zelda a encaissé la frustration de sa petite amie sans trop savoir comment réagir. Fait étonnant, c'est même en silence qu'elle a été éclaboussée par ces reproches dont elle ne soupçonnait même pas l'existence. Et même maintenant que son aînée a vidé son sac, elle n'est pas capable de dire si elle est confrontée à un cri de douleur ou de détresse.

Parce que l'australienne, elle n'a jamais vu Ka' comme ça. Ou du moins n'a-t-elle jamais été la cible de son ressenti jusqu'à maintenant. Et force est de constater qu'elle ne sait pas vraiment comment réagir. Heu... L'adolescente tente de remettre le contact, d'agiter ses neurones. Mais je t'aime, moi ?! Elle est malgré tout consciente que le problème n'est pas là et que le réduire à une telle bêtise est largement trop simpliste. Zelda cligne des yeux et s'installe sur le lit. Ou plutôt, s'y laisse choir sans grande volonté.

J'avoue que j'sais pas trop quoi t'dire... avoue-t-elle à regret. Elle supposait qu'elles étaient sur la même longueur d'onde, qu'elles s'accordaient sur le fait de terminer cette guerre pour profiter de la paix à deux, pleinement. Ca a toujours été un sacrifice mais depuis quand ne semble-t-il plus nécessaire à sa petite amie ? Pour leur avenir et puis surtout, leur bonheur ? L'assurance de vivre dans un monde civilisé, débarrassé des gueux et des bigots qui défient aujourd'hui Fort Ward. Mais t'es vraiment débile si tu crois que j'pars à l'extérieur pour pas t'voir ! J'veux dire, t'es même la raison qui m'pousse à revenir ! Parmi d'autres, oui, c'est vrai. Pourtant c'est à elle qu'elle pense lorsqu'elle s'endort le soir. Ou en se levant le matin. Elle, et elle seule. Et puis au cas où tu l'aurais pas remarqué, ouais, c'est la guerre ! claque-t-elle finalement un peu trop sèchement. Ce n'était pas son intention mais elle est aussi prisonnière qu'elle de la situation. Et j'suis soldat ! Ce n'est tout de même pas si difficile à comprendre, si ?

Zelda se rend néanmoins compte que l'échange commence à lui échapper. Surtout parce que derrière ces accusations injuste elle croit percevoir l'ombre d'une souffrance. Son regard redevient doux tandis qu'elle se penche pour capturer la main de sa camarade. T'as l'droit d'm'engueuler, hein, si tu veux. Mais certainement pas celui de douter de toi ! Jamais ! Est-ce un ordre ou un conseil ? Elle n'en sait trop rien elle-même... À quoi tu sers ? J'vais te l'dire, moi ! Et elle n'aura même pas besoin d'hésiter tant ça lui semble évident. Aussi ne laisse-t-elle qu'un bref instant s'écouler avant de reprendre : T'es sûrement la fille la plus douée d'notre génération, pour commencer. Tu pilotes, t'avales des bouquins comme personne et en plus, tu retiens c'qu'il y a marqué dedans ! La plupart du temps. Si ces putains de trucs lui résistent, ils finiront tôt ou tard pas céder face à sa vivacité d'esprit. L'australienne n'en doute pas un seul instant, elle. Tu sais réconforter les gens, leur sourire et faire tous ces... ces trucs sociaux qu'ils aiment. J'te jure, c'est irritant d'entendre à quel point ils t'apprécient... tente-t-elle de plaisanter avant de retrouver un air plus sérieux.

Parce que malgré tout elle n'a pas oublié ses reproches. Et qu'elle tient évidemment à les balayer, ou du moins à rassurer sa petite amie. J'suis désolée, j'pensais pas que ça t'embêtait tant que ça mes absences. Surtout qu't'as aussi pas mal à faire d'ton côté avec l'hélico et tout ça. Mais elle s'en veut de n'avoir pas su prêter attention aux signes. Ou de les avoir mal interprétés. Zelda hésite. Elle a besoin de lui dire pour Caleb. Ne serait-ce que pour lui faire comprendre qu'elle n'a pas vraiment le choix et qu'elle doit quitter Fort Ward le temps que les choses se tassent. Mais elle craint sa réaction. D'approfondir son trouble plutôt que de le dissiper. Et même de la perdre. Lui avouer un meurtre pour justifier ses carences ? Dans quel monde ça pourrait ressembler à une bonne idée, ça ? L'australienne hoche la tête pour indiquer à Ka' que ce n'est rien, que cette phrase ne mérite pas d'être terminée. Tu crois que j'te trompe, c'est ça ? Est-ce qu'il n'y aurait pas un fond de jalousie dans tout ceci ? N'est-ce pas ce dont Ka' l'accuse à demi-mots ? Ou alors elle n'a vraiment rien compris...

Première question de Zelda et Kassandra a presque envie de lui coller son oreiller au visage. Un coup sec. Une question à laquelle elle ne réponds pas. Préférant déblatérer rapidement tout ce qui peut bien lui passer par la tête, tout ce qu'elle peut bien penser, tout ce qu'elle peut bien retenir dans sa frustration. Parce que ses émotions prennent de la place et qu'elle aimerait que ça soit beaucoup moins le cas.
Et la première réponse à cette frustration fut une déclaration d'amour que Kassandra ne vit finalement pas venir. Les mains sur les hanches, les sourcils froncés. Kassandra prit une profonde inspiration avant de lever les bras.

- Mais je t'aime aussi ! C'est pas la question, Zelda !

Qu'elle s'époumonerait presque. Sa frustration et sa colère n'ont rien à voir et n'affectent en rien les sentiments qu'elle peut éprouver pour sa meilleure amie. Si elle était parfois moins timide, elle ne cesserait de lui répéter tout l'amour qu'elle peut bien lui porter. Mais Zelda, dans toute sa maladresse, a le don de savoir quoi dire. Et savoir qu'être l'une des raisons pour laquelle elle accepte de revenir lui fait du bien. Un bon point avant une grosse rafale dans le visage.

- Et tu penses que j'en ai pas conscience ?! Tu crois que ça me fait plaisir de ressentir tout ça alors que tu fais que suivre les ordres ?! Je fais la guerre moi aussi !

Dans les avions et les hélicoptères. Ce n'est certes pas la même chose. Mais dans toute la frustration, Kassandra se sent aussi presque honteuse d'avoir autant besoin de Zelda lorsqu'elle ne peut, malheureusement, pas aller contre les ordres et contre cette guerre. Et si, à l'origine, cette implosion a été commencé par un énième départ de sa petite amie, elle n'en ait pourtant pas le problème réel.
Sa frustration oscille entre une envie cruelle de fondre en larme et une envie de tout passé à tabac. A commencé par la chaise de bureau qui finit par s'écraser au sol. Elle ne fait aucun mouvement de recule quand sa petite amie attrape sa main et ne lui laisse pas le temps de répondre à cette question qui, pourtant, ne nécessite aucune réelle réponse.

Et à cette avalanche de compliment à son égard, la blonde ne peut que sentir les larmes grimper dans son regard fatigué. Parce qu'elle est touché de ce que pense Zelda. Même si elle a juste l'idée qu'elle pense ce genre de chose à cause de leur couple. Elle renifle, Kassandra et parvient même à rire un peu à ce côté sociable absent chez la jeune femme.

- C'est irritant parce que t'es jalouse...

Qu'elle marmonne avant que le côté sérieux de Zelda ne l'oblige à reprendre le sien. Elle essuie sa joue de sa main libre. Mais elle s'excuse et si elle comprends évidemment que Zelda doit faire ce qu'il faut, il n'empêche qu'elle aimerait un peu de vacance. Un petit moment où les soldats ne sont pas là.

- Zelda, je comprends. Tu es soldat, il y a la guerre et j'y participe aussi ! Mais tu me manques et je sais jamais si tu rentres pas parce que c'est normal ou si c'est parce que t'a été bouffé dans un coin ! Moi je risque rien quand il y a pas de vol de programmé ou de mission ! Quand est-ce qu'on repart un temps toutes les deux ? Juste quelques jours. Loin des gens, loin de mes livres.

Du calme, si possible. Mais la dernière question de Zelda laisse Kassandra la bouche légèrement ouverte. Elle a loupé un épisode, en plus de ça ? Fronçant lentement les sourcils avant de lever les yeux au ciel. Ce que Zelda peut être à côté de la plaque de temps à autre. La blonde se demande parfois comment elle arrive à ne pas se faire assassiner à tous les coins de rue.

- Quoi ? Mais bien sûr que non ! En plus, t'es pas subtil, je le verrais trop vite si tu avais jeté ton dévolu sur une autre gueuse comme tu dis. Puis bon, je sais manié le couteau, à ses risques et périls à celle qui tentera de me piquer ma place.

Ironique évidemment. Quoi que.

- Donc t'en veux à la guerre, c'est ça ?

Zelda fait sincèrement de son mieux pour trianguler le problème et mettre le doigt sur ce qui gêne vraiment sa petite amie. Elle l'observe avec attention, et un peu de scepticisme. Et moi ? J'suis okay ? Ou est-ce qu'elle est aussi la cible de cette frustration nimbée de colère qui semble guider Ka' depuis quelques instants. L'australienne ne sait plus si elle est une coupable, une victime ou un mélange de deux à la fois.

C'est que comme elle le fait remarquer à l'américaine, elle n'est pas spécialement douée pour les relations sociales. Et bordel, qu'est-ce qu'elle se sent impuissante lorsque le regard de la lumière de son existence commence à s'embuer. Elle esquisse un peu vers elle mais se ravise. Est-ce que ce sera seulement bienvenue ? Ne sera-t-elle pas accusée de vouloir fuir la discussion en optant pour la tendresse ?

Alors Zelda reste plantée là. Sûrement un peu bêtement, cherchant des solutions qui lui échappent. Elle garde malgré tout l'automatisme de lâcher un petit ricanement lorsque Ka' l'accuse d'être jalouse. C'est pas comme si j'avais des milliards de trucs à t'envier non plus, t'sais ! se défend-t-elle un peu mollement. À part ton intelligence ! Ou ta beauté ! Et ta façon d'comprendre les gens aussi, p't-être, ouais ! Mais sinon, bon... L'australienne s'autorise enfin un léger sourire, elle aussi. C'est sa manière de signifier à l'américaine qu'elle n'est pas énervée en retour. Et de tenter de lui remonter déjà un peu le moral.

Mais le passage de l'humour est fugace et le problème n'est pas pour autant résolu. Zelda ne peut pas s'empêcher de se sentir défaillante lorsqu'elle comprend qu'elle manque à sa petite amie. Que cette dernière a besoin de passer du temps avec elle. Plus de temps. Plus que ce qu'elle lui accordé ces derniers temps. Oui, c'est vrai qu'elle l'a un peu négligée. Et elle ne peut que s'en rendre compte, maintenant. Alors l'australienne essaie bien de rétorquer quelque chose mais elle ne parvient qu'à bafouiller avant de prendre place sur le lit. Un peu sonnée, ouais. Et honteuse...

J'aurais dû m'en rendre compte... soupire-t-elle, glissant sa main entre ses mains. J'suis trop naze ! Et qu'elle n'essaie même pas de dire le contraire, Ka' ! Comment a-t-elle pu ignorer cette détresse jusque-là, et la découvrir maintenant par surprise? L'australienne n'est pas assez attentive, c'est évident. Honnêtement... J'm'en étais même pas rendue compte ! avoue-t-elle du bout des lèvres. Ca ne va sûrement pas améliorer son cas mais ça a le mérite d'être sincère. Et toi, malgré tout ça, tu trouves encore la force d'être romantique et d'vouloir buter une rivale... Elle ne la mérite définitivement pas, sa Ka', Zelda. Et ce constat la fait se sentir encore plus conne au passage.

Et qu'est-ce qu'elle fait, une Zelda qui se sent dépassée ? Elle sort maladroitement ses griffes !

Quelque part elle refuse de partager seule cet échec. Depuis quand tu m'parles plus ? Pourquoi t'as attendu tout c'temps pour m'balancer ça ? J'comprends pas... La spontanéité a toujours été l'une de leurs particularités. L'honnêteté mutuelle aussi. Quelque part, l'australienne a l'impression d'être la cible d'une surprise qui ne l'amuse pas. Et toi ? Tes entraînements ? Et l'temps qu'tu passes à étudier ? Ca sonne comme un reproche et c'est précisément c'est qu'elle aurait voulu éviter. Mais une drôle de digue vient de céder, et l'enjoint à poursuivre. J'dois être la seule à sacrifier c'que j'aime faire ? Ca lui semble un brin injuste. Presque cruel. En fait tu sais quoi, Ka' ? Ca m'saoule mais j'crois qu'on est quand même en train d'se prendre la tête, là ! Ce n'est qu'un constat déplaisant de plus...

Kassandra ne réponds même pas lorsque Zelda tente de démêler le tout. Oui et non, elle est ok. Oui et non, elle en veut à la guerre. Elle-même ne saurait réellement décrire ce qui se passe dans son esprit. Les yeux embués, Kassandra essaye de se reprendre pour ne pas fondre en larme comme une idiote. Alors, elle essaye l’humour. Par la jalousie de l’adolescente qu’elle aime. Zelda parvient tout de même à déclencher un rire étouffé à sa petite amie. Intelligence, beauté, soit.

Et Kassandra s’en veut d’exploser ainsi. Mais ce sont des émotions qui sont présentes depuis plusieurs mois qu’elle extériorise. De la frustration, de la colère, de la triste. Et elle ne sait même plus si elle en veut plus à elle ou à Zelda. Et lorsque sa petite amie se remet en question, la blonde ne voit qu’une immense culpabilité s’écraser sur ses épaules.

- Non… Je suis désolé. C’est pas ta faute.

Qu’elle ajoute avec lenteur. Enfin, oui et non. Elle devrait parler aussi. Et alors qu’elle allait mettre les choses à plat, faire un pas vers le lit pour s’asseoir à côté de Zelda, elle se met à sortir les griffes à coup de remarque maladroite. Mais qui sonne comme une claque dans le visage de Kassandra. En particulier lorsqu’elle est accusé de ne plus parler et de privilégier les études. Et Zelda n’a pas totalement tort.

- Ce n’est pas la question ! Je suis pas en colère contre toi !

Ou peut-être un peu ? Kassandra se perd dans sa tête et aurait presque envie de s’enfuir de la pièce. La fuite, c’est si simple à faire. Mais ça n’arrangerait rien. Et elle ne veut pas prendre le risque de perdre Zelda. Les mains finalement sur les hanches, les sourcils froncés, Kassandra ne sait pas quoi répondre à sa petite amie.

- Je te demande pas de sacrifier quoi que ce soit ! Sauf que je suis pas comme toi moi, si j’étudie pas ou je m’entraîne pas, je fais quoi ici ? Je suis un poids mort !

Et la question était sincère. Elle n’est pas appelé à l’extérieur pour une quelconque mission. Ses journées se résument aux entraînements et à ses études. Rien de plus. Mais elle se rend compte qu’elle a probablement aussi négligé sa petite amie. En s’enfermant dans tout ça. Est-ce qu’elle devrait limiter aussi ? Tirant la chaise de son bureau pour s’asseoir, Kassandra place les mains sur son visage. Parce qu’elle se prends un peu plus la tête à l’instant T. Encore un peu plus qu’au départ. Alors, elle prends une décision radicale, impulsive. Rien de plus. Son bras se tend sur le bureau alors qu’elle repousse la pile de livre, de feuille vers la poubelle situé jusqu’à côté avant de se redresser.

- J’ai rien dit parce que je veux pas que tu te sens coupable de quoi que ce soit. J’ai l’impression qu’on a pas de temps et je parle pour nous deux ! Dans nos deux emplois du temps respectifs ! Je suis fatiguée de courir, Zelda.

Et courir après quoi ? Elle ne sait pas vraiment. Courir après un temps, courir après des jours qui sont des fois trop court. S’installant finalement à côté de Zelda, sur le lit, Kassandra pousse un soupire, frottant ses yeux fatigués. Elle aimerait que tout soit plus simple.

-  Je suis désolé..

Qu’elle murmure, tentant de contenir ce reniflement peu esthétique. Sans forcément y arriver. Elle frotte ses joues tout en fixant un point invisible sur le mur en face d’elle. Elle ne sait même plus ce qu’elle veut dire à Zelda. Ni le message qu’elle voulait faire passer au départ. Alors elle laisse retomber sa joue sur son épaule.

- Je crois que j’ai besoin de vacance.

- Si t'es pas en colère contre moi alors... contre qui ?!

Elle essaie de comprendre, Zelda. D'identifier la cause de la peine ou de la rancune de sa petite amie, de mettre le doigt sur la chose qu'elle se doit d'éradiquer par amour et peut-être même par devoir. L'australienne capture les mains de sa camarade comme pour l'inciter, à travers ce contact, à se confier sans la moindre gêne. Dis-moi, Ka' ! Et j'te jure qu'on ira lui casser des trucs ensemble ! Ce n'est peut-être pas la plus mignonne des sorties qu'elle lui a proposées mais elles trouveront malgré tout le moyen de s'amuser. Et Ka' se sentira sûrement plus légère lorsqu'elle aura chassé les nuages qui, de toute évidence, planent sur ses pensées.

Mais cette incertitude la consume aussi peu à peu, Zelda. Elle commence à s'emballer, à chercher des choses à sacrifier comme pour calmer la fureur de son élue. Et si cette dernière ne lui demande aucune chose de ce genre, elle fait aussi l'erreur de se traiter de poids mort. L'australienne ouvre la bouche comme si on venait de lui coller un coup de poing dans le ventre. Mais t'es tarée, j'te jure... T'es pas un poids mort ! Jamais ! C'est quoi encore ces idées ? T'es une pilote et en plus, t'es maline ! J'sais pas pourquoi tu t'sens comme ça mais si tu veux on va faire un tour et j'te montre c'que c'est vraiment, pour le camp, des poids morts ? La balade risque d'être assez longue. Un brin hésitante, l'australienne effleure des doigts la joue de sa petite amie pour chasser une mèche rebelle qui l'agace. Tu m'fais une crise de la dix-huitaine, là, non ? Tu t'retournes sur ta vie et tu te demandes c'que tu vas laisser comme héritage, c'est ça ? Normalement ça arrive plutôt vers la quarantaine ce genre de trucs il paraît mais oui, elle imagine qu'on peut bien parler de crise lorsque l'une des filles les plus formidables du camp en vient à se percevoir comme une sorte de boulet. Le truc c'est qu'elle ne sait pas vraiment comment affronter ça, l'australienne...

Mais la suite est encore pire puisque Ka' lui fait à demi-mot comprendre ce qu'elle espérait n'avoir jamais à comprendre un jour. Cette histoire d'emploi du temps qui ne concordent pas, cette manière de s'excuser avant de prétendre devoir des vacances. Attends... T'es en train d'me larguer, là ?! Elle a du mal à croire qu'elle murmure ces mots, Zelda. Ses bras retombent littéralement contre son corps et soudainement, ouais, elle a l'impression que les dernières secondes viennent de lui saper la plupart de son énergie. Un petit soupir désabusé plus tard, elle retombe sur le lit aussi mollement qu'il soit possible de le faire. Mais... Tu peux pas faire ça ?! balance-t-elle presque candidement. C'est... impossible ! Elles s'aiment ! Ca ne peut pas se terminer comme ça, ou maintenant. Pas après toutes ces promesses qu'elles se sont faites et les épreuves endurées ensemble. Je refuse ! C'est non ! indique-t-elle, catégorique, oubliant aussi au passage que les sentiments doivent être réciproques pour qu'une relation ait un véritable sens.

Putain, ça fait encore plus mal que ce qu'elle imaginait !