-- Je sais pas..

Kassandra a l'impression de répéter encore et encore qu'elle ne sait pas. Et elle se sent stupide de ne pas mettre le doigt sur ce qui pourrait changer la chose. Elle aimerait que l'environnement dans lequel elles avancent soit plus simple. Alors que Kass avoue que sans entrainement ou sans cours, elle se sentirait comme un poids mort, elle remarque bien que ça ne passe pas pour sa petite amie.

- Et si je suis plus pilote ? Est-ce que je deviendrais un poids mort ?

Kass était encore constante remise en question. Et si finalement, elle ne voulait plus se diriger vers l'aviation. Si finalement, le stress qu'elle ressentait, la pression sur ses épaules n'étaient plus la bienvenue. Mais elle n'avait pas envie de sortir. Alors à la place, elle s'installe sur le lit et s'excuse. Parce qu'elle s'en prend à sa petite amie quand elle est la personne la plus importante pour elle.

Sauf qu'au lieu d'une étreinte ou de mots rassurants, Zelda comprends de travers. Elle parle de larguer et Kass retient l'envie de se frapper le front. Elle refuse même que ce soit une possibilité. Alors Kass tourne simplement la tête vers sa petite amie.

- Mais c'est pas ce que j'ai dit ! Et c'est pas ce que je veux non plus, enfin !

Elle ne sait pas quelle langue elle parle. Mais visiblement, ca ne passe pas. Kass se redresse un peu sur le lit duquel Z s'est affalé. Elle s'affale sur le ventre tout en poussant un soupire de plus.

- Je sais pas ce que je veux Zelda. Beaucoup compte sur moi. Adrienne, les pilotes, je veux décevoir personne... Et si je voulais tout arrêter et faire autre chose ? Je veux des vacances juste toi et moi. Je veux pas te quitter, soit pas bête...

Elle sait que jamais ça ne sera le cas. Jamais elle ne voudra se séparer de Zelda. La joue sur son bras, elle veut juste être rassuré plus qu'autre chose. Elle glisse finalement son bras autour de Z pour l'attirer un peu.

- Tu m'aimeras quand même si je fais autre chose...?

- Quoi ?! Mais... Non ?!

Dépassée, impuissante, Zelda ne peut qu'encaisser les vagues de cet océan d'incompréhensions dans lequel sa petite amie semble se noyer. Elle aimerait bien lui lancer une bouée de sauvetage, l'australienne. Elle traversait n'importe quelle étendue à la nage pour lui porter secours. Parce qu'elle n'offre pas son amitié à la légère. Et encore moins son amour. L'américaine mérite d'être sauvée !

Mais le gros problème, c'est qu'elle n'en a pas conscience...

L'australienne se passe une main sur le front puis la laisse ensuite glisse sur son visage, dépitée. Comment Ka' en est-elle arrivée à se poser ce genre de questions ? À se demander si elle se résume à son rôle de pilote ou si l'amour de sa petite amie est conditionnée à sa réussite professionnelle ? Ou même à envisager l'idée de vacances. Ka'... essaie sobrement l'adolescente avant de se raviser. Concrètement, elle ne sait même pas comment aborder le problème. Enfin, les problèmes...

Zelda entrouvre encore plusieurs fois la bouche pour tenter de baragouiner quelques choses de rassurant. Et puis finalement, perplexe, elle se retourne vers l'américaine pour lui adresser un regard inquisiteur : Désolée mais là j'me sens obligée de demander : t'as commencé l'crack ? Une saloperie du style ?! Le ton pourrait être plus aimable mais le fait est que si la petite amie compatit à la douleur de sa conjointe, la survivante ne peut que désapprouver l'apitoiement de sa camarade...

Alors la voici qui recommence à s'agiter et à marquer son agacement - et les efforts qu'elle fait pour le réprimer - à travers sa gestuelle. Est-ce qu'elle doit opter pour le velours ou le fer, dans ces circonstances ? Quel traitement est-elle sensée appliquer ? Tu veux que j'te rassure ou que j'te réveille ? En fait elle sait déjà ce qu'il lui faut, à sa camarade. C'est ce qu'il a fallut à Logan lors de la mort de Mallowe, ou à tous ceux qui ont parcouru le sentier des doutes : de la franchise !

Merde...

Tu décevras forcément des gens ! Alors autant t'faire à l'idée parce que si tu cherches à contenter tout l'monde, ca s'fera à tes dépens ! Que l'australienne prône l'égoïsme n'a rien de nouveau. C'est un mauvais compagnon pour la moralité mais aussi une composante essentiel de l'instinct de survie. T'es géniale, hein, Ka' ! Mais t'es pas parfaite ! Personne ne l'est. C'est comme ça, faut s'y faire. Si t'as l'impression d'être débordée alors demande à Adel d'te laisser plus de temps libre, elle n'a aucun intérêt à avoir une pilote au bord d'la crise de nerf ! Surtout qu'elle doit déjà endurer l'alcoolisme d'Ash, la française... Si tu t'rends compte qu'voler c'est pas ton kiffe alors change, c'est pas plus compliqué ! C'est ta vie, t'es la seule aux commandes ! Et même si parler de l'idée de choix est toujours facile, ça n'en reste pas moins une vérité fondamentale : il existe toujours deux voies ! Et si tu crois qu'on peut espérer des vacances alors désolée mais c'est qu't'as toujours pas compris qu'les morts en prennent pas eux ! Et qu'les bigots sont assez nombreux pour nous faire chier à tour de rôle ! Il y a toujours des corvées, du travail. La paresse et les vacances ne sont que de lointains souvenirs. Une relique du monde d'avant.

Et puis elle s'en veut bien vite, Zelda, d'avoir prononcé ces mots. D'avoir été sans doute plus dure que nécessaire, moins compatissante que voulu. Mais lorsqu'un barrage cède alors l'eau n'a d'autre choix que de s'écouler avec fureur. Jusqu'au bout. J'vais faire comme si tu m'avais pas demandé si j't'aimerais encore si tu changes de job, parce que sinon j'vais m'sentir insultée... Et puis cette question était indigne de l'américaine. Pas la peine de s'attarder là-dessus, c'est un moment d'égarement que l'adolescente ne lui reprochera pas. C'est pas toi, ça, putain ! déplore l'australienne au bout du compte. J'ai l'impression d'avoir une grosse victime en face de moi, là ! Et ça m'énerve ! L'australienne ne laissera pas sa camarade tomber dans le piège de l'apitoiement. Elle vaut largement mieux que ça !

N'empêche... Il n'y a pas tout qui est à jeter !

Parce que Zelda a malgré tout été heureuse d'apprendre que son interlocutrice ne souhaitait pas se débarrasser d'elle. Et ça, ça reste tout de même le principal. Il faut croire qu'elles traversent cette fameuse mauvaise passe qui arrive à tous les couples si l'on se fie aux poivrots du Summer's... Bon, après... C'est quand même sympa d'bien vouloir m'garder... Elle murmure cet aveux avec une délicatesse retrouvée. C'est que ça fait un peu contraste avec ce qu'elle vient de balancer à sa petite amie, quand même. Donc... J'sais pas, tu veux quand même une papouille ? propose-t-elle en ouvrant les bras. Parce qu'après avoir arraché un sparadrap d'un coup un peu trop sec, il convient de passer un peu de pommade. Ivy serait sûrement d'accord...

Le regard autoritaire de Z et le manque de compréhension de celle-ci l'agace un peu. Est-ce que c'est si difficile à comprendre ? Elle veut être rassurée. Pas plus, pas moins. Et sa question sur le crack la fit froncer les sourcils. Elle se fiche du monde, c'est ça ? Elle rigole, hein ? Alors, elle pousse finalement un soupire.

- Bien sûr, entre deux livres météorologiques, je sniff de la cocaine sur le cul d'une brésilienne, Zelda !

Qu'elle grogne finalement. Elle aime Zelda à en mourir. Mais il fallait avouer qu'elle ne semblait pas bien maligne de temps à autre. Et lorsqu'enfin une question intelligente passe les pulpes de sa petite amie, Kassandra s'apprête à lui répondre. Juste de la rassurer, rien de plus. Un câlin, de l'écoute, de la compréhension. Et rien de plus. Sauf qu'elle n'est pas vraiment sûr que Zelda a comprit ce qu'elle voulait. Alors, quand Zelda prends la parole, Kassandra se contente de la fixer.

Et si Zelda est un peu violente dans ses propos, Kassandra sait qu'elle a raison. Elle ne peut pas contenter tout le monde, n'est pas parfaite quand bien même elle tente de l'être. Elle choisit. Enfin, le début de sa tirade est acceptable, compréhensible. Mais plus le discours avance et moins Kassandra apprécie les mots qu'elle prononce.

- Alors c'est ça notre vie ?! Trimer constamment ?! Chaque jour jusqu'à ce qu'on crève à notre tour ?!

Elle n'était pas d'accord, Kassandra. Elle a l'impression de devenir dingue. A ne plus savoir ce qu'elle voulait faire ou non. Mais devoir sans cesse courir après une mode de vie qu'elle ne retrouvera pas ne lui plait pas. Se défendre constamment non plus. Et quand bien même elle participe à la défense, quand bien même elle apprécie piloter, elle aimerait avoir le choix. Plus de choix. Celui de ne rien faire un temps. Celui de prendre du recule sur la situation.

Et la voilà qui la traite de victime. Et Kassandra sert les poings. Parce qu'elle aimerait étrangler sa petite amie à l'instant T. Mais ce n'est que la rage du moment.

- Elle t'emmerde la grosse victime, Z ! Être triste ou avoir besoin d'aide ne fait pas de moi une victime !

Et cette fois, pas besoin de lui dire que ses insultes étaient minables. Elle le méritait bien. Grosse victime. Dans tous les cas, Kassandra à l'impression de faire les montagnes russes. Hurler, pleurer, s'attendrir l'espace d'une seconde. Glissant les mains sur son visage, ouvrant les doigts pour jeter un regard à Z qui se montre soudainement plus.. délicate. Kassandra pousse finalement un soupire, laissant ses épaules retomber lourdement.

- T'es qu'une idiote...

Qu'elle murmure, avançant néanmoins pour plonger dans les bras de Zelda. Des papouilles, c'est ce qu'elle voulait. Néanmoins, elle vient tout de même claquer l'arrière de la tête de sa petite amie. Juste pour le "grosse victime". Parce qu'elle n'apprécie vraiment pas.

- Appelle moi victime encore une fois et je te soulève. J'm'en fous que tu sois plus entraîné que moi, je te soulève.

Qu'elle grogne sur son épaule, resserrant ses bras autour d'elle. Elle pousse finalement un énième soupire. Savoir en plus que Zelda repart le lendemain la mine encore un peu. Alors elle écarte son visage pour ajouter.

- On construit une cabane et je vais piquer de la bouffe..?

- Ouais... Super drôle !

Pourtant Zelda n'est pas encore tout à fait convaincue par l'ironie de Ka' : elle n'existe pas, cette brésilienne, hein ? Le regard suspicieux et la gestuelle nerveuse, l'australienne finit par hausser les épaules. Le signe qu'elle abandonne et qu'elle ne compte pas entrer en conflit avec une rivale imaginaire pour le moment. Surtout qu'elle s'est déjà trouvé un adversaire. Ces doutes qui l'habitent, elle va les atomiser !

Et elle peut déjà compter sur l'aide de sa petite amie qui, au fil des méandres de leur conversation, commence à se rendre compte que leur avenir n'est pas aussi rose que ce qu'elles pouvaient imaginer lors de leur enfance. Zelda écarte les bras et les laisse retomber contre son flanc, quelque peu impuissante face à cette évidence. C'est pas exactement comme ça que j'l'aurais dit mais en gros... Ouais, c'est ça ! Elles vont devoir trimer encore et encore. Probablement jusqu'à ce qu'elles meurent. Survivre, ça a un prix... soupire-t-elle. L'australienne aussi s'est posée ces questions. Et elle aussi, elle a eu envie de baisser les premiers et de se détourner du futur. Mais on n'fait pas ça pour rien, tu sais ? C'est notre monde qu'on est en train de bâtir, là ! Le tien, et le mien ! Parce que l'australienne n'en démord pas : tôt ou tard, elle dirigera Fort Ward ! Et un jour on pourra en faire c'qu'on veut ! Comme dans Minecraft ! Une pulsion la pousse presque à venir capter le visage de sa petite amie entre ses mains. Pour lui transmettre ses certitudes, et bien insister sur le fait que ces paroles ne sont pas prononcées en l'air. Ka' doit tenir. Elles doivent tenir !

Et Zelda a des raisons d'entrevoir un peu d'espoir dans cette discussion lorsque sa camarade réagit et lui interdit de la traiter de victime. Elle peine à réprimer un petit sourire, Zelda. Parce qu'il serait sans doute mal interprété. Oui, même s'il traduit une forme de fierté. Le fauve n'est pas tout à fait endormi ! Ah ben quand même ! claironne-t-elle. Avant de se rappeler que Ka' vient tout de même de l'envoyer chier et de réfuter son accusation. Il est vrai qu'être triste ou appeler à l'aide ne fait pas d'elle une victime. Mais t'apitoyer sur ton sort parce que t'as trop d'trucs à faire alors qu'y a des femmes qui s'font violer et bourrer l'crâne avec des conneries religieuses, ça, oui ! L'adolescente a appris à relativiser. Souvent durement. Ka' aussi d'ailleurs. Il faut juste qu'elle s'en souvienne. Tout ceci n'est, après tout, qu'une mauvaise passe. Pas vrai ?

La colère passée et le regret apparut, c'est Zelda qui tente un petit pas supplémentaire en direction de l'américaine. Ca fonctionne ! Et c'est sa petite amie qui franchit pour venir se loger dans ses bras. C'est lorsqu'elle la traite d'idiote que l'australienne sait que la partie est gagnée. Ou peut-être lorsque une petite tape désapprobatrice à l'arrière de sa tête vient la surprendre. C'est son rire qui vient y répondre. Enfin, plutôt un petit ricanement : Me soulever ? Toi ? C'est plus fort qu'elle : les défis, elle se sent obligée de les relever ! Avec un brin d'arrogance. Ca y est, tu viens d'retrouver ton optimisme ? Et puis au bout d'un moment son regard se fait plus complice, son sourire plus insistant. Ou alors c'est... genre... une proposition ? Le sexe est une manière comme une autre de sceller une réconciliation. Peut-être même la seule qui soit vraiment efficace ?

Dans tous les cas l'étreinte se prolonge un peu. Et est suivie d'une proposition plus candide. Ca ressemble à une bonne idée, ça, hein ! ne peut-elle qu'approuver en hochant la tête. Ce n'est aussi qu'à regret qu'elle rend sa liberté de mouvements à sa petite amie, Zelda. Déjà parce qu'il faudra bien si elle compte aller chercher de la nourriture et ensuite, pour l'observer avec suspicion : Par contre tu comptes aller la piquer où, la bouffe ? Un petit instant d'hésitation puis la voilà qui pointe l'étage inférieur du doigt. Dans ma cuisine ? C'est à dire qu'avec deux personnes qui vivent ici, les rations sont quand même super limitées... Heu.... Mouais ! J'ai pas envie d'passer pour la pingre de service mais si j'vide la moitié des réserves de bouffe avant d'me barrer, Yu' risque de vachement gueuler ! Enfin pas gueuler. C'est pas un truc qu'il fait. Mais lui parler froidement. En la regardant bizarrement. Le genre de truc plus relou encore qu'une morale traditionnelle avec éclats de voix. Misha doit avoir droit à plein d'rations pour ses gamins, non ? Du coup... Ouais, vaut mieux aller piocher de quoi bouffer là-bas ! Et puis à son âge Clay doit de toute façon faire attention à son poids, non ?