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Re: Heaven can wait cause my soul is forsaken
Jeu 23 Fév 2023 - 15:58
Si je lui rends un sourire reconnaissant à l’évocation de Ray, la suite de la discussion prend une tournure inattendue. Je ne pensais pas qu’un jour je pourrais dire ce genre de choses à mon père, mais il est trop tard pour faire marche arrière. Et je ne me démonte pas. Je me retiens de lever les yeux au ciel, persuadée d’avoir raison. «Mon enfant va bien. Et moi aussi. Ne t’en fais pas pour ça. » Je peux comprendre son inquiétude, mais je n’ai pas non plus envie de me faire écraser par ces anarchistes qui veulent renverser tout ce qui fait notre vie. «Et je n’irais plus à ces manifestations si ça peut te rassurer. » De toute façon, je ne suis actuellement pas en état et je sais que ça ne va pas aller en s’arrangeant les prochaines semaines.
Du reste, je préfère largement parler de Jordane dont la présence est un soutien comme jamais je n’aurais cru en avoir un. Et je souffle, à mi-voix, à sa remarque. «Tu sais, tant que je suis à la maison, tout ira bien pour moi. » Alors me trouver un mari, dans l’immédiat, ce n’est pas vraiment une priorité. A son baiser sur le haut de mon crâne, je réponds par une étreinte, avant de laisser filer un rire quand je sens le bébé bouger. «Hé, ton petit-fils te dit bonjour. » J’ajoute, d’une voix plus douce. «Merci papa. »
***
Et les journées passent, les semaines même, apportant leur lot de surprises, de déconvenues même. La discussion avec Tasya me dérange passablement et j’essaie de la mettre de côté. Mais celle avec Neela n’a de cesse de tourner en boucle dans mon esprit. Et ça m’agace. Qu’elle ait réussi à instaurer le doute de la sorte dans mon esprit. Tout ce qui m’importe, c’est de prendre soin des miens, je n’avais pas besoin des envolées de cette hystérique sous hormones et de tout ce qu’elle a remis en question.
Je n’en ai parlé à personne, pas même à Jordane. Et hors de question de l’évoquer à papa. Il est rentré tellement tendu ces derniers jours que ça ne m’est même pas venu à l’esprit. J’essaie juste de me reposer et de m’occuper de moi. C’est d’ailleurs ce que je suis en train de faire, allongée dans mon lit, pestant toute seule du fait que plus aucune position n’est confortable avec l’état avancé de ma grossesse.
Mais, d’un coup, j’entends des éclats de voix. J’écarquille les yeux, reconnaissant la voix de mon père. Je crois que c’est la première fois de ma vie que je l’entends crier. Je bats des cils, mon cœur battant à tout rompre, alors que j’entends aussi des bruits de verre brisé et autre chose. Du mobilier qu’on renverse ? Seigneur, il se fait attaquer ? J’essaie de me relever tant bien que mal et je cherche quelque chose, n’importe quoi, pour me défendre. Si je me sens paniquer, j’essaie de respirer longuement et je pense à l’arme qu’il m’a dit avoir cachée dans sa chambre. Sans réfléchir plus longtemps, je me précipite là-bas, faisant le moins de bruit possible, récupérant le petit pistolet – ou quel que soit le nom de cette chose – pour descendre tant bien que mal les escaliers. Sans voir mes pieds, autant dire que l’exercice est compliqué.
Et puis là, alors que je pose mon pied sur la première marche, plus rien.
Le silence.
C’est encore pire en fait.
Je retiens mon souffle, serrant mon arme entre mes doigts comme papa me l’a appris. Avant de jeter un coup d’œil à la cuisine. Elle est sens dessus dessous. Je me mords la lèvre, m’intimant au calme alors que je me dirige vers le salon.
Pour le voir assis sur le canapé, la tête dans ses mains, les deux chiens à ses pieds qui couinent doucement. «Seigneur… » Soufflé dans un murmure alors que je baisse mon arme. «Papa ? » Tout de même, je regarde autour de moi, espérant ne pas découvrir un cadavre ou quelque chose de tout aussi affreux.
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Re: Heaven can wait cause my soul is forsaken
Lun 13 Mar 2023 - 18:29
Neela m’avait laissé désespérément seul avec mes pensées les plus sombres, dans un silence désarmant. Toute trace de colère s’était envolée peu après son départ, pour laisser place à une certaine forme de lassitude. Il restait bien du mobilier à retourner ou de la vaisselle à briser, mais l’envie n’y était plus. Mes forces me quittaient peu à peu. Je tournai encore quelques minutes comme un tigre en cage, avant de finalement jeter le dossier médical sur la table basse du salon. Peu de temps après, je me laissai moi-même retomber mollement dans le canapé.
Je me passai deux mains sur le visage, dans une vaine tentative de me remettre les idées en place. Il me restait moins d’une heure avant mon départ à Spokane. Mon sac était déjà prêt, le chemin tout tracé. Je craignais pourtant de partir pour la toute première fois. Je ne pouvais pas m’empêcher de me demander si ma famille serait encore là, au beau complet, à mon retour. Ma place était ici, à me battre pour eux… et non à l’autre bout de l’état, à mener une guerre qui n’avait plus beaucoup de sens à mes yeux. Depuis quand exactement la volonté de l’Adonaï ne collait plus avec mes intérêts propres ? Était-ce… mal ? Pouvais-je encore croire décemment que Dieu guidait ses actes ? Je me sentais perdu, désorienté. Je ne savais plus à qui me fier. Neela avait bien pu demander à son mari de falsifier ces documents pour me faire douter. Peut-être que, d’ici moins d’une heure, la milice serait envoyée chez moi pour récupérer ces faux documents et m’incriminer à tort. Mais, peut-être que… c’était réel. Et si c’était le cas ? Je partirais à l’autre bout de l’état de Washington alors qu’une promesse de mort avait été signée sur mon fils d’à peine un an, sur ma fille qui avait seulement eu le malheur de naître malentendante. Cet éden aurait dû les protéger des dangers du dehors. Il aurait dû leur permettre de vivre normalement, sans avoir jamais à craindre la faim ou la maladie. Il aurait dû…
Un sanglot me comprima la poitrine. Il me prit presque par surprise, mais pas autant que la voix de ma fille qui m’appelait. Je me tendis instinctivement à entendre le cliquetis d’une arme. Je retirai mes mains de mon visage pour la voir descendre de l’étage. J’avais presque oublié qu’elle était là. Je réintégrais difficilement la réalité. « Lynn… baisse ton arme. » Lui intimai-je aussitôt. Elle avait l’air d’un ange tombé dans un décor apocalyptique, avec son expression choquée et confuse. Je n’avais pas réalisé plus tôt que mon fils pleurait dans sa chambre en bas, ni que les deux chiens couinaient tout proche de moi. « Je suis désolé… c’est moi. » Je me relevai sans plus d’explications, me frottant les yeux d’une main rapide avant d’aller chercher Wilan dans sa chambre. Je le pris dans mes bras, une main contre sa tête, pour le bercer un peu. Il fallut de longues minutes pour que mon fils commence enfin à se calmer un peu. Il n’était peut-être pas encore en âge de comprendre, mais assez pour savoir que quelque chose de grave était arrivé.
Je croisai à nouveau le regard de Lynn, sans bien savoir par où commencer. « Neela est venue. Elle m’a remise ces documents. » Peut-être valait-il mieux qu’elle le découvre par elle-même.
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Re: Heaven can wait cause my soul is forsaken
Ven 31 Mar 2023 - 18:48
J’essaie de retrouver mon calme, alors que la silhouette de mon père s’imprime enfin dans mon esprit. C’est bien lui. Il est bien là. Et je me raccroche à cette information concrète, réelle, essayant de ne pas être trop perturbée de voir à quel point il semble si différent de d’habitude. Je ne l’ai jamais vu comme ça, si… démuni. Et ça me terrorise. Je préfère encore le voir en colère.
Je finis par hocher la tête et par baisser mon arme, non sans remettre la sécurité, la posant sur le rebord de la cheminée. Je n’ai pas la moindre envie de la garder avec moi, encore moins maintenant que papa revient avec Wilan. Et je garde le silence quelques instants, les fixant tous les deux alors qu’il berce mon petit frère pour le calmer. L’espace d’un instant, je l’envie, ça parait tellement plus simple pour lui d’être apaisé en cet instant. Pour ma part, j’ai encore le cœur qui bat à toute vitesse et le bébé donne des coups suffisamment virulents pour que je sois obligée d’en tenir compte.
Je m’installe à côté de papa et je pose mes deux mains sur mon ventre, murmurant quelques paroles apaisantes au bébé. «Ca va aller. C’est juste grand-père, nous sommes en sécurité. » Soufflé d’une voix douce, chante, alors qu’il commence à se calmer enfin à son tour. Comme Wilan. Et je finis par fixer de nouveau mon père, fronçant les sourcils quand il reprend la parole. Evidemment, je pince les lèvres à l’évocation de Neela. Je n’ai pas oublié sa dernière visite et tout ce qu’elle a remué chez moi. Et je n’en ai parlé à personne parce que je n’ai pas envie d’y repenser. De rendre tout cela réel. Tant que je ne formulerais pas à haute voix ce qu’elle m’a raconté, ça n’est jamais arrivé.
Je sais que le déni est une forme de lâcheté, mais c’est nécessaire si je veux être assez forte pour veiller sur les miens. Et c’est mon rôle. Protéger mon frère, mes sœurs, mon bébé à venir. J’ai peur de m’écrouler si je me mets réellement à penser à tout ce qu’elle a pu raconter. Pire encore, si je me dis que c’est vrai. Alors, quand il évoque des documents, je me mords l’intérieur de la bouche et je laisse filer un silence, attrapant les papiers et m’installant à côté de lui, non sans effleurer le sommet du crâne de Wilan avec douceur. Une brève inspiration, alors que je commence à tout lire. J’ai l’impression que les secondes s’égrainent avec une lenteur incroyable et que le temps est comme suspendu. Et je sais bien que je dois dire quelque chose, d’intelligent si possible. «Papa… tu crois que ces documents sont vrais ? Que Neela ne les a pas inventés de toutes pièces pour nous mettre dans son camp ? » Déjà, il faut bien commencer quelque part. J’essaie de ne pas me laisser envahir par le choc de voir noir sur blanc ce qu’elle a déjà sous-entendu en ma présence. Et surtout, de ne pas céder à l’inquiétude, l’angoisse même, qu’il puisse arriver quelque chose à April ou Wilan.
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Re: Heaven can wait cause my soul is forsaken
Dim 9 Avr 2023 - 10:54
Je puisai une forme d’apaisement à bercer mon fils de la sorte, qui se calma peu à peu à mon contact. « Ça va aller… » Lui soufflai-je d’un ton rassurant, sans bien savoir si je m’adressais encore à lui en vérité, ou bien simplement à moi-même. Les chiens avaient cessé de couiner à mes pieds. Je réalisais avec un temps de retard qu’Ashe avait marché dans les débris de verre. Il faudrait que je m’occupe également de remettre de l’ordre, ce n’était pas à ma fille de repasser derrière moi. Elle avait déjà l’air suffisamment terrorisée par mon éclat de colère. Enceinte jusqu’au cou, un stress pareil pouvait avoir des conséquences catastrophiques. « Je suis désolé, Lynn. » Je n’arrêtais pourtant pas de penser à ma discussion avec Neela, touché en plein cœur. Ces hauts murs dressés face au monde extérieur me paraissaient être une belle cage dorée pour la première fois de ma vie.
Je gardai le silence, Wilan sur mes genoux, pendant que mon aînée prenait connaissance de ces documents après moi. Elle faisait bien de s’installer dans le canapé à mes côtés, ce qui lui éviterait de chuter de plus haut. Elle prenait pourtant ces informations avec un calme olympique, en prenant le même cheminement de pensées que moi quelques minutes auparavant. « Je pense qu’elle aurait pu falsifier des documents pour s’assurer de me faire chuter, oui. Il lui suffirait ensuite de m’incriminer et que la milice trouve ces faux documents compromettants chez moi. En tant qu’épouse d’un Général, elle serait entendue même si je suis Trône. » Je poussai un soupir retentissant. « Mais Lynn… et si c’était vrai ? » Je relevai un regard confus vers elle, faisant encore le tri dans mes pensées. « S’il y a une seule chance, une seule infime chance, qu’elle dise la vérité… je ne peux pas l’ignorer. S’il arrivait quoi que ce soit à Wilan ou April parce que je n’aurais pas pris la pleine mesure de ses mises en garde… je ne pourrais jamais me le pardonner. » C’était écrit noir sur blanc. Ils comptaient priver ma fille de son avenir, et pire encore, se débarrasser de mon fils qui venait à peine d’avoir un an. Juste parce que Wilan était né avec un souffle au cœur, dans des circonstances bien terribles…
J’enroulai davantage mes bras autour de lui, comme si j’aurais pu le protéger de tous les dangers extérieurs à notre foyer. Je savais, pourtant, qu’il me faudrait partir pour Spokane dans moins d’une heure. Je m’en voulais déjà de faire peser une si lourde responsabilité sur les épaules de mon aînée. « Lynn… J’avais déjà pris mes dispositions avec Jena. Elle a les plans et les accès des égouts. Si les choses tournent mal, je veux que tu la suives et que tu l’écoutes. Je veux que tu protèges notre famille coûte que coûte. » Je récupérai les documents entre ses mains, la fixant avec sérieux. « Je vais les mettre sous clef avec mes armes de service. Je te donnerais le code exceptionnellement. Si quoi que ce soit se passe en mon absence qui vous mettrait en danger… sers-toi de ces armes pour tuer ou de ces documents pour les faire tomber. » Je la pris doucement dans mes bras ensuite, lui embrassant le haut du crâne. « Je te promets de revenir au plus vite. Je n’ai pas le choix… »
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Re: Heaven can wait cause my soul is forsaken
Lun 10 Avr 2023 - 18:54
Tout ça a quelque chose de réellement effrayant. Que ce soit les excuses de mon père – je ne me souviens pas l’avoir déjà entendu en prononcer – ou son comportement avec Wilan. Je l’ai toujours connu fort, tel un roc pour la famille. Mais là, c’est différent, c’est comme si quelque chose s’était brisé chez lui et je suis incapable de comprendre ce qui a pu se passer. D’un coup, je me demande à quel point en vérité ce n’était pas maman le roc de notre famille. Si ce n’était pas elle qui permettait à chaque pièce du puzzle de tenir en place. Et c’est une pensée que je n’étais pas prête à avoir, surtout pas maintenant. Je lui rends pourtant un sourire que j’espère rassurant, songeant que, peut-être, ça va aussi être à moi, avec Jena, d’être la force tranquille de la maison, ou quelque chose du genre. Et je ne me sens absolument pas prête. Je me sens plus jeune et vulnérable que jamais. Mais je ne peux pas penser à moi, pas maintenant.
J’inspire longuement, refermant les dossiers alors qu’il reprend la parole. Et je l’écoute avec attention, le poing serré sur ma cuisse, seul signe vraiment visible de ma crispation. «Je… je ne sais pas. Elle ne t’aime pas, mais elle aimait maman. Et je pense qu’elle tient à ce que ses enfants aillent bien. Elle est venue me voir tu sais. Pour me parler de la situation ici, il y a quelques mois. » J’ai un soupir retentissant, avant de continuer. «Comme tu peux l’imaginer, ça s’est très mal passé. Elle m’a insultée, elle a été atroce. Mais je crois qu’elle essayait de m’ouvrir les yeux sur certaines choses. A sa façon pour le moins particulière. » De fait, j’ai un hochement de tête au reste. «On ne peut pas prendre le risque qu’il y ait une infime possibilité que ce qu’il y a dans ces dossiers soit vrai. Je suis d’accord. » Soufflé d’une vois plus assurée que je l’aurais cru. Avant que je ne souffle, sourcils froncés. «… il y a d’autres dossiers ? D’autres enfants à qui ils pourraient faire du mal ? » Peut-être que ça confirmerait que tout ça est vrai. Ou que ça ne l’est pas justement.
Et je tends la main pour la poser sur l’épaule de mon père quand je le vois serrer un peu plus fort Wilan dans ses bras. Mais au reste, je le fixe, les yeux écarquillés. «Tu… tu veux qu’on s’en aille d’ici ? » Le fait que ce soit aussi par les égouts est aussi quelque chose d’effarant, mais ça l’est tellement que c’est à peine si je relève. «Sans toi ? Et… pour aller où ? » Je sens mon cœur s’accélérer et une vague de panique m’envahir, mais je me concentre un instant sur les exercices de respiration qu’on m’a enseigné pour mon accouchement. Ils n’auront jamais été aussi pratiques qu’en cet instant précis. «Donc, si je comprends bien. S’ils viennent chercher Wilan ou April… et que je n'ai personne à qui donner ces documents. Je… je tire. Et on s’enfuit. » En très résumé. Dire que je suis terrorisée est un euphémisme, mais énoncer ça à voix haute, aussi fou que ça puisse être, me ferait presque du bien.
Si j’inspire contre lui quand il m’embrasse sur le haut du crâne, j’ai un sourire un peu triste à son attention. «Tu ne pourras pas forcément tenir ta promesse, on le sait tous les deux papa. Je sais que tu feras tout pour ça, mais…personne ne t’en voudra si ce n’est pas le cas. D’accord ? » C’est quelque chose que j’ai appris depuis toujours malheureusement. Que papa pourrait ne pas revenir à la maison. Mais je ne m’attendais pas à ce qu’un jour, nous puissions ne plus avoir de maison non plus.
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