Kaycee s'interroge sur son lance-pierre. C'est vrai que ce n'est pas une arme que beaucoup de survivants utilisent. « Quand on a fui avec Ace, on est tombé sur un ranch et un des jeunes là-bas, m'a appris à m'en servir. J'ai tout de suite accrochée. Je suis pas particulièrement fan des armes à feu alors je trouve que ça fait bien le job » Le "pas particulièrement fan" est un euphémisme pour dire qu'elle a littéralement peur des armes à feu depuis le suicide de sa voisine avec un flingue. Le lance-pierre parvient à éliminer les rôdeurs, certes, ce n'est pas une arme mortelle pour un vivant mais un projectile bien placé peut assommer. « La moitié ! » souffle-t-elle sans oser se plaindre davantage. C'est long et ses cuisses souffrent déjà !

Lorsqu'elles arrivent enfin à leur destination, Luna n'en peut plus. « Comment tu fais ? T'as même pas l'air fatiguée » ronchonne-t-elle. La brunette n'a qu'une envie : s'étaler sur le sol pour ne plus en bouger jusqu'au lendemain. Mais leur périple est loin d'être fini : elles doivent désormais passer par dessus une clôture en métal. Elle y arrive assez facilement heureusement et elle s'empresse de suivre Kaycee à l'intérieur de l'hotel.

Luna promène ses yeux un peu partout, curieuse. Gravir les marches par contre, est un vrai calvaire après les nombreux kilomètres en vélo. Elle râle pour la forme mais suit tout de même sa coéquipière. « Au billard ? » Elle secoue négativement la tête. « Jamais essayé ! » Pourtant, il y en avait un au ranch. « La seule manière dont je me suis servie d'une queue c'est pour taper sur la tête d'un rôdeur ! » souffle-t-elle. Quand l'un d'entre eux avait pénétré sur les plantations, elle avait dû intervenir en urgence et la seule arme sous sa main était une des cannes du billard.

Enfin, elles arrivent en haut. « C'est là que tu vivais ? » demande-t-elle alors. Luna s'avance, curieuse.

Kaycee l’ignorait, mais elle aurait des courbatures le lendemain avec tous ces kilomètres mangés à vélo. Pour l’heure, en arrivant à l’hôtel, elle ne se plaignait pas, mais elle avait tout de même mal aux fesses. Et si elle grimpa les escaliers avec vigueur, c’était surtout parce qu’elle avait hâte de se poser ! Mais de toute évidence, ça passait inaperçu !

Elles arrivèrent finalement tout en haut du refuge. La jeune fille acquiesça, alors que les souvenirs jaillissaient dans son esprit, devant le décor familier. Rien n’avait bougé depuis la dernière fois qu’elle était venue là. Même la tempête de l’été précédent avait épargné l’endroit. Seule la poussière avait recouvert les meubles.

- Ça parait loin, souffla-t-elle. Il y avait les pièces communes, dont celle avec le billard où elle jouait avec Jimmy. Et leurs anciennes chambres. Par soucis de chaleur, les deux filles avaient déjà décidé qu’elle partagerait un lit. Elles posèrent donc leurs affaires dans une des suites et faute de pouvoir faire un feu, elles s’enroulèrent chacune dans une grosse couette pour un semblant de diner. Finalement toutes les deux cuites par les efforts de la journée, la discussion ne s’éternisa pas outre mesure. L’endroit était globalement sécurisée, elles sombrèrent rapidement dans le sommeil.

Il était tôt quand elles se réveillèrent et le jour se levait à peine quand elles enfourchèrent de nouveau leurs vélos. C’était le Grand Jour. En une heure, elle arriverait dans les environs de Providence. Elles avaient enfilé des vieux vêtements qui ne craignaient rien. L’idée était de laisser leurs bicyclettes un peu avant et de se barbouiller d’entrailles rapidement. Pour se glisser finalement dans l’ancien cœur dynamique de la ville, parmi les morts.

C’était encore le début de matinée, quand elles échangèrent un regard. La journée s’annonçait ensoleillée, mais glacée. De la buée s’échappait de leurs bouches quand elles respiraient. Kaycee essuya le couteau qu’elle avait utilisé pour éventrer l’une des créatures qu’elles venaient d’achever.

- C’est à une dizaine de minutes d’ici, à pieds… glissa-t-elle à sa voisine. Ses yeux clairs ressortaient sous son maquillage rouge-brunâtre, mal odorant. Elle parlait du hangar du No Man’s Land. Elles n’avaient aucune idée de ce qu’elles allaient trouver, mais si leur objectif principal était les rails, Kaycee ne pouvait pas imaginer ne pas se rendre près de l’ancien entrepôt. Une part d’elle avait certainement besoin de lui dire adieu. La gare n’était pas très loin.

La soirée est agréable. Kaycee et Luna ont l'occasion d'apprendre à faire un peu plus connaissance toutes les deux au cours du repas. La nuit est calme, paisible et au petit matin, elle se sent revigorée. Enfin... Jusqu'à ce qu'elle se mette debout et là.. « Oh putain... » lâche-t-elle. « J'ai mal partout » A froid, ses muscles se réveillent difficilement, elle est toute courbaturée. Heureusement, en marchant un peu puis en dévalant le grand escalier, elle se réchauffe et oublie vite la douleur de ses muscles.

Arrivées à proximité du No Man's Land, elles se barbouillent à l'aide d'un mort que Kaycee a éventré. Le sang sur ses joues tirent sa peau, c'est désagréable. « Je vais pas m'y habituer » souffle Luna. L'odeur est insupportable et elle doit se faire force pour ne pas vomir le peu qu'elles ont mangé le matin-même. C'est la première fois qu'elle se tartine d'entrailles de rôdeurs. « T'es sûre et certaine que ça va marcher ? » demande-t-elle pour la énième fois pour se rassurer. Elle n'est pas vraiment confiante mais Kaycee parait sûre d'elle alors... Luna s'assure que son couteau n'est pas loin au cas où une rencontre tournerait mal et les voilà toutes les deux en route.

« C'est parti ! » Une dizaine de minutes à pieds, ce n'est rien comparé à tous les kilomètres qu'elles ont fait en vélo. Luna prend une grande inspiration et elles se mettent en route. Au fur et à mesure qu'elles avancent, le constat est sans appel : c'est un spectacle de désolation. L'ancien hangar a reçu des bombes et plusieurs bâtiments sont éventrés. La brunette jette un regard vers son amie, comment va-t-elle réagir face à toute cette destruction ? C'est une partie de son passé qui s'est envolé en fumée.

Elles errent toutes deux parmi les décombres. Un peu partout, des vestiges du passé ont été laissé à l'abandon. Soudain, elle attrape sa main pour l'avertir en silence qu'une petite horde de rôdeurs s'approche dans leur direction. Luna essaye de ne pas paniquer, mais ils sont tout proches. Elle sait que normalement, ainsi maquillée de sangs de charognes, elle ne risque rien, mais elle a peur de perdre pied. Elles devraient partir mais de l'autre côté de la route, un deuxième petit rassemblement de morts leur bloque désormais la route. Oh non. Leur déguisement sera-t-il suffisant pour les protéger ?

Elles s’approchèrent de l’ancien hangar du No Man’s Land, détruit. Kaycee regarda l’ancienne entrée, méconnaissable. Étonnée un peu de ne pas en ressentir grand-chose. Elles avancèrent, sans croiser encore vraiment de morts, pour s’approcher de la gare. Finalement, une première horde approcha. La jeune fille sentit sa voisine se tendre, alors qu’elle lui attrapait la main.

- Relax, lui souffla-t-elle. Elles pouvaient passer par la rue parallèle pour éviter ce cortège… mais non, un autre attroupement se tenait là. Il fallait s’y attendre, le bombardement avait attiré les charognes et même si quelques mois s’étaient écoulés, rien n’avait vraiment invité tous ces monstres à se disperser. Respire, ajouta Kaycee en s’approchant des macchabés. Elles devaient continuer leur avancée. Passer au travers, pour rejoindre la gare de Kingstreet, où les New Eden avait leur avant-poste.

De son côté, la blonde n’avait pas peur. Elle avait l’habitude de se mélanger aux rôdeurs. Elle aimait même se retrouver au milieu d’eux avec ce sentiment d’être intouchable. Elle espérait que Luna saurait se tenir. L’instant suivant, les deux filles traversaient le groupe de morts-vivants. Leurs visages frôlaient leurs gueules, les râles résonnaient autour d’elles. Un coup d’épaule ici, un autre là. Elles faisaient corps avec eux.

Elles sortirent un peu plus loin, mais n’échangèrent pas un mot avant d’être suffisamment loin.

- Tu vois, ce n’est pas si compliqué, glissa la jeune doc.

Quelques minutes plus tard, à proximité de la gare, elles durent de nouveau se mêler à la horde éparse qui zonait par là. Cette fois, elles ne se contentèrent pas de rester à côté du bâtiment, et elles se glissèrent dans ses vestiges. Encore une fois, la structure avait été éventrée par le bombardement. Certains murs avaient été noircis par les flammes. Elles se hissèrent sur un amas de vieilles pierres, laissant les rôdeurs après elles.

- Par-là, murmura Kaycee.

Luna prend une grande inspiration. Son cœur bat tellement vite qu'elle a l'impression qu'il va exploser dans sa poitrine. Comment les rôdeurs font-ils pour ne pas l'entendre ? Pour ne pas sentir sa respiration saccadée et difficile ? Et pourtant, rien ne se passe, la horde les frôle et passe son chemin. La brunette pose ses deux mains sur ses genoux pour réussir à respirer convenablement. Elle a l'impression d'avoir commis un exploit, très clairement. Et ce n'est pas fini. A proximité de la gare, c'est le même enfer. Les morts sont là, attirés probablement par l'explosion et coincés ici.

Alors qu'ils s'éloignent à nouveau, elle reprend la parole. « Je ne m'y ferais pas » murmure Luna, très clairement impressionnée par le sang froid de Kaycee. « J'ai l'impression qu'ils vont me sauter dessus d'un moment à l'autre » Elle a un frisson rien que d'y penser. La gare a perdu son éclat. Les murs sont noircis, les rails éventrées... « S'ils étaient restés là, personne n'aurait survécu » murmure Luna. Elle a toujours un peu de mal à comprendre cette guerre, comment les êtres humains peuvent se montrer encore cruels les uns avec les autres.

Et soudain alors qu'elle avance parmi les décombres, une main saisit sa cheville. Luna tombe au sol avec un petit cri et donne de grands coups pieds dans la charogne coincée sous les décombres mais solidement accrochée à sa jambe. « Putain, lâche-moi ! » gémit-elle. La brunette craint d'attirer de nouveaux morts dans leur direction.

Kaycee aida Luna à se débarrasser du rôdeur qui venait de la saisir. La créature se vit enfoncer les pics de sa batte dans le crâne et il relâcha sa prise.

- On a intérêt à faire supra gaffe, souffla-t-elle, en regardant autour d’elle. Entre les monstres et les bâtiments qui pouvaient leur tomber dessus… Peut-être ne devraient-elles pas trop s’attarder… Mais elles avaient des informations à chercher !

Les deux filles continuèrent ainsi leur inspection, se concentrant définitivement sur cet endroit. Elles se faufilèrent, grimpèrent, et liquidèrent quelques macchabés au passage. Cela leur prit une bonne heure, mais elles ne trouvèrent rien de vraiment intéressant. Les New Eden avaient clairement fait le ménage avant leur départ, ne laissant aucun document percutant. La seule chose qu’elles trouvèrent fut un ancien feuillet avec les horaires des trains. Il y avait les destinations.

- Faut qu’on trouve la voie qui allait vers Spokane… C’était le seul terminus au nom familier qui allait vers l’autre côté de l’état. C’était certainement cette voie ferrée que les New Eden avaient réhabilitée !

Elles abandonnèrent alors la gare en elle-même pour se rapprocher des rails. Elles devaient être particulièrement attentives, pour ne pas se blesser, en traversant le point d’impact d’un des obus. Kaycee manqua de se casser la cheville, mais elle put se rattraper in extremis à sa copine. Elles remontèrent ensuite un peu les voies vers le Nord, passèrent près de deux attroupements de rôdeurs, et s’éloignèrent doucement des alentours de Providence.

- Peut-être qu’à la gare suivante, on trouv’ra quelque chose ? Elles n’avaient pour le moment, si plan, ni rien… Kaycee avait haussé les épaules. Elle regarda devant elle. Tu veux qu’on enchaine aujourd’hui ? Ou on va chercher les vélos et on rentre ? On peut reprendre demain. Il n’était pas encore très tard, mais ces dernières trois heures, peut-être, avaient été remplies d’émotions. Il était dangereux parfois de vouloir en faire trop, au risque de franchir ses limites.

« Merci ! » souffle Luna en se redressant. Elle enjambe le rôdeur que Kaycee vient de tuer. Le crâne complètement défoncé, elle réprime un haut le cœur en voyant les morceaux de cervelle et le sang noirâtre qui s'en écoule. Même après des années d'apocalypse, elle trouve toujours cela écœurant.

La suite de leur petite sortie est tout aussi périlleuse. A plusieurs reprises, Luna manque de tomber. Les Remnants ont fait des dégâts dans les environs. Les impacts d'obus sont conséquents. « C'est fou de se dire qu'il y a encore quelque part des avions capables de faire ça » Elle s'est déjà demandée pourquoi elle ne rejoindrait pas un de ces groupes, plus évolués que le sien, et puis, la raison se rappelle vite à elle. Les Stars, elle les aime bien et puis, elle n'est pas faite pour la vie en communauté. Kaycee la tire de sa rêverie. « Spokane ? » demande-t-elle. Ce nom lui est légèrement familier, ils ont peut-être déjà évoqué cet endroit devant elle. « Il y a quelque chose là-bas ? » Ses yeux suivent les rails.

Continuer ou rentrer ? « La prochaine gare est loin, tu penses ? » Luna réfléchit quelques secondes. « Je serais pour continuer, je suis encore en forme » Certes, traverser des hordes de rôdeurs lui donnaient toujours quelques vives émotions mais pour autant, elles n'ont rien trouver et rentrer maintenant serait un peu frustrant. « On peut pousser jusqu'à la prochaine gare et on voit ce que ça donne. » Au pire des cas, elles pourront toujours trouver refuge dans un bâtiment abandonné pour passer la nuit.