- Si t'en étais une j'te calculerais même pas !

Et Zelda n'a aucune honte à l'affirmer. Elle n'a plus pour habitude de s'entourer de pleurnichards. Ces gens-là ne servent pas à grand chose et peuvent même devenir des entraves si on leur accorde trop d'importance. Non, les faibles n'ont plus leur place dans ce monde. Ou alors j'te calculerais mais seulement pour te bully... C'est la seule option qu'elle voit dans tout ça. Mais puisque Leo ne semble pas non plus avoir besoin ou envie de se confier, ça tend à prouver qu'elles sont toutes les deux faites de ce même bois. Celui qui ne se laisse pas si aisément trancher par les aléas de la vie.

On dirait Yoda ! La colère mène à la haine, la haine à l'amour... Enfin quelque chose du style. Mais c'est bien à cette petite chose verte que la polonaise lui a fait penser en lui expliquant que l'absence de règles mène au chaos et à la destruction. Entre autres. Tu t'es jamais dit qu'au fond, l'chaos, c'est tout c'qu'on mérite ? Et que les règles ne donnent rien de plus que l'illusion d'une cohérence, ou de la sécurité ? J'crois plus vraiment qu'il existe encore des personnes qui méritent de vivre, ou qui n'le méritent pas. Ceux qui sont encore là sont ceux qui ont été assez forts pour être du bon côté d'la sélection naturelle, c'est tout. Ou assez malins. Zelda s'est détournée de cette foutue morale depuis bien longtemps. Ce qui implique aussi de ne plus voir le monde sous l'angle du mal et du bien. Ces concepts sont aussi éculés que les lois qui régissaient le monde d'avant.

Le plus surprenant ce n'est même pas le point de vue d'une militaire qui adoube les règles mais plutôt le fait que la militaire en question ne connaisse pas l'un des personnages les plus emblématiques du Seigneur des Anneaux... T'es sérieuse, là ? L'australienne plisse les yeux, cherchant une quelconque trace de plaisanterie chez son interlocutrice. Vous avez pas Gollum en Pologne ?! Elle pensait que cette saloperie était mondialement connue, elle. Mais le pays d'origine de Leo a l'air pour le moins bizarre. Surtout lorsque cette dernière laisse entendre qu'elle a dû subir des trucs vraiment pas cool là-bas. Parce qu'elle était une femme. Gradée, en plus. Okay mais... C'est quoi l'soucis ? La gamine qu'elle était n'avait pas encore eu le temps de se heurter au sexisme. Pas vraiment, du moins. Pas assez pour comprendre ce que son interlocutrice tente de lui faire comprendre en tout cas. On t'a fait quoi ? Est-ce qu'elles sont bien en train de parler de viol, là ? Ou de quelque chose de ce genre-là ? J'espère que tu les as tous défoncés ! Et qu'ils rotaient du sang pendant qu'tu les forçais à t'baiser les pieds ! C'est une punition qui semble à la hauteur de ces enfoirées. D'un autre côté, est-ce que ce n'est pas précisément ce genre d'enfoirés qui vous rendent plus forte ?

Mais même si ce que l'on pourrait appeler un semblant de solidarité féminine égaie un instant leur discussion, la neutralité revient bien vite de mise lorsque Leo laisse entendre que l'australienne a des défauts. Un concept un brin difficile à accepter pour une adolescente effectivement un peu - beaucoup - trop sûre d'elle. Mais Zelda voit bien que son aînée ne cherche pas à l'emmerder. Sa démarche semble même sincère, sans être trop empathique. Les domaines qui m'intéressent ? répète-t-elle, étonnée par sa question. Ben... Au final ce sera quand même assez vite résumé quand elle y pense. Le chaos et la destruction, justement ! Le pire c'est qu'elle n'est même pas sûre elle-même d'être en train de plaisanter sur ce coup-là. C'es trop bizarre ta question... C'est quoi, toi, les domaines qui t'intéressent ? Qu'elle lui donne au moins une piste sur le genre de truc qu'elle veut entendre, quoi.

C'était comment les armées professionnelles, avant ? enchaîne-t-elle, sautant du coq à l'âne. Elle, elle n'a pas oublié que Leo était une militaire de carrière. Et elle est prête à parier que ça n'avait pas grand chose à voir avec l'armée de Fort Ward. Vous vous faisiez vraiment crier dessus par un mec à quelques centimètres du visage ? Et c'est vrai qu'vous deviez toujours corriger votre tenue et tout ça ? L'angoisse... Quelque part l'australienne est bien contente de n'avoir pas vécu cette époque là. Ici, personne ne les emmerde pour un truc mal ciré. C'était bien payé, au moins ? Parce qu'il fallait bien ça pour endurer ce genre de conneries, pas vrai ?