Ses lèvres se froissèrent dans une grimace éloquente face à la menace à peine voilée d’heures interminables de débats rasants que brandit le chef d’entreprise, dans une œillade inquiétante. Elle ne le connaissait que trop bien pour ne pas se méfier ; il était tout à fait capable de mettre ses menaces à exécution. « Je crois que je vais passer mon tour ; Keith est bien plus réceptif, ça crève les yeux. Je m’en voudrais de te priver d’un auditoire aussi concerné. » Un mince sourire ourla le coin de ses lèvres avec une malice qui lui était naturelle. Elle sentit l’amusement fleurir devant la réaction expressive de son fils. Il était fascinant de le voir évoluer si rapidement à un si jeune âge. Elle jurerait le voir changer de jour en jour. « Voyons, soyons honnêtes : mon fils est déjà le meilleur de tous. » Il n’y avait même pas l’ombre d’un concurrent à la hauteur. Sans doute était-ce un discours typique, mais la grecque était belle et bien persuadée de la perfection innée de son enfant. Elle était certaine de n’avoir jamais ressenti pareils sentiments. Quoi qu’il fasse, il lui semblait que son amour pour lui ne pourrait jamais faiblir.

« La menace était clairement moins percutante mais disons que ce n’est pas plus mal. Je dois déjà vivre avec le spectre d’une thèse assommante sur les mouvements artistiques, j’ignore si je saurais trouver le sommeil dans un environnement aussi risqué. » De nouveau, elle échangea un regard taquin avec l’aîné des Brody. Sur la liste de ses activités préférées, l’embêter figurait en haute position, assurément.

Accaparée par son fils, elle acquiesça silencieusement. « Pendant sa sieste, si tu es disponible, bien sûr. » Elle ne maîtrisait pas vraiment l’emploi du temps surchargé du brun. Celui-ci avait tendance à souvent s’absenter ces derniers mois. « Hey ! » protesta soudain la brune en retournant un regard courroucé vers l’homme. « Je te signale qu’il s’agit ici, pour l’essentiel, de tes ennemis. Pour ma part, je n’ai que des amis bienveillants disséminés dans la région. » Évidemment. « Mais puisqu’il serait vain d’entamer un débat pour te convaincre que je peux m’y rendre seule, tu auras le privilège de m’y conduire et choisir avec moi les nouvelles sucettes de Monsieur Keith. » soupira la brune, à moitié amusée par l’idée.

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Elena leva les prunelles du rapport des stocks pour suivre du regard le chef d’entreprise. Un à un, les documents s’amoncelaient devant elle, et l’homme présentait ses suggestions avec expertise. La grecque se pencha avec curiosité et intérêt sur les différents schémas, écoutant attentivement les explications et recommandations de l’ancien Oblivion.

« La seconde idée me plaît davantage. » fit-elle, le nez plongé dans les croquis. « J’aime assez l’idée du recyclage, sans tomber dans la conscience écologique, on peut penser qu’il sera plus simple de dénicher des épaves que des flotteurs adéquates. Et puis, comme tu le soulignes, de cette manière, c’est invisible en surface. » Quiconque voudrait s’approcher pour débarquer aurait une très mauvaise surprise… « Il faudra définir un couloir vierge pour nos propres déplacements. » Il n’était pas question de se confiner complètement et se couper des opportunités que leur offrait la proximité avec la mer. « Tu crois que c’est faisable ? Réaliser un système d’ouverture pour nos navires qui reste indétectable à l’œil ? Et est-ce que tu as une idée de combien de temps ça nous prendrait ? » Pour soumettre le projet à Peter, elle devait avoir un maximum d’informations. « Si tu as d’autres idées ou recommandations pour la sécurisation du front de mer, je suis toute ouïe. » Il était temps de définir le planning des travaux de l'année 2023 après tout.