« Ce serait l’idéal oui… Pour Keith et pour notre relation évidemment. » Pour les factions, ce serait un avantage indéniable aussi, mais si la grecque pouvait se montrer égoïste au moins une fois, c’était le vœu qu’elle formulerait. « Même s’il est probable que notre cohabitation vous donne des envies de meurtre au bout de deux semaines. » rit-elle doucement, consciente de leur haut potentiel pour créer des conflits dans leur couple. À croire qu’ils n’aimaient pas voguer sur des eaux douces ; ils préféraient le tumulte des courants vifs.

« Je n’ai pas l’intention de bouger, t’en fais pas. Ni de mon plein gré, et encore moins de force. » Ces pirates avaient plutôt intérêt à avoir de la ressource, parce que les Fuckers les attendaient de pied ferme. « Je crois que ce grain de folie, c’est notre trait commun, oui. Et c’est précisément parce qu’on est capable de tout pour notre famille qu’on devient redoutable. En même temps, sans elle, qu’est-ce qu’il nous reste à perdre ? » Pour quoi se battaient-ils sinon ? Leur foyer était leur plus grande richesse, celle qui méritait tous les combats et tous les sacrifices.

Elle sentit son cœur se gonfler de tristesse et de tendresse à la fois lorsque Faith se serra contre elle. Un bref rire secoua sa poitrine à la mention d’Isaiah. « Ouais, tu as sûrement juste. Keith est entre de bonnes mains… » Elle en était persuadée, pourtant rien ne saurait calmer la douleur que la distance attisait. Elle se redressa légèrement lorsque son amie lui évoqua Gawain, sans cacher sa surprise. Elle n’ignorait pas la relation compliquée qu’elle entretenait avec son fils depuis la découverte de sa grossesse, et elle s’était toujours prudemment gardée d’émettre le moindre jugement à ce sujet. Personne n’était en droit de le faire, puisque personne ne pouvait comprendre mieux que Faith. La seule chose à faire était de l’aider à élever cet enfant qui ne manquait pas d’amour et d’attention au milieu de tous ses oncles et tantes.

« C’est une bonne chose alors. Peu importe le moment ou les circonstances. Tu le reverras toi aussi, et tu pourras rattraper le temps perdu. » lui souffla-t-elle comme une promesse qu’elle scellait avec elle.

C'était terminé.

Le dernier pirate avait été abattu, et les derniers blessés soignés, alors qu'elle se laisse tomber pour la première fois sur une chaise pour souffler un peu. A la recherche d'un oxygène qu'elle peine à trouver pour l'heure, après avoir fait de son mieux pour gérer sans doute trop de choses à la fois. Tirant nerveusement sur sa cigarette, avant d'enfin voir Elena avancer dans sa direction.

Il ne lui fallût qu'une seconde, pour venir à sa hauteur, et se jeter dans ses bras. L'enserrant avec force, soulagée de la voir intacte. Etouffant un sanglot de soulagement dans sa gorge, ne se détachant que pour l'aviser avec lenteur, hochant doucement la tête. Viens. Se contente t-elle de souffler, prenant la main de son amie avec douceur pour la ramener à l'abri des oreilles indiscrètes, dans son bureau.

Le conseil à donné quoi ? Qu'elle s'enquit dans un premier temps, glissant une main fatiguée contre son regard pour s'efforcer de rester éveillée. Une chose à la fois. Ensuite, ils parleraient du reste. Mais pour l'heure, le plan de bataille se devait d'être un minimum connu. Peter n'a tué personne?

« Par miracle, non. » répondit-elle en se laissant tomber lourdement sur la chaise face à Faith. Elle portait elle aussi les stigmates des dernières épreuves. Le calme temporairement retrouvé, elle s’autorisa une pause, un long soupir abaissant sa poitrine. Du bout de doigts, elle se massa les tempes, encore bousculée par les derniers évènements. « J’ai bien cru qu’il allait encastrer Thaïs dans un mur, mais… tout le monde est entier pour l’instant. » Et au vu de ce qui les attendait, c’était sans aucun doute une bonne chose. Les alliances avaient été suffisamment ébréchées pour aujourd’hui.

Elena bascula sa nuque vers l’arrière, fixant un moment le plafond ; elle était fatiguée. Pourtant, elle savait que la guerre n’était pas terminée. Sans bouger, elle lâcha l’information à son amie. « On va y aller Faith. » Même si c’était la dernière chose dont elle avait envie actuellement, elle savait que ce n’était plus vraiment une question de choix. « On va aller terminer le travail chez ces enfoirés. Avec les autres factions et les STARS. » Ils s’étaient promis de ne plus fuir, alors ils iraient au bout de cette mission. Ils allaient éradiquer la menace des pirates pour ne plus avoir à se cacher, pour ne pas avoir à vivre avec une épée de Damoclès sur leurs têtes.

Tant mieux, parce que je n'ai définitivement plus de quoi soigner une quelconque blessure grave. Quelque part ? C'est un soulagement. Tendant son bras pour la laisser aviser du pansement qui trônait dans le creux de son coude, haussant les épaules. Et plus assez de sang à disposition non plus. Être donneuse universelle avait son retour de flamme. Mais au moins ? Ils vivraient tous. Fronçant les sourcils à l'évocation de Thaïs. C'est la gérante de la péniche, non ? Qu'elle demande pour s'en assurer, soupirant à l'idée. Assurément, les liens entre leurs groupes s'effilochaient drastiquement, dans l'immédiat.

Et Valérian ? Demande t-elle néanmoins, soucieuse. Assez au fait de son amitié avec le grec, pour s'inquiéter du ressenti de son amie sur la question, avant d'entendre la suite de son annonce. Ils allaient y aller. L'avisant en silence, avant d'hocher lentement la tête. On à pas le choix de toute manière, non? Un faible sourire éclairant le coin de ses lèvres à l'idée, passant une main lasse dans ses cheveux.

Beaucoup des nôtres ont été gravement blessés. Explique t-elle néanmoins, avant de reprendre. Ils vont avoir besoin d'un médecin sur place... Ils ne pouvaient pas prendre le risque de les laisser à l'agonie. Pas avec les blessures trop graves de certains. Aaron à été touché. Et ... Son fils ne s'en est pas sorti. Et si la phrase semblait sans émotions, il n'empêchait. C'était comme un poids désagréable dans l'estomac, au simple souvenir du regard d'Aaron sitôt qu'elle l'avait retrouvé. Venant nerveusement tirer sur sa cigarette pour calmer ses nerfs.

Quand partez vous ?

« Elle-même oui. Mais disons que Peter n’était pas très réceptif à sa mauvaise foi. » grimaça-t-elle légèrement. « Enfin, on était tous un peu à cran, ça a été difficile pour tout le monde et elle a perdu deux de ses hommes… » Elena ne la blâmait pas complètement. La militaire avait beaucoup souffert. Elle avait vu les siens subir les tortures des pirates, impuissante. Elle avait fait ce qu’elle avait estimé être la meilleure option pour protéger sa famille. Au détriment de la leur, certes, mais une part de la grecque comprenait la position délicate de la brune. Lui pardonnait-elle ? Il était trop tôt pour l’envisager, et il faudrait du temps pour reconstruire la confiance entre les alliances.

Elena fronça les sourcils en entendant le prénom du grec. « Je n’ai pas eu trop l’occasion de lui parler. On doit se concentrer sur la suite de toute façon. » Et elle ne voulait pas parler du parrain de son fils. Le sujet était trop sensible. Elle soupira en secouant la tête. « Non, on n’a pas le choix… Les laisser vivre c’est prendre le risque qu’ils reviennent un jour. On ne peut pas se le permettre. » Ils devaient disparaître. « Peter va rester aussi. Il faut bien que quelqu’un reste pour protéger le domaine pendant notre absence. » Ils ne feraient pas l’erreur de laisser leur foyer sans surveillance.

La brune se pinça les lèvres, désolée pour Aaron qui était définitivement celui qui avait le plus perdu durant cette bataille… « Oui, j’ai vu… Comment… Comment est-ce qu’il va ? » Elena n’osait imaginer la souffrance de l’homme. Perdre Keith lui paraissait insurmontable. « Dans les prochains jours. On doit profiter de notre avantage. Ils n’attendent pas le retour des leurs avant une semaine. »

C'est normal, c'est humain. Rappelle t-elle à l'évocation de la colère sourde de Peter, pinçant les lèvres. Nous avons toujours offert un soutien à tout le monde, et subit les représailles en retour. Se faire attaquer sur notre propre terrain après tout ça à dû le mettre hors de lui, mais ... c'est eux, qui ont le plus perdu dans cette affaire. Comme venait de le faire remarquer la brune, en évoquant les hommes morts au combat. Je me chargerai de l'appuyer en ton absence, si tu y consens. Propose t-elle par ailleurs pour le fait de protéger le domaine, grimaçant à la question pour Aaron. Il... fait au mieux. Il est encore sous le choc, mais la fatigue à pris le dessus sur la souffrance, pour le moment. explique t-elle sobrement, soucieuse de ne pas trop remuer le couteau dans la plaie. Leur relation était difficile, mais j'ai envie de croire qu'il saura se pardonner.

Il le fallait, de toute manière. Quand à leur départ, reprend-elle rapidement. J'avais caché le plus gros des stocks avant l'assaut, viens avec moi. Hors de question que vous ne partiez la bas sans être un minimum préparé.

Ils avaient perdu, oui. Mais tout comme Peter, la grecque n'arrivait pas à s'arracher de la tête le pire des scénarios ; et s'ils ne s'étaient pas préparés à cette attaque ? Et s'ils avaient été cueillis dans leur sommeil par ces pirates et leurs alliés sans savoir se défendre ? Que serait-il advenu de leur foyer, de leur famille ? La colère du Néo-zélandais était légitime. La position des Bastards et des Exilés peu enviable. « La vérité, c'est que… je suis en colère contre eux moi aussi, mais en même temps, je crois qu’il faut se faire une raison. Malgré les amitiés ou les accords qui nous lient, nous ferons toujours passer nos familles avant le reste. C’est inévitable. » Les Fuckers auraient sans doute agi différemment dans la même configuration, mais désormais les dés étaient joués. Ils ne pouvaient pas défaire ce qui avait été fait, et ils devaient se tourner vers l'avenir.

« Nous pourrons rebâtir les alliances parce que stratégiquement parlant, c’est la seule option viable sur le long terme. Mais la confiance… » Elle eut une grimace qui en disait long. « Il faudra se montrer vigilant dorénavant. Les Fuckers avant le reste du monde, et puis c'est tout. » Garder à l’esprit que les priorités n’étaient pas communes. Qu’elles étaient subjectives et variables. Qu’elles échappaient au code moral. Valérian aurait été capable de laisser son foyer brûler pour sauver sa compagne, et la grecque ne pouvait décemment pas lui en tenir rigueur. Néanmoins, il ne serait plus une priorité pour elle non plus à présent, même si ça lui en coûtait.

« Je compte sur vous pour garder la maison, oui. A notre retour, nous commencerons les travaux. Il faut renforcer nos défenses pour anticiper les attaques de demain. On ne pourra pas toujours compter sur le soutien des Expendables. » Et après de longs mois de repos, il était largement temps de réveiller les troupes. Ils avaient prouvé qu'ils étaient capables de se défendre, de neutraliser les menaces. Ils devaient affirmer leur force maintenant.

« J’imagine… Il aura la chance de pouvoir compter sur toi pour l’épauler, ce n’est pas rien. » sourit-elle tristement. C’était une épreuve innommable, évidemment, mais Aaron pourrait compter sur le soutien inébranlable de Faith.

Elena haussa un sourcil curieux à la remarque de la sexologue. « Qu’est-ce qu’on ferait sans toi ? » Vraiment. La grecque suivit son amie, le cœur encore lourd des derniers évènements et serré à l’idée de la prochaine bataille qui les attendait.