Lâche de quoi ? Je fronce les sourcils. Peut-être qu'il l'est mais je suis mal placée pour venir le lui reprocher quand même. Alors on va pas commencer à jouer de l'hypocrisie tous les deux, ça risquerait pas d'être beau à voir et c'est pas une partition que j'ai envie de connaitre sur le bout des doigts, parce qu'elle implique que je fais ça seulement pour survivre. Tu fais ce que tu peux pour survivre, je comprends, et on est tous logés à la même enseigne ici, c'est peut-être ça le problème principal. J'peux pas te juger, je fais la même chose, je fais sans doute pire, finalement.

Mais la question d'Orpheus passe soudainement et pose entre nous un silence étrange. Il se justifie, s'explique, s'excuse aussi et moi, je peux rien dire de particulier. Je me contente de le fixer jusqu'à ce que ce calme me paraisse aussi lourd. Faudrait vraiment que je lui réponde en fait : Si l'occasion se présente, ouais, je t'embarquerais avec moi, que je lui souffle simplement avant de soupirer : Là où je vis, ça peut pas être pire qu'ici, et puis... T'y verras pas mal de gens comme toi au final, ça te changera, de plus être le seul.

Et puis de plus avoir à se cacher surtout. C'est sans doute le plus difficile, surtout quand ça peut te tuer d'être qui on est. Si je suis pas là, le jour où ça arrive, que je lui précise rapidement : Dis que tu veux parler à Thais ou à Aamir, il faut qu'il retienne les noms absolument : Tu dis que tu m'as rencontré, et puis tu dis que tu as hérité de mon impala, qu'elle s'appelle Lucette, et que je laisserais que Salem s'en occuper pour la bichonner, que j'ajoute alors comme si je faisais mon testament. Et que... Que si je peux pas rentrer, personne a le droit de tirer ses affaires, parce que c'est Dany qui hérite de tout le reste, je le fixe longuement : OK ?