Si tu y arrives, ça relèvera du miracle, je porte le regard sur Erika avant de lui offrir un sourire amusé. Une biche ? Oui, ça nous ferait du bien à tous. Il y aurait assez de viande pour nourrir toute la prison pendant quatre jours, si je m'y prends bien. Mais Erika n'est pas une chasseuse de métier, et je suis toujours plus dubitative sur ceux qui apprennent sur le tas. Se nourrir soi-même pose moins de soucis, cependant ramener suffisamment pour un groupe, c'est plus difficile à gérer. Ils ont dû bouger vers la péninsule olympique pour fuir l'activité, on n'en trouvera pas beaucoup dans le coin, que j'ajoute.

Il faut dire que notre présence ici rend forcément la zone plus hostile, à leur place, j'irai à des endroits où il y a de la vie, et moins d'ennuis. Un soupir m'échappe, voilà qu'Erika me fait une proposition qui m'arrache un nouveau sourire : Si tu veux, oui, que je lui souffle en haussant les épaules : Je m'occupe des légumes, je vais vers la réserve pour récupérer la clé rapidement, et sortir quelques pommes de terre, navet et carottes qui viendront agrémenter le repas. Je ne vais pas les peler, mais les laver avec précaution quand même.

Garde les os et les organes, je peux aussi les cuisiner, en faire des bouillons ou des sauces, que je souffle à la brune, fermement. La température remonte un peu mais on a un frigo... nous avons réussi à faire geler un tonneau d'eau, que nous avons creusé ensuite à l'aide d'un petit récipient. En plaçant les éléments dedans, nous parvenons à les conserver au frais sans difficulté. Ensuite, le tonneau est mis à l'isolement, loin de tout, à une température constante. Le sol garde mieux la fraicheur notamment. Ce n'est pas plus mal ainsi. On doit improviser. Un soupir m'échappe. Dans la prison, difficile de faire monter la température, et le système de chauffage de Sebastian est bien, sans être miraculeux : Tu n'as pas trop froid ?

Un éléphant ? Je me tourne vers Erika avant de rire à sa remarque, en secouant la tête. Au moins, j'aime bien son optimisme et son humour, je suis aussi du genre à essayer de ne jamais abandonner. Il faut essayer, réessayer, jusqu'à réussir ce qu'on veut entreprendre, même si ça n'est pas facile. J'entends tout ça heureusement, certains essaient d'être plus pragmatiques, ou me parleraient de réalisme notamment. Mais... Je ne sais pas. Ce n'est pas quand on ne défie jamais les statistiques qu'on a de la chance : Je n'ai jamais mangé d'éléphant !

J'échange un regard avec elle et hausse les épaules : Je me gèle, mais bon c'est comme ça, cependant, je suis distraite et sa remarque suivante m'échappe un peu : Hm ? Dormir avec quelqu'un ? Je pense évidemment à Sebastian, et depuis notre arrivée à Gig Harbor, à nos quelques nuits volées, qui ressemblent plus à des siestes tant ça me semble court. Ah oui, moi aussi, je les envie, que je soupire simplement. Pas vraiment pour les mêmes raisons qu'elle mais bon : Être avec quelqu'un qui prend toute la place, te pique la couverture, se colle à toi, ronfle et squatte ton coussin, quel plaisir, que j'ironise.

J'ai un rire amusé en le disant, avant de soupirer. J'aimerais le retrouver plus simplement, mais il faut croire que notre couple vient avec des conditions difficiles, d'autant plus actuellement avec un bébé en route. C'est juste une question de motivation j'imagine, si tu as des idées aussi pour améliorer la prison, tu y dors régulièrement, tu as ton mot à dire pour contribuer, que je lui souffle à sa remarque, flattée évidemment, même si je n'ai pas contribué à tout, beaucoup de choses sont mes idées. Si, beaucoup, mais je ne vais pas le rejoindre tout de suite, que j'ajoute alors en haussant les épaules. C'est comment, la vie en solitaire ? Que je demande finalement. Tu as... Tu as déjà fait partie d'un groupe avant, je crois ?

Eh bien... Si tu as besoin, je suis sûre que je trouve quelqu'un avec qui te caser et tu me diras ce que tu en penses ! Je ris un temps, sans faire attention à ma maladresse, ou à la douleur que ça peut lui causer. Il faut dire que je connais assez peu Erika, je ne sais pas vraiment ce qu'elle souffre et notamment de sa solitude. En attendant, je ne cherche pas plus loin, je crois que j'essaie aussi de donner le change pour laisser entendre que je suis dans mon coin, bien célibataire, puisque Sebastian y tient tant : Mais je passe mon tour, que j'ajoute en haussant les épaules.

Je ne sais pas si c'est crédible, en tout cas, je préfère en rester là. Cela dit, alors que nous poursuivons notre besogne, c'est Erika qui donne l'impression de vouloir se confier. Elle parle et je l'écoute, avant d'esquisser à son égard un sourire triste. Et entendu. Oui, je vois, que je lui souffle simplement, en venant poser une main compatissante sur la sienne un instant. En fait, je crois que je te comprends aussi, c'est difficile de se projeter et de tout reconstruire de zéro avec des inconnus, surtout au début, et je me souviens très bien être passée par là plusieurs fois, aussi frustrant que ça puisse paraitre.

Je soupire : En plus, en évoluant au milieu d'eux, tu finis aussi par t'attacher, et à cultiver des craintes : comme celle de pouvoir perdre ceux qui deviennent tes proches, c'est terrifiant de se rendre compte qu'on est encore capable d'aimer. D'aimer fort, intensément, sans condition. Tout ça demande surtout du courage, et de la volonté de se relever, encore et encore et encore... c'est une quête qui n'a jamais de faim, et je doute qu'on puisse vraiment s'en passer. Qui sommes-nous sans notre entourage ? Comment existons-nous ? Comment nous définissons nous ? A force, c'est épuisant, et on peut se demander si ça vaut la peine... que je lui souffle tout bas.