C’fait qu’ques jours que j’viens d’rentrer d’l’expédition avec ces fous d’chez les Exilés. J’dois dire qu’les regards ont changé. J’dois passer pour un fou, ou un traître… J’sais pas. On n’ma pas retiré mes fonctions ni m’responsabilités ; j’me suis pas retrouvé dans un cachot ou d’vant une pléthore d’responsables à essayer d’me cuisiner… Donc… Jusqu’ici, tout va bien !

Mais s’y’en a bin’ un qu’je redoute, aujourd’hui, c’Stanley. J’sais bin’ qu’ça n’lui a pas plus, qu’j’aille aider c’groupe. C’qu’on est pô très copains, les Exilés, les SCARS et tous ces fils d’putes, et nous, les Remnants… J’imagine qu’ça n’va pas lui plaire et qu’j’vais en entendre parler et pas qu’un peu.

D’toute manière, j’n’ai pas l’choix : aujourd’hui, c’est l’jour où qu’Stanley et moi, on fait l’topo sur nos troupes. C’dure jamais très longtemps, en règle générale. Faut dire qu’y a pas non plus masse d’choses à dire : l’gens s’entraînent, y a qu’que blessés d’temps en temps chez ceux qu’savent pas courir droit, on n’tire pas d’projectiles, et on surveille nos culs. La routine quoi.

M’enfin, j’l’attends l’Stanley. J’suis sûr qu’j’vais m’faire défoncer, mais bon. S’il faut en passer par une bonne baston, j’dis pas non.

- T’as daigné rev’nir alors ?

Stan s’était présenté à cette réunion. Parce qu’il avait évidemment appris que le SEAL était revenu de sa petite virée. Il ne lui ferait pas une tape dans le dos en affirmant qu’il était heureux de le voir sain et sauf. Il était actuellement trop aigri pour ça et la semi-désertion de son pote ne faisait qu’ajouter une couche à un tableau morose. Il s’était planté dans l’encadrement de la porte, les bras croisés contre son torse. Il lui offrit un haussement de sourcils désabusé.

- Ça va, tu mènes ta p’tite vie, tranquillou, peinard ? C’est vrai, qu’est-ce que tu nous dois pas vrai ? Tu s’ras sûrement rassuré d’savoir que rien d’fou s’est passé ici… rien d'neuf, toujours la même !

Stanley montra alors la plaque qu’il avait en partie sur la joue. La Rouge. Il avait d’autres plaques ailleurs sur le corps, mais c’était la seule visible en l’état. Logan n'ignorait rien de l'épidémie, mais dans ce contexte il était parti quand même. La maladie paraissait… en phase de guérison. Plus de céphalées, le militaire se sentait même globalement bien. Les plaques sur sa peau étaient moins laides aussi que deux semaines plus tôt et elles ne démangeaient plus. Il devait espérer que le vaccin lui avait de nouveau sauvé la mise…

- Qu’est-ce qu’t’as à dire, pour ta défense ?

« Hum. » Que j’grogne, vers Stanley, alors qu’il m’parle aussi sèchement qu’un p’tain d’lac disparu dans l’désert d’Gobi. J’sais bin’ qu’si j’lui répond, il va mal l’prendre. Quoi qu’je dises, j’l’ai trahit, d’une certaine manière. Enfin, dans son esprit. Et l’fait qu’ça soit arrivé durant l’épidémie n’est pas pour alléger m’cas. Mais c’pas comme-ci qu’j’en avais réellement qu’que chose à branler : j’connais Stanley, c’est l’type l’plus coriace après moi, et j’sais bin’ qu’ce mec peut encaisser et rendre d’coups tant qu’l’aura un peu d’souffle dans s’poitrail.

Mais il m’brise rapidement les burnes, avec ses réflexions à la con. J’me lève d’coup. J’vais pas rester assis là, à m’faire insulter tranquillou par l’mec qu’je considère comme un frangin. J’ai un minimum d’fierté p’tain d’merde.

« J’ai pas b’soin d’me défendre mec. » J’me colle contre une fenêtre, à l’opposé d’Stan, juste au cas-où. « J’tais en poste. J’ai eu une info : m’famille était en danger. Et j’connaissait l’danger, car c’est c’qu’on avait vu y a des s’maines : l’pirates. Ça m’faisait deux bonnes raison d’aller voir et d’prêter main forte : sauver ma famille, m’gosse, et poutrer ces fils d’putes avant qu’ils n’nous attaquent. Résultat : j’ai ramené d’vivres, d’munitions, d’piles, d’saloperies bin’ utiles parce qu’c’est comme ça qu’ces fils d’putes d’Exilés et aut’ m’ont payé pour c’que j’avais fait. J’ai pu voir ma p’tiote, qu’avait à peine fêté s’trois mois. Et me r’voilà. »

J’crois qu’c’est clair, non ? « Désolé pour ta sale gueule. J’espère qu’ça s’guérit vite. » Et j’croise les bras. J’la sens pas c’te réunion.

Logan se leva pour mieux argumenter. Il n’avait sensément pas besoin de se défendre, mais ce fut ce qu’il fit, évidemment. Comme quoi… Pensait-il apaiser Stanley ? Vu comment il prit soin d'ajouter un max de distance entre eux, probablement pas. Encore que ce n'était vraisembablement pas les poings de son ami qu'il devait craindre.

- Je m’en tape Lolo qu’t’aies toutes les bonnes raisons de t’barrer ! T’en avais une seule de pas l’faire : ta responsabilité ! T’étais pas assigné à la Ferme pour ramasser les patates. T’étais l’seul à savoir t’servir du canon anti-aérien en cas d’problème ! On s’casse pas l’cul à faire des roulements pour qu’chacun fasse comme bon lui semble, merde ! Répliqua-t-il. C’était dit. Il est question d’notre survie à tous là, tu l'réalises, ça ?! Probablement pas. Le SEAL n'était pas réputé pour faire dans la grande projection. On n'va pas fermer les yeux sous prétexte qu’tout s’est bien passé et qu’tu r’viens les bras plein d’trucs. C’est trop facile. SI tu voulais voir ta gamine plus souvent et la savoir en sécurité, fallait surtout commencer par pas laisser sa mère s'tailler avec, ajouta-t-il, un peu mauvais.

J’sais pas pourquoi, mais j’ai l’impression qu’c’te prise d’tête ressemble à un vieux couple qui s’balance des fions à la gueule parce qu’ils s’supportent plus. P’t’être qu’Stanley et moi, on est comme qui dirait un vieux couple ? Faut dire qu’avec tout c’qu’on a prit dans la gueule tous les deux, j’crois qu’rien n’pourra jamais nous séparer… Mais l’colère, c’t’un sentiment universel. P’tain, on en viendrait quand même pas à s’détester ?!

« T’as crus qu’j’avais l’choix hein ?! » Il était là, il a rencontré Yulia, il sait bien… « Entre June qu’voulait pas qu’Yulia reste plus que l’temps nécessaire pour l’accouchement, pour « services rendus pour Remnant » qu’elle m’disait… Et Yulia, qu’pouvait pas faire confiance à la moitié d’ent’nous… » Ouais l’tableau était fort sympathique bordel de merde, couillerie de merde ! « J’ai compris ! On manque d’bonhommes capables d’manipuler les gros joujous : j’vais les former et puis basta ! Et puis d’toute manière, si ça avait été ta gosse : t’y s’rais aller aussi tête de bite ! Et t’sais quoi ?! J’t’aurais couvert quoi qu’il arrive p’tain d’merde ! Quitte à prendre les gnons à ta place et m’faire foutre au trou l’temps qu’tu reviennes, mais j’t’aurais couvert p’tain d’bordel de merde ! »

- Nan on manque surtout d'mecs fiables pour assumer l'rôle qu'on leur a attribué ! Et t'es pas l'un d'eux Lolo, c'est tout. Ma gosse, j'aurais pas permis qu'elle se r'trouve dans c'merdier ! Ajouta-t-il un peu mauvais dans la foulée. Ironiquement, Esther allait se retrouver prochainement dans une pagaille bien pire, mais il ne pouvait alors complètement s'en douter.

Il aurait pu culpabiliser d'entendre les mots de son copain, qui lui affirmait qu'il le ferait passer avant tout le reste aussi. Qu'il saurait le défendre, le protéger. Contrairement à lui de toute évidence. Il le croyait vraiment effectivement. Était-il lui-même alors un faux frère pour autant ?

- J'fais pas dans la langue de bois, tu m'connais. Quand ça m'plait pas, ben j'le dis, voilà. J'vais pas dire Amen à tout c'que tu fais, sous prétexte qu'on est copains. Ça marche pas comme ça. Pour lui du moins. J'te l'dis Lolo, t'as déconné. Prépare toi à t'faire virer des formations. C'était presque acté, ils en avaient déjà causé avec Arizona notamment. Mais ça ne se serait pas officiellement mis en place avant les prochains événements.

« T’l’aurais pas permis ?! Arrête voir un p’tit peu tes conneries. On sait bin’ toi et moi qu’tu contrôles plus grand yak chez toi. » Ouais, j’suis bâtard là, mais bon. A un moment, il veut taper là où qu’ça fait mal ? Bah bien ! J’vais faire pareil, histoire d’lui rendre un peu l’monnaie d’sa foutue pièce. Même si c’mon bro et qu’je préfère lui foutre une torgnole physique plutôt qu’psychologique. Au moins, ça, c’facile à encaisser.

« J’m’en bat les couilles qu’vous m’viriez ! C’pas ça qu’va m’arrêter ! J’entraînais d’jà les gens avant qu’vous m’bombardiez responsable de c’foutu merdier, j’vais pas m’arrêter là ! Z’êtes pas prêts d’retrouver un mec qu’aura fait tout c’que j’ai fait avant qu’le monde parte en couille. » Ouais bon, ç’fait un peu présomptueux et chantage, j’sais bin’, mais l’vérité est là en fait. Qu’ça lui plaise ou pas. Mais il est pas con, il le sait t’ça. M’bref.

« J’sais bin’ qu’j’ai déconné. Mais j’regrette pas. D’toute manière, c’foutus pirates n’menaçaient pas qu’ma p’tiote : c’sont eux qu’rôdaient autour d’chez nous y’a des mois. J’le sais. Et j’les ai exécutés jusqu’au foutu dernier. Une menace d’moins, pour laquelle j’ai été payé et qu’j’ai tout ramené à Fort Ward. L’forme est dégueu, mais v’pouvez m’remercier sur l’fond. »

Putain d’ingrats de merde.