Oui, j’ai fait ce qu’il fallait. Même si je n’ai pas de doute à ce sujet, ça fait du bien de l’entendre malgré tout. « S’il m’avait vu ou si je l’avais loupé, il aurait pu se retourner contre elles. Ce n’était pas forcément un choix que de lui accorder une mort rapide. » Si j’avais pu, sans risquer de me faire blesser en retour, sans risquer de faire courir un danger supplémentaire à la petite et à Reese… je leur aurais ramené avec plaisir. Si à l’époque, j’avais eu l’opportunité de retomber sur un des mecs qui m’avait enlevé et torturé, que j’avais l’occasion de lui faire payer, je n’aurais pas hésité. Aujourd’hui ? La rage et la terreur sont passées, presque totalement, je crois. Mais je les tuerais quand même sans hésiter.

Mon rire reprend de plus belle, alors que je passe les bras autour de son cou, comme pour l’empêcher de me jeter à l’eau comme il m’en menace. « Je me ferais dévorer par des baleines tueuses, ce serait horrible. Je ne te pensais pas si cruel. »

C’est exactement ce type de petits échanges, de courts instants en dehors du temps, ceux mêlant tendresse, rire et une légère irritation teintée de contrariété – de sa part – qui m’ont fait tomber amoureuse de lui. Des petits moments privilégiés que j’ai appris à chérir. Sa présence et sa douceur, cette complicité et cette confiance. Tout ce qui me rassure et me fait me sentir à ma place en temps normal, tout ce qui m’aide à ne pas me perdre.

Et qui, mêlés à ce qu’on vient de vivre, ce à quoi on vient de survivre, me font un peu trop relâcher mon attention. Depuis quand suis-je aussi irréfléchie ? La réponse est évidente, elle se trouve dans mes bras. A se raidir à ce murmure. C’était à prévoir. Je me crispe sensiblement quand il se redresse et me fixe comme si… comme si j’étais soudainement différente. Merde. Je me retrouve avec un poids sur l’estomac, alors que le soulagement d‘être dans ses bras ne suffit plus et que l’angoisse réapparait, pour des raisons bien plus égoïstes que précédemment.

Mais ses lèvres sur le miennes interrompent mes pensées et je me perds dans ce baiser, baiser rempli de trop de... Baiser d’adieu ? Non, non. Je dois lui dire que ça ne change rien, que je n’attends rien en retour, que c’était juste une évidence. Agrippée à lui, le cœur tambourinant contre ma poitrine, j’ai juste envie de partir avec lui, là, maintenant de suite. Pas de devoir aller le voir plus tard pour parler. Pour une fois, je n’ai aucune envie de parler. Pour une fois, devoir parler me terrifie. Pourtant, j’esquisse un sourire et me blottis contre lui. « D’accord, je viendrais. » Il faudra bien.

T'as intérêt, de venir après. Je la relâche après coup, en lui faisant signe de retourner voir les autres, il faut moi-même que je me concentre sur Tony et Salem, puis que j'essaie de retrouver Ruby qui s'est barré j'sais pas trop où dans ce merdier. Y'a de quoi s'occuper. La promesse du rendez-vous plus tard me tient suffisamment en tête pour que je le loupe pas, on sera toujours mieux pour se poser une fois rentrée en sécurité.

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On a pu se poser à Port Angeles, vider un peu le navire, et puis, j'ai pas hésité longtemps avant de faire un signe clair à Moon pour lui dire d'me suivre à l'écart. Moment d'creux, on a rejoint l'intérieur d'une pièce à l'écart avant que je la saisisse dans mes bras pour revenir l'embrasser et lui faire l'amour comme elle le mérite. Le temps passé contre elle donne l'impression de durer des heures, c'est presque un soulagement après toutes ces histoires. Et c'est d'elle que je m'occupe en priorité, pour lui offrir aussi une parenthèse appréciable. Contre sa bouche, je lui murmure : Tu sors plus sans un gilet pare-balle, surtout si elle veut pas que je meurs d'une crise cardiaque à force de me faire du soucis pour elle : Et d'ailleurs... J'sais pas, j'vais te construire tout un équipement pour qu'tu risques plus rien, ou l'enrouler dans du papier bulle.

J’ai essayé de mettre les pensées importunes de côté, avec plus ou moins de succès, me concentrant sur tout le reste pour m’occuper. Jusqu’à ce qu’on finisse par arriver à Port Angeles et que je me retrouve seule avec lui. Ça ne s’est pas tout à fait passé comme je l’imaginais. A dire vrai, je n’ai pas vraiment le temps de parler ou de vraiment m’interroger que mon souffle se fait court et que le désir me dévore.

Peut-être est-ce le contrecoup des derniers événements, des dernières tensions. Peut-être est-ce simplement parce que c’est lui. Mais c’est  plus fort, plus doux, plus… que d’habitude. Ou c’est juste dans ma tête. Probablement d’ailleurs. Le plaisir me picote encore le bout des doigts, alors que je frissonne contre lui et que je profite de cet interlude plus que parfait. « Quoi ? » J’ouvre les yeux pour le dévisager. Je souffle un début de rire et fronce un peu les sourcils sans trop savoir comment réagir. « T’es en train de me dire que… tu es resté là-dessus ? Je m’inquiète et me demande si j’ai déconné, si c’est trop pour toi, et toi tu… » Mes doigts tracent des arabesques sur sa peau alors que je parle. « Tout va bien du coup, pas vrai ? » Oui, je sais, même après tout ça, j’ai besoin de demander. Tellement stupide. Je souris en secouant la tête, avant d’aller effleurer ses lèvres des miennes. « Si tu veux me construire une armure, je veux au moins un truc à la Iron man. »

Le souffle court, je plonge dans ses cheveux, avec l'impression de partir en vacances quand je peux en sentir le parfum. Elle m'enivre par sa présence, ses soupirs sont une mélodie peu communes, je suis heureux d'être le seul à pouvoir l'entendre. Je sais que pendant un moment, notre relation s'est définie sans ces contours, mais je détesterais qu'un autre puisse en profiter. C'est simplement de l'orgueil, je crois. L'orgueil de donner du plaisir à la fille qui fait battre son coeur, y'a quoi de mieux au juste ?

Elle rit, je me redresse, fronce les sourcils : Ouais bien sûr que je suis encore sur ça, je fais la grimace : Comment tu veux que je passe à autre chose ? C'est impensable : L'idée de te perdre, ça me rend fou, mais elle se rend pas compte d'à quel point en fait. Elle sait pas comment perdre Emma a été un vide absolu, et que reproduire ça, ça pourrait me rendre vraiment fou. Ceux sont des mots qu'on a jamais partagé, j'aurais l'impression de l'emmerder avec des pensées de vieux con. Tu m'as pris pour Tony Stark ? Que je souffle contre ses lèvres, dans un rire amusé.

Parfois, ça me semble tellement insensé d’être tombée amoureuse d’un homme, de l’autre côté de la terre, en plein apocalypse, au milieu de toutes ces horreurs, que je me demande si c’est réel. Mais jamais je n’aurais pu inventer tout ça.

Cette tendresse qui se dégage de ses gestes, cette douceur mêlée de passion, ce bonheur que je ressens à chaque instant à ses côtés. Ce plaisir qui prend le pas sur le reste. Son odeur qui m’apaise, ses lèvres qui font accélérer mon cœur. Cette envie de rester contre lui à simplement profiter de sa présence. Lui tout simplement.

« Je t’ai déjà dit que j’aimais ton rire ? » Je l’embrasse brièvement. « Et ton sourire ? » Je souris un peu plus en effleurant de nouveau ses lèvres. « Tu connais les noms des Avengers maintenant ? Et tu es mon Bruce Banner non ? C’est un génie lui aussi ! »

J’hésite une seconde, je sais que je devrais m’arrêter là et juste profiter de ce moment. Et puis, je ne peux tout de même pas me vexer pour rien ?... Si, visiblement si. « Donc, tout ça, c’est un résultat dû à la peur. Ce n’était pas dû à une soudaine et irrépressible envie de moi… » Y a-t-il une différence ? A mes yeux oui, aussi minime soit-elle. Au temps pour moi et ce plaisir égoïste qu’il ait pris les devants, cette stupide fierté qu’il ait eu envie de moi. Juste parce que c’était moi, pour moi. C’était plutôt… agréable que ça vienne de lui donc.

Mais cette inquiétude qu’il y a dans ses yeux. Il a eu vraiment peur. C’est plus que ça, non ? « Je vais bien. » Je passe la main sur sa joue. « Je suis là. Avec toi. » Je ne ferais pas de promesse que je ne pourrais pas tenir. Mais je n’ai pas l’intention de me faire tuer ou de mourir pour autant non plus. « Je m’en voudrais de te rendre fou. » Hum. Je laisse filer un soupir et frotte mon nez contre le sien. « Tu ne vas pas me perdre. » Mon pouce caresse sa joue. « Mais je ne suis pas une demoiselle à défendre. Tu dois me faire confiance aussi. » Je sais qu’il ne s’agit pas de ça, même si je n’ai jamais osé demander pour sa femme. Et je sais tout autant que leur relation n’a rien à voir avec la nôtre, je ne suis ni arrogante, ni stupide à ce point. « Je suis désolée. Je ne voulais pas t’inquiéter de la sorte. »

Oh et je suis un génie maintenant ? Je lui rends le sourire, la politesse sans doute, sans vraiment y croire. Je dois être sans doute la version Hulk décérébrée plutôt que le génie caché quelque part, tout bien réfléchi. Mais je vais pas le dire comme ça parce que ça serait pas super urbain. Je la regarde, la vois encore se froisser pour une remarque que je comprends pas : Faut que je te laisse dire des conneries du coup ou comment ça se passe ? Que je demande en fronçant les sourcils. Qu'est-ce que ça change, franchement ?

Rien. Rien parce qu'au bout, j'ai quand même envie d'elle, et ça recommencera cent fois s'il le faut. Mais je sais pas ce qu'elle lit en moi. Je ferme les yeux à sa main contre ma joue, avant de revenir la fixer. Dans ses prunelles sombres, il y a tout un tas de trucs qu'il m'est difficile de cerner, sans doute toutes ses pensées mélangées : Emma aussi me disait la même, qu'elle était forte, et puis certainement pas une demoiselle en détresse, elle a jamais eu besoin d'être de ça. Et puis il suffit toujours de la fois de trop, tu vois ? C'est tout le problème. Je veux pas que ça recommence, c'est tout, je peux pas faire plus clair.

Je lui retourne un sourire amusé, je vais pas préciser qu’il y a plusieurs formes d’intelligence, blablabla. Génie ou pas, on s’en fout un peu en plus. Je me renfrogne un peu à la suite par contre. « Ce ne sont pas des… » Je fronce les sourcils, la mine boudeuse, et je hausse une épaule. « Ça change que j’aimerais bien ne pas être la seule à avoir envie de l’autre juste… parce que j’ai envie, pas parce que j’ai eu peur. Qu’être la jolie fille qui te rejoint dans ton lit ce n’est pas la même chose qu’être celle que tu désires. » Ce n’est pas forcément plus clair, et je sais bien que ça ne change pas grand-chose. C’est juste de l’amour-propre déplacé et absurde.

Et au final, ça passe au second plan, après son inquiétude.  Et s’il m’a déjà parlé de sa mère, de ses frères, je crois c’est la première fois qu’il me parle d’Emma. Rien qu’une phrase. C’est mieux que rien. Je reprends d’une voix douce. « Je comprends. Elle l’était ça ne fait aucun doute. Mais tu ne peux pas mettre les gens sous cloche pour les protéger. Tout ce qu’on peut faire c’est être prudent et… prendre soin de ceux qu’on aime. Et c’est ce que tu fais, tous les jours, du mieux que tu peux. » Il en est conscient, n’est-ce pas ? « Et tu n’es pas responsable de ce qui peut se passer. » Je frôle de nouveau ses lèvres. « Je serais prudente, c’est promis. Et toi aussi. Je n’ai pas non plus envie de te perdre. »