Virulente, elle pouvait l'être. Loin d'elle l'envie d'être désagréable à l'instant T pourtant, ce n'était simplement que parce qu'elle ne voyait pas l'initiative de Lukas comme ce « rien » prononcé plus tôt. Mais peut-être qu'évoquer le Colonel, l'ancien régime, avait tendance à raviver des cicatrices psychologiques. Elles étaient trop nombreuses à en avoir souffert, plus encore à avoir perdu ce qui était pourtant précieux et souvent trop sous-estimé : leur confiance en elles, leur estime d'elles mêmes. Fort heureusement Lukas n'était pas de ceux qui prenaient la mouche ou, si c'était le cas, il n'en montrait rien et avait plutôt tendance à apaiser les flammes avant qu'elles ne dévorent tout. Wilson avait parfaitement conscience qu'il n'était responsable de rien et qu'il avait raison. Les erreurs passées, lorsqu'on s'en relevait, on évitait de les reproduire. Il fallait du temps, de la patience, il faudrait davantage travailler à effacer des années de propagande bien ancrées dans la tête des gens, mais ce n'était pas impossible.

C'était comme tout, il fallait du temps. Ici, il fallait laisser le général Phillips œuvrait au mieux pour leur permettre de sortir la tête de l'eau, de se reconstruire, de prospérer. Cet homme, bien qu'elle ne le connaissait que de vue, Diaz l'admirait pour ce qu'il avait fait. Il fallait du courage, de la poigne pour ainsi renverser la vapeur, il en fallait tout autant pour tenir bon face aux répercutions. Car il y en avait, il y avait des réticents, pire que ça encore, certains ne juraient toujours que par Richardson.

Enfin, Il lui avait quémandé de tirer et ce fut ce qu'elle fit pour un résultat bien moins glorieux que lorsqu'il s'agissait de la réplique de Glock. Baissant l'arme, après une plaisanterie qui dilua les émotions négatives prisonnières de sa poitrine, la Mexicaine rouvrit la bouche.

Si, Répondit-elle, à retardement, dans sa langue maternelle. même pour autre chose, si tu as ou avais besoin d'mon aide, je te la donnerai. Si les rôles étaient inversés, bien sûr qu'elle l'aiderait. Le chemin du sang dans ses veines redevint plus normal. Lukas pourrait être fier si elle atteignait un bon niveau, elle serait fière d'elle et du chemin parcouru tout autant. Cependant, pour l'heure, il valait mieux laisser la véritable arme à l'expert. Les munitions étaient précieuses, les billes bien moins. Un échange de crosse plus tard et Diaz reprit. Lukas l'observait, elle sentait son regard peser sur elle mais ça n'avait rien d'hostile, bien au contraire. Il pouvait la guider si, toutefois, elle se positionnait mal. La mère de famille pressa donc la détente, avec mesure néanmoins, jusqu'au cliquetis lui signifiant que le chargeur était vide, comme le brun le lui avait demandé plus tôt. Le résultat était mitigé, certaines billes bien placées, pas assez néanmoins en comparaison des impacts tous figés en dehors de la cible. Elle humecta ses lèvres et dévia le regard vers l'objet métallique qu'il ramenait près d'elle avant de saisir l'arme entre ses doigts. Diaz se taisait, observait sans en perdre une miette, attentive au moindre geste de son professeur et, quand vint son tour, elle imita chaque geste, lentement pour qu'il puisse la stopper au besoin, avant de redresser les yeux pour obtenir son verdict. ¿  Bien ?  Interrogea-t-elle. Quinze balles, c'est ça ? C'est aussi quelque chose qu'il faut que je prenne en compte pour éviter les « surprises ».

Elle travaillait bien, appliquée, méthodique dans sa façon de faire, si elle lui avait demandé ce coup de main ce n'était pas pour ne pas le faire correctement après tout. Satisfaite d'elle, elle opina lorsqu'il lui répondit qu'effectivement il y avait bien quinze balles dans le chargeur qu'elle venait de replacer dans le Glock factice. Mais ce n'était pas le cas pour tous les modèles, elle en avait conscience. Certaines armes, qu'on nommaient pistolets et non pas revolvers, étaient munies d'un barillet de six balles, d'autres, dont elle ne connaissait malheureusement pas les noms, pouvaient contenir plus de douilles. Quant au fait de remplir seule ses chargeurs, Diaz opina en imaginait qu'il lui montrerait comment procéder en temps voulu.

Chaque chose en son temps. Pour le moment, elle s'appliquait à suivre ce qu'il trouvait judicieux de lui enseigner. Monter, démonter son arme, charger, décharger celle-ci... Nettoyer au mieux l'outil pour ne pas qu'il s'enraye au plus mauvais moment possible. Si elle avait vu James se charger de ça, elle n'imaginait pas que ce fut si important. On devait prendre soin d'une arme, plus encore depuis que celle-ci pouvait préserver votre existence.

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Tous les trois jours ils avaient l'habitude de se retrouver pour constater les progrès de la Mexicaine, tout autant pour progresser dans l'apprentissage. Diaz appréciait ces instants, pas car elle aimait le fait de manier un outil capable d'ôter la vie, lorsqu'on visait les points stratégiques de l'anatomie, davantage car cela la changeait d'un quotidien réglé comme du papier à musique.

Chaque matin il fallait préparer Alba à l'école, chaque midi elle allait la chercher pour le déjeuner puis la déposait de nouveau pour l'après midi. Ensuite elle la récupérait en fin de journée, c'en suivait le dîner puis un temps calme où elle tâchait de distraire sa fille du mieux qu'elle pouvait. Ajouté à ça les tâches ménagères, le travail du côté des bêtes présentes dans l'enceinte, l'application des cours que lui donnait Lukas, et la fatigue ne la lâchait jamais vraiment. Mais malgré tout, Wilson s'estimait chanceuse. Chanceuse d'être en vie, à l’abri. Chanceuse de savoir sa fille bien vivante, équilibrée et heureuse. La fillette ne connaîtrait pourtant que ce monde. Sa mère en ayant pleinement conscience faisait donc tout pour que cet univers lui fut agréable à vivre.

A nouveau, ce jour là, elle allait retrouver Lukas. En avance, comme d'accoutumé, la brune lui avait donné rendez vous à Washington Park comme elle le faisait à chacune de leur entrevue. Chaque soir j'la démonte, la remonte. Je nettoie ce qui doit l'être et, … j'me sers du miroir sur pieds, dans l'appartement, pour ajuster ma position. A dire vrai, elle n'osait pas ce rendre à l'armurerie sans lui, pas par crainte de ne pas être bien vue par certaines personnes, davantage par peur de devenir plus virulente si on le lui interdisait. Les fusils donc, Reprit-elle en lui emboîtant le pas pour rejoindre le lieu d'enseignement. là, hormis ceux vus dans le films d'action, j'y connais rien du tout. Il y avait tout à apprendre de ce côté. J'espère juste que le rythme de nos rencontres n't'empêche pas de faire ce que tu dois faire Lukas, n'hésite pas à m'le dire surtout.

D'ici un mois, si elle se pliait parfaitement à cette routine, Lukas pourrait la recommander pour quelques rondes extérieures. La brune en esquissa un sourire de coin et redressa les cils vers le ciel d'été. L'enceinte était confortable, bien plus vivable depuis le changement de régime, mais pouvoir aider autrement qu'avec ses propres connaissances, lui faisait envie. Bien entendu elle pensait à sa fille, à sa sécurité, mais si elle était apte à se défendre après coup, après l'effort qu'elle fournissait chaque fois un peu plus grâce à l'aide du jeune homme, alors elle saurait défendre Alba tout autant. Quant au « soins d'urgence » elle dévia les yeux du ciel vers le profil de son professeur. Là encore elle serait en mesure et complètement d'accord pour en apprendre davantage, sauver des vies, dans ce monde, était capital.

Déja l'armurerie s'offrait à eux, une fois passée le seuil, Diaz déposa son sac dans l'un des recoins de la pièce, comme elle en avait l'habitude à chacun de leur passage. Mains dans les poches arrières de son jean, elle observa le brun qui répondait que, s'il en était cas, si leurs entrevues l'empêchaient un jour de faire ce qu'il devait ou voulait faire, il le lui dirait. Les heures d'école sont parfaites pour ça, Alba apprenait elle aussi durant me temps que sa mère passait avec lui. J'me débrouille, c'est un peu …. elle et moi désormais. Plus de père pour prendre soin de la petite mais peu importait, elle préférait davantage ce portrait de famille ci que celui sur lequel James était encore en vie. Le Laissant préparer les armes du jour, elle s'approcha du stand pour observer les cibles vierges. Un instant de réflexion comme un autre. Je tâcherai d'me présenter à l’hôpital, je pourrai y, Une seconde marqua le temps qu'elle mit à choisir le bon mot. "étoffer" mes connaissances médicales.

Même si elle restait pudique, qu'elle montrait rarement ce qui se tramait en elle et dans le creux de son crâne, l'une de leur première discussion lui était revenue. Il avait pu devenir pilote et, d'après lui, elle pouvait tout autant trouver une véritable voie ici. Qu'il s'agisse de médecine vétérinaire ou autre. Lukas lui avait montré qu'il était possible de changer bien des choses si on y mettait du sien. La Mexicaine l'observa à nouveau et lui offrit un sourire sincère. Pour l'heure ils en revenaient à l'entraînement et au fusil qu'il lui tendit en lui expliquant les bases. Elle assimila les précautions, tout autant que l'endroit où se trouvait la mire, puis réceptionna l'arme tout en jaugeant son poids et en la ramenant crosse à l’articulation de son épaule droite, comme il le lui avait dit. A nouveau il usa de cette proximité pour ajuster sa position. Cette fois, ayant l'habitude, elle ne trouvait pas ça étrange ou dérangeant. Lukas lui enseignait simplement ce qu'il y avait à connaître, s'il restait dans son dos, ce n'était que pour constater que son élève avait parfaitement compris.

Comme pour la première fois de toute, Diaz se positionna comme il le lui avait enseigné, ajusta sa visée, en prenant compte du poids du fusil, retira la sécurité qu'il venait de lui montrer, puis visa sans jamais bloquer sa respiration. Doigt sur la gâchette Wilson la pressa et sentit son épaule reculer d'un coup sec. C'était douloureux mais certainement normal, ce n'était pas déboîté. Cependant la déflagration faisait vibrer un léger acouphène dans le creux de ses oreilles. De surprise, elle avait clos les paupières, tout autant que reculé au point de heurter le buste du jeune homme. Perdóname, j'suis désolée, Replaçant la sécurité, sans encore observer où s'était fichée la balle, elle tourna la tête pour croiser le regard du brun. j'comprends qu'on puisse se démettre une épaule. Tu peux me montrer ? La première fois, il lui avait fait la démonstration et elle avait pu scruter ses gestes avec attention.

Elles étaient ensemble oui, c'était sans doute la plus belle chose, arrivée au pire moment cela dit, qui ressortait de ces dernière années. Alba était ce qu'elle avait de plus précieux, de plus beau et sans doute que sans elle, Diaz n'aurait peut-être pas tenue. Mais pour l'heure, son esprit était bien plus occupé à ce qu'elle devait apprendre. L'arme en main, Diaz vit directement la différence, avec leur première séance, au point d'en vaciller quelque peu. Retenue par Lucas, elle sécurisa le fusil et s'enquit de ne pas lui avoir fait mal. Le brun aussi d'ailleurs. Non, ça va ... Une petite douleur, sans doute quand la crosse s'était enfoncée dans l'articulation mais rien de réellement difficile. Mieux valait qu'il lui montre, qu'elle puisse ainsi l'observer et mieux comprendre comment se tenir.

Le fusil rejoignit les mains de Lucas qui ne tarda plus à se placer. Précis, net. Elle scruta le moindre détail puis redressa les yeux de la position de ses jambes jusqu'à la crosse, un bref sursaut au premier tir puis les deux autres résonnèrent autour d'eux tandis qu'elle déviait le regard vers la cible. Des tirs parfaits. Ça devrait aller, le voir faire c'est toujours mieux. Elle avait toujours beaucoup scruter lorsqu'elle était été arrivée dans le cabinet du Docteur Lane, parfois ses propres gestes se rappelaient à ceux du vétérinaire qui avait eu la bonté de l'accueillir pour sa formation. Désormais, elle se calquait sur Lucas et tâchait de s'appliquer au mieux.

La crosse est plus lourde que le reste, j'ai du mal à trouver l'endroit où retenir le canon, d'ma main libre, pour équilibrer. Lui précisa la Mexicaine en remarquant que pour lui, c'était instinctif. Mais j'vais persévérer. Elle ne mettrait certainement pas dans le mille directement mais à force de pratique on parvenait toujours à quelque chose. Rapidement, elle glissa la main dans sa poche et agrippa un élastique dans le fond de celle-ci. Il rejoignit sa bouche le temps que ses mains s'attardaient à redresser ses cheveux puis elle noua ceux-ci tout en remarquant que le chouchou était l'un de ceux de sa petite fille. Tu … tu as …. des enfants ?

Elle ne l'avait jamais vu avec des enfants, sa question pouvait tout autant évoquer le passé et le blessé, ce n'était pas ce qu'elle voulait mais, en apprendre un peu plus sur lui, bien qu'ils se contentaient d’entraînements, ne pouvait certainement pas lui faire de mal, bien au contraire. C'était la preuve qu'une certaine confiance s'installait.