Avec la menace des Croatoans qui continue de planer au-dessus de nos têtes, je dois dire que j'ai bien du mal à rester statique. J'ai encore cette envie de leur faire payer la balle qu'ils m'ont tiré dans la cuisse. De leur faire payer ce qu'ils ont fait à Waban. Et franchement, je crois que je ne serais vraiment pas contre l'idée d'en trucider un ou deux. Mais d'un autre côté, j'ai parfaitement conscience que si ça devait arriver, je risquerais d'être criblée de balles avant d'avoir le temps de vraiment pouvoir les emmerder suffisamment. Bref.

Secouant la tête, je sors de mes pensées et tire légèrement sur les rênes de Milky-Way pour le faire ralentir. Mon regard balaie les alentours et force est de constater que pour l'instant les environs ont l'air relativement calmes. C'est pas plus mal. Quoi que je crains toujours que ce ne soit que le calme avant la tempête. Peut-être que c'est pour ça que je suis constamment sur le qui-vive. Enfin, c'est peut-être pas plus mal.

Progressant encore un petit peu dans ma ronde, je finis par faire s'arrêter ma monture lorsque j'ai l'impression d'entendre une voix. Est-ce que j'hallucine ? Fronçant les sourcils, je me concentre et tends l'oreille. Non, j'ai pas rêvé. Silencieuse, je descends de cheval et viens saisir mon couteau, préférant garder ma lance dans mon dos pour l'instant. Ce sera potentiellement plus pratique si jamais je devais prendre un quelconque adversaire par surprise.

J'avance, discrète et ayant l'avantage de connaître presque parfaitement les environs maintenant, jusqu'à me tapir dans l'ombre d'un buisson lorsque j'aperçois la silhouette d'une femme. J'ignore qui elle est, mais une chose est sûre : elle n'est pas des nôtres. Et donc, par principe, j'ai pas spécialement envie de la laisser progresser jusqu'à ce qu'elle puisse potentiellement tomber sur notre camp. Attendant qu'elle ait encore fait quelques pas, je sors de ma cachette, bondissant sur elle et la plaquant au sol. Je pose un genou entre ses omoplates, ma lame venant prendre place à proximité de sa gorge.

T'as trente secondes pour me dire qui tu es, ce que tu fais ici et qui t'envoie. Je pense que c'est relativement clair, non ?

Ce qu'il y a de bien dans le fait de ne pas dépendre d'une quelconque faction, c'est d'être libre, littéralement de faire ce que l'on a envie de faire. Mais évidemment, il y a tous les inconvénients qui en découlent. Ne pas toujours manger à sa faim, être en permanence sur le qui-vive pour ne pas se laisser surprendre. Mais avec Alek, nous avons rapidement trouvé une façon de survivre et de faire la route ensemble et cela, pour notre plus grand plaisir. L'homme est clairement le compagnon dont j'avais besoin, et, même si Marvin n'est jamais loin, avoir de la compagnie humaine n'est finalement pas si désagréable. Surtout quand il partage le même mode de vie que soi. Ici, en l'occurrence, piller, vandaliser, menacer, tuer s'il le faut. Et je dois dire qu'il s'agit pour moi de la meilleure thérapie du monde, car j'arrive à diriger toute ma colère et mes sentiments négatifs sur de parfaits inconnus. Est-ce que c'était mérité ? Je ne pense absolument pas, mais ça faisait clairement un bien fou.

Il arrivait aussi parfois qu'Alek aille de son côté quelques jours, nous permettant de nous retrouver plus tard pour reprendre nos douteuses activités. Et c'était le cas aujourd'hui, alors j'avais décidé d'aller explorer un peu cette réserve. Riche en nourriture et calme, j'avais aussi compris qu'un camp important semblait se trouvait non loin de là. Je ne savais pas s'ils étaient disposés à accueillir des inconnus, même si nous accueillir Alek et moi aurait été à leurs risques et périls. J'avais surtout eu dans l'idée que les grandes communautés étaient bien plus compliquées à déstabiliser et que cela s'avérait souvent jouer à un jeu beaucoup trop dangereux pour ce que ça pouvait potentiellement nous rapporter.



Marchant sans trop me soucier de mon environnement, faisant confiance à mon chien en cas de danger, je n'entends pas les pas derrière moi et me retrouve soudainement au sol, un genou dans le dos, un couteau à la gorge. J'étouffe un rire qui se perd dans une toux sèche. Ma joue contre le sol, j'essaie de tourner mon regard au maximum sur l'inconnue qui me maintient au sol, décidément en ce moment ... J'écoute ce qu'elle me dit et finis par rire à nouveau, levant légèrement mes avants bras et mes mains comme pour signifier que je me rendais. Tout doux Minerva, tu vois bien que je suis toute seule. Qui m'envoie ? Ma propre bêtise sûrement parce que comme dans mes habitudes je rajoute en continuant de rire légèrement : Et puis tu sais, je peux faire beaucoup plus de choses en trente secondes que de répondre à ces fameuses questions du premier date. Tiens ta langue un peu, Lexie !

La présence d'une intruse dans les parages n'est vraiment pas pour me rassurer. Et on va dire qu'en ce moment je suis déjà suffisamment sur les nerfs pour ne pas avoir besoin de ça en plus. Chaque fibre de mon corps est plus tendue qu'un arc, ma lame se presse contre la gorge de la femme que je maintiens au sol. Je ne suis pas là pour plaisanter et je crois qu'elle ne l'a pas bien compris.

Son rire m'irrite plus qu'il ne pourrait m'amuser, même si j'étais dans de bonnes conditions. Est-ce qu'elle se croit réellement en position de force ? J'appuie un peu plus fort mon genou entre ses omoplates, de quoi rendre la position encore davantage désagréable pour elle. Seule ou pas, je m'en fiche, ce n'était pas ma question. Garde tes plaisanteries pour ceux que ça amuse. Je t'ai posé des questions et tu vas y répondre rapidement si tu veux pas que ça finisse très mal pour toi.

C'est à ce moment là que je sens une présence derrière moi. Seule mon cul ouais ! Je peste, tourne la tête sans pour autant rendre ma prise plus faible. Un chien. Le voilà qui m'observe, commence retrousser ses babines et grogner. J'aime pas faire de mal inutilement aux animaux. Mais j'hésiterai pas à le tuer si nécessaire. Calme ton animal ou c'est le prochain à qui je fais la peau. Je vais pas me répéter trente fois. Qui es-tu, qu'est-ce que tu fais ici et pour qui est-ce que tu travailles? Si elle faisait partie des Croatoans – ce qui m'étonnerait quand même un peu vu sa dégaine – elle aurait de l'équipement, serait propre sur elle. Alors que là, difficile de ne pas se rendre compte que ça doit faire un moment qu'elle n'a pas vraiment pu faire un brin de toilette ou se changer.

J'ai pas que ça à faire de perdre du temps à tuer inutilement, mais si tu continues de jouer avec ma patience je ferai une exception. Parle !

Bon, je sens bien que la belle n'est pas d'humeur à trop plaisanter, c'est le risque quand on se balade seule ou en tant que marginale, on se fait beaucoup plus souvent des ennemis que des amis, Alek était simplement une exception. Une très belle exception. Je sens que sa lame se fait plus pressante sur ma gorge et je comprends aussi du coup, qu'il ne faut pas que je fasse trop la maline. Marvin essaie de me protéger mais si ça a fait son petit effet sur mon nouveau compagnon de route, la femme sur moi elle, ne se laisse clairement pas impressionner et si je me fiche pas mal de ce qu'elle pourrait me faire, hors de question qu'elle touche mon chien. Un sifflement, rapide et efficace et voilà que le chien se calme et se couche, continuant de nous observer. Ça va, ça va, regarde, il te fera rien que je commence. Et moi non plus, ok ? Je ne suis pas là pour chercher des ennuis, je voyage juste à la recherche de quelques vivres ou de choses à troquer que je continue. Pas le choix, je dois me plier à sa volonté sinon je vais y passer c'est sûr.

J'essaie de me défaire de sa prise, mais la lionne ne lâche pas, je sais pas vraiment comment je pourrais faire pour lui prouver que ce que je lui dit est vrai. Alors tant pis, je dois lui en dire un peu plus. Je viens de Tortuga, ok ? J'étais dans un groupe, les Rogues, avant j'étais sur la péniche. J'ai ... J'ai eu besoin de prendre mes distances. J'te jure que je m'attaque qu'à ceux qui ne peuvent pas se défendre. Ouai, zéro honte. Et ... Enfin, tu vois bien que t'es plus du genre à prendre les choses en main. Bon, ne chassons pas trop vite le naturel n'est-ce pas ?

Et puis là je commence à en avoir marre d'être allongé sur le sol froid. Bon alors ? Tu me laisses me lever ou tu comptes me câliner encore un peu ? Pas que tu ne me plais pas ... Mais j'ai un peu froid tu vois ?

Difficile d'ignorer la tension dans mes muscles, mon cœur qui tambourine dans mes tempes alors que j'entends encore les grognements de son chien dans mon dos. Par principe, je ne suis pas spécialement pour la violence contre les animaux. Elle me dérange étrangement beaucoup plus que celle envers les humains. Mais si je n'ai pas le choix, je me défendrai. Quoi qu'il en soit, il semblerait que notre grande humoriste finisse par percuter que je ne suis pas là pour assister à son spectacle improvisé. Elle décide même de siffler pour calmer son animal. Même si elle débranche suffisamment rapidement ses neurones pour reprendre ses sous-entendus. Si j'étais pas en couple et potentiellement face à une ennemie, ses avances auraient pu me plaire. Sauf que du coup c'est pas le cas.

Silencieuse, je l'écoute simplement me donner enfin les informations que je lui demande depuis tout à l'heure. C'est pas trop tôt, j'ai bien failli attendre. Prenant une grande inspiration, je réduis progressivement la pression de ma lame sur sa gorge pour finalement la retirer. Elle n'a pas l'air d'essayer de me mener en bateau. Et si jamais c'est le cas, ma foi, je n'hésiterai pas à lui ôter la vie si elle tente quelque chose de stupide. Ce qui a l'air d'être particulièrement son genre, on ne va pas se mentir.

Je me redresse, lui laissant le champ libre pour qu'elle puisse se relever. Et si par réflexe je lui tends mon bras pour l'aider à se remettre sur ses pieds, je ne fais même pas attention au fait qu'il s'agisse de celui ayant été amputé. J'ai tellement pris l'habitude maintenant, et les miens également, que ça ne me vient même plus à l'esprit d'y faire attention. Et donc tu es simplement... perdue ? Quelque chose comme ça ? Qu'est-ce qui t'a fait venir dans le coin ? Le hasard ? Ou tu as été guidée vers ici? Même si j'imagine mal les Croatoans s'abaisser à ce genre de choses alors qu'ils n'en auraient pas vraiment besoin, on n'est jamais trop prudents.

Tortuga, hm ? Les Rogues ? Dit m'en plus. En échange, je pourrai peut-être t'aider à trouver un endroit où te reposer temporairement, et de quoi manger un peu. Par contre si elle espère quoi que ce soit d'autre, ou que je l'emmènerai jusqu'à notre campement, elle rêve.

Finalement, la guerrière sexy semble se calmer et pour mon plus grand soulagement, me croire aussi. Et elle fait bien car si je suis manipulatrice, je suis loin d'être stupide, en tout cas, pas ici en tout cas pour ne pas comprendre que cette proie est trop intelligente et forte pour moi toute seule. Avec Alek, ça aurait été une toute autre histoire mais là ... Je ne fais pas le poids clairement. Je n'ai jamais été une combattante guérie et je ne m'en cache pas. Je suis de celle qui envoie les autres se battre pour moi, se casser un ongle, contrairement à ce que l'on croit,  scrogneugneu ça fait terriblement mal !

Enfin, en tout cas, je ressent sa lame qui se défait doucement de mon cou et encore une fois, je suis soulagée de voir qu'elle ne va pas me tuer, qu'elle m'aide même à me relever. Sacrebleu, j'ai cru que j'allais y passer. Parfois de jouer seule c'est jouer à un jeu dangereux car si je n'avais pas eu Marvin, ou si elle n'avait pas preuve d'un peu de bon sens, j'y serais restée cette fois-ci. Je me relève, m'essuie les fesses et pose mon regard sur la jolie rouquine. Oui. Et j'hésite. Et non que je rajoute. J'suis pas spécialement perdue, je me balade juste. J'suis sur les routes depuis quelques semaines, comme je te l'ai dit, j'ai eu besoin de me changer les idées. Avec ce qu'il m'était arrivé, j'avais complètement perdu l'esprit. Plus rien n'importait à part ... Me faire plaisir et penser à moi. Techniquement j'ai un ami qui traine aussi dans le coin, il avait deux trois trucs à régler, et ... En attendant et bah ... J'fais le tour du proprio. Je hausse les épaules et fait un petit signe à Marvin qui vient se coller à mes jambes.

Et je rigole à sa dernière remarque. M'aider ? Qui te dit que j'ai besoin d'aide ? Même si, clairement, elle n'a pas tort. Avec Alek on est complémentaire et honnêtement, on s'en sort vraiment pas mal, mais j'ai clairement perdu en confort et en stabilité depuis que je suis partie de chez les Rogues, même si en contrepartie je suis totalement libre de faire ce que je veux. Mais bon, comme ici, je sais que je n'obtiendrais rien de la guerrière en face de moi, surtout si je me met à la blastengier,  j'décide de jouer le jeu. Mais ... J'dis pas non à un petit coup de pouce. Je récupère mon sac avec toutes mes affaires. J'dirais pas non à un petit truc pour l'hygiène. Depuis que je suis partie faut dire qu'elle laisse un peu à désirer. Du coup, tu veux savoir quoi ? que je lui demande avant de répondre déjà un peu, histoire de lui montrer que je suis de son côté et pas contre elle. Les Rogues, c'est les anciens Gentle Bastards, je sais pas si tu as entendu parler d'eux. On avait une péniche et avant on avait la Cage à Seattle. Là où les combattants se trouvaient pour se battre pour des ressources et de l'alcool, principalement. Et je continue de l'observer. J'suis sûr que t'aurais fait une championne dans ta catégorie. D'ailleurs, on cherche toujours des combattants. J'sais pas si ça va vraiment l'intéresser mais après tout, qui ne tente rien n'a rien n'est-ce pas ? Et puis, je décide moi aussi de poser des questions. Histoire que je sache aussi avec qui je converse. Et toi alors ? T'es du coin ? T'as l'air de connaître l'endroit je me trompe ?

Si je laisse cette inconnue se relever, ce n'est pas pour autant que je baisse ma garde. Tendant l'oreille et observant du coin de l’œil, je continue de surveiller les mouvements de son chien au cas où. Certains sont si bien dressés qu'un simple geste à peine perceptible pour moi pourrait être un déclencheur d'une attaque surprise de sa part. Mieux vaut rester prudente. Surtout que je n'ai évidemment aucune confiance en la femme qui se trouve devant moi. Son comportement m'insupporte, sa prétention et ses fausses allures de princesse me donnent envie de vomir ou de les lui arracher définitivement de la bouche en même temps que sa langue trop bien pendue.

A sa question sur le fait que je me doute qu'elle soit perdue, je me contente de hausser un sourcil dubitatif dans sa direction. Elle est sérieusement en train de prétendre le contraire alors que sa seule chance pour que je ne la prenne pas définitivement pour une ennemie est qu'elle soit arrivée ici par hasard ? Mais c'est pas possible, elle a un QI de poule cette fille. Un soupir m'échappe et je décide pour l'instant de laisser couler. Sauf que voilà qu'elle monte à nouveau sur ses grands chevaux en prétendant ne pas avoir besoin d'aide. Dans ce cas je peux simplement t'abandonner à ton sort ici et attendre que tu fasses quelque chose de stupide pour avoir une raison valable de te tuer, si tu n'as pas besoin d'aide et que tu sais parfaitement ce que tu fais. Moi, ça ne me dérangera pas. Un nuisible de moins dans les alentours du camp ne fera certainement de mal à personne.

Cependant, je préfère attendre avant de créer un potentiel incident diplomatique puisqu'elle me dit faire partie d'un groupe de survivants installés dans un endroit nommé Tortuga. Sur le coup, ça ne me dit rien. Ou du moins, pas jusqu'à ce qu'elle me parle des Gentle Bastards et de la cage. Lors de mon court passage au No Man's Land avant qu'il ne soit réquisitionné – comme le reste de la ville – par New Eden, j'ai pu assister à quelques soirées dans cet endroit. Je croyais que tout avait été détruit par New Eden lorsqu'ils ont pris possession de Seattle. En somme, elle comprendra certainement que j'ai connu les lieux. Quant au reste, à sa proposition d'être combattante, je me contente d'ignorer ses mots. Je n'ai pas besoin de me donner en spectacle pour des paris sportifs truqués alors que je suis de toute manière déjà une combattante d'élite dans mon propre groupe. Et pas pour le show.

Disons que ça fait un petit moment que je vis dans les alentours. Alors oui, on apprend. A se repérer, à protéger son territoire. Donc tu fais partie des Gentle Bastards ? Enfin, des Rogues, d'après ce que tu dis. Je ne comprends pas pourquoi ils ont changé de nom, mais ça les regarde. Ce n'est pas mon problème. Dans ce cas, qu'est-ce que tu fais si loin de chez toi ? Se « changer les idées » en arpentant les routes de nos jours est relativement... j'hésite entre « original » et « stupide ». D'autant que pour venir jusqu'ici, tu dois bien avoir des raisons. Généralement, les gens ne viennent pas se perdre dans le coin par hasard.