Impossible de savoir ne serait-ce qu’à peu près l’heure qu’il est. Le peu de lumière qui filtre à travers la fenêtre mal barricadée de la pièce où ils se trouvent tous les quatre ne fait qu’accentuer le sentiment de claustrophobie qui vient enserrer Louve à la gorge. Blottie contre Lewis dans le coin le plus éloigné de la porte, emmitouflée dans une couverture en laine chaude mais en peu rêche, la jeune femme est incapable de se laisser aller au sommeil. Sous sa tête, la poitrine du blond se soulève à un rythme lent et régulier, et malgré le fait qu’il soit endormi, le bras qu’il a passé autour de ses épaules la tient pressée contre lui dans une étreinte sécurisante. L’obstétricienne tente de se laisser bercer par le bruit de sa respiration, mais rien ne parvient à étouffer l’angoisse qui lui plombe l’estomac depuis leur départ de la réserve.

Un mouvement à côté d’elle lui indique que Violet ne dort pas non plus, occupée à faire dieu sait quoi pour passer le temps en attendant que vienne son tour de garde. Pour le moment, c’est Nihima qui s’en charge, et sa silhouette aussi raide que la justice elle-même se découpe à l’encadrure de la porte dans le clair-obscur de la pièce. Déjà deux jours qu’ils sont là, à fouiller les armoires et les meubles à la recherche de médicaments et de fournitures médicales. Le centre de santé est gigantesque, et les couloirs à demi effondrés couplés aux brancards et fauteuils renversés dans les couloirs ne permettent pas une progression rapide à travers les lieux. D’autant que la présence potentielle de rôdeurs et de spores les pousse à faire preuve de la plus grande prudence à chaque fois qu’ils pénètrent dans un nouveau couloir. En silence, la brune resserre les pans de sa couverture contre elle pour lutter contre le froid ambiant.

Pour un peu, cette garde la ramènerait à leur expédition de l'année d'avant, alors qu'ils quittaient Tacoma pour White Swan. Dans cette obscurité quasi constante, cette humidité qui infiltrait les vêtements, ou ce froid mordant qui venait percer sa peau alors qu'elle s'efforçait de rester immobile, ignorant la buée que sa respiration pouvait faire. Son regard fixé sur les environs pour permettre à l'escouade de se reposer, alors qu'un bref claquement de doigt de Vi lui arrache un esquisse de soupir. Non, définitivement, personne ne dormait. Comment pouvait-elle leur en vouloir, quand le batiment dans lequel ils se trouvaient depuis deux jours empestait la désolation, et que les Esprits semblaient venir errer dans les lieux ?

Rien à signaler. Lâche t-elle finalement à Daryl qui surgit dans son dos au revenir de sa ronde, devinant sans mal le brun étouffer un juron. Certaines habitudes ne parvenaient pas à être retenues de sa part, visiblement. Comme le fait qu'il avait le pas aussi lourd qu'un ivrogne. Y'a des morts, quelque part. J'ai pas trouvé ou, mais ... Y'a assez de râles à cet étage pour que ça devienne problématique. L'idée lui fait froncer les sourcils, quoi qu'elle n'émette pas le moindre commentaire à l'idée. Se contentant de se relever brièvement en rejetant les pans de sa cape à l'arrière de son épaule, captant le regard de Vi et Louve. Fin de la nuit. annonce t-elle aux deux femmes, alors que Daryl se charge de réveiller Ohankô et Aponi. Il y à des morts dans les environs. On les neutralise, avant de continuer les fouilles.

Avec une tendresse qu’elle n’essaye même pas de dissimuler, ses yeux se posent sur le visage détendu de Lewis. Il ne devrait même pas être là, mais depuis qu’elle est revenue à la réserve, l’agriculteur semble s’être donné pour mission de ne plus la quitter d’une semelle, et c’est probablement la seule chose qui l’empêche de se noyer dans les vagues saumâtres de ses tourments. Elle se repose trop sur lui pour rester à flot, et ce n’est pas peut-être pas la manière la plus saine d’affronter ce qu’elle a vécu, mais égoïstement, elle n’a pas envie que les choses changent. Le simple fait de l’avoir retrouvé ici après toutes ces années fait naître les premières étincelles d’un espoir qu’elle n’avait plus ressenti depuis longtemps. Un claquement de doigt discret l’arrache à sa contemplation, et son attention se reporte sur la rouquine assise plus loin. « Ne t’en fais pas pour moi, tout va bien. Et toi ? » Elle signe doucement et avec précaution pour ne pas réveiller Lewis, profitant du moment pour jeter un regard appuyé sur le ventre de son amie avant de hausser un sourcil inquisiteur dans sa direction comme pour lui faire comprendre qu’elle sait. Par la force des choses, certains changements physiologiques lors des premières semaines de grossesse lui sautent vite aux yeux.

Elle n’a rien dit à personne – mue à la fois par son respect du secret médical et par son amitié pour la jeune femme et son compagnon, mais ça ne l’empêche de pas s’inquiéter à l’idée de la savoir dehors dans cet état. Le retour de Daryl l’arrache finalement à ses pensées, et les bribes qu’elle perçoit de sa conversation murmurée avec Nihima remet tous ses sens en alerte en un claquement de doigt, la poussant à s’arracher à l’étreinte confortable du blond. Suite à l’ordre de la native, elle s’empresse de le réveiller, tachant de s’y prendre avec le plus de douceur possible pour éviter de le surprendre. « Lewis, réveille-toi. » Il semble mettre plusieurs secondes à se rappeler de l’endroit où il se trouve, encore perdu dans les brumes de son sommeil, mais la menace annoncée par Nihima à voix basse achève de le réveiller totalement. Il se relève en souplesse et tend une main en direction de l’obstétricienne pour l’aider à faire de même, pressant doucement ses doigts entre les siens dans un geste de réconfort lorsqu’elle s’exécute. « Reste près de moi, d’accord ? » Elle hoche la tête, lui offrant l’ombre d’un sourire reconnaissant, et c’est côte à côte qu’ils rejoignent le reste du groupe afin d’attendre de recevoir des directives. L’une de ses mains effleure le couteau qu’elle porte à la ceinture, juste pour s’assurer de sa présence.

Elle fronce les sourcils, à l'affût des échos qui lui reviennent alors que chacun se prépare. Tournant brièvement la tête vers le couloir de gauche, ou le bruit semble plus élevé alors qu'elle devine la présence de Vi dans son dos, rapidement  confirmée par sa question. Tu reste avec moi. En retrait. Et le regard glacé qu'elle lui offre ne souffre d'aucun refus, alors qu'elle reprends pour n'éveiller aucun soupçon. Je pars en éclaireur, j'ai besoin que tu couvres mes arrières en cas de repli immédiat. Le sol ne semble pas stable. Tant par les fissures qui se devinent, que l'hélicoptère crashé en haut du bâtiment qui avait dû endommager la structure d'ensemble. Pour ce qu'elle en connaissait du moins...  

Lewis, Louve. Un bref regard pour le couple, alors qu'elle avise Daryl d'un signe de tête. Daryl prends la tête de votre équipe. S'il vous ordonne de vous cacher ou de vous enfuir, vous l'écoutez. Il en allait de leur sécurité. Et si elle connaissait suffisamment pour son élève et son sang froid pour savoir à quoi s'attendre, Louve et Lewis n'étaient pour l'heure pas assez formés pour qu'elle puisse en penser autant. Emmènes les en direction des salles de stockage, voir s'ils peuvent récupérer des médicaments spécifiques. On se charge des morts potentiels, et on vous rejoint. La lame de son épée chuintant à la sortie de son fourreau, alors qu'elle observe ses interlocuteurs. S'il y à des questions, c'est maintenant.

Si Violet semble d’abord surprise lorsque Louve désigne son ventre d’un geste discret, elle est toutefois rapide à comprendre ce qu’implique l’ancien métier de la médic, et après lui avoir répondu par la positive, elle lui demande de garder le secret. « Promis » signe la brune avec un petit sourire sur les lèvres pour tenter de la rassurer sur ses intentions. Les vêtements qu’elle porte rendent difficile toutes estimations précises de l’avancée de son état, mais au vu des premiers changements physiologiques chez elle, elle ne doit pas être à plus de huit ou neuf semaines. Avant l’apocalypse, il était déjà plutôt délicat d’annoncer une grossesse avant les trois premiers mois, alors vu les conditions sanitaires et médicales dans lesquelles ils évoluent tous, c’est encore plus compliqué aujourd’hui. Lorsque Nihima annonce la fin de la nuit, Louve s’occupe de réveiller Lewis et tous les deux s’avancent jusqu’à elle, prêts à obéir aux ordres. L’ancien agriculteur continue de se montrer protecteur envers elle, comme il le fait chaque jour depuis son retour à la réserve, et sa simple présence à ses côtés permet à la brune de garder la tête hors de l’eau. Un sourire, une légère pression de ses doigts sur les siens, elle n’a pas besoin de plus.

Les survivants sont répartis en deux groupes par la native, l’un mené par ses propres soins et l’autre par Daryl, et Louve hoche la tête, positivement face aux ordres qu’ils reçoivent, et négativement lorsque vient le temps des dernières questions. Les trois survivants se mettent rapidement en marche vers les salles de stockage qu’ils n’ont pas eu le temps de visiter la veille, mais malgré le silence apparent, l’obstétricienne a un mauvais pressentiment. « Je monte la garde, faites vite » déclare le chef de groupe en se postant à l’entrée de la première salle pour prévenir une intrusion malheureusement qui leur couperait fatalement toutes tentatives de retraite. « Je m’occupe des médicaments, essaye de ramasser toutes les fournitures qui pourraient nous être utiles. » A part quelques rares solutions injectables, il ne reste plus grand-chose d’utilisable dans les médicaments périmés de longue date qui trainent ici, et elle perdrait trop de temps à faire une liste à son partenaire. Tandis que Lewis s’occupe de remplir son sac à dos de gazes et autres compresses, Louve étudie les différents flacons dans les armoires, récupérant plusieurs antiseptiques à base d’alcool encore scellés.