C'était une sensation qu'elle détestait le plus. Celui d'être comme un lion en cage, avec cette impression d'avoir un étau autour du corps qui se resserre jour après jour. Oh peut-être que si elle demandait avec gentillesse à Nihima, Leah aurait la possibilité de récupérer ses affaires et de reprendre la route maintenant qu'elle était sur pied. Mais de quel œil les autres verront son départ ? Certes elle ne souhait pas finir sa vie ici ni se faire des amis, mais ce n'était pas une raison pour se faire des ennemis et prendre le risque qu'on pense qu'elle est une espionne d'Ackles. Alors elle attends, patiente.

En cette fin de journée froide, Leah s'enferme davantage dans son manteau en errant dans le camp pour prendre un peu plus ses marques. Plus loin des habitations, il lui semble entendre des éclats de voix. Peu intéressée, elle trace sa route avant d'entendre, il lui semble, des insultes. Par curiosité elle fait quelques pas. Puis encore, et encore jusqu'à apercevoir des silhouettes. Et la discussions à sens unique additionnée au combat pas équitable l'oblige à s'incruster. Un problème ? Demande Leah, plus à la rousse qu'aux deux zigotos.

Le pauvre con; il pleurniche comme un gosse qui réclame sa maman et ses tétons. « Fallait pas me chercher, si tu voulais pas recevoir ma canne entre les pattes. » que je crache en direction du type qui m'emmerde depuis trop longtemps, maintenant. Il est plié en deux, tandis que le pantin à côté ne cesser de m'injurier. Je l'ignore, jurant à haute voix en me demandant sincèrement ce que je glande ici, finalement. Il faut le faire, quand même, pour que je m'énerve à ce point. Je ne sais pas qui il est, mais je réalise rapidement qu'il a le même retard mental que cette idiote de Chenoa - ils doivent être copains. C'est plus fort que moi, de toute façon. Je ne vais pas tolérer qu'on me traite de la sorte. Je ne sais pas si c'est encore cette réputation qui me colle au cul, celle qui fait que tout le monde ici pense que je suis le démon incarné. Et franchement, j'en ai vraiment marre de m'en soucier à ce point. Alors voilà, si c'est comme ça, je serai le diable en personne. Mais mon très cher copain ne semble pas trop apprécier ma vision des choses, là, tout de suite.

Je me retourne sèchement, quand j'entends une voix me demander si j'ai un problème. Enfin - si, j'en ai plusieurs. Probablement beaucoup trop. J'ai les yeux fixés sur ce visage que je n'arrive pas à reconnaître, sourcils froncés. « J'en ai tout un tas. » Je me trouve drôle. Pas elle, j'ai l'impression. Dur à dire, avec ce masque. J'ai besoin d'un moment, d'ailleurs, pour pouvoir rester debout. Parce que je ne peux que revoir nos masques à nous. Le mien, et ceux des fantômes qui habitent mon crâne depuis.

« C'est lui, le problème, si tu veux mon avis. » que je lâche en pointant le concerné avant de reprendre ma canne pour tenter d'avancer. Tenter, oui, parce que je galère. J'ai trop poussé, pour faire manger ses morts à l'autre imbécile. Les deux dégénérés se barrent, du coup, en me voyant ruminer. Sauf qu'ils osent encore rire de moi. Je serre les dents, décide d'abandonner, avant de poser un regard violent sur celle qui est toujours plantée là. Je ne sais pas si elle a vu, je ne sais pas si elle capte.

Et en vrai, je m'en balance. Ils peuvent tous aller se faire foutre.

Elle plonge ses mains dans les poches de son épais manteau en attendant une réaction, un mot, n'importe quoi qui pourrait lui expliquer la situation actuelle ; même si ce n'était pas son problème. Mais c'était plus fort qu'elle, même si les trois quart des gens ici ne voyaient pas sa présence d'un super bon oeil. Après une analyse rapide de la scène devant elle, Leah se demande bien si sa présence ici était nécessaire, surtout que la femme semblait plutôt bien se démerder toute seule.

Vous êtes que des démons ! Vocifère l'homme intact alors qu'il soulève son collègue, alors que la femme handicapée lui répond. Leah a un bref rire léger, tandis qu'elle se contente de rester silencieuse tout en le fixant de ses yeux perçant. Si il disait vrai, peut-être qu'elle allait réussir à le maudire avec un simple regard ? Mais ils l'ignorent et s'éloignent finalement en s'échangeant des messes basses, sûrement à l'égard de la femme puisqu'ils la fixent. Décidément, c'est quoi encore ce groupe ?

La blonde finit par rejoindre l'inconnue en prenant son temps, puisque de toute façon elle ne semble pas pouvoir allez bien loin. Elle se tourne, marche à reculons. Et donc, t'as fait quoi de si horrible dans ta vie pour mériter ça ? Après tout, si elle devait élargir son cercle de connaissance, autant choisir les bonnes personnes.

« Les démons, ce sont les décharnés qui osent marcher sans vie dans les rues, sombre imbécile. » Et je pèse mes mots. Marre d'être leur cible à tous, sous prétexte qu'ils ne peuvent blâmer personne d'autre, quand il est question de leur misérable vie à la con. C'est aussi ridicule que sordide. Bientôt, je vais devenir une sorcière qu'il faut brûler sur la place publique. Et la blonde à mes côtés semble visée par l'insulte, elle aussi? J'en sais rien. Je les regarde partir, les épaules aussi crispées que si j'allais me transformer en bloc de béton.

« Mais rien du tout, bon sang. » que je lâche par réflexe, quand la demoiselle me demande ensuite ce que j'ai bien pu faire pour mériter un tel traitement. Mais je m'arrête, soupire longuement - la regardant marcher à reculons, devant moi. Je penche la tête sur le côté, réalisant peut-être un peu tard qu'elle ne me laisse pas vraiment le choix de répondre à sa question. Je baisse les cils, ravalant ma salive en essayant d'ouvrir la bouche - mais j'ai besoin d'une seconde de plus, visiblement. Nouveau soupir. Et je semble être en mesure de réellement me calmer, cette fois.

« Oh, rien de bien spécial. Le camp tout entier pense simplement que je suis l'unique responsable de cette... délocalisation, que je traîne la mort derrière moi, que je suis la source de tous leurs problèmes, et que je suis une menace pour leur sécurité inventée de toute pièce. » C'est bien ça, non? Je penche la tête avant de la regarder à nouveau, tandis que je dégage quelques mèches rousses de sur mon visage. Je plaque un sourire de circonstance sur mes traits. « J'étais avec les Scarecrows. » que j'ajoute cette fois sans hésitation pour terminer mon petit discours, de but en blanc. Le truc, c'est que je sais même pas si elle est vraiment mesure de comprendre ce que j'ose dire.

« D'autres questions? Tu veux peut-être ajouter une plainte à la liste? » Aussi bien le dire tout de suite, quoi.

Mains dans les poches de son épais manteau, Leah continue de reculer tout en attendant la réponse à sa question. Ou même à ce que cette femme se décide à l'insulter ou tout autre chose pour la faire dégager ; ce qui est sur, c'est qu'elle ne prendra pas la fuite en courant. Elle finit par s'énerver, et Leah hausse ses sourcils en s'arrêtant à son tour, mettant ses mains par reflexe devant elle. Wow, tout doux le pittbull, je te laisse tranquille si tu veux. Mais sa vis à vis finit par tranquillement se calmer, enfin, en apparence.

Durant son monologue, elle plisse ses yeux, essayant de bien comprendre tout ce qu'elle lui balance d'un coup. Délocalisation ? Scarecrows ? Non, pas de plainte, par contre t'as attiré ma curiosité. Avec un sourire presque insolent, elle reprend : j'ai rien compris à ce que tu me raconte. Je suis ici que depuis quelques jours. La militaire finit par lui tendre la main pour se présenter. Leah. J'étais une proche d'Ackles. Pari risqué, ou elle l'envoyait chier, ou elle se présentait. Mais bon, c'était le seul moyen pour lui faire comprendre, qu'elle aussi, n'était pas la bienvenu pour beaucoup ici.

Je souffle du nez, un brin amusée, quand elle me demande de m'adoucir. Je suis pourtant très calme, n'est-ce pas évident? Ce n'est pas de ma faute si les petits cons font de leur mieux pour chercher la merde, hein. Or, je réalise assez vite qu'elle ne pige rien à rien. Mon discours passe pour un monologue dans une langue étrangère, si j'ose me fier à son regard complètement paumé. La demoiselle ne semble pas vouloir porter plainte, d'ailleurs - mais elle affirme plutôt être curieuse. Je ne sais pas trop si elle déconne ou pas, du coup. Et j'hésite à lui en coller une ou à continuer de me marrer, en la voyant sourire comme ça.

« Bienvenue au putain de paradis, alors. » que je lâche en rigolant, les deux bras dans les airs, quand elle m'annonce qu'elle vient tout juste d'arriver. « Tu peux donc oublier tout ce que je viens de dire illico. » Quoi? Aussi bien continuer avec les blagues complètement stupides. J'ai l'impression d'être presque grisée par cette prise de tête avec ces imbéciles. Peut-être aussi que de rencontrer quelqu'un qui ne sait rien de moi - ni des rumeurs qui me collent au cul - est vachement rafraîchissant.

Mais elle gâche absolument tout en prononçant le nom d'Ackles. Je m'arrête aussitôt, freinant sèchement pour la dévisager. Je ne sais pas si j'ai peur d'elle, ou si j'ai envie de lui hurler dessus pour qu'elle dégage de ma vue. Probablement un peu des deux. Mon regard noisette change définitivement, même si je refuse d'avouer que j'ai la trouille à la simple mention de ce fils de pute. Je pose mes billes sur elle en ravalant ma salive, et non sans une certaine violence, avant de parler. Mon ton est complètement différent, cette fois. Bien plus sérieux. Et surtout bien plus froid.

« Et dis-moi, Leah, qu'est-ce qu'une proche d'Ackles vient foutre ici, tu veux bien m'expliquer? » Elle n'est pas assez sotte pour se vendre de la sorte si elle est toujours dans son équipe, n'est-ce pas? Alors quoi? J'ai du mal à comprendre, et je ne vais pas mentir - mon rythme cardiaque qui grimpe en flèche ne m'aide pas à capter.

Un rire franc passe la barrière de ses lèvres, bien amusée par le comportement de sa voisine qui ne manque pas de surprise. Ouais, j'vois ça. Mais le paradis n'empêche pas de cacher des enfoirés en son sein. Les deux zigotos en sont la preuve, enfin, en apparence, puisqu'elle ne connait rien de tout ces gens. Peut-être que cette femme est vraiment une mauvaise graine, qui sait, mais ça n'empêche pas Leah d'en savoir un peu plus, même si elle est surtout attiré par la solitude. Mais dans un endroit inconnu, avec des gens inconnus, fallait changer de tactique.

D'ailleurs, celle de la transparence semble faire mouche chez sa voisine, qui se liquéfie presque sur place rien qu'à entendre le nom de son ex-patron et accessoirement plan cul. A en juger par les émotions négatives qu'elle ne parvient pas à cacher, cette femme a dû passer sous les mains de cet enfoiré sûrement. Et peu importe la façon dont elle lui parle, Leah n'est pas du genre à se laisser emporter pour si peu. Elle croise les bras. J'étais partie pour une opération kamikaze contre cet enfoiré. J'te laisse imaginer si ça a fonctionné ou non. Etant donné sa présence ici. Si je juge ta posture, ton regard et tes narines dilatés, je dirais que t'as croisé sa route. Peu importe de toute façon, lui offrir de la compassion ne changera rien à la vie de cette femme.

Si je suis ici c'est pour avoir plus de chance de mettre un point final à sa vie.