Je la regarde croiser les bras, non sans la détailler de haut en bas tandis qu'elle parle de son opération ratée contre ce fils de pute. J'ai la rage au ventre, mais je la laisse pourtant s'exprimer. Il faut que j'arrête de chercher la merde, qu'on ne cesse de me répéter, de toute façon. Enfin. Leah m'annonce ses couleurs, et je note tout de suite que la même colère l'habite, visiblement. Je fronce les sourcils, l'espace d'un instant. Son but était donc de se venger du type, si je comprends bien? Je ne sais pas si j'ose croire ce qu'elle raconte, mais j'en ai vachement envie. Sauf qu'elle enchaîne en analysant mon propre comportement, et je ne sais pas pourquoi ça me dérange autant.

« Félicitations, tu as tout bon. » que je lâche non sans un sarcasme évident. « Tu veux voir les cicatrices aussi peut-être? » Tant qu'à remuer le couteau dans la plaie, quoi. Oh, je réalise bien qu'elle n'est pas Ackles. Sauf que les souvenirs de ses sévices hurlent à mon crâne de tout faire brûler, là, tout de suite. Je soupire - question de reprendre le dessus, et de limiter les dégâts. Elle affirme ensuite qu'elle est ici pour pouvoir l'achever, rien de moins. Je suis surprise, certes, sauf que mon intérêt est flagrant. Et c'est probablement le moment le plus intéressant de toute cette conversation.

« Et qu'est-ce qui te donne l'impression que tu pourras réussir, cette fois? »

Leah ne peut s'empêcher de rire face au sarcasme de sa voisine. Si d'ordinaire la militaire aurait tracé sa route, n'y trouvant aucun intérêt de trainer avec ce genre de personne, là elle préférait prendre ça à la rigolade. Pas de problème, tu veux qu'on aille se poser et on se fait un concours ? Quoi que dans son cas, la blonde n'avait pas énormément de choses à montrer. Si en effet elle a quelques blessures soignées, dont l'énorme cicatrice qui traverse sa bouche, aucune n'a été faite de la main de son vieil amant.

Quant à son envie de mettre fin à la vie de cet enfoiré, Leah médite quelques secondes sur le sujet. Je dirais : les moyens. J'avais pas encore réussi à bien m'équiper pour mon opération que deux de ses larbins me sont tombés dessus. Malgré le calme de ses propos, elle serre le poing. Ici j'aurais ce qu'il faut, plus qu'à l'extérieur. La militaire jette un œil autours, avant de lui désigner un chemin. Alors, tu veux marcher un peu ou tu préfères rester seule ?

« Très bien, reste plus qu'à déterminer le prix de la gagnante. » que je lâche en osant rire un brin. Enfin, je me doute qu'elle gagnerait peut-être le concours, rien qu'à voir la cicatrice qui trône à sa bouche. Qui sait ce qu'elle cache ailleurs sur sa peau. Certaines de mes cicatrices à moi ne sont gravées que dans ma cervelle, après tout. Bref. La tension est toujours palpable, mais je tente de faire confiance à l'étrangère. Je suis surtout curieuse d'en savoir plus, évidemment, tandis que je continue de suivre ses mouvements avec peut-être trop d'attention. Rien à foutre.

Elle parle donc de ce qui sera différent, cette fois, pour pouvoir atteindre Ackles. Je ne peux que venir hocher de la tête, lentement, plongée autant dans mes réflexions que des souvenirs désagréables. « Il sait que tu es ici? C'est parce qu'il te cherche, qu'il tente de nous faire chier? » Aussi bien poser les bonnes questions. Il était activement à la recherche des membres du camp, le type, quand même. Mon ton ne l'accuse même pas, le pire. Je demande simplement à savoir si elle est en partie responsable de ce que j'ai vécu. Et je veux savoir à quoi m'attendre, pour la suite.

Leah m'offre de marcher un peu, ce à quoi j'ose répondre par l'affirmative, en silence. J'attrape ma canne, le visage un peu fermé à l'idée qu'elle puisse témoigner de ma difficulté à marcher, à cause de ma patte à la con. Je commence à avancer, laissant le silence flotter un moment avant de finalement parler à nouveau. « Alors, c'est quoi ton plan, du coup? » Ma voix semble trahir ma motivation et ma volonté de le faire payer. Mais j'attends de voir ce qu'elle voudra bien me dire avant de m'emballer.

Un prix ? Leah ose un sourire en secouant la tête, amusée. J'ai pas d'idée pour le moment mais si tu me laisse te connaître je suis certaine de trouver quelques petits gages bien sympathiques. Elle repense aux nombreuses soirées qu'elle a pu passer sur son île, dans sa jeunesse, et aux jeux qu'ils pouvaient inventer pour passer le temps. Dont les gages. Il y en a tellement eu, elle pourra piocher.

La question d'Harper ne la surprend qu'à moitié. C'était logique qu'elle veuille savoir ce genre de chose, la militaire aurait posé la même question évidemment. Peut-être un peu plus tôt cela dit, sans prendre de pincette, pas comme sa voisine qui semble plus curieuse qu'accusatrice. Leah hausse machinalement les épaules. Honnêtement j'en sais rien, mais je ne pense pas. Les deux seuls témoins sont les types qui ont été butés. Du coup non, c'est pas à cause de moi que vous récoltez autant de merde. C'est juste.. c'est juste parce que c'est un fils de pute. Et l'insulte est faible.

A nouveau la militaire sourit, satisfaite que sa vis à vis accepte de l'accompagner et tolère finalement sa présence. Elle a évidemment un petit coup d'oeil à sa démarche, curieuse de savoir ce qui a pu lui arriver, mais ne dit rien. Leah n'est pas du genre à lancer des sujets que les gens ne sont peut-être pas prêts à aborder. J'en ai pas. Répond la femme, sincère, une moue désolé. Le seul que j'avais a été une attaque kamikaze, mais que si j'étais seule. Et.. je le suis plus. Elle passe une main dans ses cheveux. Je vais d'abord voir un peu avec Nihima si elle veut bien me donner des détails sur son emplacement, ses déplacements, bref, des trucs utiles pour que je puisse monter un plan. Elle marque une courte pause avant de reprendre. T'es experte en quoi toi ?

« Oh, je te laisse faire ce que tu veux si tu me trouves du chocolat. » que j'ose avouer sans le moindre regret, sourire aux lèvres. Enfin, je ne sais pas à quel point j'ai envie de la laisser fouiller ma tête, mais je peux certainement faire face à ce problème en mangeant une sucrerie. Je souffle ensuite du nez à ses explications, qui ne font que citer l'évidence, finalement. Ce n'est qu'un fils de pute, ce type. Rien de plus, rien de moins. Je viens hocher de la tête, un peu absente. J'imagine qu'il est plus facile de la détester, mais ses paroles ne peuvent que me convaincre que l'étrangère me ressemble un peu plus que prévu. Shit happens.

La déception s'imprime sur mes traits, pourtant, quand Leah annonce qu'elle n'a absolument aucun plan. Je m'arrête sèchement, la fixant peut-être avec trop d'insistance, avant de me remettre en marche - péniblement. Un voile de tristesse brille ensuite dans mes yeux, à la mention de Nima. Je chasse rapidement ce qui m'habite, me contentant de venir hocher de la tête. « Si jamais je peux aider, faire quelque chose, t'as qu'à me dire. » que je lâche, le plus sérieusement du monde, avant de ressentir le besoin de me justifier. « Je ne serai pas toujours aussi mal en point. » que je précise en regardant ma jambe, tentant de faire taire cette colère sourde qui fait maintenant partie de moi.

Je continue de marcher, n'empêche, rigolant à nouveau à sa question à propos de mes talents. Je tourne la tête, question de l'aviser d'un oeil amusé. « Experte en bourdes. » que j'affirme en me trouvant drôle. C'est la vérité, quoi. La très grande majorité du camp serait de mon avis, le pire. « Je fabrique des bombes, des explosifs. » Je porte attention à sa réaction, un brin incertaine. Je ne sais pas pourquoi. Peut-être que j'ai encore trop d'âmes sur la conscience. « Et toi? »

Leah avance encore un peu avant de remarquer enfin que sa partenaire venait de marquer une pause. Elle tourne la tête, patiente, quoi qu'un peu déstabilisée face au regard qu'elle lui lance. La militaire anticipe, haussant machinalement les épaules : Je suis là que depuis très peu de temps, mais je vais me pencher rapidement dessus. Lui assure-t-elle. Harper se remet en marche, et la femme ne peut que constater cette lueur étrange dans ses yeux à la mention de Nima. Elle ne dit rien, ce ne sont pas ses affaires.

Après les mots de sa voisine et un court silence, Leah tend sa main vers Harper, un léger sourire sur les lèvres, franc. Parfait alors. Elle ne prenait pas sa proposition au pied de la lettre. Toute aide sera précieuse pour faire descendre cet enfoiré de son piédestal.

Surtout qu'elle enchaîne ensuite pour lui répondre, en tentant l'humour avant d'avouer que les explosifs, c'était son terrain de jeu. Leah n'a pas le temps de rire et c'est un visage tiré par la surprise qui prend le dessus, mais surtout impressionnée. C'était un savoir faire à ne pas négliger dans ce nouveau monde. Sérieusement ? C'est génial, j'espère te voir rapidement sur le terrain dans ce cas. Et la militaire était sérieuse. Elle enchaîne ensuite. La distance. J'étais militaire, et je suis très à l'aise derrière la lunette d'un fusil. Une pointe de colère anime son regard. Ca me les brise, mon bébé a été scellé à l'armurerie, j'ai pas pu le garder. Tes potes ont intérêt à en prendre soin.

J'imagine que Leah est en mesure de lire la déception et la frustration sur mes traits, à son annonce. Je viens donc hocher de la tête, plus compréhensive, quand elle m'explique qu'elle n'est ici que depuis très peu de temps. Oui, je dois bien avouer que je ne peux pas lui demander l'impossible. Ce genre de plan demande de la patience - beaucoup de patience. Je lève les cils sur elle, d'ailleurs, mon regard venant automatiquement se poser à la main qu'elle semble me tendre, quand je lui assure que je veux aider. J'ai un moment d'hésitation - simplement parce que je suis légèrement surprise. Je serre sa main d'un geste décidé, pourtant. « Deal. »

« Oui, sérieusement. » que je lâche ensuite, ne pouvant m'empêcher de rire en soufflant du nez à ce qu'elle ose qualifier de génial. Elle est probablement la première à avoir une réaction aussi positive face à ce que je fais, et merde, c'est rafraîchissant. Rassurant, même. Je la regarde peut-être d'un oeil nouveau, un sourire un brin plus confiant collé sur les traits.

« Je travaille là-dessus. » que je précise quand elle partage son souhait de me voir bientôt sur le terrain. Je baisse les yeux, l'espace d'un moment, ne sachant pas comment cacher la nervosité qui s'empare de moi, à ce sujet. Ma putain de jambe aime bien me rappeler que je n'ai plus les mêmes réflexes, et ça me dérange trop pour que je puisse vraiment continuer d'avancer comme si tout allait bien.

Enfin, elle me parle de ses talents à elle. Une militaire, rien de moins. Je suis impressionnée, tandis qu'elle râle au sujet de son flingue, de toute évidence.

« Tu pourras bientôt le retrouver, ne t'inquiète pas. » que j'affirme en levant les mains dans les airs, comme pour lui prouver que je ne suis pas responsable de ces règlements à la con. Je change bien vite de sujet, n'empêche.

« T'as déjà eu des regrets? Enfin, je veux dire - » Je fronce les sourcils, cherchant à faire de l'ordre dans ma tête. « De la difficulté à justifier des gestes, des ordres, en mission? »