Sincèrement, j'ai rien suivi du tout. Qu'elle balance à la jeune à côté d'elle. Elle ne connaissait pas très bien Cara, mais la seule chose à retenir d'elle c'est que c'était un vrai moulin à parole. Ce n'était pas dérangeant pour Lily, puisque la présence de cette petite lui permettait de penser un peu à autre chose. Et pour ne pas qu'elle se sente gênée, la fermière lui offre un sourire sympathique, l'invitant au moins à choisir un sujet de discussions à la fois.

En route pour Lacey à pied, elles étaient parti le matin en espérant rentrer au camp avant la nuit. Ce n'était pas une sortie sans risque, mais elles n'avaient pas grand chose à faire ; uniquement vérifier le coin, pour voir si il y avait moyen de mettre la main sur des oyas. Et même si Cara semblait avoir quelques connaissances, Lily s'était permise de faire un dessin au cas où. Bon du coup si tu veux me raconter quelque chose, fais en sorte de faire des pauses dans tes phrases. Nouveau sourire, elle fixe ensuite l'horizon où il était possible de voir se dessiner à travers la végétation quelques bâtiments encore debout.

« Enfin, tout ça pour dire que depuis cet attentat à la bombe, à New York, plus rien n'était pareil, tu vois. J'avais des gardes du corps tout autour - partout, tout le temps, jamais tranquille. Et ensuite, j'ai jamais eu un moment à moi depuis cette connerie de virus, alors oui, c'est un peu étrange - parfois - de me retrouver toute seule, je - je me parle à moi-même, j'ai remarqué ça dernièrement. C'est bel et bien le signe que je suis en train de disjoncter, tu trouves pas - » Mais je m'arrête soudainement de parler quand je réalise que cette Lily ne semble pas me suivre du tout, finalement. Je pourrais être en train de lui avouer mes péchés les plus honteux qu'elle ne le remarquerait pas. Elle ose confirmer que j'ai raison, d'ailleurs, non sans m'offrir un sourire au passage. J'imagine qu'elle a pitié de moi et de mes histoires ennuyeuses.

Je retrouve bien vite mon sérieux, du coup, réalisant que je la dérange probablement trop pour qu'elle puisse apprécier ma compagnie. « Laisse tomber, c'est pas important. » que je souffle comme si ce n'était rien. C'est vrai, quoi. Rien n'est plus important que la survie, maintenant, non? C'est bien pour ça qu'on est ici. Pour repérer ces choses dont je ne sais absolument rien - sauf quand il question de son dessin que j'ai entre les mains. J'aime étudier les plantes, certes - découvrir leur utilité, leur pouvoir caché, surtout. Mais quand il question de prendre soin des cultures, je suis loin de posséder le savoir de Lily à ce sujet. Elle parle à nouveau, me demandant d'au moins faire quelques pauses dans mes récits, la prochaine fois. Question de faciliter sa compréhension - et de ne pas la rendre débile au passage, sûrement. Je rigole un peu, gênée, rangeant mon couteau en observant l'horizon en même temps qu'elle. Tout semble silencieux, pour l'instant. Mais je sais trop bien que tout change rapidement. Aussi bien se concentrer sur notre objectif pendant que les choses sont calmes.

« Non ça va, je la ferme avec mes idioties, t'inquiète. » Mon ton est léger, et j'ose sourire pour me moquer un peu de ma propre petite personne - parce que je sais que je devrais effectivement me taire; j'ai appris à le faire. Peut-être qu'être libérée de mon père donne des ailes à mes cordes vocales, finalement - au plus grand malheur de mon entourage. Je ne sais pas si c'est une bonne chose, honnêtement. Et ça me fait rire rien que d'imaginer la tronche de Rick qui m'observe, complètement sur le cul de me voir ouvrir la gueule à ce point. Mais entre ça et ruminer à propos de tout ce qui étouffe mon âme dernièrement, je préfère de loin jouer la carte de l'insouciance. C'est plus facile. « Mais tu veux bien me dire à nouveau où je dois chercher ces trucs? J'ai l'impression que c'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin. Et à quel point on est dans la merde, si on rentre les mains vides? Je demande pour une amie. »

Il y a peut-être un sourire sincère qui se dessine sur ses lèvres, Lily n'est pas franchement convaincue. Elle est même finalement mal à l'aise de pas avoir réussi à suivre l'histoire que Cara lui racontait, après tout peut-être que c'était hyper important ? Lily laisse un petit silence s'installer alors que sa coéquipière du jour enchaine, avant de s'arrêter en fixant cette dernière, ignorant d'abord sa question. Je suis sérieuse Cara, tes histoires me dérangent pas. Tu peux me parler de ce que tu veux. Gênée, elle se gratte l'arrière du crane. Mais essaye de ralentir sur les précisions, que je puisse suivre.

Elle reprend ensuite la route en direction de la ville, avec déjà une petite idée des magasins qu'elles allaient visiter. Non c'est plus facile que tu penses, on va surtout jeter un oeil dans les pépinières, ce genre d'endroit. Ce n'est certainement pas dans des magasins de vêtements qu'elles allaient trouver des oyas. Elle exprime un rire pour le reste de sa question. Et tu diras à ton amie qu'on est pas dans la merde si on rentre sans. Fait-elle avec légèreté, puis, avec plus de sérieux : De toute façon on va rentrer sans, on vient juste faire du repérage. Les oyas sont lourds, je préfère vérifier si il y en a dans le coin avant d'user de l'essence. Agressée par le froid, la blonde fourre les poches de son manteau de ses mains, tournant un regard vers la plus jeune. L'agriculture t'intéresse ? Tu veux savoir à quoi ça va servir ? Parce qu'après tout, ce n'est pas un domaine très fun.

J'ai l'impression de parler à ma mère, quand Lily affirme qu'elle peine à suivre mes histoires. Il faut ralentir, Cara. Je peux encore entendre la douceur dans sa voix, quand elle me répétait de prendre mon temps. Ce n'était pas le reflet de la féminité, ni de la politesse, à ses yeux. Je faisais de mon mieux, pourtant. Je baisse les cils, un instant, chassant son visage de ma tête pour me concentrer sur mon interlocutrice « Okay, compris. » que j'affirme doucement, non sans un sourire un brin timide. Et je m'empresse de revenir à son niveau, pour la suivre de près, question de l'écouter répondre à mes interrogations.

Les pépinières, donc. C'est logique, au final. Je l'imite ensuite, quand elle ose rire au sujet de mes inquiétudes à la con. Ce n'est qu'une sortie de repérage, du coup, et d'une certaine façon, ça me soulage un tantinet. Ça m'occupe l'esprit, surtout. Parce que j'ai toujours l'impression de marcher sur des oeufs, comme si je ne savais pas comment avancer, comment me comporter, sans papa. « C'est une bonne idée, oui. » que je lâche quand elle justifie le plan. De telles ressources sont des plus précieuses, je le réalise de plus en plus. Je relève la capuche de mon manteau sur mon crâne - dérangée par le vent glacial, moi aussi - avant de poser les yeux sur Lily quand elle me demande si le domaine de l'agriculture m'intéresse.

Je regarde à nouveau vers l'avant, réfléchissant quelques secondes avant de lui répondre. « J'aime apprendre. J'aime me sentir utile. Et je crois que c'est le futur, dans le monde d'aujourd'hui. » Autrement, on va tous crever de faim. « Je ne suis pas très douée, mais ça m'intéresse, oui. J'étudie l'effet des plantes, je les récolte et je m'en sers pour tout un tas de trucs, mais je ne suis pas certaine d'avoir le pouce vert, en toute honnêteté. Je n'ai pas été élevée dans ce milieu là. » Pas du tout, même. Je souffle du nez, me retournant vers mon aînée en continuant de marcher.

« Et toi, alors? C'était ton boulot, avant tout ça? Je n'imagine pas le défi que c'était avant, alors aujourd'hui - » Je viens hausser les épaules, avant de poursuivre. « On est encore loin, sinon? »

Un sourire à la fois doux et rassurée vient naître sur le visage de la fermière, qui espérait évidement en savoir plus au sujet de Cara. Et qu'elle se lance à nouveau dans le récit de ses histoires, mais de façon plus calme, pour qu'elle puisse saisir tout les détails. D'ailleurs, sa voisine vient à lui confier être intéressé sur le monde des plantes et ce n'était pas tombé dans l'oreille d'une sourde. L'oeil brillant, Lily prend la suite. C'est vrai ça ? Je pourrais t'apprendre pas mal de chose si tu le souhaite ! Même si mes connaissances sont limité. Ce n'était pas avec elle que Cara allait apprendre à concocter des poisons.

Alors, pour faire simple, les oyas c'est des pots en terre cuite, de différentes tailles. Tu enterres ces pots à côté de tes cultures, rempli d'eau, et en fait ça va diffuser cette même eau dans la terre au fur et à mesure des besoins, comme un diffuseur, à travers ses parois. C'est économique et très pratique pendant les canicules. Il n'était pas difficile de voir l'excitation dans le regard de Lily, toujours aussi passionnée dans ce domaine.

Elle pointe la route devant elles. C'est par-là, on y est dans dix minutes environs je pense. On pourra se réchauffer. Répond la fermière avant d'enchainer, évidement. Oui, je suis née là-dedans. J'avais des légumes, des fruits, des animaux aussi. Je proposais des paniers garnis et je partais sur Seatlle pour livrer. Quand mes parents sont décédés, j'ai dû faire autrement pour m'occuper de tout seule. Elle a un sourire absent en ce souvenant de tout ça, posant ensuite ses iris sur sa voisine. Et toi, c'était quoi tes projets avant tout ça ?

« Vrai de vrai. » que je répète, un brin amusée. « Ce serait vraiment bien. » que j'ajoute dans la foulée, quand elle me propose d'apprendre avec elle. Je ne demande que ça, franchement. Lily explique ensuite la fonction de ce qu'on recherche, et je dois avouer que c'est vachement brillant. Je viens hocher de la tête, impressionnée, accélérant un peu le pas à ses côtés. Et je suis heureuse d'apprendre qu'on arrive bientôt à destination, parce que je me les gèle.

Je n'imagine pas ce que c'est que de grandir dans une ferme, honnêtement. C'est fascinant, quand même, de voir à quel point la vie des gens est différente, parfois. Je réalise que je n'ai pas vécu grand chose, la plupart du temps. « Je suis désolée, pour tes parents. » Ça vaut que ça vaut, je sais. Mais c'est sincère, et on ne chasse pas les bonnes manières si facilement. « Je croyais que c'était impossible de faire tout ce boulot toute seule? » Je réalise trop tard que son sourire est différent, à la mention de ce détail.

C'est peut-être pour ça que je baisse les yeux, avant de l'entendre me demander quels étaient mes projets, avant la merde. Je rigole un peu, avant de lui répondre. « Oh, je n'avais pas de projets. J'avais à peu près 10 ans, je crois. » que je précise en soufflant du nez. « J'ai été élevée dans un manoir, comme une princesse, à New-York. Je ne sais pas si nos fruits et légumes étaient frais, mais je sais très bien que ce n'était jamais mes parents qui devaient cuisiner. » que j'ajoute ensuite, quelque part entre l'amusement et la nostalgie. Je me demande où est ma mère. Et malheureusement, dans un soupir, je me demande aussi où est mon père.

Face à la politesse de sa voisine, Lily n'ajoute rien et ne fait que sourire tristement, bien que gênée d'avoir plombé l'ambiance avec ce détail. Au moins, Cara continue leur discussion sur un autre sujet, ce qui permet de chasser de sa tête la triste image du visage de ses parents. Pas impossible, mais très difficile. Je pouvais parfois compter sur l'aide d'une voisine si je tombais malade, ou si j'avais un quelconque autre problème. Après, à côté de ça, je n'avais pas de vie sociale alors ça aidait beaucoup ! Un rire sans joie passe la barrière de ses lèvres.

A son tour, Cara finit par répondre à ses questions, pour enfin assouvir la curiosité qu'elle ressentait à son égard, riant à son tour. Ouais, désolé, j'oublie encore que la chute du monde date de plusieurs années et que tu es jeune. Le calcul est rapide sinon. Lily ne cache pas son étonnement. Une princesse, hein ? Eh bien, on dirait pas en te regardant. Cette apocalypse a pas mal changé les gens, en bien comme en mal. La fermière ne manque pas les émotions sur le visage de sa voisine. J'ose demander si tu sais où se trouvent tes parents ?