Bah je vois pas trop l'intérêt de me dire qu'elle aurait pu m'aider pour qu'au final elle m'annonce qu'elle est tout aussi paumée que moi. Même plus si ça se trouve. Sérieux pourquoi y'a toujours besoin que les gens tordent du cul pour chier droit ? Au lieu de me dire directement « non va chier j'en sais rien », fallait d'abord essayer de mettre les formes comme si j'en avais quelque chose à foutre. Les gens, sérieusement. Elle a au moins le mérite d'être bonne, ça pardonne certains trucs.

Attend, t'es en train de me claquer en fin de compte que ce motel était un repaire de putes et que j'aurais été bonne dans le domaine ? Désolée de te décevoir ma belle mais je suis pas une fumeuse de cigares. Plutôt crever. Nan mais maintenant que j'y pense elle m'a quand même traitée de pute sans pression. Ou plutôt d'avoir une dégaine et une gueule de pute. Elle veut que je la monte en l'air ou c'est comment ? Non parce que ça peut s'arranger hein. Au lieu de s'envoyer en l'air.

Surtout que la seconde déception arrive juste après, quand elle enchaîne en me claquant qu'elle a pas l'intention d'aller plus loin et s'est juste contentée de me chauffer pour ensuite m'annoncer qu'elle et moi on joue pas dans la même équipe. Sérieusement, je commence à en avoir ras le cul de toutes ces meufs hyper bien gaulées qui préfèrent se taper des queues. Ça fait chier. Et tu proposes quoi pour s'éclater à la place ? Si t'as des tuyaux pour trouver de la came, là ça m'intéresse par contre. Elle peut quand même se rendre utile si ça se trouve.

Soupirant un grand coup, je lève les yeux au ciel et finis par hausser les épaules. Et comment tu comptes m'y déposer si t'as pas la moindre idée d'où c'est ni d'à quoi ça ressemble ? A moins que t'aies menti avant. Mais si moi je me suis paumée, je vais pas pouvoir te guider au cas où. Mais ça serait toujours une potentielle occasion de lui tirer sa caisse. Alors j'imagine que je peux essayer de jouer le jeu.

Ah et si tu me prends pour une déménageuse sous prétexte que je suis lesbienne, je te colle mon poing dans la gueule. Mais j'ai rien de mieux à foutre donc va pour la visite du hangar à meubles. Si seulement c'était une métaphore pour une partie de jambes en l'air. Au moins là, je passerais du bon temps.

Cette fille est une putain de casse-couilles. Dans le genre insupportable, qui réagit à tout ce qu'on dit, qui a pas sa langue dans sa poche. Une emmerdeuse de première. Je l'aime bien en fait. D'ailleurs un petit ricanement m'échappe à sa remarque sur le fait qu'elle aurait pas pris de gants pour m'insulter si elle l'avait voulu. Ouais, vraiment c'est le genre de meuf avec qui je peux m'entendre celle là.

Une petite moue satisfaite prend rapidement place sur mon visage, haussant les épaules, quand elle parle de retrouver potentiellement d'anciens potes qui sauraient la fournir convenablement. C'est suffisant pour moi. Quant à cette histoire de coups de langue, je me contente d'y répondre par un doigt d'honneur levé dans sa direction et un nouveau ricanement amusé.

Fourrant mes mains dans mes poches, je lève les yeux au ciel. Je trouvais juste ça bizarre que tu prennes le risque de te perdre et de finir en panne sèche avec ta caisse juste pour aider une inconnue à trouver un endroit que tu connais pas. Qu'elle vienne pas dire que c'est complètement débile quand même la décision qu'elle a pris. Sympa et altruiste, c'est sûr, mais débile. Nan, pas spécialement, mais me demande pas pourquoi plein de gens se disent qu'on est forcément du genre à faire déménageuse ou camionneuse. Ou pire encore comme cliché : bûcheronne ! Les meufs comme ça ont aucune originalité et font que perpétrer des clichés merdiques.

En tout cas je suis pas du genre à revenir sur ma parole. Et j'ai bien dit à la blonde que j'allais lui filer un coup de main alors quand elle se met en route et me fait signe de la suivre je me fais pas prier. Cette fois je récupère par acquis de conscience mon couteau au cas où on aurait une sale surprise et lorsque Hope finit par trouver un passage dans un trou je la suis également. Je viens planquer mon visage dans mon coude pour essayer de rendre plus discrète une petite quinte de toux à cause de la poussière que je viens de me bouffer dans la tronche en entrant.

J'espère que tu cherches pas des gros meubles parce qu'on va galérer à les faire passer par là. Tu veux faire comment ? On cherche ensemble au cas où y'a des merdes qui nous attendent ou on se sépare ?

C'est ton choix, que je me contente de répondre dans un petit ricanement amusé sans pour autant me gêner pour lever les yeux au ciel. Cette fille est clairement dérangée. De quoi presque me rappeler de bons souvenirs, si tant est que j'en aie de l'époque des squats. Mais y'avait une fille à cette époque qui me fait maintenant penser à la blonde. Et en un sens, j'imagine qu'elle me fait aussi un peu penser à moi. Enfin bref.

J'avoue que sa réaction quand je parle de clichés me fait hausser un sourcil. Quoi, j'ai dit un truc marrant ? Parce que là va falloir m'expliquer, j'ai pas l'impression d'avoir fait de blagues. Et si elle recommence juste à se foutre de ma gueule, au bout d'un moment ça va finir par vraiment me les briser menu. Alors bras croisés j'attends d'avoir une explication, qui finalement ne tarde pas tant à se faire entendre. Et quoi, elle est lesbienne ? Si oui, tu fais que prouver ce que je dis. Des putains de clichés et le pire c'est qu'ils sont fondés ! Franchement, c'est à cause de meufs comme ta sœur qu'on nous voit comme des bourrins. Enfin, sans vouloir te vexer. Ou la vexer. Pas que j'en ai vraiment quelque chose à foutre de vexer qui que ce soit. Mais si je veux garder espoir d'être ramenée en bagnole à Tortuga – ou bien même de lui tirer sa caisse si vraiment elle le mérite – autant essayer d'avoir l'air un peu sympa. Même si ça m'empêchera pas de dire ce que je pense sans détour.

Entrant dans le magasin, je peste après avoir été obligée de tousser. Et j'avoue être surprise par la question que me pose Hope. Je sais pas si elle demande ça en étant vraiment inquiète pour ma santé ou juste si elle cherche un autre truc pour se foutre de moi. Quoi qu'il en soit, je secoue négativement la tête. Non, j'ai juste bouffé un nuage de poussière en pleine gueule en entrant. Ce serait quand même vachement la lose de crever à cause d'une allergie à la poussière. Surtout pour une ancienne junkie. Et des survivants à une apocalypse. En tout cas elle a raison. Cet endroit a l'air pourri jusqu'à l'os. Pas sûre qu'elle puisse trouver quoi que ce soit d'intéressant ici. Maintenant qu'on est là, autant chercher quand même.

Je suis des yeux le morceau de bois qu'elle balance et me tends légèrement, prête à me lancer dans un combat si quelque chose se met à bouger. Mais rien. A part le bruit résonnant dans le hangar du bois se cognant contre d'autres meubles avant de toucher le sol, pas le moindre grognement. Soufflant un coup, je me détends et range mon couteau à ma ceinture. Jamais loin au cas où, mais au moins j'ai les mains libres au besoin. Je hoche la tête aux mots de la blonde avant de la suivre dans les allées, observant les meubles quasiment tous bouffés par les termites ou l'humidité. Ou les deux.

Et au fait, tu cherches quoi comme meubles ? Genre horloge comtoise ou petite table de chevet ? Qu'au moins on se fasse pas chier à regarder les gros trucs si elle cherche juste une mini étagère.