Cette expédition nettoyage a été un fiasco sans nom. Des rôdeurs peu agressifs mais des mutants trop violents. Comment il pouvait y avoir autant de cadavre à l’étage inférieur ? Si Kit avait entendu parler de la politique d’antan, de la façon dont les autorités traient les civils, il ne s’attendait pas à un tel cimetière.

Sans compter les blessés. Conrad, Anjali, Jacob. Anjali avait pu se remettre de sa commotion mais pas Conrad. L’âge probablement. Quoi qu’il en soit, Kit était présent. Probablement trop sur le dos de son aîné. Mais il a eu peur de le perdre. Il avait presque moins eu peur de la possibilité de perdre un membre. Bien qu’il ait été sauvé par Anjali par deux fois. Des remerciements qu’il n’a pas arrêté de lui donner d’ailleurs.  

- Tu vas pas faire ton rabat-joie, hein. En plus, Anjali va arriver. Alors, t’es gentil et t’avale ce que je t’ai fait ou je te nourris façon oiseau et tu kifferas pas.

Kit fronce les sourcils en déposant l’assiette sur la table basse. Il se doutait de la frustration de son ainé à devoir se reposer sans cesse. Mais il avait un sacré coup. Et Kit ne plaisantait pas avec l’état de santé de son frère. Il avait failli le perdre trop de fois. Lorsqu’il entend frapper, le brun se redresser et ajoute.

- C’est Anjali. Je vais lui ouvrir.

Kit rejoignit l’entrée pour ouvrir à la brune. Sourire aux lèvres, il lui fit signe d’entrée sans attendre. Peut-être que Conrad l’écoutera elle. Elle avait été tout aussi inquiète que lui. Est-ce que ça ne cacherait pas un petit béguin ? Ce n’était pas à lui d’en parler. Mais peut-être donner un petit coup de pouce...?

- Comment vas-tu ? Conrad n’en fait qu’à sa tête, tu voudrais pas l’obliger à manger un peu. A croire qu’il s’attend à courir un cent mètre dès demain.

Kit voulait s’assurer que son frère allait bien. Et ça passait par du repos, de la nourriture, quelques soins. Mais surtout du repos, ça avait bien été précisé. Et Kit ne comptait pas laisser Conrad tranquille. Quand bien même il y avait une petite inversion des rôles en cours.

La campagne de nettoyage des égouts n’a pas été qu’un échec complet, mais elle a été aussi une source de peine sans nom pour l’électricien. Si le début de l’opération n’avait pas été si infructueux qu’on l’aurait cru, puisqu’ils ont pu accomplir la tâche initiale, elle s’est, en revanche, très mal terminée. Il faut dire qu’ils s’étaient tous embarqués dans une mission suicide. Ce n’était pas que des rôdeurs asséchés qui rampaient sous terre. C’était de véritables monstres ! Et bien qu’Howlett avait su garder son sang-froid sur le coup, l’après est beaucoup flou, en revanche. Aujourd’hui alité dans la maison qu’il partage avec son frère, l’électricien essaie de se remémorer l’ensemble des événements : mais les trous dans sa mémoire le font flipper, plus que de raison. Et il ne cesse de se demander ce qu’il s’est réellement déroulé lors de cette fichue campagne, dont personne ne vantait de quelconques mérites. Et c’était bien ça, le plus alarmant. Ils avaient tous plongé les mains dans la merde, sans parvenir à réussir quoi que ce soit ?

Conrad se passe une main fébrile dans ses cheveux. Sa plaie à la tête est encore pansée, sa commotion est plus violente pour lui que pour les autres. Il ne sait pourquoi, si c’est son âge avancé, sa santé plus fragilisée, ou juste si le choc a véritablement été bien plus brutal pour lui que tous ceux qui ont fini tête la première dans les égouts. Mais il en souffre, et il ne supporte rien. Nauséeux, migraineux, incapable de tenir droit dès qu’il se met debout : les tremblements de son corps le rendent hargneux, alors qu’il a l’impression de revenir des années en arrière. Quand il a eu son accident, et qu’il a tout perdu. Toute sa vie. C’est probablement pour ça qu’il soupire, et rejette catégoriquement toute la bonne volonté de Kit, maugréant en réponse : « Arrête, je n’ai pas faim. Ça ne sert à rien, je recracherai tout dans l’heure qui suit, de toute façon. » Sa voix est un peu rauque, Conrad n’a pas beaucoup parlé depuis qu’il est sorti de l’hôpital. Il est juste… refermé sur lui-même, se considérant comme un vieux croulant. Ça ne fait pas beau de vivre au-delà de ses cinquante ans, dans ce monde décomposé.

« Enfin, ça passera. Naturellement, tu verras. » Modère néanmoins l’électricien. Si Anjali et les autres avaient pu s’en remettre alors… lui aussi, ça viendra, n’est-ce pas ? Il ne sait pas qui il essaie de convaincre le plus, entre les deux frangins. « Oh, tu as invité Anjali ? » Son regard s’éclaire, quelques secondes seulement. Se redressant dans son lit en grimaçant, alors que Kit annonce lui ouvrir. « Non, attends, je ne veux pas qu’elle me voit aussi faib-. » Il a déjà disparu dans l’entrée, et l’aîné contemple l’assiette déposée sur le côté, d’un œil redevenu morne. Il fait pitié. Il ne sait plus pourquoi il est dans cet état, et ne saisit pas pourquoi c’est si difficile de se remettre d’un mauvais choc. Peut-être bien qu’il est devenu dépassé par ce monde, finalement.

La tête lui tournait encore par instant, mais rien d'aussi insurmontable qu'après sa chute violente dans les égoûts. Par chance, elle n'avait pas mis trop de temps à se remettre sur pied, et au vu de la surexcitation générale de ses enfants ... Mieux valait que ça se passe ainsi. Alors, quand Kit lui avait proposé de passer les voir, elle n'avait pas tellement hésité. Déjà pour voir autre chose que le canapé ou Charlie et Joker mettaient un point d'honneur à la faire s'asseoir un peu trop souvent à son gout de crainte de la voir s'écrouler, mais aussi pour prendre un peu de nouvelles des deux frères. Si Kit semblait se remettre, avait-il laissé entendre que Conrad mettait un peu plus de temps à la tâche. L'inquiétant d'avantage...

Bonjour, Kit. Un sourire fatigué naît à ses lèvres en venant offrir une accolade au brun, haussant les épaules à sa question. J'ai connu mieux, mais je survivrai. Ici au moins, les soins permettaient de mieux se remettre, pas comme à l'extérieur. Quoi, je dois encore te sauver d'une situation ? Qu'elle se moque ouvertement en référence à leur dernière expédition dans les égoûts, lui offrant un sourire amusé. Quoi que d'apprendre que son frère refuse de se nourrir lui fait froncer les sourcils d'inquiétude. Le suivant sans mot dire jusqu'à la chambre du brun, esquissant un sourire sincère à la vue de l'aîné Howlett. Et cette assiette résolument pleine, comme l'a indiqué Kit un peu plus tôt.

Comment te sens-tu ? souffle la brune en venant à sa hauteur, effleurant sa main du bout des doigts. Il paraît que tu es prêt à commencer un marathon si j'en écoutes ton frère ? Offrant un regard amusé à Kit, avant de reprendre à l'attention de Conrad. Allez, plus sérieusement. J'ai apporté de quoi boire autre chose que du café soluble. Indiquant le thermos de chaï avec lequel elle était arrivée, pour le déposer sur le plateau également. Est-ce que je peux aider, d'une manière ou d'une autre ?

Kit préféra ne même pas répondre à son frère sur une potentielle faiblesse. Anjali les avait vu dans les égouts, dans des états pas possibles. Et le cadet ne voyait pas Conrad comme quelqu'un de faible. Mais lui faire entrer dans la tête s'avèrera bien plus compliqué que de s'occuper de lui. Le brun accueille l'étreinte d'Anjali avec plaisir. Elle lui avait sauvé la vie deux fois de suite. Il faut dire que c'est une chose importante qui rapprocherait n'importe qui.

- Non mais si tu peux sauver mon frère de sa tête de con, fait toi plaisir.

Qu'il ajouta en toute honnêteté. Au fond, il comprenait Conrad. Personne n'apprécie une phase de convalescence un peu trop longue. Mais Kit faisait de son mieux pour supporter son caractère exécrable. Pour s'occuper de nettoyer la maison et pour essayer de le faire manger. Peut-être qu'Anjali aura le petit truc pour le faire flancher ? Quand bien même, elle possède déjà certains atouts qui font pencher son frère sur le côté.

- Il veut aller plus vite que la musique.

Qu'il se contente d'ajouter en tirant une chaise pour s'installer. Même si, connaissant Conrad, il allait déjà se mettre à minimiser le tout. Alors que les assiettes ne cessent d'être pleine. Kit pouvait comprendre que la nausée n'aidait en rien à pouvoir manger correctement. Mais il pouvait au moins avaler plus d'une bouchée tous les trois jours.

- Merci pour le chaï, Anja'.

Kit bailla avec lenteur. Son propre sommeil était impacté par l'état de son frère. L'inquiétude était toujours présente et le brun ne pouvait s'empêcher de toujours se réveiller, aller voir si tout allait bien avant de retourner se coucher. Ce qui rendait son sommeil particulièrement compliqué et peu réparateur. Mais il ne voulait pas perdre son frère. Le stress et la peur ressenti encore et encore à l'idée de ne plus l'avoir auprès de lui. Il y avait son électrocution, l'épisode des pilleurs, des barbarians et maintenant les égouts emplis de créatures sorti des enfers.

- Et toi, Anjali ? Tu te remets correctement ? Je n'arrive toujours pas à croire que nous ayons un tel bordel sous nos pieds...

Lorsqu’il voit son frangin revenir accompagné d’Anjali, l’électricien contient un soupir, tiraillé. Adressant un sourire à l’indienne, il ne peut s’empêcher de faire les gros yeux à son cadet. Et si aucun doigt d’honneur ne lui est adressé pour une question de bienséance, il n’empêche qu’il signe malgré tout à son attention, sans savoir si la nouvelle venue est capable de les comprendre ou non : « Je t’avais dit d’attendre ! » Mais attendre quoi, au juste ? Qu’il redevienne tout gringuant après sa commotion ? Bizarrement, ça ne semble pas prêt d’arriver. Le contrecoup des nettoyages des égouts est encore trop violent, il n’arrive pas à se l’expliquer. Ou peut-être que si, à dire vrai, ce n’est pas bien compliqué, mais Conrad refuse de l’admettre. Alors il fait la moue, se contenant pour le bien commun, tâchant de ne pas se montrer aussi revêche, maintenant que la brune est réunie avec eux deux. « Anjali… je suis content de te voir. » Et malgré tout, c’est la vérité qui sort de sa bouche. La femme fait battre son palpitant un peu plus vite, l’électricien se redresse dans son lit dans lequel il est alité depuis sa sortie de l’hôpital, bien malgré lui. Calant par réflexe un oreiller confortablement derrière lui et bombant le torse, pour se donner un air plus sain et pimpant, pourtant facilement trahi, autant par les cernes sous ses yeux que sa mémoire défaillante. « Je ne sais pas ce que t’as raconté Kit, mais oui, quelques jours à peine et je serais remis sur pieds, tu verras. » ment-il éhontément à la visiteuse, en tirant la langue à son cadet. Il n’y croit pas vraiment, mais il s’y accroche. Conrad est encore de ce monde pour une bonne raison, ça lui suffit pour le moment. De toute façon, les deux à ses côtés ne sont pas mieux, et il insiste : « Vous êtes sûrs que vous n’avez rien ? Enfin, que tout va bien maintenant, je veux dire. » Ils s’en sont remis, à priori. Mais quand même, Howlett est passé à côté de tout : même des soins de ses camarades.

« Alors comme ça, t’es le chevalier servant de mon frangin ? » ajoute l’électricien ensuite, prêt à écouter les exploits de la brune. Un sourire fait ourler ses lèvres, son visage s’éclaire sincèrement, cette fois. Lorgnant sur les deux voisins tour à tour, gonflé également d’un sentiment qu’il ne pensait plus ressentir de sitôt. D’un amour, certainement, d’être bien à sa place aussi, entre ces deux-là. « Je suis content que vous vous en soyez sortis, tous les deux. Je ne sais pas ce que j’aurais fait, autrement… » L’aîné Howlett reprend l’habitude de signer en même temps, alors que sa voix s’éteint en un craintif chuchotement. Et quand Anjali demande si elle peut aider d’une manière ou d’une autre, Conrad se montre pensif une seconde, laissant son frangin commenter la situation. Celle qui lui échappe, à vrai dire, et qui en vient à le faire froncer des sourcils : « Si vous voulez aider, au lieu de me forcer à gober des cuillérées comme un bambin, vous ne voulez pas raviver ma mémoire ? » L’homme secoue la tête. Dès qu’il essaie de réfléchir à ce qu’il s’est passé sous terre, les images dans sa tête deviennent floues, et la font tourner. « J’ai l’impression de revoir des trucs immondes mais… on dirait que j’ai rêvé. Qu’est-ce qu’il y avait en bas, au juste ? » Qu’est-ce qui a pu le casser autant, surtout ? Le besoin d’explication devient presque critique, à ce stade. « Ce n'est pas si horrible que ce que mes songes me font croire, j'espère... Ou plus horrible que dehors, du moins. » ose espérer l'homme.

Je suis serviable, pas faiseuse de miracles. fait remarquer la brune en fronçant les sourcils à la remarque de Kit, main sur la hanche. Et tu tiens un sacré palmarès de tête dure toi aussi. Bon nombre serait mort la dessous, il n'y à que toi qui à décidé de prendre ça pour un défi personnel. Incluant qu'elle ne vienne lui sauver les fesses dans la foulée, évidemment. Offrant un sourire complice au brun avant de ramener le regard vers Conrad, secouant doucement la tête à sa remarque. Moi aussi, je suis contente de te voir. Même si je ne doutais pas une seconde de tes capacités de régénération. Bien sûr qu'il se remettrait. Et bien sûr qu'il avait trop de fierté pour oser se plaindre devant elle. Haussant les épaules à leur question commune, reprenant néanmoins. Rien d'insurmontable. Et je crois que les enfants n'auraient eu aucun répit à me demander milles et une chose, même si j'avais dû rester alitée de force. Elle plaisante, bien sûr, mais il n'empêche. Et ma cousine se serait terriblement ennuyée sans moi. Pour ne pas évoquer le fait que Min-Oh ait complètement déserté le domicile familial.

Quand à son nouveau rôle de chevalier, elle ne peut s'empêcher de rire. On peut dire ça comme ça ... A croire qu'il ne peut pas se passer de moi. Sourire bref à Kit, reprenant à sa nouvelle question. A croire qu'il y à toujours pire que ce qu'on peut imaginer, ici. Sans doute que son expérience sur place était plus longue, suffisamment pour la rendre bien plus fataliste que la fratrie face à elle. Quand aux trous de mémoires de Conrad... Elle hésites, sur l'instant. Peu sûre que lui raviver la mémoire soit une bonne chose au vu des horreurs, alors qu'elle échange un bref regard avec son cadet.

Tu n'as pas tellement rêvé, il y avait biens des ... Choses immondes, en bas. Quand à moins pire que dehors ? Hm. Elle doutait fort que les rôdeurs se prêtent à des expériences scientifiques aussi sombres et perverses que celles sous les égouts. L'extérieur à son propre lot de monstres, mais rien d'aussi... Extrême. Du moins, le supposait-elle.

Fixant son frère, Kit lève déjà les yeux en tête tout en signant finalement. “Pourquoi ? Elle ne va pas arrêter de t’apprécier parce que tu es blessé, sombre buse !” Et s’il ne pouvait pas grogner en langue des signes, son regard suffit à le faire passer en direction de son frère.

Kit arque un sourcil quand Conrad se permet même de remettre en question ce qu’il pouvait bien dire. Glissant les mains sur ses hanches, il ajouta.

- Je ne dis que la vérité, Mosieur.

Grommelle finalement le plus jeune des frères. Kit s’installe sur une chaise et balaye finalement l’inquiétude de son cadet. Autant, lui n’avait rien subit. Ce n’était pas le cas d’autres. Il avait été sauvé par deux fois, si ce n’est trois peut-être, par Anjali. Et il l’avait remercié plusieurs fois à la suite de cet Évènement.

- Dépression, pour sûr. Tu peux pas vivre sans moi.

A la fin de sa phrase, Kit fait voler sa tignasse comme dans une pub l’Oreal avec un sourire amusé sur son visage. Au-delà de la blague, Kit était aussi rassuré de voir son frère en vie. Comment aurait-il vécu autrement ? Rien ni personne n’aurait été suffisant pour le retenir ici. Pas comme cette fois, dans cette grange immonde où la corde a finalement lâcher odieusement.

- J’aime jouer la demoiselle en détresse avec Anjali. Un jour, elle me portera comme une princesse, tu verras.

La mémoire de son frère sur l’évènement est compliquée. Kit lui-même a l’impression d’avoir rêvé face à de telles créatures. Alors, pendant qu’Anjali lui répond, Kit finit par bouger pour attraper un cahier et un stylo pour gribouiller le mutant qu’ils ont pu voir. Bien évidemment, Kit ne dessine pas bien mais l’image parlera d’elle-même.

- J’ai l’impression que l’Ancien New Eden a balancé pas mal de mort dans les égouts, certains ont mutés. Anjali m’a sauvé la vie parce que j’étais en proie à un mutant rôdeur. Trois rôdeurs ont muté en un seul. Six bras, six jambes, trois têtes et d’une allure bien dégueulasse. Dans ce genre en moins enfantin.

Dit-il en tournant le cahier en direction de son frère pour montrer son gribouillis. Celui-ci faisait bien moins peur que ce qui se trouvait dans les égouts.

- Tu n’es pas le seul à t’être cassé la tête contre les murs. J’ai dû porter Jacob. Il y a pas mal de rôdeur en dessous. Il va falloir cramer tout ça, boucher les accès ou redescendre avec une putain de sulfateuse.

Quant à ce qu’il se trouvait dehors, Kit pouvait assurer à n’importe qui que rien n’était aussi violent que cette grosse boule de graisse de rôdeur. Agitant la tête de droite à gauche, il ajouta.

- Conrad, ce qu’il se trouve dans les égouts est pire que dehors. Sauf si tu as le docteur Frankenstein qui a décidé de réitérer sa création avec des rodeurs. Cte truc est putain de rapide. On a réussi à les buter mais putain, un cauchemar ce truc.