Courir ou marcher ? Même quand j’avais mes deux jambes, je ne pratiquais la course que pour m’entretenir et jamais par plaisir. Je dois avouer que je n’ai pas eu l’occasion de m’entrainer de nouveau depuis mon accident : « Je ne suis pas une grande sportive, je préfère que nous marchions rapidement. » Mais juste avant de partir, je me rends compte que nous abandonnons un avion qui ne peut pas voler et une bonne centaine de litre d’un précieux carburant :
« Une seconde. » J’ouvre la trappe à carburant de l’aile, nous ne savons pas quand nous allons revenir chercher l’avion, je me refuse de prendre le risque que quelqu’un vienne se servir. Le kérosène s’écoule à mes pieds, formant rapidement une large flaque. Puis je m’engage rapidement après le Coréen, nous allons jusqu’aux arbres qu’il m’a désigné. Ils sont assez imposants, de larges troncs, de belles branches basses, ce pourrait être un refuge facile à atteindre en cas de problèmes.

Mais ce qui finit par attirer mon attention, c’est la présence d’une construction dans l’uns d’eux, je pousse Lukas du coude et je lui désigne : « Dans cet arbre, ça pourrait être une cachette qui tienne la route. » Il acquiesce et commence à monter pour dissimuler nos ressources. Je surveille les alentours, quand j’entends très distinctement le bruit d’un moteur, sonorité typique d’un moteur américain, une voiture ? Oui, ça doit être ça. J’en conclus que nous avons été repérés. Puis viens le bourdonnement typique d’une arme automatique, je tends l’oreille pour tenter de l’identifier. Lukas finit par redescendre et je lui fais part de ce que j’ai entendu :

« Un moteur, probablement un gros tout-terrain ; et une mitrailleuse, si je pouvais mettre un billet, je serais encline à dire que c’est probablement une calibre .50. » Quoi de mieux qu’une telle arme montée à l’arrière d’un pick-up pour se débarrasser d’une horde de rôdeurs ? « Peu de chances que ce soit New Eden ? » J’ai encore du mal à penser à ce groupe comme étant « le mien ».

Nous sommes en danger, je sors ma carte pour essayer de trouver un itinéraire, rapidement je trouve une solution passable à nos problèmes : « Il faut rejoindre cette rivière. » Je lui montre la snake river, qui serpente entre les collines jusqu’à se jeter dans la Colombia river. Heureusement, j’avais relevé notre position régulièrement quand nous volions, j’estimais qu’il nous faudrait une grosse journée de marche pour rejoindre notre objectif. Je passe mon doigt sur le trajet que j’envisage, une fois atteint la Colombia, il faudrait la suivre jusqu’à la jonction avec la Walla Walla et ensuite suivre l’autoroute jusqu’à notre ville. Une marche d’une cinquantaine de kilomètres.

« Si nous trouvons un peu de bois, peut-être pourrons nous bricoler un radeau de fortune ? » Je suis ingénieure, je dois bien être capable d’enrouler une corde et deux branches entre elles non ?! « A défaut d’être rapide, ça nous rapprochera de Walla-Walla et nous serons hors de portée de la plupart des rôdeurs et bête sauvages. On pourrait même trouver un bateau ?» L’idée ne m’enchante guère, je sais que c’est une solution viable, j’espère simplement que nous trouverons assez de nourriture pour nous deux durant ce trajet, je l’estime à au moins quatre jours, dans le meilleur des cas, plus cinq très certainement. Heureusement que je suis bonne tireuse et que Lukas semble plus à l’aise sur terre que moi-même.

Nous nous mettons rapidement en route, au loin, le bruit de la mitrailleuse semble attirer les rôdeurs, ils sont tous autour de nous, dans les champs, dans les campagnes. Nous essayons d’avancer aussi silencieusement que possible mais je ne suis pas une espionne, alors que je tente de contourner un arbre, mon fusil cogne contre ma prothèse, dans un bruit métallique qui attire l’attention d’un mort vivant. Il s’avance vers moi, les bras en avant, si vieux qu’il avait de la moisissure sur son visage et les dents d’un noir charbonneux. Sans hésiter, j’épaule mon arme et je colle presque le canon dans une de ses orbites occulaire. La détonation est un peu atténuée par le mélange putréfié. La balle traverse de part en part le crâne et va se perdre plus loin dans la forêt.

Je fais signe à Lukas que je vais bien et nous continuons à avancer.