Putain...

L'insulte sortit d'elle même quand Gary vit ce que Joey lui désignait. La petite silhouette chancelante, minuscule, décharnée, qui errait sans savoir quoi faire de ce qu'il lui restait d'existence. Ça lui fit un coup. C'était qu'une gamine, une petite de gamine qui avait pas eu la chance qu'il avait. Il ne put s'empêcher d'y voir Norman, son môme. Voir des morts qui faisaient sa taille, ça le dérangeait pas de la même manière bizarrement. C'était des gens comme lui, alors p't'être que d'une certaine manière ça le touchait bien moins.

Mais voir un être, qui faisait la même taille que son fils, qui avait probablement le même âge, et qui l'aurait probablement à jamais. Il serra la mâchoire de frustration, de colère, ressentant le poids de l'injustice qu'était devenue la vie. Un long soupir lui échappa, un soupir qui traduisait la rage qu'il ressentait à présent, alors que ses doigts se resserraient un peu plus autour de son arbalète. Les mots de Joey lui semblèrent creux sur l'instant, si bien qu'il ne les entendit pas vraiment. Ou alors il s'en fichait. Il perçut bien le moment où il disait qu'il se serait cassé de là simplement s'il avait été seul, mais non. Gary voulait pas que ça se passe comme ça. C'était trop cruel, pour une enfant.

Je m'en occupe.

Il avança d'un pas décidé vers l'avant, s'approchant de la gamine qui l'avait vu. Elle aussi, traîna les pieds jusqu'à lui, tendant ses petits bras maigres vers lui en râlant pour qu'il vienne plus vite. Gary releva son arme, et à trois mètres d'elle, lui décocha une flèche entre les deux yeux, sans aucune hésitation. Quand son corps s'effondra au sol, il détourna finalement le regard. Avec en tête, l'image de son visage, de sa peau blanchâtre, ou de ses pupilles laiteuses. Il voulait pas que ça soit Norman. Jamais.

Et en y pensant, le chasseur eut un sourire triste. Par deux fois, il avait été loin de ses familles. Par deux fois, il avait failli les perdre. Quand il avait du se rendre jusqu'à Seattle, sa survie tenait plus du miracle qu'autre chose. Et puis après la chute du stade, le fait de les perdre encore une fois, de les croire morts pour de bon. Gary récupéra sa flèche et se détourna du corps, regardant vers Joey pour lui dire de venir vers lui. C'était bon. C'était fini.

J'crois que j'suis l'un des types les plus chanceux sur terre, dit-il à son meilleur ami, reconnaissant finalement. Ils avaient perdu des amis, des tas. Certains partis, d'autres morts, au club. Mais au moins, ils étaient ensemble ils avaient un abri, il avait encore Rose et Norman, et bientôt un autre enfant qu'il devrait élevé dans ce monde. On s'arrête pas...

Ils arrivèrent finalement sur le port. Ils purent admirer un peu ce qu'était devenu. Des navires qui prenaient la flotte évidemment, qui commençaient à s'enfoncer un peu plus dans la baie, et un désert toujours aussi étrange. Gary regarda plus loin sur le quai, désignant le port de pêche et l'un des entrepôts à côté. C'était grand, mais ils pouvaient toujours en faire un repérage. Gary le désigna du regard à Joey, comme pour lui dire que c'était là-bas qu'ils se rendaient.