2 jours de trajet.

C'était ce qu'il avait fallût à Carmen, Alejandra, Ana et Axel pour rejoindre la Virginie, afin de récupérer le chemin de la réserve Navajo ou vivait leur grand mère.
Au départ, Carmen n'avait pas songé une seule seconde à y ramener Axel, avant de réaliser qu'elle risquait de ne pas survivre à un repas culturel si son meilleur ami ne venait pas. Après l'avoir supplié pendant des jours et des jours, il avait finalement cédé. Après deux jours incessants de dispute en tout genre entre Carmen et Alejandra, et Ana qui hurlait plus fort qu'elles pour les inciter à se calmer, ils étaient désormais à une heure de la réserve, s'accordant une pause sur une aire d'autoroute alors que Carmen sortait une cigarette et en aspirait la première bouffée avec une certaine nervosité.

Bon... Avant qu'on arrive, les conseils de dernière minute, comme d'hab.

Alejandra avait levé les yeux au ciel, avant de ramener son attention sur son smartphone. Quand à Ana, elle s'était contentée de rire légèrement en s'attendant aux sempiternelles recommandations que les soeurs se répétaient à chaque fois, au cas ou leur grand mère déciderait de trouver quelque chose à redire sur ses petites filles ayant préféré la vie du côté du "peuple blanc", comme elle aimait les appeler.

On ne parle pas de Nolan, ni même d'un quelconque garçon qui ne serait pas originaire de je ne sais quelle tribu bizarre comme elle nous parle à chaque fois. On range les portables, on refuse tout ce que le vieux Longshadow voudrait nous proposer à boire ou à manger. On à pas pu venir à la dernière fête parce qu'on avait attrapé la grippe, pas parce qu'on à complètement oublié de quel jour il s'agissait... Et on ne fume pas.  
Ca s'adresse qu'à toi ça. T'façon, t'inquiète que la vieille sentira la nicotine avant même que tu sois face à elle. Fit remarquer la plus jeune en ricanant.
Range moi ce portable Lexie avant que je ne te le casse sur la tête !

Elles allaient s'entretuer avant la fin du trajet, c'était obligé. Vu comme elle avait perdu le peu de calme qu'elle possédait au cours des 48 dernières heures, elle allait finir par enterrer son corps derrière l'aire de repos, c'était sûr.  Déjà qu'Axel avait manqué de partir en courant quand il était arrivé au beau milieu d'une dispute alors qu'Ana essayait tant bien que mal de les séparer...

Rappelle moi pourquoi je devais venir ?
Oh, je ne sais pas. Parce que c'est nos racines, qu'on à pas vu la vieille depuis des mois et des mois, et que c'est la fête de .... Un truc comme tu pourrai entendre dans Avatar quoi  
Hozho Naasha. Souffla Ana en désespérant de ses deux soeurs.
Merci. Et estime toi surtout heureuse si je ne t'ai pas abandonné là-bas d'ici la fin du week end. Lâcha sombrement l'aînée en observant Alej qui leva à nouveau les yeux au ciel.

Au moins, la fin du trajet se fit dans le calme, jusqu'à ce qu'ils n'atteignent enfin la réserve de Virginie. Si elle appréhendait de revoir sa grand mère après tout ce temps, elle était au moins heureuse qu'Axel soit là. Venant prendre sa main alors qu'Ana se jetait dans les bras de sa meilleure amie d'enfance, Carmen dit au brun avec un sourire soulagé.  

Merci mille fois. J'aurai pas survécu toute seule, c'est sûr. Ma grand mère est pas méchante, mais elle est un peu... Cinglée, un truc du genre, elle vit que pour sa réserve et parfois elle tient des discours un peu extrême, alors ne pars pas en cour-

Une main âgée vint se poser sur son épaule alors qu'elle faisait volte face. La vieille. Trop tard pour les dernières recommandations. Avec ses longs cheveux blancs et son visage ridé, Ama semblait avoir pris encore 100 ans au cours des dernières années. Carmen parvint tout de même à offrir un sourire crispée à sa grand mère.

Ama... Justement, on parlait de toi.  
Tu empeste la cigarette Dezbah. Fit la vieille dame en humant l'air, avant de rajouter. Tu n'as pas ramené l'autre abruti de la dernière fois ?
Heu... Non, mais je te présente Axel.
Pour un peu, elle aurait poussé son meilleur ami face à l'ancêtre pour s'enfuir en courant, avant de rajouter.
Il aime bien la culture Navajo, et ses parents sont fermiers.  

Au moins, ce fût suffisant pour qu'Ama lui sert la main avant de les abandonner pour aller hurler sur Alejandra et son téléphone. Une bonne chose de faite.

Bon... Ca s'est plutôt bien passée.  Viens, on va aller près du feu, comme ça tu me donnera tes premières impressions.

    Si j'avais su ce qui allait m'attendre, je serais resté bien tranquillement chez moi, je n'aurais pas quémandé chez mon patron pour prendre une semaine de repos, et tout aurait été pour le mieux. Mais non, il avait fallu que Carmen me fasse les yeux doux pour que je les accompagne, elle et ses sœurs, à la réserve pour fêter je ne sais quel événement ; Ana m'en avait suffisamment parlé, elle qui était très attachée à sa culture, mais il n'empêche que c'était dans un flou total quant à ce qui allait m'attendre que j'étais monté dans la voiture il y a deux jours.

    Deux jours. Deux foutus jours de trajets où les filles n'avaient pas arrêté de se chercher des noises. Surtout Lexie qui, ne quittant pas son téléphone d'une seconde, ne cessait d'agacer ses aînées et en profitait, au passage, pour balancer des répliques ô combien désagréables. Au moins ça me confortait dans une chose : je m'étais entiché de la bonne sœur. Ana et moi étions en couple depuis le mois de Janvier et, même si nous ne vivions pas ensemble, nous nous voyions assez régulièrement. Carmen était avec le temps devenue ma meilleure amie bien qu'au début ç'avait été relativement corsé au vu de son caractère et du mien, mais il fallait croire que je l'appréciais assez pour ne pas la laisser seule dans cette ''fête de dingues'' comme elle disait ; quoi qu'elle ait tout de même eu à insister à plusieurs reprises pour que, excédé, j'accepte.

    Quelle erreur. Là, hors de la voiture pour une dernière pause avant d'arriver enfin à la réserve, j'avais juste envie de prendre mes affaires, faire demi-tour, et rentrer à Seattle. Et à pieds s'il le fallait ! Mais je devais bien me rendre à l'évidence que le retour en arrière n'était plus possible et je n'avais aucunement envie de m'attirer les foudres des sœurs Mendoza. Adossé contre la voiture, les bras croisé en soupirant, ravi de pouvoir prendre un peu l'air, j'écoutais d'une oreille distraire les dires de Carmen. Ne pas parler de Nolan, ne rien accepter du vieux Longjenesaisquoi, ne pas fumer ; au moins ce dernier point ne me concernait pas. Tous en fait ; n'étant pas vraiment bavard avec les inconnus je ne risquais pas de déballer la vie de l'aînée, et franchement, j'avais une tronche à accepter des trucs de n'importe qui ? Levant une nouvelle fois les yeux au ciel en soupirant bruyamment, je m'approchais un peu des sœurs.

« Bon on y va ? Sinon on sera toujours là demain. »

    Pas que j'avais hâte d'arriver, ça me stressait autant que m'agaçait à dire vrai, mais je n'en pouvais plus de cette ambiance à couteau tiré et de leur querelles. Oui, mon besoin de calme quotidien avait été royalement foutu en l'air dès le moment où j'avais foutu un pied dans cette bagnole. Et ce n'était que le début.

    Arrivant enfin sur place, je zieutais rapidement Ana qui alla rejoindre une bonne amie à elle apparemment, tout en restant près de Carmen pour ne pas me perdre dans cet inconnu. Serrant la main de mon amie en réponse à son remerciement, je me demandais un court instant si nous n'allions pas tous revenir cinglés après ça. Entre ma petite amie qui me peignait sa culture comme la plus belle qui soit, et sa grande sœur qui avait l'air terrifiée à l'idée de s'y mêler... j'étais complètement perdu et, l'angoisse mêlé à l'agacement n'avait jamais fait bon ménage dans mon esprit.

    Hochant la tête aux mots de la brune, elle se stoppa net et se tourna. Immédiatement je compris. Alors c'était elle, ''la vieille''. Elle avait quel âge au juste ? Certes, elle avait vraiment l'air marquée par le temps, mais je peinais encore à voir où était réellement le problème avec elle. Et franchement, la perte de mes grands-parents dans mon enfance ayant été suffisamment difficile, j'avais du mal avec le concept d'éviter sa grand-mère. Elle se mit à parler d'un air plein de reproches qui me fit légèrement froncer les sourcils ; depuis quand ne s'était-elle pas vues ? Longtemps apparemment, alors c'était quoi cet accueil tout pourri ? Ne m'en formalisant pas plus que cela je tentais un léger sourire à l'adresse de la mamie, essayer de paraître poli, quoi que mon expression avait manqué de se décomposer aux mots de Carmen ; j'aimais la culture Navajo ? J'en savais autant sur ça que sur la manière dont marchait un hydravion alors... Rendant sa poignée de main à la doyenne, je la regardais partir sans me défaire du léger sourire d'usage qu'il était courant d'adopter dans ces conditions.

    Quand Carmen reprit cependant, la façade s'effaça, laissant place à mon air un peu blasé de tous les jours. Hochant la tête, je la suivais près du feu tandis qu'elle saluait de la main quelques personnes présentes.

« Mes premières impression ? C'est... je ne sais pas. J'ai presque l'impression d'être en terrain ennemi là. »

    Inutile de préciser que le monde entier avait l'air d'une terre ennemie à mes yeux, la brune le savait, et ce n'était pas pour rien que nous avions mis autant de temps à nous entendre. Posant un instant le regard sur Ana un peu plus loin qui discutait avec entrain, je souriais légèrement. Assis à côté de Carmen, je me penchais légèrement pour lui donner un petit coup d'épaule.

« Elle a pas l'air si horrible que ça ta grand-mère, même si elle ne respire pas la joie de vivre. »

    Pouvais-je seulement me permettre de dire cela ? Je n'étais clairement pas un exemple en matière de ''joie de vivre'', à dire vrai, je n'étais même pas certain de savoir que quoi ça s'agissait réellement. La doyenne avait cependant un air sage et bienveillant, le même qu'avait ma grand-mère. Soupirant légèrement, je regardais le feu pour éviter de croiser le regard inquisiteur de toutes ces personnes venues d'un autre monde ; ou peut-être était-ce moi qui venait d'un autre monde ? Probablement.

« Bon alors tu ne m'as toujours pas vraiment dis, c'est quoi le programme ? »

C'est pas qu'une impression, je peux te rassurer.  

Si la plupart des membres de la réserve affichaient pour la plupart des vêtements normaux, nul doute qu'Axel faisait un opposé total avec eux. Qu'il s'agisse de son absence de tatouage, de cheveux foncés ou de regard de travers dans leur direction. Mais bon, qu'est-ce que ça pouvait bien faire après tout ?
Sa grand mère ne respirait pas la joie de vivre, en effet. Grimaçant légèrement, la brune hocha la tête avant d'expliquer.

Mon grand père était le dirigeant du camp. A sa mort, c'est ma grand mère qui à été désignée pour poursuivre. Sauf que comme à peu près toutes les autres réserves amérindiennes du coin, la plupart des membres ont tendance à terminer drogués ou alcoolique, et ma grand mère se bat pour instaurer un maximum d'ordre ici, qu'il s'agisse de l'éducation, de la culture navajo ou même tout simplement de garder jalousement leur territoire. Elle estime que la police tribale ne fait pas assez bien son boulot, pour faire simple. Et ... Disons que c'est une grande attachée de la culture de nos ancêtres, elle n'a jamais apprécié que ma mère se marie à un Mexicain, elle aurait préféré lui coller je ne sais quel homme du coin qui lui aurait collé 5 gamins tous excellent en traque, chasse pêche et tradition. C'est pour ça qu'elle s'acharne à m'appeler Dezbah, et Ana et Lexie Eyota et Enola. Elle avait exigé qu'on nous appelle comme ça à la naissance, mais ma mère dieu merci, à refusé histoire qu'on puisse s'adapter.

Elle n'avait pu s'empêcher de mimer des guillemets en parlant d'adaptation. Avec un père latino et une mère amérindienne, nul doute qu'elle avait fait couleur locale dans son école, ou au lycée...
Quand à la fête en question... Elle n'avait pu s'empêcher de lever les yeux au ciel un court instant.

C'est la tradition ultime. On célèbre le culte des ancêtres, et on rappelle les traditions du peuple par le biais de peinture, d'habits de cérémonie et de-  
CARMEN ! Regarde moi ça!

Alejandra l'avait coupé en pleine explication, se pointant habillée comme le voulait la tradition, le visage marqué des couleurs de la réserve. Ses boucles brunes avaient visiblement été tirés vers l'arrière en guise de nattes, et elle montrait le tout en donnant l'impression de vouloir tuer quelqu'un. En voyant sa soeur habillée de la sorte, l'aînée ne put s'empêcher de rire légèrement.

Estime toi heureuse qu'on ait raté la fête de la puberté, Ama aurait tout fait pour que tu devienne une femme au foyer idéale...
Ne te moque pas trop Dezbah, c'est ton tour. D'ailleurs, il y à un jeune homme ici qui meurt d'envie de te rencontrer.

La vieille. Encore. Jetant un regard suppliant à Axel alors qu'elle était traînée de force par sa grand mère à l'écart, elle fût tout de même vengée en constatant qu'Ana venait de sauter sur Axel pour lui infliger le même supplice. Tant mieux. Le relooking lui fit un drôle de choc, alors qu'elle se retrouvait à son tour affublée des couleurs du clan, une large tunique recouvrant son jean et son haut, marqué à la taille d'une ceinture de cuir. Comme ses soeurs, ses cheveux avaient été tressée d'un seul côté du visage, alors qu'Ama lui donnait comme à chaque fois le pendentif en argent qu'elle possédait. Par chance, elle réussit à esquiver sa grand mère alors qu'elle parlait d'aller chercher le dit jeune homme, attrapant Axel par le bras pour le tirer en direction du feu de camp ou commençaient déjà à se regrouper une foule de monde.

Pour un peu et tu ressemblerai à un indien toi aussi Fit-elle remarquer avec un sourire alors que les premiers chants commençaient à se faire entendre. Récupérant une tasse que lui tendit l'une des adolescentes, elle lui mit dans les mains. Bois, ça te changera de tes tisanes camomille. Et il va sérieusement falloir trouver un plan B parce que visiblement l'ancêtre à décidé de me coller un prétendant. La soirée s'annonce compliquée. Mais bon... Du peu que tu as pu voir, àa se passe comment entre Lexie et Ana ? Elles ont pas encore essayé de s'entretuer ?  

De loin, la jeune femme vit sa soeur rire aux éclats alors qu'elle parlait avec une facilité déconcertante dans une langue qu'elle n'avait jamais essayé d'apprendre, discutant avec un couple d'amis qu'elle avait fréquenté durant ses vacances prolongées à la réserve.

J'espère juste que tu n'as pas encore envie de partir en courant. D'autant que le festin je dois l'admettre, vaut le détour.

    Continuant de zieuter aux alentours, j'essayais de me préparer un peu à tout cela, si toutefois je pouvais l'être étant donné que la seule envie que j'avais était de prendre mes jambes à mon cou. Écoutant d'une oreille attentive les dires de ma meilleure amie, je hochais la tête par moment. Sa grand-mère avait l'air de faire partie de ces personnes qui savent où elles vont, ce qu'elles veulent, et dont les principes sont inébranlables ; le genre d'ancêtre qui pousse vraiment au respect. Mais ces principes étaient peut-être un peu trop poussés... Dezbah, franchement ? Fronçant les sourcils, un léger sourire taquin étira néanmoins le coin de mes lèvres.

« Je devrais peut-être songer à t'appeler comme ça, après les jours que j'ai passé à vous supporter, et ceux à venir, tu me dois bien ça. »

    Bon, ça me passerait certainement d'ici quelques temps, mais sur le moment, je trouvais l'idée amusante. Reprenant mon sérieux quand la brune se mit à me parler de la fête à laquelle nous allions assister, j'étais partagé entre une certaine curiosité et un agacement total ; en quoi ça pouvait m'importer de célébrer le culte des ancêtres ? Quels ancêtres d'ailleurs ? Soupirant légèrement, je sursautais presque quand Lexie arriva. Ouvrant de grand yeux, je ne pu m'empêcher de me demander ce qui les poussaient tous à se déguiser comme ça ; la plus jeune était visiblement peu satisfaite de cet accoutrement. Souriant légèrement, je fis de mon mieux pour ne pas avoir l'air de me moquer quand la doyenne arriva à son tour. Faisant un petit signe de la main mesquin à Carmen qui était entraînée on ne sait où, mon air amusé s'effaça immédiatement à l'arrivée d'Ana.

« Allez, à ton tour ! »

« Mon tour ? Un air un peu perdu jusqu'à ce que je comprenne où elle voulait en venir. Non. Non non non. »

    Mais inutile d'essayer d'aller contre ma petite amie, elle avait le même foutu caractère que sa sœur ; on ne leur disait pas ''non'' à elles. Soupirant bruyamment en me laissant attirer un peu plus loin, je m'affalais sur un tabouret tandis que qu'Ana s'attelait à me maquiller le visage de plusieurs couleurs ; les gens qui passaient autour regardaient la scène d'un air un peu ébahi. Était-ce simplement parce-que j'avais une tronche bizarre ou, plus logiquement, parce-que j'étais un inconnu infiltré dans leur communauté ? D'un air renfrogné, je me laissais faire, avant qu'elle ne m'affuble d'une sorte de poncho tout aussi coloré et aux motifs triangulaires. Baissant la tête en tirant sur les deux coins de l'habit, je soupire une nouvelle fois ; j'ai vraiment l'air d'un clown, franchement.

    Une fois terminé, ma petite-amie m'accorde un rapide baiser discret sur la tête, à l'abri des regards accusateurs ; et peut-être aussi pour ne pas effacer ce beau maquillage qui orne désormais mes joues. Elle s'en va d'un air guillerette en me laissant là, en plan, au milieu de tous ces inconnus qui ont l'air tous plus perchés les uns que les autres. Glissant les mains dans les poches de mon jean, je commence à avancer doucement vers je ne sais où jusqu'à ce que Carmy m'agrippe le bras. Fronçant les sourcils à la remarque, je darde sur elle un regard autant blasé que mesquin.

« T'es mignonne comme ça, Dezbah. »

    Accentuant volontaire son prénom d'origine, je ne peux m'empêcher de sourire légèrement en me laissant entraîner près du feu. Des chants commençaient à s'élever ci et là ; jetant des regards un peu troublés aux alentours, j'avais la sale impression d'être tombé sur une secte. Prenant machinalement la tasse que me donne Carmen, j'en bois une gorgée avant d'afficher une mine un peu renfrognée ; c'est quoi ça ? Il n'y a même pas de sucre.

« Et, il est pas bien ce prétendant ? Elle était difficile certes, mais je me doutais bien qu'elle n'avait pas envie qu'on organise quoi que ce soit pour elle. Souriant légèrement en secouant la tête à sa question, je m'arrêtais derrière quelques personnes. Ça a l'air d'aller pour l'instant, votre grand-mère y veille. »

    Au vu des regards pleins de reproches des deux personnes devant nous qui venaient de se retourner en nous entendant papoter, je soupirais et parlais un peu moins fort.

« Si je pars en courant avec cet accoutrement, je risque d'être traqué dans tout le pays. »

    Levant les yeux au ciel en me rappelant de ma tête que j'avais rapidement aperçu devant un miroir, je n'avais aucun doute quant au fait que les sœurs m'en parleraient encore pendant des lustres. Me repenchant vers mon amie, je lui chuchotais à l'oreille.

« Tu devrais chanter avec eux, regarde comme Ana est appliquée ! »

Mine de rien, le look navajo allait plutôt bien à Axel. Elle n'avait pu s'empêcher de rire légèrement en voyant Adriel, un petit garçon de 10 ans demander à sa mère pourquoi un blanc se pointait là, jusqu'à ce qu'Axel ne l'appelle Dezbah.
Lui offrant un regard noir en venant jeter à l'arrière de son épaule une des nattes tressées, la brune ne put s'empêcher de répliquer.

Tu ne sais même pas ce que ça veut dire...

La plupart des employés du BlackList connaissaient sa culture. Pour le nombre de fois ou elle avait dû demander des congés en expliquant devoir aller à la réserve, la question ne se posait plus malgré ses airs de latina. Néanmoins, elle n'avait pas besoin en plus qu'Aexel joue les boulets en venant l'appeler de la sorte tiens;
Par chance, Ama était occupée à venir enlacer Ana, sa petite préférée, alors qu'Axel lui posait la question fatidique. Qu'avait-il de terrible, ce prétendant. Pinçant un court instant les lèvres en refusant poliment la cigarette artisanale que lui tendit le vieux Longshadow, Carmen hésita un instant avant d'expliquer.

En soi, pas grand chose. Nathorod est fort, courageux, fera certainement le bonheur de n'importe quelle fille au monde, sauf que comme ma grand mère, il s'est mis en tête de me ramener ici.Il à beau avoir fait des études de droit, il est fermement rattaché à ce bled paumé. Elle haussa les épaules un instant, avant de rajouter. Et... J'ai un souci avec les relations longues, t'es pas au courant depuis le temps ? Le tout, lui offrant un petit sourire en coin, alors qu'il disait avoir peur d'être traqué dans tout le pays.

Nan, vous les Yankee vous nous devez une sacrée chandelle depuis la seconde guerre. Sans nos messages codés, les Japonais auraient grillé depuis longtemps tout ce que vous aviez prévu.

Quand à chanter... Pour une fois, ce fût un rire sincère qui s'échappa de ses lèvres alors qu'elle se déridait enfin, remerciant d'un signe de tête une des anciennes qui lui tendit à son tour une infusion des plus amères qu'elle but d'une traite sans broncher.

Axel Kennedy, je ne suis même pas foutu de comprendre quand ma grand mère vient me saluer en Navajo, tu m'imagine chanter ?
Pourquoi pas ? Ca pourrait peut-être te rappeler un peu tes racines...

Dieu tout puissant. Elle n'eut même pas besoin de se retourner pour savoir à qui appartenait la main puissante qui venait de se poser contre son épaule... Se tournant lentement en direction de l'homme qui les dépassait d'une bonne tête, Carmen offrit tout de même un sourire à son ami d'enfance.

Nathorod. Ca fait longtemps... J'te présente Axel, mon meilleur ami, et petit ami d'Ana. Lâcha t-elle avec un sourire en coin alors que le métis venait déposer un rapide baiser sur sa joue avant de serrer la main d'Axel.
Ne dis pas ça à Ama. Elle à l'air décidée à vous faire tomber amoureuse toutes les trois d'un des gars de la réserve
J'ai cru comprendre oui... Marmonna la brune en s'étouffant avec son infusion, préférant ignorer le lourd sous entendu que lui lançait les yeux verts de l'indien.
Ah, et Ama m'a dit de te dire qu'elle t'attendait pour l'ouverture de la cérémonie. Elle veut que tu sois présente avec Ana. Pour Lexie... Il faudrait que tu essaie de parler à ta soeur, il semblerait qu'elle ait décidé de tout critiquer ici. J'espère te voir en dehors de la réserve un jour, je dois retourner sur Seattle d'ici quelques mois pour récupérer mon diplôme.

Etait-ce le moment de lui dire qu'elle tenait un bar rempli pour la plupart du temps de jeune motivés à se bourrer la gueule et s'envoyer en l'air, et qu'il lui arrivait de se taper un déhanché sur le comptoir ? Non, probablement pas, l'idée de le voir tirer une tête de six pieds de long était trop hilarante pour gâcher la surprise... Hochant la tête avec un sourire crispé alors que le métis lui offrait un dernier sourire en lui glissant qu'elle était ravissante en tenue de cérémonie, Carmen put enfin reprendre son souffle.

Bon... Il semblerait que je doive t'abandonner quelques instants, encore.

Si l'action en elle même ne prit pas longtemps, il lui sembla pourtant qu'elle durait une éternité, alors qu'elle avait s'agenouiller et qu'Ana lui déposait dans les mains une épaisse liasse de fleur qu'elle vint jeter au feu alors que les chants se taisaient. Ama récitait son laïus pour l'ouverture du buffet, enfin. Le plus gros était passée, désormais ils pouvaient juste manger, boire et profiter de la fête. Le retour jusqu'à Axel dura de longues minutes alors qu'elle se faisait assaillir de toute part par des anciens du coin lui demandant des nouvelles, jusqu'à ce qu'elle ne croise Axel en compagnie d'Ama et de sa soeur. Elle n'eut pas besoin d'écouter pour comprendre que la vieille avait son meilleur ami à la bonne, vu le petit sourire en coin qu'elle possédait.

Se raclant tout juste la gorge pour signaler sa présence, Ama se tourna lentement vers elle un peu plus souriante que précédemment.

Dezbah, je proposais justement à ton ami de venir pour la prochaine fête.
Je ne sais pas Ama, ça va dépendre de beaucoup de choses, je dois commencer la saison estivale au bar et je -
Et si je meurs avant, tu ne t'en voudrais pas de ne pas m'avoir écouté ? Ana lui lança un regard insistant, lourd de reproche. La brune soupira doucement, alors qu'elle comprenait qu'Ama ne tolèrait pas d'avantage son absence. Axel, tu peux expliquer à ma grand mère que je ne travaille pas pour le plaisir, et que je ne peux pas me libérer quand j'en ai envie sous prétexte de la religion de ma famille ?

Pitié. Hurlait son regard.

    J'avais haussé les épaules en souriant légèrement quand elle affirma que je ne savais pas ce que ça voulait dire. Oui, c'est pas faux, mais ça m'amusait quand même ; elle n'allait quand même pas me reprocher de relativiser un peu la situation si ? Presque étonné que la brune refuse une cigarette, j'arquais un sourcil un peu inquisiteur ; alors elle essayait vraiment de se montrer correct aux yeux des siens ? C'était tout à son honneur remarque, cette manie de fumer sans arrêt c'était juste pas possible.

    Mon léger sourire quand elle commença à me parler de ce prétendant que cherchait la doyenne s'était peu à peu effacé, fronçant les sourcils. Qu'est-ce qu'ils avaient tous à vouloir la faire revenir ici ? Certes, leur culture est une part importante de leurs vies, mais quand même, pourquoi vouloir empêcher sa progéniture de mener la vie qu'elle souhaite ? Un court instant, je pensais à mes parents, cette situation tendue entre nous parce-que je refusais de retourner à la ferme familiale et m'occuper des exploitations ; peut-être que comparé aux Navajos, ils n'étaient pas si horribles que cela. Secouant la tête pour m'ôter ces pensées de la tête, je soupirais légèrement ; je me sentais déjà suffisamment mal à l'aise ici, il ne servait à rien d'en rajouter une couche de culpabilité. La remarque de ma meilleure amie m'arracha cependant un nouveau sourire.

« Je vais essayer de me rappeler quels sauveurs vous êtes, peut-être que ça m'aidera à sortir d'ici entier. »

    Je ri franchement à la réponse de la brune concernant le fait de chanter ; je l'imaginais chanter en yaourt des choses qu'elle ne comprenait même pas. Y a pas à dire, ça vaudrait certainement le détour ! Mais elle n'avait pas décidé à le faire et de toute façon, un homme se pointa, nous coupant encore dans notre élan de discussion. Au vu de la tête de ma meilleure amie, j'osais me demander si c'était de ce gars là dont elle me parlait. Au premier abord il avait pas l'air si mauvais que ça, grand, pas trop mal, et il regardait Carmy avec un regard qui ne laissait pas de place au doute : il n'avait d'yeux que pour elle. Serrant la main qui m'était tendue, je fis un léger signe de tête en guise de salutation, un peu crispé de me faire aborder par tout ce monde que je ne connaissais absolument pas. Secouant la tête quand il affirma que la doyenne voulait pousser toutes ses petites-filles dans les bras de gars de la réserves, j'osais espérer qu'elle ne vienne pas m'en parler directement ; saurais-je tenir ma langue et faire comme si de rien n'était ?

    Écoutant d'une oreille distraite les dires du dénommé Nathorod, je souriais légèrement à l'annonce de son passage à Seattle ; récupérer son diplôme, est-ce qu'il était allé faire ses études aussi loin de sa réserve juste pour voir Carmen un peu plus ? Manquant de pouffer de rire, je hochais la tête quand la brune s'éloigna.

« Fais ça bien ! »

    Les bras croisés, j'observais d'un air amusé la scène, cette ''ouverture de cérémonie''. Amusé certes, mais un peu troublé aussi. Tout ce qu'ils faisaient était lourd de sens, ils remerciaient leurs ancêtres et donnaient à la nature tout ce qu'elle méritait ; non, ils ne faisaient pas partis de ceux qui bafouaient sans remords ce monde dans lequel ils n'avaient aucun droit. D'un seul coup, je les trouvais un peu moins ''tarés'' que ce que Carmen avait voulu me faire croire, quoi que leur côté sectaire n'avait rien de très engageant. Quelques minutes plus tard, l'ouverture du banquet était annoncé et, attendant de suivre un visage familier, je sursautais presque quand la doyenne se retrouva à côté de moi, passant son bras dans le mien.

« Comment avez-vous trouvez la cérémonie ? »

    Restant un instant interdit devant sa demande, perdu entre son visage serein et ses yeux empreint d'une certaine méfiance, j'adressais à la vieille femme un sourire crispé alors que nous commencions à marcher vers je ne sais où.

« Je... Je l'ai trouvé magnifique. Toutes ces énergies positives et cette reconnaissance, beaucoup devraient prendre exemple. »

    Oui bon d'accord, c'était bateau, mais je n'avais pas vraiment envie de me mettre la grand-mère à dos, et il semblait que ma réponse lui convint au vu de son regard qui s'était adoucit. Pas vraiment à l'aise, je la suivis néanmoins jusqu'à l'endroit où se tenait le banquet, écoutant attentivement ce qu'elle me racontait au sujet de cette cérémonie. Le buffet était énorme, il y en aurait largement assez pour tout le monde ; clignant des yeux bêtement comme si je n'y croyais pas, je fut tiré de mes pensées par Ana qui vint nous rejoindre. Assis autour d'une grande table, je répondais du mieux possible aux questions de la doyenne qui semblait vouloir tout savoir. Où j'avais grandi, où je travaillais, comment j'avais rencontré Carmen, et enfin, elle me proposa de venir à la prochaine célébration.

    Je n'en pouvais plus de parler, mais l'envoyer balader ou simplement ne pas lui répondre n'aurait pas été très correct ; j'ai certes toujours eu un mal fou avec mes semblables, pour ne pas dire une réelle aversion, mais les vieux avec leur côté sage... je me sentirais comme la pire des merdes si je leur manquais de respect. Alors je faisais un effort, parce-que sans forcément m'en rendre compte, je repensais à ma grand-mère, et je sais que je serais devenu malade si quelqu'un lui avait manqué de respect. Carmen arriva tout pile avant ma réponse, me permettant de reprendre un peu mon souffle et réfléchir à ce que j'allais bien pouvoir dire. L'idée de revenir en soi ne me posais pas autant de soucis que prévu, mais j'avais peur qu'ils essayent de m’enrôler ; quoi qu'un blanc dans la réserve, ça sonnait faux. Et Carmen semblait terrifiée à l'idée de venir pour cette prochaine fête justement, son regard suppliant dardé sur moi me le faisait bien ressentir ; pourquoi fallait-il toujours que je porte tout sur mes épaules ? Un nouveau sourire crispé, et je reportais mon attention sur Ama.

« Je vous promet Ama que si nous sommes disponibles pour la prochaine fête nous viendrons. Mais Carmen a un travail très prenant, beaucoup de gens comptent sur elle et sont perdus pendant son absence, alors il est trop délicat de pouvoir prévoir à l'avance. »

    Affichant un air désolé à la doyenne, ma réponse ne sembla lui convenir qu'à moitié ; elle avait l'air un peu perplexe, comme si elle ne pensait pas qu'il y avait en ce monde un travail tellement important. Hochant finalement la tête, elle me posa une main bienveillante sur le bras tout en se levant.

« Je compte sur vous. »

    Soupirant légèrement, j'attendais qu'elle soit suffisamment loin pour me tourner vers Carmen.

« Et voilà, tu as vu dans quoi tu m'embarques ? J'ai l'impression d'avoir toute la pression du monde sur les épaules maintenant. Comme si la vieille dame pouvait me jeter un quelconque sort vaudou pour m'inciter à quoi que ce soit. Si on revient, je te jure qu'on fera pas le trajet en voiture, je n'y survivrais pas ! »

    Levant les yeux au ciel en repensant au trajet aller, je me persuadais que même si l'avion était horrible, ce serait toujours mieux que de supporter les engueulades constantes des trois sœurs. Prenant une assiette qui venait de m'être tendue, je zieutais d'un air à la fois sceptique et envieux le contenu ; faire diversion pour ne pas me prendre les foudres de la brune, bonne idée ? Ou pas.

Alors là, Axel l'impressionnait carrément. En moins d'une heure, il avait réussi à amadouer la vieille alors qu'elle même bataillait depuis des années. Tout ça grâce à un sourire, et un compliment sur la culture ? Sérieusement ?

Alors... Pas si mal que ça les Yankee grand mère ? Tu t'adoucit avec le temps ?
Elle vit un infime sourire au coin des lèvres de l'aînée, alors qu'elle venait lui asséner une  pichenette sur le haut du crâne, faisant rire la brune qui secoua doucement la tête.

Même Ana avait paru choquée de la confiance que leur grand mère avait déposé sur Axel en si peu de temps. Suffisamment pour ne pas les traiter de petite filles indignes, ou de tapineuse comme elle décrivait parfois Alejandra, pestant contre son envie de percer dans le milieu médical des blancs. Les blancs. Et on venait dire que les américains étaient racistes...
Elle n'eut pas le loisir de tergiverser d'avantage sur le sujet que son meilleur ami lui tomba immédiatement dessus en prétextant avoir toute la pression possible sur le dos. Carmen l'observa un instant sans mot dire, se contentant d'hausser un sourcil à peine sceptique.

La pression de quoi ? Au pire, elle va t'assommer avec son baton hein...

A quoi s'attendait-il ? Qu'Ama lui jette un sort ? Est-ce qu'il avait seulement remarqué les voitures garées à l'entrée qui n'étaient pas là uniquement pour faire joli ? La réserve avait beau conservé jalousement sa culture, il n'empêchait qu'ils s'habillaient de jeans et de t-shirt, et ne crachaient pas sur un moteur puissant quand il s'agissait d'aller en extérieur...

Au contraire, tu devrais être fier que grand mère t'apprécie. La dernière fois qu'elle à rencontré Nolan, elle lui à clairement dit qu'il ne faisait pas le poids pour fonder une fam-
Est-ce qu'on est encore obligé de parler de cette soirée ? Demanda la brune avec un air désespéré alors qu'elle captait la réflexion d'Axel, rebondissant sur l'occasion pour changer de sujet.

On peut toujours prendre le train si tu veux oui... En espérant perdre Alejandra dans un des wagons tant qu'à faire.  
J'ai entendu... Grogna l'intéressé d'un peu plus loin,alors que Carmen tendait une assiette de coquille de crabe au brun pour qu'il puisse enfin manger, faisant de même en venant prendre place sur les tables en bois qui avaient été disposées.
Si il y avait bien une chose sur laquelle elle ne pouvait pas critiquer, c'était la nourriture. Chaque festin à la réserve lui donnait presque envie de venir y vivre définitivement, avant qu'elle ne rajoute d'un air moqueur à son meilleur ami.

Au fait, t'es au courant que si Ana et toi vous vous mariez un jour, tu devra donner à tes gosses des prénoms du coin ? Pas sûre qu'elle soit d'accord pour autre chose que du Navajo, ou de l'Ojibwe à la limite...

Il s'était bien moqué de son prénom, elle pouvait se permettre de le charrier sur la vie de famille après tout. Buvant une nouvelle gorgée de son thé, la jeune femme rajouta sur un ton plus sérieux.

Parfois je comprends qu'Ana soit attachée à cet endroit, entre la culture, le paysage et la bouffe. C'est juste que... ils en font un peu trop moi, par moment je trouve.

Il suffisait de regarder la police tribale qui, malgré son accoutrement cérémoniel, ne quittait pas des yeux les habitants au cas ou les choses auraient été amenées à dégénérer. Souriant au brun alors qu'elle piochait à nouveau dans le crabe, elle fit remarquer avec un sourire au jeune homme.

Toi par contre, t'aurai ta place ici. Associal, misanthrope et fan d'infusion... Le rêve pour toi.