Elle n'avait pas pu de l'observer avec des yeux ronds alors qu'il lui demandait avec tout le sérieux du monde si elle se plaisait à Seattle. C'était quoi cette question, depuis quand ça l'intéressait ? En général, la discussion s'arrêtait à "Je retourne à Seattle avec Norman dans 3 j-" et il raccrochait avant qu'elle ne termine la discussion. Ou inversement, aussi. Selon la journée de merde de chacun.
Est-ce qu'elle y était heureuse ? Au premier abord, oui. Elle avait un boulot fantastique, dirigeait sa propre équipe en écoutant du Beethoven, avait un enfant merveilleusement calme, un appartement en centre ville, et une penderie qui aurait fait pâlir d'envie Carrie Bradshaw mais...
Est-ce que c'était vraiment le moment pour en parler ? Appuyant son menton dans sa main libre, elle n'avait pu s'empêcher de prendre une moue boudeuse avant de tirer sur sa cigarette. C'est ... Différent. Mais encore. Gary n'allait pas s'arrêter à cette simple phrase. Je bosse en trauma. Je gère une équipe d'interne absolument stupide, cons comme des tables, pas foutu de différencier une scie à os d'un scalpel, mais... Oui, ça va.

Elle n'avait jamais vraiment su mentir. Devait-elle vraiment lui parler de son acharnement à se noyer dans le travail, déverser sa colère sur des internes gauches et qui devaient la haïr au plus haut point, des rendez-vous manqué à l'école quand elle s'endormait, ou de son éloignement avec Lara depuis que cette dernière l'avait mise dans la case "mère célibataire de 30 ans" et non plus "+1 à toute soirée mondaine ? " Non, sans doute pas. Je galère, mais je ne me verrais jamais revenir vivre ici. Tu sais pourquoi.

Elle avait baissé le regard. Gary avait toujours su ses a priori sur sa bande d'amis pas net. Elle n'eut tout de moins pas le loisir d'en parler plus, puisqu'elle s'étrangla avec la fumée de sa cigarette concernant la seconde question, à savoir un possible petit copain Seattlite en vue. Levant la main en signe de pause, elle mit un certain temps à reprendre son souffle avant de lâcher d'une voix étranglée. Ca va ? Est-ce que je te demande avec combien de filles tu as couché ?

Elle n'avait pas pu s'empêcher de lui remettre dans les dents ce qu'il lui avait fait remarqué quelques années plus tôt, avant Norman. Buvant une gorgée d'eau pour faire passer sa gorge sèche, elle finit tout de même par rire nerveusement de la situation, avouant enfin. Non, pas de beau-père pour Norman, jamais. Le seul qui à essayé de me proposer un rencard est partie en courant quand il à compris que je n'étais absolument pas prête à ça. Et puis...

Est-ce qu'il fallait vraiment avouer la chose avec autant de drame ? Au point ou ils en étaient, après tout...

Je ne vois pas vivre avec un autre homme un jour. Elle avait soufflé la vérité en haussant les épaules, l'air fataliste malgré son sourire aux lèvres. Buvant une nouvelle gorgée, elle inspira doucement. Et toi ?

Il aurait fallût qu'elle soit torturée pour admettre qu'elle en aurait été malade, mais bon. Il était libre désormais. Woah... J'ai l'impression que ça fait au moins 20 ans qu'on à pas discuté sans se hurler dessus. A nouveau elle avait rit, sincèrement cette fois.

Non, je n'ai pas essayé. Fit-elle d'un ton tranchant. Je ne voulais pas chercher. On m'a proposé, j'ai refusé. Parce que je ne suis pas prête, et ne le serait jamais, tout simplement.

Pour quoi il allait la faire passer, franchement. Tu sais... On ne se parle plus vraiment avec Lara. Elle ne comprends cette volonté de rester seule en fait.

C'était ça, le problème. Lara ne voulait pas d'une meilleure amie adulte, mais d'une éternelle jeunesse dorée toujours accro aux dernières soirées mondaines, quand Rose commençait sérieusement à ne jurer que par les soirées calmes chez elle plutôt que d'aller se déhancher en boîte de nuit. Avec un petit garçon, elle ne risquait pas de faire mieux.
Des circonstances atténuantes. Elle avait ri légèrement de cette réflexion, lui faisant signe que non. J'étais parfaitement lucide. Du début à la fin.

Il aurait très bien pu refuser cet enfant qu'elle se serait débrouillée seule sans rien demander à personne. Il n'empêchait que l'idée de le voir avec une autre fille... Non. Elle n'y arriverait pas, et serait encore plus aigrie. Mais avant de l'admettre, il y avait un monde. En attendant ils discutaient, parvenaient même à plaisanter sans s'engueuler. Comme à une certaine époque. Bien sûr, que ça devrait être tout le temps comme ça. Si ça l'était, jamais ils ne se seraient séparés après tout. Rose avait baissé le regard en y pensant, ayant presque envie d'en pleurer sur le coup. A la place, elle préféra poser une question qui la surprit elle -même.

Si ça redevenait comme ça tout le temps, tu serai prêt à venir à Seattle ?

Elle avait tout quitté pour lui la première fois après tout. Amis, appartement, boulot. Y'a des moments, ou ça me manque. Avoua t-elle avec un sourire triste. Je ne trouve pas personne parce que je ne suis pas prête. Je ne trouve personne parce que je n'arrive pas à tourner la page.

L'admettre lui donnait l'impression qu'un poids de deux tonne quittait ses épaules après un an à peser en continu. Je t'ai détesté autant que j'ai pu t'aimer, j'ai voulu t'assommer parfois. Mais j'ai jamais réussi à oublier. C'est comme ça.

Lara lui avait dit une fois qu'une femme n'avait qu'un seul grand amour dans sa vie. Si c'était bien le cas, elle n'avait donc plus aucune raison d'aller voir ailleurs. Se relevant pour se faire couler un café, elle changea de sujet comme si de rien n'était plutôt que de s'apitoyer sur un sort qu'elle avait bien cherché tout de même. Avant que j'oublie, tu risque de recevoir une gerbe de rose de la part des infirmiers qui s'occupaient de ton père, et le notaire m'a laissé un mail confirmant le rendez-vous de demain. C'est toujours bon pour toi ?

Lara.

Si à une époque, elle ne jurait que par la mannequi, leurs style de vie différents avaient permis à Gary de lui montrer à quel point elle avait pu se tromper sur elle. D'amie toujours présente, elle avait fini par se montrer effacée, distante, pour n'apparaître que quand elle avait besoin de quelque chose. Un chagrin d'amour, une information sur une liposuccion, comment s'appelait le nouveau pédiatre qui bossait avec elle à l'hopital, et était-il célibataire. Mais de moins en moins, elle était venue prendre des nouvelles d'elle ou Norman, la confortant dans l'idée que Gary ne changerait jamais, et qu'il l'avait probablement déjà trompé bon nombre de fois. Tout ce genre de choses donc, qui n'avait fait que la rendre plus amère sans jamais lui en parler. C'était aussi la raison pour laquelle elle avait refusé de répondre au petit laïus de Gary. Elle savait qu'il avait raison, et après ?

Mais au moins, elle avait dit ce qu'elle pensait, c'était le principal. L'admettre lui avait fait un bien fou, alors qu'elle hochait vaguement la tête en réponse à la confirmation de son mari concernant le notaire. Il faudrait qu'elle pense à l'appeler dans la soirée donc.
Mais alors qu'elle pensait déjà à autre chose, Gary la relançait sur le premier sujet. Avait-elle été sérieuse. Rose ne put s'empêcher de soupirer longuement avant de se tourner vers lui, petit sourire au coin des lèvres.

T'es long à la détente. Oui, j'étais sérieuse, mais bon. Tu n'as pas relevé concernant Seattle, alors j'essaie de ne pas me prendre la tête.

C'était un fait après tout. Entrer dans des discours grandiloquents n'allait pas changer la donne. Vidant d'une traite son café en déposant la tasse dans l'évier, elle s'adossa au plan de travail, revenant sur leur première discussion.

Tu croyais quoi, que j'allais vivre mon célibat à fond sitôt revenue à Seattle ? Je te l'ai dis tout à l'heure. Ce n'est pas parce que c'est terminé que tout disparaît.

Pinçant les lèvres un instant en esquivant son regard, elle chercha ses mots avant de rajouter. Tu me manques. Mais je ne pourrai jamais revenir habiter ici, à Phoenix, avec tout ce qui à pu se passer.

Ce n'était pas la peine de le supplier après tout. Elle ne le voyait pas tout plaquer sur un coup de tête, Graam le tuerait de toute façons. Et puis, comme tu l'as dis une fois... Seattle est une ville pleine de cons, nan ?

Il n'avait pas tort. Il n'aurait pas dû la relancer sur le sujet, pas aujourd'hui avec tout ce qu'il avait pu traversé. Je cherche pas la guerre tu sais...
Pour une fois au moins, elle ne cherchait pas à se disputer, ou à entamer un conflit qui finirait dans un bain de sang, non. C'est juste que tu m'as demandé, alors j'ai répondu, je sais que c'est pas le bon moment, c'est pour ça que j'avais changé de sujet avec cette histoire de café, tout ça...

Le café avait toujours été son excuse à tout, en dehors d'une fois ou elle lui avait balancé son expresso brûlant en plein visage pour le réveiller d'une cuite trop sévère. Mais elle n'eut pas vraiment le loisir d'argumenter d'avantage son état d'esprit qu'il était venu enserrer ses bras en lui ordonnant de ne pas lui faire de faux espoirs.
Est-ce qu'elle avait franchement l'air de plaisanter ? Elle devait être la femme avec le moins d'humour au monde, au moins. Silencieuse, elle s'était contenté de lui faire face jusqu'à ce qu'il unisse leur lèvres une courte seconde. A peine le temps de réaliser qu'il avait déjà resserré un peu plus sa prise sur ses bras, l'empêchant de bouger. Il n'eut pas vraiment besoin de demander la permission, puisqu'elle vint d'elle même l'embrasser avec douceur, comme pour rassurer ses angoisses. Forçant légèrement sur ses bras pour se libérer de cette étreinte un peu trop sèche, en profitant pour poser ses mains contre ses reins pour se rapprocher de lui.

C'était étrange, après plus d'un an à se hurler dessus, de retrouver une certaine affection entre eux. Prolongeant le baiser en sentant doucement son coeur s'emballer, ce ne fût que le temps de reprendre la parole qu'elle se rendit compte qu'elle était plus assise sur le plan de travail, qu'adossée. On va prendre le temps de recommencer. Lui promit-elle en l'embrassant à nouveau, se concentrant au maximum pour ne pas craquer d'avantage. Le truc c'est de ne pas se précipiter comme la première fois je pense.

C'était peut-être ça après tout. Ils avaient tout fait à l'envers. Le bébé, la maison, le mariage accéléré, puis la séparation et de nouveau l'espoir de recommencer. Peut-être qu'en y allant doucement par contre... Sauf qu'à ce rythme là, c'était relativement mal parti, alors qu'elle avait de plus en plus chaud dans cette pièce et qu'elle fermait les yeux en se laissant un peu trop aller. J'vais rentrer à l'hôtel, il commence à se faire tard, et on à dit qu'on recommençait doucement...

Peut-être qu'il serait plus avisé qu'elle, et qu'il lui tendrait sa veste en lui souhaitant une bonne nuit après tout, puisqu'elle ne parvenait pas à bouger pour l'instant, trop occupée à l'embrasser à nouveau. On se voit demain chez le notaire de toute façon, non ?