Suivant Shawna jusque dans la cuisine où les autres devaient nous rejoindre, je fronçais les sourcils en voyant qu'Isha était là ; n'aurait-il pas mieux fait de rester dehors pour surveiller ces inconnus ? Le fait que Jasper arrive par la suite, seul, pesa lourdement dans mon estomac. Ma meilleure amie était toute seule face à tous ces inconnus qui pouvaient s'avérer aussi dangereux qu'ils n'avaient l'air à bout. Il fallait pourtant bien quelqu'un pour garder un œil sur eux et plus vite nous en serions venu au fait, plus vite nous pourrions aller lui prêter main forte dans cette tâche.

    Écoutant les premières questions de chacun, j'allais me positionner aux côtés de Shawna, glissant machinalement une main dans son dos comme pour la rassurer avant de croiser les bras et d'inspirer profondément. Les reproches commençaient à tomber ; les ressources, Carmen et ma petite-amie enceintes, l'emplacement du camp... Le psy était totalement dans le vrai, et si je me devais d'exposer les choses avec impartialité, je me pouvais empêcher cette petite pointe de nervosité percer dans ma voix.

« On s'apprêtait à rejoindre Renton quand on est tombé sur ce groupe. Isha a voulu voir de plus près et les constations sont rapidement tombées : ils sont à bout. Leur camp a apparemment brûlé il y a quelques jours, ils ont beaucoup perdu. »

    Une légère amertume était également perceptible bien que je faisais au mieux pour prendre sur moi et ne pas influencer quoi que ce soit. Je ne me sentais pourtant qu'à moitié concerné par leur sort ; le principal était que les nôtres aillent bien, soient en sécurité, et il était évident qu'avec tous ces inconnus sur nos terres, c'était loin d'être le cas.

« On leur a accordé vingt-quatre heures d'hospitalité, qu'ils puissent se reposer un peu et reprendre des forces, puis ils repartiront. On ne leur rendra leurs armes qu'à ce moment là. »

    Exposer les fait purement et simplement afin que chacun aient les mêmes informations, et ensuite nous pourrions enfin discuter de ce que nous avions à faire. Quoi qu'au fond, j'espérais que nous aurions juste à les surveiller pendant ces vingt-quatre heures et qu'ils repartiraient ensuite comme ils étaient arrivés, sans accroc. Un espoir vain sans doute parce-qu'il était évident que même s'ils repartaient, le fait qu'ils connaissent notre position nous mettait dans un désavantage certain.

Je regardais la femme qui nous surveillait, la question était parfaitement légitime. Je m’approchais d’elle alors pour lui répondre. Je n’avais pas l’intention de lui raconter notre vie jour par jour, mais si elle voulait savoir comment on était, je n’allais pas m’en priver.

- Notre groupe a beaucoup voyagé. On était originaire du refuge que les militaires avaient fait dans le stade. Ensuite, on a fini dans les montagnes à ce moment-là, on était déjà plus qu’une quarantaine, je crois, et là on revient d’un quartier de Tacoma. On était des centaines et on est plus qu’une quinzaine.

C’était un résumé très concret de la situation. J’aurais pu développer un peu plus, y mettre des formes, mais j’avais comme l’impression que ce n’était pas ce qu’elle cherchait. Après tout, elle devait n’en avoir rien à foutre de notre vie. Je n’allais pas lui faire un discours détaillé de qui faisait quoi au sein du groupe. J’aurais pu, mais ce n’était sans doute pas très utile au vu de la situation. Je regardais la femme que je ne connaissais pas, mais que je ne remercierais jamais assez pour nous avoir acceptés dans son groupe même pour une nuit.

- Si tu as d’autres questions, j’y répondrais volontiers. C’est le moins que je puisse faire en retour.

Je lui offrais un sourire amical. Celui que j’avais toujours sur le visage, avant quand tout allait bien. Quand j’avais encore, l’homme de ma vie, mon meilleur ami et tout le reste. Tout ce que j’avais perdu depuis si peu de temps, mais que la survie m’avait fait paraitre presque des années. Non, je n’allais sans doute pas parler de ce que j’avais fait, comment j’avais mis notre groupe en danger, mais elle n’avait pas besoin de savoir ça. Victoria venait de me retrouver et venait de se coller à moi. « Va récupérer mon sweet dans la voiture où était Quinn et va te trouver un endroit ou dormir, je te rejoins après. » Je lui avais signé ses quelques mots avec un regard bienveillant, oui j’étais toujours maman, d’un enfant qui n’était pas le mien, mais c’était ma force. Elle hocha la tête en guise de réponse avant de partir faire ce que je lui avais demandé. Je savais qu’avoir le vêtement avec elle l’aiderait à trouver une certaine sérénité.

- Excuse-moi, le plus important à savoir, c’est qu’on est tous une famille, du moins, c’est ce que je ressens, même si on ne s’aime pas toujours tous, on sait vivre ensemble et s’entre aider.

J’avais l’impression que j’étais en train de me vendre moi et le groupe, mais c’était plus ou moins ce que je devais faire d’une certaine façon alors ce n’était pas si grave que ça.

Le second blessé se portait plutôt bien, malgré la fumée toxique qu'il avait ingéré au cours de l'incendie. Une bonne chose. Préviens moi si le cas de l'un d'eux s'aggrave. demanda t-elle à Skyler d'une voix neutre.

Rapidement, Caroline était venue proposer son aide pour les blessés. Peut-être avait-elle été médecin à une époque ? Si elle n'en souffla mot, la brune songea que cela pourrait être une bonne chose quelques toubib dans le camp. Avec l'arrivée de deux bébés mieux valait prévenir que guérir...
Ce fût la tatouée qui reprit la parole concernant l'avenir de leur groupe, alors qu'elle ramenait son regard vers elle. Le stade, hein ? Un fin sourire étira ses lèvres en entendant parler de la safe zone. Je connais bien le CenturyLink. Ma sœur voulait absolument y aller au début de la crise, et j'ai refusé.

Pour en arriver ou ils en étaient aujourd'hui. Ana n'était plus de ce monde, mais il n'empêchait que leur groupe avait survécu au pire. Mais les explications de Tamara lui permettait de mieux comprendre pourquoi ils s'étaient retrouvés dans le coin. Tacoma n'était pas si loin finalement, et à suivre les routes sans but précis, ils avaient fini par échouer vers Renton.

Je suis navrée pour vos pertes. dit-elle tout de même après avoir entendu le fin mot de l'histoire, reprenant. Ici aussi, nous avons dû en essuyer quelques unes.

Beaucoup trop même. A commencer par sa sœur, bien qu'elle n'en souffla pas un mot, préférant observer la jeune femme discuter avec sa fille muette. Lui faisant signe que ce n'était rien alors qu'elle s'excusait, levant légèrement les yeux au ciel en l'écoutant dire qu'ils y avait certaines tensions au sein de leur propre groupe. C'est souvent ce qui arrivent quand des forts caractère se rencontrent...

C'était d'ailleurs un miracle qu'elle n'ait pas encore vu Axel sortir en hurlant, ou entendu un quelconque bruit de bagarre à l'intérieur du ranch. Elle se doutait bien que Nola aussi allait avoir son mot à dire, et elle n'était pas sûre de ce que son adolescente adoptive dirait.

Les autres ne devraient pas tarder à se mettre d'accord.

Isha écoutait ses aînés. C’était lui qui avait forcé Carmen et Axel d’aller à leur rencontre. Malgré la vie actuelle, le Cheyenne avait des principes et des valeurs. Il ne pouvait pas tourner le dos à des gens en difficultés. Puis ça se portait sur leur tête qu’ils n’étaient ps des tueurs en séries. Certes l'habit ne fait pas le moine mais on pouvait très clairement cerner qu’Ils n’étaient absolument pas en position de force. S’ils avaient voulu les renverser. Le trio ne serait déjà plus de ce monde.

Observant ses camarades. Isha attendait le moment propice pour prendre la parole et essayer de peser le pour et le contre. S’ils restaient. Ils seraient en galères mais la priorité serait les malades et les femmes enceintes. Puis qui disait plus de bras. Disait plus de possibilité de ravitaillement et d'évolution.

« Je sais qu’ils sont beaucoup. Si vous devez blâmer quelqu’un c’est moi. J’ai forcé la rencontre avec ce groupe. Je ne pouvais pas les laisser crever sur le bord de la route… j’ai pensé à vous, à nous. Si un jour on devait être dans la même situation alors je serais heureux que des bonnes âmes nous tendent les bras. »

Le Cheyenne essayait de toucher un peu sa meute. Travailler un peu leur empathie.

« Je ne dis pas qu’on doit leur faire confiance. Au contraire , restons sur nos gardes. Essayons dans Les 24 heures de les cuisiner un peu. Je pense qu'ils pourraient apporter à notre petit groupe. Plus de possibilité de ravitaillement, plus de personne pour les rondes, puis si un jour on se fait attaquer. On aura des bras en plus pour le faire. Car concrètement nous dormons sur nos lauriers mais nous sommes à l’abris de rien. »

Isha trouvait sa tirade assez argumentative mais il savait que Axel et Jasper ne seraient pas de son avis. S’ils ne voulaient pas ouvrir les yeux sur leurs manques concret d’effectif c’était un problème. Carmen était enceinte et même s’il était certain qu’elle continuerait à se battre jusqu’à n’en plus pouvoir ils ne seraient plus que 4 pour défendre leur meute.