Depuis qu’il lui avait dit ces trois mots, ceux qu’elle ne pouvait pas répéter, quelque chose s’était débloqué en elle, et qui permet de les lier un peu plus l’un à l’autre. C’a avait été difficile pour Guinevere. Cette rencontre avec Tamara avait été comme un électrochoc pour elle, elle ne pouvait pas perdre Dean. Ce n’était pas une question de manipulation, elle ne pouvait simplement pas le laisser à une autre. Elle savait qu’elle avait pris un risque énorme en le suivant dans ce ranch, mais ce risque en valait la peine. Elle avait fini par lui dire son prénom. C’était ridicule, mais c’était quelque chose. C’était significatif. Il s’était moqué d’elle, il lui avait dit qu’il l’aimait. Alors oui, elle avait vachement paniqué. Mais elle était parvenue à lâcher prise. Elle n’avait pas su le dire avec des mots, mais Dean avait semblé comprendre qu’elle aussi l’aimait, même si elle n’était pas capable de le lui dire encore. Même si elle n’était pas capable d’en parler, de parler d’eux de manière officielle. Comme quand elle avait rencontré Roza, qui venait de cet autre groupe tombé à Seattle. Dean était son compagnon. Mais c’était plus que ça.

Alanguie à ses côtés, elle ne dormait plus vraiment mais elle profitait de ces derniers instants de calme et de sérénité que leur offrait l’aube. Elle faisait semblant de dormir pour prolonger ce moment, envahie par son odeur, la présence de son corps toujours brûlant à son côté. Elle ne voulait pas se réveiller tout de suite, parce qu’après il faudrait se lever, s’habiller et commencer cette journée en éclatant cette bulle privative qu’elle chérissait tant. Ce qui lui manquait de leur vie d’avant, c’était qu’il n’y avait qu’eux deux. Aujourd’hui, ce n’était plus possible. C’était eux deux, et le groupe. Leur survie dépendait de ce groupe, le groupe ne pouvait survivre s’ils se la jouaient solo. Il vint caresser sa joue, l’invitant à sortir de sa torpeur, elle émergea en douceur, prenant encore le temps. Jusqu’à ce qu’il vienne tout casser avec sa remarque à la con. Elle grimaça, bougonne, et lui tira la langue.

« Tu fais chier, Parker. Bonjour à toi aussi. » Elle soupira, se redressa pour passer au-dessus de lui, lui volant un baiser rapide au passage avant d’aller s’habiller. « J’ai pas oublié, j’trainais juste un peu. » Elle termina par un sourire.

Cette expédition, avec n’importe qui d’autre, l’aurai probablement fait profondément râler. Mais ce n’était pas le cas. Guinevere appréciait Elena, sans même la connaitre. Elles n’avaient pas encore beaucoup discuté toutes les deux, comme la blonde, Elena ne venait pas franchement vers les gens pour sympathiser. Ce n’était pas comme ça qu’elles fonctionnaient. C’était probablement pour cela que Gin’ la sentait bien. Elle n’avait pas besoin de la connaitre pour savoir, sentir qu’elle pourrait s’entendre avec la grecque. Dean avait un peu plus de réserves, elle le voyait bien à son air pincé, ses traits tirés et à son sourire qui s’éteignit quand elle arriva au hangar des voitures. Bien dormi ? La blonde lui offrit un sourire un peu plus avenant que celui de Dean. Un peu bravache.

« Mieux que lui visiblement. » Elle lui fila un coup de coude dans le flanc, sa petite vengeance pour la critique de concernant ses ronflements. Non, elle n’oubliait pas. « Allons-y. »

Elle emboita le pas des deux autres et se glissa à l’arrière du véhicule, prenant le siège du milieu pour avoir Dean et Elena bien en vue. Dean avait raison, il faudrait le temps pour qu’ils trouvent leurs marques. Il y avait beaucoup de monde, beaucoup de visages et de noms. L’envie de se mêler n’était pas franchement écrite dans ses gênes, et depuis quelques temps, elle se disait que Dean aussi avait quelques difficultés à se laisser aller. Excepté avec deux-trois personnes… Tamara notamment. Pour cette dernière, Gin’ avait du mal et n’entendait faire aucun effort. Plus tard peut-être. Mais pas aujourd’hui, ni demain. Elle n’en avait aucunement l’envie.

« On y arrivera, on s’est bien adapté au monde dehors, on peut survivre à un groupe d’inconnus enfermés dans un ranch, nan ? » Dire que c’était probablement ça qui lui faisait le plus peur. La vie de groupe.

Elle eut un petit sourire, répondant à celui, engageant, d’Elena. Jusqu’à ce qu’un gars accoure et se plante devant leur véhicule en venant les arrêter. Gin’ se rembrunit d’un coup, n’aimant pas spécialement ce genre de surprise.

« C’est qui lui ? » Plus sèchement que Dean, elle n’aimait pas ce qui n’était pas prévu au programme.

Le chaînon manquant de leur expédition venait d’arriver. Avec ses grands sabots, provoquant, méfiant également. Guinevere se renfrogna quand elle dû bouger de la plage du milieu pour reculer juste derrière Dean. Elle n’aimait pas ce genre de surprise. A son Bonjour, elle ne fit que grommeler quelque chose d’incompréhensible en hochant vaguement la tête. Mais ce n’était pas fini, non, il fallait encore qu’il la ramène. C’était probablement parce qu’elle n’était pas prévenue, mais il l’insupportait. Elle ne se priva pas pour lui lancer un regard noir à ses Félicitations. « Tu voudrais nous donner une gommette peut-être ? » Souffle-t-elle contre lui. Peu importe, elle l’avait déjà dans l’pif et ce serait définitif. Elle soupira. Elle n’avait pas besoin de regarder Dean, il devinait probablement mieux qu’elle son humeur du moment. Elle était enjouée, motivée, déterminée à faire un effort, mais ce Nolan n’était pas prévu au programme. Décidément, elle n’était pas douée pour jouer en équipe. Puis la goutte qui fit déborder le vase ; Jennifer. Si un regard pouvait tuer… Quand elle entendit Dean pouffer, elle donna un coup de pied dans son siège. « La ferme. » Elle regarda Nolan, vexée. « C’est Gin’, juste Gin’. » Sauf pour Dean. Parce qu’Elena essayait de détendre l’atmosphère, elle se contenta de ça, se retenant un geste contre ce malheureux. Elle ne l’aimait pas, c’était définitif. Et ça l’amuserait probablement.

Puis Elena reprit la parole, leur annonçant où ils allaient. Une clinique, bien. Leur dernière visite dans un hôpital ne s’était pas vraiment révélée être une expérience agréable. Dean pensait à la même chose qu’elle visiblement, en témoignait sa question pertinente à la cheffe du petit groupe. La dernière fois, à cause de sa fatigue, ils avaient manqué de se retrouver aux prises avec une morgue remplie de morts d’un côté et un groupe de tarés de l’autre. Comme d’habitude, il était intervenu pour lui sauver la vie. Ils étaient restés dans cette ruelle, blottis l’un contre l’autre jusqu’à ce que le danger soit passé. Ça avait eu du bon quand même. Mais à l’intérieur c’était … plus dangereux. Mais c’était leur quotidien ça, d’arpenter les rues de Seattle et de prendre le risque de se poser quelque part. Cela faisait plus d’un mois qu’ils étaient posés au Ranch, elle devait avouer que ça lui manquait un peu. Elle avait du mal à se la jouer en équipe, mais elle pouvait le faire pour Dean. Elle pouvait essayer du moins. Ces dernières semaines lui avaient permis de réaliser à quel point elle tenait à lui, à quel point elle l’aimait. Même si elle n’était pas capable de lui dire encore. Mais elle était persuadée qu’il le savait, malgré tout.  

Ils arrivèrent devant l’hôpital et sortirent de la voiture. En passant pour rejoindre Dean, Guinevere fit un croche-patte à Nolan. Elle ne le ferait pas tomber, mais le voir trébucher juste, lui faisait du bien au moral. Elle leva la tête vers Dean qui la regardait, curieux. « Il l’avait mérité. » Puis elle haussa les épaules. La blonde écouta la grecque leur annoncer la marche à suivre. Evidemment, il était plus facile de travailler en binôme quand on partait en groupe au dehors. Gin’ et Dean travaillaient bien ensemble, ils n’avaient pas besoin de se parler pour savoir ce que l’autre devait faire. Mais contre toute attente, Dean proposa que les deux femmes aillent ensemble, se chargeant de se coltiner le brun qu’elle méprisait déjà. Elle eut un raté, une pointe d’angoisse à l’idée de laisser Dean s’éloigner d’elle avec un gars qu’elle ne pouvait pas sentir. Mais ils étaient là pour participer, n’est-ce pas ? Se rendre utile, montrer qu’ils pouvaient travailler en équipe. Gin hocha la tête. « On fait comme ça alors … » Mais avant toute chose, Guinevere attrapa la main de Dean pour capter son attention. Elle se tourna face à lui, se hissa sur la pointe des pieds et l’embrassa, nullement gênée par le public. Contre ses lèvres, elle murmura pour lui seul. « Ne meurs pas, à tout à l’heure. » Avant, il la laissait, et elle devait compter… Sept minutes. C’était la première fois qu’ils ressortaient ensemble, et qu’ils devaient à nouveau se séparer. Et depuis ce jour-là, non loin des barrières du Ranch, elle n’était plus vraiment la même, elle ne pouvait plus s’empêcher de s’inquiéter pour lui, l’idée de ne pas le revoir l’angoissait. Elle en avait conscience et ne repoussait plus ces sentiments. Puis elle s’éloigna, le lâcha, puis alla rejoindre Elena, sortant son couteau de pêche de sa ceinture et laissant l’arme qu’on lui avait prêtée au ranch, dans sa ceinture. « On se la joue silencieuses, j’suppose que c’est comme ça que vous fonctionnez aussi, non ? » Elle était un peu tendue, à cause de Nolan, à cause de l’obligation de se séparer de Dean. Mais elle faisait des efforts, elle sentait bien Elena. Elle devait faire des efforts, et se la jouer en équipe.