Deux mois avaient passé, et les séquelles qu'avaient laissé ces derniers événements n'avaient pu que marquer de traces indélébiles son cœur. Certes, elle n'était pas la seule à souffrir depuis tout ça. Tout le monde devait avoir au moins une bonne raison de ne plus vouloir repenser à toute cette histoire, ils y avaient tous laissé quelque chose, dont l'une d'entre eux en particulier...

" If God had a name, what would it be ? "

La voix de l'actrice avait tout à coup rompu le silence de la buanderie. Alors qu'elle récupérait différents vêtements qui trempaient dans un grand bassin. Non pas que l'idée de raccommoder le bonnet de Duncan ou les pantalons usés de Ruben et Joachim ainsi que de s'occuper de la lessive l'ennuyait vraiment, mais on ne pouvait pas dire que ça l'amusait beaucoup non plus. Quant aux responsabilités qu'elle avait d'habitude... C'était une autre histoire. Elle avait petit à petit recommencé à mener quelques rapides expéditions à l'extérieur, parfois sans succès. Il faut dire qu'elle restait très prudente, ne s'éloignant qu'à une distance raisonnable du refuge.

" And would you call it to his face ? "

Elle n'avait que des contacts limités, que ce soit avec Andrea, ou tous les autres, à l'exception de Duncan qui avait toutes les peines du monde à lui remonter le moral. La jeune femme s'estimait toutefois heureuse qu'il soit là, car elle ne s'imaginait pas devoir affronter tout ça sans son soutien. Et puis quoi ? Est-ce que le temps était vraiment capable de tout guérir ? Et qu'un jour, ils parviendraient tous à passer au dessus de tout ceci ?

" If you were faced with him in all his glory
What would you ask if you had just one question ? "

Sarah sortit alors de la buanderie pour aller faire sécher le linge sur les cordes prévues à cet effet, elle comptait sur le vent assez capricieux de ces derniers jours pour lui rendre service. " Yeah, yeah, God is great Yeah, yeah, God is good " La routine de ses gestes étaient rompus par les paroles qu'elle avait commencé à chanter. Doublement oncentrée, et absorbée par sa tâche, la blonde se trouvait dans une petite bulle. " What if God was one of us ? " il pourrait déjà les sortir d'ici, ce serait un bon début... Qu'est-ce qu'on attendait d'elle au juste ? Qu'elle se remette et que reprenne -comme à l'accoutumée- cette lutte pour la survie ? " Just a slob like one of us " probablement, mais le cœur n'y était plus. Elle le devait pourtant, ils s'attendaient tous à ce qu'elle soit infaillible, tellement qu'elle-même ne parvenait plus à se convaincre de l'être...

" Just a stranger on the bus... "  Du temps, voilà ce dont elle avait besoin. La jeune femme devait s'accorder ce droit, il était légitime... Plongée dans ses pensées, elle ne remarqua qu'au dernier moment la silhouette qui s'était approchée. " Oh... Bonjour, Juliet. " elle aurait bien pu être là depuis une heure qu'elle ne s'en serait pas rendue compte ! Sarah gratifia l'adolescente d'un bref sourire courtois, avant de retourner à sa tâche, dissimulant son embarras en fredonnant les dernières paroles " Tryin' to make his way home ? " plus bas en récupérant un linge. Elle n'avait pourtant pas chassé la jeune fille, l'observant à plusieurs reprises du coin de l’œil. Est-ce qu'elle allait bien depuis ces derniers événements ? Est-ce qu'elle était aussi matinale d'habitude ?  Est-ce qu'elle l'avait entendue chanter ?  Sans vraiment savoir dire ce que c'était, cette jeune fille avait quelque chose qui l'intriguait. Elles qui se côtoyaient au quotidien depuis quelques mois sans réellement vraiment se connaître... Si proches, et à peine plus que deux étrangères.

Juliet observa Sarah de loin, étendre le linge sur le fil prévu à cet effet. Elle paraissait planner dans une autre réalité. Le regard perdu dans le vide ou les souvenirs, elle parvenait tout de même avoir des gestes méticuleux. Elle accompagnait la tâche de sa voix, rendant la scène presque bucolique. La jeune femme paraissait être tout droit sortie d'un film. Il ne manque que le preux chevalier qui doit l'emmener à cheval loin de l'apocalypse. La lycéenne sourit à cette idée stupide qui venait de fleurir dans sa tête. Il était tôt dans la matinée, il est vrai que Juliet avait passé une mauvaise nuit. Il est de ces soirées où vous ressassez les pensées jusqu'à ce qu'elles vous enveloppent. Juliet faisait partit de ces gens incapables de dominer leurs pensées. Ces dernières avaient un pouvoir tel, qu'elle se savait assujettie à elles. Ses réflexions l'avaient tourmentée, mais ce n'était rien de bien grave. Elle s'était levée avec le soleil, appréciant le froid mordant. Le froid me dévore et le soleil me caresse. Elle n'était nullement morose, parce qu'en se levant de sa nuit agitée, elle avait décidé qu'elle serait heureuse aujourd'hui. C'était un exercice difficile mais néanmoins intéressant. L'étudiante avait remarqué que l'état général d'une personne reposait sur ses émotions et ses décisions. Mais les émotions elles même-étant une pâte malléable, il suffisait d'un peu de volonté. Tenter d'inverser l'écoulement habituel et lourd du quotidien.

Depuis les multiples incidents, la jeune fille avait effectué une profonde remise en question. Avec l'aide de Selene et les différents buts qu'elle arrivait maintenant à entrevoir à l'horizon; les jours semblaient parfois plus léger. Il ne fallait toutefois pas se leurrer, Juliet retournerait bien vite à sa mauvaise humeur et à ses habitudes confortables, elle ressentait en cette matinée un élan de courage. Comme si le soleil récolté à l'aube s'était logé en elle et la faisait rayonner.

Elle noua ses doigts derrière son dos et s'approcha doucement de la guerrière. Elle tentât une approche discrète pour profiter des dernières notes. Celle-ci s'interrompit pour la saluer. Elle murmura pour elle-même quelques paroles puis sa voix s'éteignit.  

Bonjour, répondit-elle simplement. Elle s'appuya contre le mur le plus proche, observant les gestes de Sarah dorés par le soleil. Elle détourna son regard et s'attaqua timidement à la chanson inachevée.  

Tryin' to make His way home

Back up to Heaven all alone

Nobody callin' on the phone

'Cept for the Pope maybe in Rome...

Elle attendit que Sarah reprenne avec elle le refrain. Une peur latente de se ridiculiser frétillait dans un coin sombre de son âme. C'était une inquiétude dont elle n'arrivait pas à sa défaire, mais sa vaillance inhabituelle la poussait à aller plus loin.

Elle n'aurait échangé pour rien au monde la quiétude de ces derniers jours, malgré le spectre des derniers événements. La jeune femme s'efforçait de rester positive, s'abandonnant aux tâches ménagères pour combler l'ennui, mais aussi pour éviter l'égarement de ses pensées. Sa tâche lui permettait de ne pas penser aux conséquences qu'avaient eu tout ce qu'il s'était passé, et à ces étranges cauchemars qu'elle faisait. C'est d'ailleurs un peu dans sa bulle qu'elle étendait désormais le linge, fredonnant les paroles de la chanson de Joan Osborne, ce n'est qu'au dernier moment qu'elle se rendit compte de la présence de Juliet.

Les deux s'accueillirent d'un simple bonjour, sans qu'elle n'interrompe sa tâche, ou s'estime dérangée par sa présence. L'adolescente s'était appuyée contre un mur à proximité, et c'est avec timidité qu'elle continua les paroles chantonnées un peu plus tôt par l'actrice. D'abord un peu surprise, Sarah se ravisa, écoutant la voix de Juliet en finissant d'étendre un chandail. Ce n'est qu'une fois que ses yeux se posèrent à nouveau sur elle -abandonnant sa tâche pour le moment- qu'elles reprirent toutes deux le refrain " What if God was one of us ? " se complaisant dans ce petit moment de complicité complètement inattendu.  


La blonde observa silencieusement la jeune fille pendant les quelques secondes qui suivirent les dernières paroles, avant d’applaudir avec enjouement leur petit duo." Tu as une superbe voix Juliet. " complimenta-t-elle avec franchise, lui adressant un sourire. "C'est dommage que je ne l'aie pas beaucoup entendue jusqu'ici ! " regretta-t-elle alors, passant une main dans ses cheveux pour écarter quelques mèches blondes de son visage " Tu vas bien ? " lui demanda-t-elle alors avec bienveillance.

Après avoir pris connaissance de son état, elle se pencha pour se saisir d'un autre linge dans la manne pratiquement vide, prête à reprendre sa besogne. " Tu m'aides à terminer ? Je m'étais dit que je boirais bien une tasse de thé après si ça te tente... " lui avait-t-elle proposé, pas forcément sûre qu'elle accepterait. Elle était certaine que Juliet avait beaucoup à faire, entre l'apprentissage des rudiments de la médecine avec Lisandro, et la vie du groupe auquel elle se retrouvait de plus en plus impliquée. " Enfin, si tu n'as rien de mieux à faire... "

Un sourire étira généreusement les lèvres de Juliet. Ses paroles ne s'étaient pas perdues dans le silence tel un animal solitaire. Sarah venait de reprendre le refrain, entonnant joyeusement la musique. L'étudiante n'y avait pas vraiment cru jusqu'à vraiment entendre les notes s'échapper de Sarah. Elle eut un léger moment d'absence alors que leur voix se mêlaient. Goûtant aux doux souvenirs. C'était une musique qu'elle avait découvert par hasard. En suivant les recommandations que les algorithmes de l'ancien monde programmaient si bien. Elle se souvenait, le regard désapprobateur de ses parents devant l'écoute de ce genre de musique. Le côté vieux jeu distillé dans de francs tons de bourgeoisies avaient tendance à leur donner des avis arrêtés. Et chaque fois qu'ils mentionnaient la musique soi disant "noble" , Juliet avait envie de leur rappeler que les fascistes eux-mêmes qualifiaient une pan de l'art de "dégénéré". Mais son père l'aurait probablement giflée et il est de certains risques qu'il ne vaut mieux pas prendre.

L'étudiante s'échappa de sa rêverie alors que Sarah lui offrait un joli compliment. Ses applaudissements ponctuèrent ses paroles alors que le regard de Juliet faisait un aller-retour entre le sol et la jeune femme.

Je ne chante que lorsque je suis seule. Ca me réconforte mais c'est toujours un peu triste d'entonner les mélodies d'avant. Elle avait laissé sa voix s'égarer parmi ses souvenirs, toutefois, elle se fixa sur le présent et le visage de son interlocutrice. Sinon je vais bien, ça fait du bien de juste voir le soleil et de vaquer à nos habitudes. Et toi ça va ? Tu as l'air un peu songeuse. C'était une manière délicate d'évoquer les résidus de tristesse qui s'accrochaient à elle.

La jeune fille se décrocha du mur alors que Sarah demandait son aide.

Oui un thé c'est parfait. Lisandro peut se débrouiller sans moi. C'est un grand garçon majeur et vacciné. Elle sourit, imaginant la tête que ferait Lisandro s'il l'entendait tenir de tels propos le concernant.

Elle l'aida à étendre les derniers tissus avant de s'engouffrer dans la maison et d'aider la guerrière à préparer le thé. Une fois une tasse fumante entre les mains, assise en face de la blonde, elle resta quelques temps silencieuse. Tapotant les doigts contre les parois de la tasse, elle cherchait désespérément quelque chose à quoi s'accrocher. Une phrase drôle ou intéressante. Il fallait peut être éviter certains sujets. Juliet était comme un matelot livré à une tempête déchainée : complètement perdue. Elle lança un regard de détresse au liquide infusé, lui intimant de l'aider.

Une idée se faufila alors dans un recoin de sa tête. Elle lança un regard vers l'extérieur. Cela faisait longtemps qu'elle n'était pas sortie. Il est vrai qu'elle se débrouillait mal et avait tendance à mettre son équipe en danger. Mais à tout le temps rester à l'intérieur, entre ces grilles, elle se sentait inutile à la longue.

Tu m'emmènera dehors ? Quand vous sortirez la prochaine fois. C'est bien ici, mais à force de voir au travers de grillages, on étouffe.

C'était une demande désinvolte, mais ce grillage en venait à lui rappeler son erreur. A lui faire face tous les jours, striant le paysage. Elle ne pouvait s'empêcher de revenir de temps à autres, au visage figé par la mort. Ces petits yeux vides, ces minuscules mains crispées. Les souvenir la hantait, elle avait du mal à s'en défaire. Elle s'était partiellement libérée auprès de Selene, mais il lui restait des remords. Elle savait qu'il était nécessaire d'aller de l'avant et elle utiliserait tous les outils à sa disposition.

La douce et timide voix de Juliet s'était admirablement bien mélangée à la sienne, alors qu'elles reprenaient toutes deux le refrain, inspirés par cette chanson qui lui rappelait de lointains souvenirs de jeunesses, alors qu'elle l'entendait pour la première fois, où qu'elle l'écoutait avec sa meilleure amie à l'époque. Ce n'était pas rare de l'entendre chantonner tout un tas de mélodies qui appartenaient au passé, après tout, la musique avait toujours eu une place importante dans sa vie, et il se trouve qu'aujourd'hui, elle sonnait encore mieux avec Juliet.

Celle-ci ne chantait que quand elle était seule, et tout comme Sarah, la mélancolie la gagnait assez vite, alors qu'elles chantonnaient ces mélodies d'un autre temps. " Bienvenue au club... " avait-t-elle confié en hochant doucement la tête, alors qu'elle lui demandait comment elle allait. L'adolescente semblait de bonne humeur, et semblait avoir remarqué que la blonde n'était pas trop dans son assiette, elle ne répondit pourtant qu'avec un petit sourire triste. Les choses semblaient si différentes depuis quelques mois, elle avait eu beaucoup de mal à se remettre et à reprendre son quotidien habituel, ce qui lui tenait beaucoup à cœur. Les sorties à l'extérieur avaient été appréhendées avec beaucoup de patience et de prudence, les procédures changeaient afin qu'elle n'ait jamais à rester dehors trop longtemps, ce n'était que depuis quelques semaines que les choses commençaient seulement à aller mieux, et pourtant, elle redoutait encore le pire.

Juliet vint à ses côtés l'aider à terminer d'étendre le linge, plutôt encline à l'idée de boire un thé, tout en suggérant que de toute façon, Lisandro pourrait se débrouiller seul, ce qui la fit beaucoup rire. " Bien sûr, et puis tu ne seras pas loin s'il a besoin de toi. " c'est donc quelques minutes plus tard que les deux jeunes femmes blondes entrèrent à l'intérieur du box principal, se dirigeant vers la cuisine. L'actrice mit de l'eau à bouillir alors que l'étudiante rassemblait les quelques ingrédients dont ils disposaient. Les deux tasses bouillantes, avec un sachet de thé vert et un peu de miel, les deux prirent place dans un des canapés.

Sarah souffla doucement sur sa tasse, mélangeant avec une cuillère le breuvage, observant la jeune fille à ses côtés. Toutes deux étaient un peu plus silencieuses depuis quelques instants, mais elle ne s'en était pas vraiment souciée, jusqu'à ce que son interlocutrice rompe le silence, lui demandant alors si elle pourrait l'emmener dehors, une prochaine fois. La jeune femme préféra dans un premier moment boire un peu de thé avant de lui répondre. " Oui, je comprends ce que tu veux dire... Pourquoi pas ? Nous pourrions tout aussi bien partir en éclaireur à une distance raisonnable, tu sais, ce n'est jamais perdu, et ça fait du bien pour dégourdir les jambes... " lui déclara-t-elle en lui adressant un sourire, c'était grosso modo à ça que ressemblaient ses dernières sorties, il y avait peu de rôdeurs en général, bien que ce n'était jamais un gros problème, c'est plutôt qu'elle n'aimait pas rester trop longtemps dans des bâtiments qu'elle ne connaissait pas ou qui ne la rassurait pas. " Une promenade symphonique, ou quelque chose du genre... " plaisanta l'actrice alors qu'elle soufflait à nouveau sur sa tasse. " Tu te sens bien ici alors ? Lisandro ne te mène pas trop la vie dure ? Ou du moins, tu ne te laisses pas faire à ce que je vois ! " s'exclama-t-elle en lui adressant un clin d’œil.

Juliet hocha la tête devant la proposition de Sarah. Elle était rassurée, elle avait eut un léger doute concernant la manière dont seraient accueillies ses paroles. Même avec de bonnes intentions derrière, il arrivait souvent à Juliet de blesser à travers ses mots. Ils étaient pour elle, à la fois une arme redoutable et parfois un mystère incompréhensible. Tout dépendait de la situation et de la pression qu’on exerçait sur elle. Le contact humain l’effrayait quelque peu, même cette discussion des plus inoffensives. Curieusement, elle redoutait parfois les discussion avec les gens qu’elle appréciait. Il était question de ne pas perdre une connexion déjà acquise, parfois difficilement.
Elle sourit aux mots "promenade symphonique", s'imaginant les deux femmes déambuler à travers la forêt en faisant retentir leurs voix à travers l'étendue boisée. Et tout cela n'attirant strictement aucun rôdeur. L'idée était agréable. Elle s'attela à répondre à sa question.

Avec Lisandro ça va, on cohabite bien tous les deux. On arrive à trouver un équilibre et il allège toujours l'atmosphère. Je me sens progressivement à l'aise dans l'infirmerie, je crois que c'est une bonne chose, non ?


Elle posa son regard sur Sarah alors que ce dernier avait dérivé dans le vide quelques instants. Elle ne cherchait pas réellement son approbation, sa question relevant plus de la rhétorique.

En fait, j’essaye de lui montrer que je capable. Je ne suis pas confiante dans toutes mes actions mais déjà, cette attitude nous mène quelque part où il peut me faire confiance. Je crois.


Elle afficha un air songeur. Il lui semblait qu’à force de jouer ce paraître, elle le deviendrait. Feindre qu’on savait se tenir droit, jusqu'au jour où on en oubliait l’effort. A vrai dire, Juliet appréciait énormément cette idée. Elle lui permettait d’imaginer qu’avec quelques efforts, tout était possible. Et vu le peut de choses qu’elle savait faire, elle avait besoin d’être convaincue qu’elle pouvait s’améliorer.

Je reste encore jeune par rapport à vous, mais on oubli parfois que j’ai grandit avec cette époque. Je suis une adulte au même titre que vous.  
Elle laissa planer un silence le temps d'un battement de cils. Puis accompagna l'explication qui suivait de gestes et d'un air sérieux L’idée c’est de faire tenir le spectacle jusqu’à ce que le comédien se glisse dans la peau du personnage.  


Plutôt fière de sa métaphore, elle se redressa, toute droite sur le canapé et sourit de nouveau.

Et toi ? Il a bien fallu gagner leur confiance. Avec ton caractère je parie que ça n’a pas été facile au début.


La question avait émergé d’elle naturellement. Cette curiosité dévorante, elle la trainait partout avec elle pour le meilleur et pour le pire. Sarah lui faisait souvent penser à une bête fougueuse qui n'avait jamais perdu sa liberté même en se soumettant à une autorité au sein de la prison. Il lui semblait toutefois que ce caractère était adoucit par l'amour qu'elle portait aux êtres chers à ses yeux.

Bien sûr que la cohabitation entre le chilien et la lycéenne se passait de manière harmonieuse, il ne fallait d'ailleurs pas beaucoup d'efforts à la jeune femme pour l'imaginer désamorcer quelques fâcheuses situations avec humour. Elle hocha alors la tête aux propos de la jeune fille, plutôt d'accord avec le fait que son interlocutrice commençait à se sentir à l'aise dans l'infirmerie. " Bien sûr, une très bonne chose " confirma-t-elle à ses dires.

Juliet faisait assurément de son mieux pour prouver à Lisandro qu'elle était compétente. Chacun ici devait se trouver un nouveau but, aller de l'avant, toujours. Ils n'avaient pas plus le choix qu'il y a deux ans, et s'y étaient tous accomodés en fin de compte. Juliet avait ce potentiel en elle, indéniablement, et ses propos faisaient écho dans l'esprit de Sarah, qui dégustait son thé en l'écoutant. C'était une adulte, tout comme eux, en quelques sortes, parce que l'âge n'avait plus vraiment d'importance désormais, leur temps à tous était compté, irrémédiablement, mais la native de New York appréciait la présence de la jeune fille au caractère prononcé, demeurant par sa force de caractère, et la véhémence avec laquelle elle défendait ses convictions, lui donnant sans grandes difficultés les quelques années qui la séparaient du reste du groupe.

Sa métaphore la fit beaucoup rire, alors qu'elle applaudissait timidement " Et une fois que tu leur as jeté de la poudre aux yeux,  le reste se fait tout seul ! " lui assura Sarah en souriant, alors que sa cadette lui posa une question qui l'amusa beaucoup une fois entendue. " Oh, c'est vrai, tu n'étais pas là à l'époque... " elle ne put retenir quelques gloussements amusés " Je pense que c'est parce qu'il nous est arrivé tellement de choses depuis... " -sans mentionner le séjour dans la secte de cannibales...- " Sinon, c'est le genre d'histoires incontournables dont on parle souvent ! Hm... Tu n'as pas tout à fait tort, en fait, j'étais assez mal disposée pour faire face à l'hiver, cette année là, et j'ai fini par sombrer, à bout de forces... A mon réveil, quelques jours plus tard, j'étais menottée dans un de ces fameux boxes, avec tous ces étrangers autour de moi... Je te laisse imaginer le choc... Bon, j'ai très rapidement reconnu William... " elle marqua une pause, en repensant tristement à son ami, le fameux docteur Glamour, qui devait faire la pluie et le beau temps, quelque part, là-haut. " Mais j'ai pas été très coopérative... Bon Duncan n'a pas arrangé les choses non plus ! Ça ne faisait pas cinq minutes qu'on se connaissait qu'on s'étaient déjà tous les deux menacés ! " ricana-t-elle en repensant à quel point ils avaient du mal à s'accorder au début.

" Ensuite, les choses se sont fait petit à petit, on s'est alliés après s'être retrouvés dans une fâcheuse posture, mais il fallait que les tensions s'apaisent, et qu'on se fasse tous confiance... Et puis, hé bien, vous êtes arrivés. " expliqua-t-elle en la regardant, terminant sa tasse. " Tu sais, je ne regrette rien de tout ce qu'il s'est passé, seulement, ceux qui ne sont plus là... Même si, aucun des deux rôles ne soit vraiment meilleur... " songea-t-elle, un peu tristement. " Ceux qui restent ou ceux qui partent... Enfin, tu me diras, nous au moins, on a encore le temps avant de se réveiller affamé,  le teint pale et avec une mauvaise haleine... "  conclut-t-elle, de manière métaphorique, afin de dédramatiser la situation, déposant sa tasse sur la table. " Je crois que Lisandro déteint un peu sur moi... Mais il risque de te dire le contraire ! " affirma-t-elle avec humour en levant les yeux au ciel. " C'est bien que tu sois ici, tu sais. Bon, je suis pas très douée avec tous ces trucs de toubib mais, si t'as besoin un jour de changer d'air, tu sais sur qui compter. " lui confirma-t-elle avec un sourire, la fille de l'air, ce genre de rôle, elle n'aurait aucun mal à le jouer, esprit libre avant tout n'est-ce pas ?